Pniné Halakha

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Chapitre 07 – Règles des jeûnes courts

01. Statut des jeûnes à notre époque

Lorsque, après la destruction du premier Temple, les prophètes instituèrent quatre jeûnes, ils leurs donnèrent des règles semblables à celles du jeûne de Kipour ; en effet, les règlements décidés par les sages sont généralement conçus à l’exemple de ce que la Torah elle-même nous ordonne. De même que le jeûne de Kipour dure toute une journée, ainsi furent donc institués les quatre jeûnes. Et de même que, pendant le jeûne de Kipour, on s’impose cinq privations – manger et boire, se laver, s’oindre, porter des chaussures de cuir et avoir des relations conjugales –, ainsi fut-il également décidé pour les jeûnes liés à la destruction du Temple. Tel fut l’usage pendant les soixante-dix ans de l’exil de Babylone.

Lorsque ceux qui s’en revenaient de Babylonie construisirent le deuxième Temple, les quatre jeûnes furent annulés. Ces dates se transformèrent alors en jours de joie et d’allégresse, comme il est dit : « Ainsi a parlé l’Eternel, Dieu des Armées : “Le jeûne du quatrième mois (tamouz), le jeûne du cinquième (le 9 av), le jeûne du septième (le 3 tichri) et le jeûne du dixième (le 10 téveth) deviendront pour la maison de Juda allégresse, joie et jours de fête ; mais aimez la vérité et la paix” » (Za 8, 19).

Quand le deuxième Temple fut détruit, on rétablit ces mêmes jeûnes. C’est l’usage qui fut observé durant toutes les difficiles années qui suivirent la destruction du deuxième Temple, années durant lesquelles se produisirent la révolte de Bar Kokhba et la ruine de Bétar et de la Judée. Nous voyons donc que l’application de ces jeûnes dépend de la situation dans laquelle se trouve notre nation. Aux périodes de durs décrets et de persécution, on a l’obligation de jeûner à ces dates ; quand le Temple est reconstruit, les jours de jeûne deviennent des jours de joie et d’exultation.

Dans une situation intermédiaire, quand d’un côté le Temple reste détruit, mais que, de l’autre, il n’y a pas de mauvais décrets pesant sur nous, comme ce fut le cas à l’époque de Rabbi Yehouda Hanassi, il dépend de la volonté du peuple juif de maintenir ces jeûnes : « S’ils le veulent, ils jeûnent ; s’ils veulent s’en dispenser, ils ne jeûnent pas[a]. » Tel est donc le statut du 10 téveth, du 17 tamouz et du jeûne de Guédalia. Mais le 9 av, comme le malheur y fut double, puisque les deux Temples furent détruits ce jour-là, on a l’obligation de jeûner, même dans une telle situation intermédiaire ; cela ne dépend pas de la volonté (Roch Hachana 18b).

En pratique, le peuple juif a pris coutume, même dans une situation intermédiaire, d’observer tous les jeûnes. Par conséquent, c’est une obligation pour chaque Juif que de jeûner à ces dates. Telle est la règle, jusqu’à ce que le Temple soit reconstruit, bientôt et de nos jours. Alors, ces jours de jeûne se transformeront en jours de joie et d’allégresse[1].


[a]. Le critère est ici la volonté collective, celle du peuple juif, et non la volonté de chaque individu.

[1]. Voici dans quels termes s’exprime la Guémara, au traité Roch Hachana 18b : « Rav Papa a dit : “C’est ainsi qu’il faut l’entendre : en temps de paix, ces jours seront voués à la joie et à l’allégresse ; quand de mauvais décrets sont pris contre Israël par les puissances étrangères, on jeûne ; quand il n’y a ni mauvais décrets ni paix, si les Juifs le veulent ils jeûnent, et s’ils veulent s’en dispenser, ils ne jeûnent pas.” Si c’est ainsi, il devrait en aller de même pour le 9 av ! Rav Papa répond : “Le 9 av est différent, parce que les malheurs y furent redoublés, comme l’enseigna le maître : Le 9 av, le Temple fut détruit une première fois, puis une deuxième, puis Bétar fut prise, et Jérusalem livrée au labour.” »

Le zman chalom (temps de paix), durant lequel les jeûnes rabbiniques sont annulés, se définit selon Rachi comme un temps où les nations ne dominent pas Israël. D’après cela, il se pourrait que, de nos jours, en Israël, on fût quitte de ces jeûnes. Mais selon la majorité des Richonim, parmi lesquels Na’hmanide et le Tour, le zman chalom est une époque où le Temple est érigé. Par conséquent, même après la fondation de l’Etat d’Israël, nous nous trouvons dans une période médiane, durant laquelle la coutume du peuple juif oblige à jeûner.

Les Richonim sont également partagés quant à la caractérisation de la période durant laquelle on doit réglementairement jeûner. Selon Na’hmanide, l’obligation vaut quand de durs décrets ont été pris contre le peuple juif. Selon Rachi, le Tour et le Tachbets, c’est quand il y a des décrets spécifiquement de persécution religieuse, c’est-à-dire des décrets portant atteinte à l’application de la Torah. Cette controverse est liée à la formulation de la Guémara Roch Hachana 18b. (Nous écrivons simplement, dans le corps de texte, que les jeûnes sont de nouveau en vigueur depuis la destruction du deuxième Temple. Mais le ‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 157, écrit qu’on avait déjà repris l’usage de jeûner avant la destruction, à partir du moment où le Sanhédrin fut exilé, ainsi que le prouve le Josippon. Nous voyons donc que, malgré l’existence du Temple, c’est l’état des décrets intéressant Israël qui détermine l’obligation de jeûner. Peut-être cet élément conforte-t-il l’opinion de Rachi.)

02. Statut des jeûnes courts

Comme nous l’avons vu, à notre époque, où nous ne souffrons pas de mauvais décrets ni de persécution, mais où le Temple est encore détruit, le statut des jeûnes courts dépend de la volonté du peuple juif. Et de même que le jeûne, en tant que tel, dépend de la volonté du peuple, les règles qui s’y appliquent dépendent, elles aussi, de cette volonté. Quand le peuple prit sur lui de jeûner également durant les périodes intermédiaires, il ne prit pas sur lui les rigueurs propres au jour de Kipour. Là réside la différence essentielle entre les trois jeûnes courts (hatsomot haqalim, littéralement « jeûnes légers ») et le 9 av. Le 9 av, en raison des malheurs redoublés qui s’y sont abattus, c’est une obligation que de jeûner, même dans une période intermédiaire. Et le statut de cette journée reste conforme à ce qu’il était à l’origine : le jeûne se poursuit une journée entière (du soir au soir), et les règles de mortification comprennent, outre le jeûne, l’interdit de se laver, de s’oindre, de porter des chaussures de cuir et d’avoir des relations conjugales, à l’exemple des règles applicables lors du jeûne de Kipour.

En revanche, le statut des autres jeûnes institués à la suite de la destruction du Temple est plus léger : on jeûne pendant le jour seulement, et les seuls interdits sont ceux de manger et de boire ; il n’est pas besoin de s’abstenir de se laver, de s’oindre, de porter des chaussures de cuir ni d’avoir des relations conjugales.

Autre différence : le 9 av, les femmes enceintes et celles qui allaitent ont l’obligation de jeûner. Seules les malades sont dispensées. En revanche, pour les trois jeûnes courts, les femmes enceintes ou qui allaitent sont elles aussi dispensées du jeûne, même si elles ne sont pas malades, car dès l’époque où le peuple juif prit sur lui de jeûner à ces dates, on fut indulgent à l’égard des femmes enceintes ou qui allaitaient, en les en dispensant (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 550 1-2)[2].

Il est bon d’être rigoureux sur un point : s’abstenir de se laver à l’eau chaude, les jours de jeûne ; mais pour les nécessités de la propreté, il est permis de se laver à l’eau tiède. De même, il est juste de ne pas se faire couper les cheveux, de ne pas écouter de musique joyeuse ni de procéder à des achats réjouissants, un jour de jeûne, de même qu’on s’abstient de cela durant les neuf premiers jours du mois d’av, en raison du deuil du Temple[3].


[2]. Faut-il, en pratique, en temps de durs décrets, observer autant de rigueurs dans tous les jeûnes qu’à l’égard du 9 av ? De prime abord, suivant la Guémara Roch Hachana 18b (citée ci-dessus), en temps de durs décrets tels que les croisades, l’expulsion des Juifs d’Espagne, les pogromes commis par les Cosaques ou la Choah, il faudrait en effet observer les mêmes rigueurs à l’égard des trois jeûnes courts qu’à l’égard du 9 av. Mais nous ne trouvons pas de Richonim qui aient tranché la halakha en ce sens. Même Na’hmanide qui, dans Torat Haadam (éd. Mossad Harav Kook p. 243), écrit que les Juifs ont voulu jeûner, en ont adopté la coutume et ont pris cela sur eux, ajoute : « À plus forte raison en ces générations, où, en raison de nos fautes, les malheurs se sont accrus à l’endroit du peuple juif, et où il n’est pas de paix, tous ont l’obligation de jeûner » ; or Na’hmanide n’écrit pas pour autant qu’il faut jeûner une journée pleine (du soir au soir). Au contraire, il termine son propos en ces termes : « Regarde ce que le peuple a l’usage de faire », ce qui laisse entendre que, selon lui, on observe les usages des jeûnes courts.

C’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 550, 2. La raison en est peut-être que, après que furent annulés les durs décrets qui suivirent la destruction du deuxième Temple, l’obligation de jeûner à ces trois dates se vit annulée, dépendant désormais de la volonté du peuple. Or celui-ci ne prit sur lui que de jeûner de jour. Et puisque tel est le degré d’obligation auquel le peuple voulut se soumettre, la directive première fut entièrement annulée, de sorte que, même s’il devait se produire d’autres décrets pénibles – à Dieu ne plaise –, les Juifs ne jeûneraient que de jour. Dans le même ordre d’idées, le Gaon de Vilna, dans son commentaire, écrit que Rabbi Yehouda Hanassi retira ces rigueurs desdits jeûnes, car il avait constaté que, à son époque, les malheurs avaient cessé de fondre sur Israël.

Toutefois, d’autres pensent que, dans toute génération, en cas de durs décrets ou de persécutions religieuses, on doit jeûner une journée entière. Il ressort en effet de la lecture simple de la Guémara, telle que l’expliquent Na’hmanide et d’autres décisionnaires, que l’obligation de jeûner revient à son état premier dès lors que de durs décrets frappent Israël, et que les trois jeûnes ont alors même statut que celui du 9 av. Telle est l’opinion du Tachbets II 271 ; toutefois, l’auteur ajoute que, si la persécution ne touche qu’une partie du peuple juif, seule cette partie doit jeûner une journée entière ; et il se peut que cette partie du peuple soit elle-même empêchée de jeûner, précisément par l’effet de la persécution.

Selon le Chné Lou’hot Habrit (Ta’anit, Ner mitsva 6), il eût été souhaitable d’être rigoureux pour chacun de ces trois jeûnes, à l’instar du 9 av, mais nous avons pour principe que l’on n’impose au peuple,  en fait de normes, que ce qu’il est capable d’appliquer (‘Avoda Zara 36a). Aussi nos décisionnaires n’ont été rigoureux qu’à l’égard du 9 av. L’auteur cite le Séfer Hapardes (attribué à Rachi), selon lequel, quand un particulier s’en sent capable, il est bon qu’il jeûne une journée complète, à chacune de ces dates. En conclusion, il estime qu’il est bon d’être rigoureux, spécialement quant au fait de jeûner, mais qu’il n’est pas nécessaire d’étendre la rigueur aux autres mortifications. Et si l’on est rigoureux, qu’on le soit discrètement, afin de ne point paraître prétentieux.

Le Maguen Avraham et de nombreux autres A’haronim mentionnent l’avis du Chné Lou’hot Habrit. À ce qu’il semble, ces auteurs comprennent la question de la manière suivante : puisque, à l’époque, il y avait de durs décrets, il conviendrait d’être rigoureux à l’égard des trois jeûnes ; simplement, le peuple n’a pas adopté cette coutume ; aussi, pour les particuliers qui en sont capables, il est bon d’être rigoureux. Et si l’auteur est indulgent à l’égard des autres mortifications, c’est que le statut de celles-ci est plus léger : même à Kipour, de l’avis de nombreux décisionnaires, ces obligations ne sont pas toraniques. Selon le Maguen Avraham et le Michna Beroura 550, 6, ce n’est qu’à l’égard du port de chaussures de cuir que l’on ne sera pas rigoureux, car cela pourrait sembler risible ; en revanche, il ressort de ces propos qu’il serait bon d’être rigoureux quant au fait de se laver, de s’oindre, etc.

Il nous semble, comme nous le disions, que l’opinion de ces auteurs tient compte du fait que, à leur époque, de nombreux mauvais décrets pesaient sur Israël. C’est l’opinion du Cha’ar Hatsioun 9. (Cf. Hilkhot Bein Hametsarim du Rav Karp, 1, 8, qui examine les propos du Gaon de Vilna, mais qui, à notre humble avis, prête au Chné Lou’hot Habrit et à d’autres A’haronim une intention plus extensive qu’elle ne l’est réellement, puisque, d’après lui, ces auteurs sont également rigoureux dans les situations intermédiaires, alors que, à ce qu’il semble, ils n’ont été rigoureux qu’en raison des mauvais décrets. Cf. encore Pisqé Techouvot 550, 6-7, note 22).

Quoi qu’il en soit, à notre époque, après que l’Etat d’Israël a été fondé, avec l’aide de Dieu, il semble qu’il n’y ait plus du tout lieu d’être rigoureux. En effet, ce n’est qu’en temps de durs décrets, selon Na’hmanide, ou de persécutions selon le Tachbets et le Tour, qu’il est obligatoire de jeûner, et que la chose ne dépend plus de la volonté du peuple. Mais quand on ne déplore pas de mauvais décrets ni de persécutions, tout le monde reconnaît qu’il n’y a pas d’obligation de jeûner à l’instar du 9 av. Et même si l’on pense que, selon le Chné Lou’hot Habrit, le peuple eût pris sur lui de jeûner une journée complète s’il en avait eu la force, y compris dans les situations intermédiaires où la règle dépend de la volonté du peuple – de sorte qu’il est bon que les particuliers qui le peuvent jeûnent toute une journée –, cette rigueur n’a plus lieu d’être de nous jours. Car de nos jours, en Israël, nous ne sommes même plus assujettis à la domination des nations. En effet, selon Rachi, quand il n’y a pas de domination des nations, les jeûnes sont entièrement annulés. Et s’il est vrai que la majorité des Richonim ne partagent pas cet avis (cf. note 1 ci-dessus), il est impossible de transformer en jeûne obligatoire, avec toutes ses rigueurs, un temps caractérisé, selon les critères de Rachi, par la joie et l’allégresse. Aussi, contrairement à l’avis du Torat Hamo’adim 1, 4 et du Rav Karp 1, 3, il n’y a pas lieu d’être rigoureux lors de ces trois jeûnes, en jeûnant une journée complète, ni en observant les autres rigueurs propres au 9 av.

[3]. Le Choul’han ‘Aroukh 550, 2 décide que, les jours de jeûne courts, il est permis de se laver ; c’est aussi l’opinion de la majorité des décisionnaires, et telle est la halakha. Tossephot sur le traité Ta’anit 13a ד »ה וכל rapporte au nom du Raavia qu’il est permis de se laver à l’eau chaude, ces jours-là, tandis que Rabbi Yoël, père du Raavia, interdit de se laver à l’eau chaude. Plusieurs autres A’haronim mentionnent cette rigueur. Le Torat Hamo’adim 1, 6 mentionne les sources.

On peut avancer deux explications quant au fait de s’abstenir de se laver. a) Quand les ouvrages des décisionnaires ont mentionné cette abstention, c’était en temps de durs décrets ; dans ces conditions, cette rigueur n’a plus lieu d’être à notre époque, comme indiqué à la note précédente. b) Les usages applicables à ces trois dates ne devraient pas être plus légers que ceux des neuf premiers jours d’av, où il est de coutume de ne pas se laver, en raison du deuil du Temple. Ce motif est mentionné par le Béour Halakha 551, 2 ד »ה ר »ח et le Cha’ar Hatsioun 550, 8 au nom du Elya Rabba, du ‘Atéret Zeqenim et du Peri Mégadim. Pour ceux qui sont rigoureux à cet égard, il sera juste de respecter tous les usages des neuf premiers jours d’av, en s’abstenant d’écouter de la musique joyeuse et de se faire couper les cheveux ; a priori, quand c’est possible, on s’abstiendra de dire la bénédiction Chéhé’héyanou (cf. ci-après, chap. 8 § 7 et Kaf Ha’haïm 551, 209). Il n’est pas d’usage, en revanche, de s’abstenir de laver du linge (peut-être parce que cet usage de deuil s’inscrit dans la durée, et n’a pas de signification s’il se limite à un seul jour). Il convient de s’abstenir d’activités très joyeuses, telles que les danses, même le soir précédant le jeûne.

S’agissant des mariages, on trouve différentes opinions. En effet, dans la mesure où il s’agit d’une mitsva, il est possible que cela soit permis le soir précédant le jeûne. (Cf. encore Pisqé Techouvot 550, 7 et Miqraé Qodech du Rav Harari 3, 9-10 et notes). Mais le soir du 17 tamouz, il y a lieu d’être rigoureux, en raison des trois semaines, car se marier alors ne serait pas bon signe (cf. ci-après chap. 8, note 1 et Pisqé Techouvot 551, 7).

Certains décisionnaires sont rigoureux à l’égard de ces jeûnes, interdisant même de se laver à l’eau froide. Mais en pratique, il semble que même les personnes rigoureuses peuvent être indulgentes à cet égard, et se laver à l’eau tiède. En effet, même durant les neuf jours, on peut être indulgent en cela, comme nous l’expliquerons au chap. 8 § 19. En l’honneur du Chabbat, c’est une mitsva que de se laver à l’eau chaude à l’approche du Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 260, 1) ; par conséquent, si le jeûne a lieu le vendredi, on se lavera néanmoins à l’eau chaude.

03. Commencement et fin des jeûnes courts

Les jeûnes courts s’étendent de l’aube (‘alot hacha’har) à la tombée de la nuit (tset hakokhavim). L’aube est le moment où la première lueur du jour commence à poindre à l’orient ; la tombée de la nuit est le moment à partir duquel on peut voir trois étoiles de taille moyenne dans le ciel.

Il existe différentes opinions quant au moment précis où paraît l’aube : selon certains, l’aube est le moment où l’on peut apercevoir la première lueur à l’est (quand le soleil se trouve à 17,5 degrés au-dessous de l’horizon) ; selon d’autres, c’est un peu après, au moment où luit le soleil (quand celui-ci est à 16,1 degrés au-dessous de l’horizon).

Quant au moment précis de la tombée de la nuit, on peut aussi distinguer deux opinions principales : le moment où les connaisseurs et ceux dont la vue est perçante voient trois étoiles (quand le soleil se trouve à 4,8 degrés sous l’horizon), ou lorsque des gens ordinaires peuvent voir trois étoiles (le soleil est alors à 6,2 degrés sous l’horizon).

En cette matière, une erreur est fréquente, qui voudrait qu’il y eût une durée toujours égale entre l’aube et le premier rayon du soleil, d’une part, et entre le coucher du soleil et la tombée de la nuit d’autre part. Ce n’est pas exact. Cette durée dépend de la saison et du lieu. Aussi faut-il s’aider, pour déterminer ces temps, de calendriers précis[4].

Si l’on s’en tient à la stricte règle, la halakha est conforme à l’opinion indulgente, puisque ces jeûnes sont d’institution rabbinique. Mais il est préférable d’être rigoureux : puisque l’on jeûne toute la journée, il vaut mieux ajouter quelques minutes afin d’être quitte selon toutes les opinions.

Lorsque le 10 téveth tombe un vendredi, on doit jeûner jusqu’à la tombée de la nuit, bien que le Chabbat ait déjà commencé (Choul’han ‘Aroukh 249, 4).

Si, un jour de jeûne, on prend l’avion d’Amérique vers Israël, le jeûne s’en trouvera raccourci. En effet, on aura voyagé dans le sens contraire à la course du soleil, et pour chaque heure de voyage, le jeûne se trouvera raccourci de plus d’une demi-heure. En revanche, si l’on voyage en avion d’Israël vers l’Amérique, le jeûne sera rallongé, puisque le voyage s’effectuera dans le sens de la course du soleil : pour chaque heure de vol, on ajoutera plus d’une demi-heure de jeûne. La règle est que le jeûne s’étend de l’aube à la tombée de la nuit, en tenant compte du lieu où l’on se trouve à ces moments (cf. Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 96).


[4]. S’agissant de l’aube, cf. La Prière d’Israël 11, notes 1 et 10. Pour la tombée de la nuit, ibid. 25, 5, note 3. Pour donner quelques vues sur la question : à 16,1°, la différence entre l’aube et le lever du soleil, en terre d’Israël, le jour du jeûne de Guédalia, est d’environ 73 minutes ; le 17 tamouz, elle est d’environ 86 minutes. Si l’on situe l’aube à 17,5°, la différence sera d’environ 80 minutes au jeûne de Guédalia, et d’environ 94 minutes le 17 tamouz. Ce n’est là qu’une approximation, car la date hébraïque est variable, par rapport à l’année solaire, et cette différence peut conduire à des variations pouvant aller jusqu’à deux minutes, selon les années. Dans la plaine côtière, en raison des collines, l’apparition du soleil est retardée, et le laps de temps séparant l’aube du lever du soleil s’accroît d’environ cinq minutes.

La durée séparant le coucher du soleil et la tombée de la nuit varie, elle aussi, selon les saisons, mais la variation est plus petite. Il existe aussi une différence significative selon qu’on mesure cette durée dans une zone montagneuse ou dans la plaine côtière. Selon l’estimation la plus avancée (4,8°), à Jérusalem, cette durée peut se réduire à 14 minutes le jour du jeûne de Guédalia ; suivant l’estimation la plus tardive (6,2°), le 17 tamouz dans la plaine, on peut arriver à 29,5 minutes. Par conséquent, on doit s’aider d’un calendrier précis. Dans les notes de La Prière d’Israël signalées ci-dessus, la question est exposée plus largement.

04. Peut-on boire et manger si l’on se lève avant l’aube ?

Bien que le jeûne débute à l’aube, il arrive que l’interdit de manger s’applique dès la nuit qui précède. En effet, si l’on avait l’intention de ne plus manger jusqu’à l’heure d’entrée du jeûne, c’est comme si l’on avait pris sur soi de jeûner dès ce moment, et il devient donc interdit de manger. Par conséquent, si l’on est allé dormir, la nuit précédant le jeûne, et que l’on se lève avant l’aube, il sera interdit de manger, car on a déjà détaché son esprit de la nourriture, dès le moment du coucher. En revanche, si, avant d’aller dormir, on a formé en son for intérieur l’intention de manger dans le cas où l’on se lèverait avant l’aube, on sera autorisé à manger quand on se lèvera avant l’aube, puisque l’on n’aura pas pris sur soi de jeûner dès le moment du coucher.

Ce que nous venons de dire se rapporte au fait de manger ; mais s’agissant de boire, les décisionnaires sont partagés. Selon le Rama, puisque de nombreuses personnes ont l’usage de boire de l’eau après s’être réveillés, et quoique l’on n’ait pas émis expressément cette intention, on sera comparable à celui qui a formé l’intention de boire dans le cas où il se lèverait avant l’aube. Selon le Choul’han ‘Aroukh, il n’y a pas de différence entre manger et boire, et si l’on n’a pas formé, en son for intérieur, l’intention de boire de l’eau si l’on se lève avant l’aube, il sera interdit de boire après son réveil (Choul’han ‘Aroukh 564, 1). En pratique, si l’on veut boire de l’eau après son réveil, avant que ne commence le jeûne, on formera cette intention préalablement, en son for intérieur. Mais a posteriori, si l’on se réveille avant l’aube et que l’on ait soif, on sera autorisé à boire, bien que l’on n’ait pas formé préalablement cette intention (cf. Michna Beroura 564, 6, Kaf Ha’haïm 10)[5].


[5]. La question est traitée en Ta’anit 12a. La raison de l’interdit réside dans le fait d’avoir détourné son esprit de l’idée de manger. Or puisque, dans son fondement, le jeûne fut conçu pour débuter dès la nuit – comme nous l’avons expliqué au § 1 –, celui qui détourne son esprit de l’idée de manger est comparable à celui qui aurait pris sur lui le jeûne (cf. Ran 4, 1 ד »ה ירושלמי, qui expose un système comparable en une autre matière : le fait de dire, le soir, ‘Anénou, prière spécifique aux jeûnes, même quand le jeûne ne se fait que de jour). Former l’intention de manger avant l’aube est chose efficace, comme l’explique le Talmud de Jérusalem 1, 4. Cf. Torat Hamo’adim 1, 5, qui résume le sujet.

Quant au fait de boire de l’eau : puisque la controverse est rabbinique, la halakha est conforme à l’opinion indulgente. Il semble, de plus, que le Rif lui-même partage l’avis du Roch, qui est indulgent. C’est ce qu’écrit le Touré Zahav 2. Toutefois, a priori, il convient de former préalablement cette intention expresse, comme l’écrivent le Maguen Avraham 564, 2 et le Michna Beroura 6. Et si l’on désire boire, alors que l’on n’en a pas formé l’intention, le Kaf Ha’haïm 10 rapporte les opinions d’A’haronim selon lesquels on sera autorisé à boire.

Rappelons en passant que, du point de vue de la prière de Cha’harit, il est permis, chaque jour, de manger avant l’aube ; s’il s’agit d’un véritable repas, on pourra le commencer jusqu’à la demi-heure précédant l’aube.

Les kabbalistes ont coutume de ne point manger avant la prière, dès lors que l’on a dormi, la nuit, d’un sommeil dit « régulier » [cheinat qéva’, mesure minimale d’environ une demi-heure] (Kaf Ha’haïm 7) ; en revanche, pour boire, on a coutume d’être indulgent.

05. Se rincer la bouche

A priori, on ne se rincera pas la bouche les jours de jeûne, même courts, car il est à craindre que, tout en se rinçant la bouche, on avale des gouttes d’eau. Mais si l’on sait que l’on a mauvaise haleine, on sera autorisé à se rincer la bouche, car l’intention n’est pas ici de boire, mais seulement de se nettoyer la bouche. On prendra alors grand soin de ne pas avaler de gouttes. De même, il sera permis à celui qui souffre de son haleine d’utiliser un dentifrice, afin de bien nettoyer sa bouche et d’en ôter la mauvaise odeur.

Le 9 av, jour de jeûne plus sévère, où même se laver est interdit, il faut être plus rigoureux. Par conséquent, si la chose n’est pas très nécessaire, on ne se rincera pas la bouche ; seul celui qui souffrirait beaucoup de ne point se rincer la bouche pourra le faire, même le 9 av, et se brosser les dents, mais sans dentifrice. En revanche, à Kipour, jeûne d’institution toranique, il n’y a pas lieu d’être indulgent à cet égard[6].


[6]. Le Choul’han ‘Aroukh 567, 3 dit, il est vrai, que l’on ne se rince pas la bouche un jour de jeûne ; mais de nombreux A’haronim, parmi lesquels le Michna Beroura 567, 11, expliquent qu’en cas de souffrance cela devient permis. Même le 9 av, c’est permis en cas de grande souffrance. De nos jours, nous sommes plus douillets, et la majorité des gens souffrent s’ils ne se rincent pas la bouche ; à ceux que cela fait souffrir, la chose est permise (cf. ci-après, chap. 8 § 21, note 19).

S’agissant d’utiliser une pâte dentifrice, cf. Berakhot 14a : « Celui qui se trouve en train de jeûner peut goûter à un aliment, et il n’y a là aucun interdit. » Pour la plupart des Richonim, il est question ici du fait de goûter d’un plat sans avaler la bouchée, afin de savoir le goût de ce plat. Par contre, avaler est interdit. Les commentateurs sont partagés sur le jeûne dont il est question. Selon le Roch, cette parole vise tout jeûne public (en dehors du 9 av [et de Kipour]), et c’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 567, 1. Mais selon Tossephot, c’est seulement pour le jeûne d’un particulier que nos sages permettent le fait de goûter, et non pour un jeûne public. Le Rama écrit que l’usage est d’être rigoureux, et de ne rien goûter les jours de jeûne. Toutefois, pour les besoins d’un repas donné à l’occasion d’une mitsva (sé’oudat mitsva), le Michna Beroura 567, 6 est d’avis que l’on peut être indulgent. À plus forte raison, celui qui souffre de ne pas se laver les dents avec du dentifrice pourra être indulgent. Peut-être le Rama le reconnaîtrait-il, car ici l’intention n’est pas de goûter, mais de se nettoyer la bouche.

Le 9 av requiert plus de rigueur, puisqu’il y est également interdit de se laver, ce qui inclut le fait de se laver la bouche. Mais si l’on souffre beaucoup, même se laver devient permis ; toutefois, on n’utilisera pas de dentifrice, car le Roch lui-même, qui est indulgent quant au fait de goûter d’un plat un jour de jeûne public, interdit cela le 9 av. Quand il y a une grande nécessité à utiliser du dentifrice, afin d’ôter la mauvaise odeur de sa bouche, il est permis d’utiliser du dentifrice le 9 av. En revanche, à Kipour, où l’interdit est toranique, la règle est plus rigoureuse, et même la quantité la plus infime du produit proscrit est interdite toraniquement. Cf. encore Torat Hamo’adim 1, 10-11, Miqraé Qodech du Rav Harari 3, 5 et Pisqé Techouvot 567, 1.

06. Si l’on a oublié que c’était jour de jeûne

Si l’on a oublié que c’était jour de jeûne, et que l’on ait mangé, on devra reprendre le jeûne dès qu’on s’en aperçoit. En effet, ces jours ont été désignés par nos sages pour y jeûner en souvenir des malheurs qui, à ces dates, ont frappé notre peuple. Même si l’on a mangé ou bu une quantité suffisante pour qu’il soit considéré qu’on a rompu le jeûne, et que, en conséquence, on ne puisse plus réciter le passage propre aux jeûnes – ‘Anénou – dans la ‘Amida (comme nous le verrons au § 10), l’interdit de manger et de boire ne continue pas moins de s’appliquer ; et le fait d’avoir commis une faute n’autorise pas à commettre des fautes supplémentaires (Choul’han ‘Aroukh 567, 1). Il n’est pas nécessaire, en revanche, de jeûner un autre jour en compensation du jeûne rompu, car l’obligation du jeûne nous incombe précisément les jours désignés par nos sages pour y jeûner. Certaines personnes, il est vrai, ont l’usage, en un tel cas, de prendre sur elles d’observer un jeûne supplémentaire, afin d’expier le fait d’avoir mangé pendant un jour de jeûne ; mais ce n’est pas une obligation (Michna Beroura 568, 8). Il est préférable d’expier cette faute en ajoutant à la mitsva de bienfaisance (tsédaqa) et à son étude de Torah.

Si, oubliant que c’était jour de jeûne, on a prononcé la bénédiction Chéhakol nihya bidvaro sur un verre d’eau, puis que l’on se soit souvenu soudain du jeûne, les décisionnaires sont partagés sur la conduite à tenir. Selon certains, l’interdit de prononcer une bénédiction vaine est de rang toranique, tandis que l’interdit de boire, les jours de jeûne (autres que Kipour), est de rang rabbinique. Aussi est-il préférable de boire un peu de cette eau : de cette façon, on se préservera de l’interdit d’une bénédiction vaine. D’autres estiment que, puisque la majorité des Richonim considèrent la bénédiction vaine comme un interdit rabbinique, il est préférable de ne pas boire du tout. De plus, on ne saurait réparer une faute par le biais d’une autre faute. C’est, à ce qu’il semble, la conduite à tenir[7].


[7]. Certains auteurs, il est vrai, écrivent qu’il est préférable de boire quelque peu, afin que la bénédiction prononcée ne soit pas vaine (Birkat Habaït 19, 15, Rav Ovadia Yossef). L’argument invoqué est que, en pratique, le Choul’han ‘Aroukh 215, 4 décide que l’interdit de réciter une bénédiction en vain est de rang toranique, tandis que l’interdit lié au jeûne est rabbinique. Mais la majorité des Richonim estiment qu’une bénédiction vaine est un interdit de rang rabbinique. De plus, les jeûnes sont, dans leur fondement, d’institution prophétique, et, selon certains, les normes de rang prophétique sont comparables aux mitsvot toraniques. En outre, les jeûnes ont peut-être un côté toranique, en ce qu’ils sont comparables à un vœu (néder). Enfin, il vaut mieux fauter par une abstention prudente (chev vé-al ta’assé) que par une action concrète (qoum ‘assé). C’est en ce sens que tranchent le Da’at Torah 568, 1 et le Cha’aré Techouva 1. Dans le même sens, le Michna Beroura 566, 5 décide que, si l’on a prononcé une bénédiction sur un aliment mouqtsé, un jour de fête (Yom tov), on ne le mangera pas.

07. Les malades sont dispensés de jeûner

Lorsque les prophètes instituèrent les jeûnes, ils les destinèrent aux personnes en bonne santé. Ils n’ont en revanche pas décrété que les malades devraient jeûner aussi. En cela, le statut de Kipour diffère de celui des autres jeûnes. En effet, à Kipour, les malades doivent eux aussi jeûner, car ce jeûne est une mitsva de la Torah ; seuls les malades dont le jeûne risque de mettre en danger la vie sont dispensés du jeûne de Kipour, car la protection de la vie a priorité sur les mitsvot de la Torah. Mais quant aux autres jeûnes, que les sages instituèrent, tout malade en est dispensé, même si son état ne présente pas de danger.

Généralement parlant, quiconque est placé, en raison de ses douleurs ou de sa faiblesse, dans l’impossibilité de se livrer à ses occupations routinières, et se trouve contraint de s’aliter, est considéré comme malade. Par exemple, ceux qui ont la grippe, ou une angine, ou ceux qui ont une forte fièvre, sont dispensés du jeûne.

Il est vrai que presque tout le monde souffre, au cours d’un jeûne, de mal de tête ou de faiblesse ; pour beaucoup, il est plus facile, les jours de jeûne, de s’allonger sur leur lit que de poursuivre leurs activités. Parfois, les sensations du jeûneur sont plus dures que celles d’une personne atteinte de la grippe. Cependant, cette sensation n’est pas considérée comme une maladie, mais comme la sensation normalement associée au jeûne, qui disparaît quelques heures après sa fin. Aussi, seul un malade contraint de s’aliter en raison de sa maladie est dispensé de jeûner, tandis que celui qui souffre du jeûne en tant que tel, même si la faiblesse qu’il éprouve en raison de ce jeûne l’amène à préférer se coucher, n’est pas dispensé de jeûner. C’est seulement dans le cas où le jeûne a engendré un état de faiblesse telle que l’on n’appartient plus à la catégorie de jeûneur indisposé, et que l’on a commencé d’être véritablement malade, que l’on sera dispensé.

De même, quiconque sait que, s’il jeûne, il risque de tomber malade, est dispensé de jeûner. Par exemple, celui qui souffre d’ulcère actif ou de fortes migraines est dispensé du jeûne, car celui-ci risque de réveiller sa maladie.

Dans le même sens, un homme faible qui sait que le jeûne, très probablement, le rendra malade, est dispensé de jeûner. Même un malade du diabète, qui doit se traiter à l’insuline, est dispensé du jeûne ; dans certains cas, les diabétiques sont même dispensés de jeûner à Kipour. Ceux qui souffrent de calculs rénaux, et qui doivent pour cette raison boire beaucoup d’eau, sont dispensés du jeûne. Si l’on souffre de tension artérielle, on n’est pas considéré comme malade, et l’on peut jeûner, à moins d’avoir reçu une instruction médicale contraire. En tout cas de doute, il faut interroger un médecin craignant Dieu[8].

Si l’on est dispensé de jeûne en raison d’une maladie, on pourra a priori prendre, dès le matin, un repas complet et boire à suffisance, mais il convient de ne pas se délecter au moyen d’aliments superflus. Quand on mangera, il ne sera pas nécessaire de s’efforcer de consommer, chaque fois, de petites quantités, espacées l’une de l’autre de quelques minutes (akhila lé-chi’ourim), comme l’enseignent nos sages au sujet de Kipour. En effet, c’est seulement à Kipour, jeûne d’institution toranique, que les sages sont rigoureux, et exigent des malades eux-mêmes de jeûner – sauf ceux dont l’état est dangereux. Pour ces derniers, quand cela leur est possible, il faut manger, à chaque prise alimentaire, une quantité inférieure à la mesure à partir de laquelle la consommation est considérée comme rassasiante – cela, afin qu’il ne soit pas considéré qu’il y a eu rupture du jeûne. En revanche, pour un jeûne d’institution rabbinique, les malades ne sont pas assujettis à la mitsva de jeûner ; aussi n’est-il pas du tout nécessaire de manger par quantités inférieures à la mesure rassasiante (pa’hot mikechi’our)[9].

Il faut encore signaler que les malades qui doivent prendre des médicaments de façon fixe, par exemple ceux qui ont commencé un traitement antibiotique, ou les malades chroniques, doivent poursuivre leur traitement, même les jours de jeûne. Si on le peut, on avalera alors le médicament sans eau. Signalons également que, pour presque tous les médicaments, y compris les antibiotiques, aucun dommage n’est à craindre si on les avale sans eau, le jour du jeûne. Si l’on n’arrive pas à avaler le médicament sans eau, on ajoutera à l’eau un ingrédient au goût amer, de façon que l’eau ne soit pas, en temps ordinaire, propre à la consommation ; puis on avalera le comprimé à l’aide de cette eau amère.


[8]. S’agissant des cas de maladie, nous avons reçu l’aide du rabbin et professeur Avraham Steinberg, auteur de l’Encyclodia Hilkhatit Réfouit (Encyclopédie de halakha médicale). Selon certains décisionnaires, il faut distinguer le 9 av des jeûnes courts : le 9 av, seul le malade, ou celui qui risque d’être malade en raison du jeûne, est dispensé de jeûner, tandis que, pour les autres jeûnes, même celui qui souffre beaucoup, de façon significativement supérieure aux autres personnes, est dispensé. Cette notion, nous l’apprenons de la règle applicable aux femmes enceintes et aux femmes qui allaitent : celles-ci ne sont pas considérées comme malades, et sont tenues de jeûner le 9 av, mais sont dispensées des jeûnes courts. Le ‘Aroukh Hachoul’han 550, 1 écrit ainsi que celui dont le corps est faible ne sera point rigoureux envers lui-même, et ne s’astreindra pas à observer les jeûnes court ; en revanche, il jeûnera le 9 av. Le Kaf Ha’haïm 550, 6 et 554, 31 s’exprime dans le même sens.

Mais nombre d’auteurs n’établissent pas une telle distinction. On peut expliquer que, de leur point de vue, seules les femmes enceintes ou qui allaitent sont dispensées des jeûnes courts, car il y a là une nécessité pour le fœtus ou pour le nourrisson ; tandis que celui qui souffre sans être pour autant malade garde la même obligation. Quoi qu’il en soit, il semble que, dans les cas intermédiaires, on pourra être plus facilement indulgent à l’égard des jeûnes courts qu’à l’égard du 9 av.

[9]. La quantité inférieure à la mesure rassasiante (pa’hot mikechi’our) est, pour la boisson, une quantité inférieure à melo lougmav (majorité du liquide que peut contenir la bouche), et, pour la nourriture, une quantité inférieure à la mesure d’une date sèche, ce toutes les neuf minutes. Cf. ci-après, chap. 10, note 2, où il est dit que certains décisionnaires sont rigoureux, principalement à l’égard du 9 av. Mais la majorité des décisionnaires partagent le point de vue des auteurs indulgents.

08. Femmes enceintes et femmes qui allaitent, le 9 av et les jours de jeûne court

Le 9 av, les femmes enceintes et les femmes qui allaitent doivent, elles aussi, jeûner. En effet, seuls les malades sont dispensés du jeûne ce jour-là, tandis que les femmes enceintes ou qui allaitent, tant qu’elles n’ont pas de faiblesse particulière, sont considérées comme bien-portantes. En revanche, les femmes enceintes ou qui allaitent sont dispensées des jeûnes courts. La raison en est que, fondamentalement, les prophètes ont ordonné d’observer ces jeûnes quand de durs décrets pèseraient sur le peuple juif ; tandis que, dans les périodes où il n’y a pas de tels décrets, ces jeûnes dépendent de la volonté du peuple. Et effectivement, le peuple juif a adopté la coutume de jeûner, ces jours-là, et a pris sur lui cette obligation, jusqu’à ce que le Temple soit reconstruit, bientôt et de nos jours. Or, dès que le peuple adopta cette coutume, il fut admis que les femmes enceintes ou qui allaitaient ne jeûneraient pas, car le jeûne est plus difficile pour elles.

Certes, dans les communautés ashkénazes, de nombreuses femmes enceintes ou qui allaitaient prirent l’usage d’être rigoureuses envers elles-mêmes, et de jeûner, même durant les jeûnes courts. Peut-être cette coutume est-elle due aux durs décrets dont souffrirent les communautés ashkénazes. Quoi qu’il en soit, de nos jours, l’usage courant, y compris parmi les Ashkénazes, est que les femmes enceintes ou qui allaitent ne s’astreignent pas aux jeûnes courts. Même celles qui voudraient être rigoureuses feront bien de ne pas jeûner si elles éprouvent quelque difficulté à le faire. Dès l’instant où une femme apprend qu’elle est enceinte, elle est dispensée de jeûner[10].

La dispense faite à la femme qui allaite à l’égard des jeûnes courts se prolonge tant qu’elle allaite son enfant. Même quand le bébé reçoit également de la nourriture autre, la femme reste dispensée du jeûne, tant qu’elle n’a pas cessé sa période d’allaitement. Certains auteurs, indulgents, permettent à toute femme ayant accouché de s’abstenir de jeûner, pendant les vingt-quatre mois qui suivent l’accouchement. Selon eux, la dispense ne dépend pas du fait de nourrir l’enfant, mais de l’épreuve que constitue l’accouchement ; or la convalescence dure vingt-quatre mois.

En pratique, les décisionnaires rigoureux sont nombreux, qui obligent toute femme ayant cessé d’allaiter à jeûner, y compris durant les jeûnes courts. Tel est l’usage répandu. Mais celle qui souhaite être indulgente a sur qui s’appuyer, puisque plusieurs grands décisionnaires sont indulgents en cela[11].


[10]. Il est vrai que, généralement, est considérée comme enceinte la femme dont la grossesse est reconnaissable, c’est-à-dire après trois mois. Mais dans le cas présent, les A’haronim écrivent que, c’est en général dans les premiers mois, précisément, que les douleurs de la grossesse sont les plus grandes, et que le risque de fausse-couche est le plus élevé. Aussi, il semble que celle qui sait avec certitude qu’elle est enceinte – par exemple dans le cas où elle a fait un test de grossesse –, est dispensée du jeûne.

Certes, selon le Michna Beroura 550, 3 (Cha’ar Hatsioun 2), on n’est indulgent avant le quarantième jour que si l’on souffre beaucoup (dans un tel cas, on endosse nécessairement le statut du malade).

Mais à notre humble avis, cette directive s’explique par le fait que, à l’époque, on ne possédait pas de certitude d’être enceinte si tôt. Si la chose était certaine, en revanche, le risque de fausse-couche était déjà présent ; de même, il était alors clair que les indispositions provenaient de la grossesse. Dans ces conditions, la femme était dispensée de jeûner, en qualité de femme enceinte. Le Miqraé Qodech du Rav Harari (1, note 10) s’exprime en ce sens, au nom du Rav Mordekhaï Elyahou.

Selon Rabbénou Yerou’ham, le Radbaz et plusieurs autres décisionnaires, il est interdit à la femme enceinte et à la femme qui allaite de jeûner, les jours de jeûne court (cf. Torat Hamo’adim 2, 2). Pour le Rama, on a coutume d’être rigoureux, et de jeûner. Selon les A’haronim (‘Hayé Adam 133, 6, ‘Aroukh Hachoul’han 550, 1), les femmes en bonne santé ont l’usage d’être rigoureuses, mais celles qui souffrent un peu sont dispensées de cet usage rigoureux ; toutefois, il ne leur est pas interdit de jeûner ; quant à celles qui souffrent beaucoup, il leur est interdit d’être rigoureuses.

De nos jours, la directive répandue, pour les femmes ashkénazes, est de ne pas jeûner. Cf. Pisqé Techouvot 550, 1, qui cite des opinions extrêmement indulgentes, selon lesquelles toutes les femmes susceptibles d’enfanter sont dispensées de jeûner, afin qu’elles aient la force d’enfanter. Selon certains auteurs, la femme enceinte rachètera son jeûne en versant une somme à une œuvre de bienfaisance. Quoique l’on n’ait pas l’usage de donner de semblables directives, on pourra, en cas de doute, joindre l’avis de ces auteurs à d’autres facteurs d’indulgence.

[11]. Les auteurs indulgents sont : le Maharcham (Da’at Torah 550) et le Ye’havé Da’at I 35. Cf. la note précédente. Toutefois, si l’on s’en tient à une conception simple de la halakha, seules les femmes qui allaitent sont dispensées. Telle est l’opinion de la majorité des décisionnaires, tels que le Rav Mordekhaï Elyahou, Hilkhot ‘Haguim 24, 35. Cf. Miqraé Qodech du Rav Harari, 1, 4, qui résume les opinions.

09. Mineurs, nouveaux mariés et soldats

Les mineurs, qui ne sont pas encore parvenus à l’âge des mitsvot, sont dispensés des jeûnes institués par nos sages. Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas édicté d’obligation pour les parents d’éduquer leurs petits enfants aux jeûnes, en les faisant jeûner quelques heures durant ces jours. C’est seulement à l’égard du jour de Kipour, lequel est une mitsva toranique, que les sages font obligation d’éduquer les enfants au jeûne avant qu’ils ne parviennent à l’âge des mitsvot. En revanche, pour les jeûnes d’institution rabbinique, les sages n’obligent pas à y éduquer les enfants. Malgré cela, nombreux sont ceux qui ont l’usage de les éduquer au jeûne, pendant quelques heures, suivant leur force ; mais ils ne jeûneront pas toute la journée (Rabbi Mena’hem Azaria da Fano 111, cf. Kaf Ha’haïm 554, 23). Quand on fait manger les enfants, on ne leur donne que des aliments simples, afin de les éduquer à prendre le deuil avec la communauté (Michna Beroura 550, 5).

Les nouveaux mariés, eux aussi, doivent observer ces jeûnes. Bien que se réjouir pendant les sept jours de festin consécutifs aux noces soit pour eux une mitsva – de sorte qu’il leur est interdit de se fixer un jeûne individuel, durant ces jours –, il leur faut observer les jeûnes publics, car le deuil collectif a priorité sur la joie individuelle. De plus, les nouveaux mariés ont une obligation particulière de se souvenir de la destruction du Temple, comme il est dit : « Si je ne place Jérusalem à la tête de ma joie » (Ps 137, 6 ; Ritva, Béour Halakha 549, 1 ; pour le jeûne d’Esther, en revanche, de nombreux décisionnaires sont indulgents : cf. ci-après chap. 14 § 12).

La règle est la même s’agissant des personnes qui sont parties prenantes à une circoncision : le père de l’enfant, le sandaq (celui qui porte l’enfant sur ses genoux) et le mohel (circonciseur) : ils doivent, eux aussi, respecter les jours de jeûne. Même règle pour le rachat du premier-né : il est interdit à celui qui rachète son fils un jour de jeûne de manger. Toutefois, en ce cas, on a coutume de procéder à la circoncision ou au rachat peu de temps avant la fin du jeûne, et d’offrir le repas festif qui s’ensuit après la tombée de la nuit[12].

Les soldats qui se livrent à une action sécuritaire, qui risquerait d’être perturbée en raison du jeûne, mangeront et boiront comme à l’habitude, afin de pouvoir remplir leur mission convenablement. Mais les soldats qui sont à l’entraînement ont l’obligation de jeûner.


[12]. Selon le Gaon de Vilna (fin du chap. 686), les personnes parties prenantes à une circoncision (les ba’alé habrit) et les nouveaux mariés le jour de leurs noces ne sont pas tenus de jeûner, les jours de jeûne court ; mais pour la majorité des décisionnaires, ils y sont tenus. En revanche, quand le jeûne est repoussé, même s’il s’agit du 9 av, il est permis aux ba’alé habrit ou aux nouveaux mariés de manger après l’office de Min’ha, selon le Choul’han ‘Aroukh 559, 9. Quoique certains décisionnaires soient rigoureux à cet égard, les auteurs indulgents sont nombreux, comme l’explique le Kaf Ha’haïm 559, 74. C’est aussi ce qu’écrivent le Michna Beroura et le Torat Hamo’adim 2, 5-6.

Mais en pratique, le ‘Aroukh Hachoul’han 559, 9 écrit : « Quoi qu’il en soit, nous n’avons ni vu ni entendu que quiconque fît ainsi, en particulier dans nos contrées, où la plupart des repas festifs ont lieu le soir. Cela est vrai, non seulement du 9 av, mais de tout jeûne, même repoussé : on n’y fait aucun repas, que cela soit à l’occasion d’une circoncision ou du rachat d’un premier-né, ce jusqu’à la tombée de la nuit. Telle est la coutume ordinaire, qu’il n’y a pas lieu de changer. » Cf. ci-après, chap. 10, note 28. Si le jeûne repoussé tombe pendant les sept jours de joie consécutifs aux noces, les décisionnaires sont partagés quant au fait de savoir si les nouveaux mariés doivent jeûner toute la journée. Nombre d’auteurs sont indulgents, parmi lesquels le Gaon de Vilna ; et si l’on souhaite être indulgent, on y est autorisé. Les époux jeûneront alors jusqu’à l’heure de Min’ha guedola [une demi-heure solaire après le milieu du jour] et mangeront ensuite (cf. Pisqé Techouva 549, 2). À plus forte raison, pour le jeûne d’Esther, on est indulgent a priori (Cha’ar Hatsioun 686, 16).

10. ‘Anénou

Nos sages ont ajouté une bénédiction particulière au jeûne : ‘Anénou (« Réponds-nous »). Elle s’insère dans la répétition de la ‘Amida, à Cha’harit et à Min’ha, entre les bénédictions Goel Israël (« Béni sois-Tu… qui délivres Israël ») et Refaénou (« Guéris-nous… »). On récite cette bénédiction, à la condition qu’il se trouve au moins six fidèles qui aient jeûné ; l’officiant lui-même doit faire partie des jeûneurs (Choul’han ‘Aroukh 566, 5)[13].

En revanche, dans la prière dite par chaque fidèle à voix basse, on ne récite pas ‘Anénou comme bénédiction autonome : on inclut ce texte au sein de la bénédiction Choméa’ téphila (« Béni sois-Tu… qui écoutes la prière ») (Ta’anit 13b). Quant au fait de savoir à quels offices on récite ‘Anénou, les coutumes divergent. Selon certains, il y a lieu de dire ‘Anénou à chacun des trois offices du jour de jeûne ; et bien que, le soir qui précède le jeûne, on ne jeûne pas encore, on récite ‘Anénou, puisque ce jour est appelé jour de jeûne (tsom). Tel est l’usage des Yéménites et d’une partie des communautés séfarades. Pour une autre partie des communautés séfarades, on ne récite ‘Anénou que pendant le temps du jeûne proprement dit. Par conséquent, durant les jeûnes courts, on ne dit ‘Anénou qu’à l’office du matin, Cha’harit, et à celui de l’après-midi, Min’ha ; le 9 av, on récite également ‘Anénou à l’office du soir, ‘Arvit (d’après Rabbi Zera’hia Halévi et le Kaf Ha’haïm 565, 17). Suivant la coutume ashkénaze, on récite ‘Anénou à Min’ha seulement, car on craint que certains, qui auraient récité ‘Anénou à l’office du matin, ne se sentent faibles et n’en viennent à rompre le jeûne, de sorte qu’elles auraient prononcé de vaines paroles le matin, en disant « au jour de notre jeûne ». Par conséquent, on a coutume de ne réciter ‘Anénou qu’à Min’ha car, si l’on a jeûné jusqu’alors, on peut supposer que l’on terminera le jeûne (d’après les Guéonim et Rachi ; Rama 565, 3). Chacun perpétuera la tradition de ses pères.

Dans le cas où l’on a mangé ou bu, un jour de jeûne : si l’on a mangé une quantité de nourriture inférieure à la mesure d’un kazaït[b], ou que l’on ait bu une quantité de liquide inférieure à la mesure de melo lougmav[c], on n’est pas considéré, a posteriori, comme ayant rompu le jeûne ; on récitera donc ‘Anénou. Mais si l’on a mangé ou bu davantage, on aura rompu le jeûne, et l’on ne pourra donc plus réciter ‘Anénou. (Quoi qu’il en soit, on devra poursuivre le jeûne ; cf. ci-dessus, § 6)[14].


[13]. Selon le Choul’han ‘Aroukh 566, 3, ce n’est que lorsqu’il y a dix jeûneurs que l’officiant récite ‘Anénou. Mais de nombreux A’haronim écrivent que cette disposition ne vise que les cas de jeûnes fixés par la communauté ; en revanche, pour ce qui concerne les quatre jeûnes institués par les prophètes, il suffit qu’il y ait six jeûneurs pour réciter ‘Anénou. Cf. Michna Beroura 566, 14, Torat Hamo’adim 3, 12, Pisqé Techouvot 566, 4. Quand il n’y a pas six jeûneurs, l’officiant intégrera ‘Anénou à la bénédiction Choméa’ téphila (« Béni sois-Tu… qui écoutes la prière »), comme le fait le particulier.

Si l’officiant a oublié de réciter la bénédiction ‘Anénou, et s’il n’a pas encore prononcé le nom divin à la fin de la bénédiction Refaénou, il reviendra en arrière et récitera ‘Anénou. S’il a déjà prononcé le nom divin, il récitera ‘Anénou au sein de la bénédiction Choméa’ téphila, comme le fait le particulier. S’il oublie également de réciter ce texte dans Chomé’a téphila, il le dira, mais sans formule finale de bénédiction (Baroukh Ata… ha’oné lé’amo Israël be’et tsara), entre la formule finale de la bénédiction de la paix (« hamevarekh et ‘amo Israël bachalom, amen ») et le verset qui la suit (Yihyou lératson imré fi…) (Michna Beroura 119, 19). Un particulier, qui aurait oublié de réciter ‘Anénou dans la bénédiction Choméa’ téphila récitera ce texte au sein des supplications (Ta’hanounim) qui suivent la ‘Amida. Cf. Pisqé Techouvot 565, 2.

[b]. Volume équivalent à la moitié d’un œuf.

[c]. Majorité du liquide que peut contenir la bouche.

[14]. Il y a certes, en cela, différentes opinions. Selon le Michna Beroura 568, 3, se fondant sur le Nehar Chalom, on dira, en ce cas, ‘Anénou. Pourtant, le même auteur, dans le Béour Halakha 565, 1, écrit, en se fondant cette fois sur le Maamar Mordekhaï, que celui qui a mangé durant un jour de jeûne devra s’abstenir tout à fait de réciter ‘Anénou.

Pour résoudre cette contradiction apparente, le Chévet Halévi V 60 distingue deux cas : si l’on est dispensé du jeûne, on ne récitera pas ‘Anénou, mais si l’on a mangé par oubli, on récitera ‘Anénou, puisque l’on est assujetti à la loi du jeûne. Toutefois, à notre humble avis, il semble clair que, suivant la coutume ashkénaze – qui veut que l’on ne récite pas ‘Anénou à Cha’harit, de crainte de ne pas achever son jeûne –, on ne récitera pas ‘Anénou dès lors que l’on a mangé. C’est aussi la coutume de nombreux Séfarades, comme le rapporte le Torat Hamo’adim 1, 16. Celui-là même qui a l’intention de manger, bien qu’il ne l’ait pas encore fait, ne dira pas ‘Anénou (Choul’han ‘Aroukh 562, 1 ; cf. Michna Beroura 562, 6).

Il faut encore préciser la mesure à partir de laquelle le jeûne est considéré comme rompu. Car à Kipour, nos sages parlent du volume d’une grosse datte sèche (kotevet) [dont le volume est inférieur à celui de kabeitsa], consommée dans le laps de temps appelé akhilat pras [soit six ou sept minutes] ; et, quant aux boissons, de la mesure dite melo lougmav [cf. note 9] : par une telle quantité, la souffrance liée au jeûne s’annule. Cependant, selon le Choul’han ‘Aroukh 568, 1, dès lors que l’on a mangé un kazaït dans le délai d’akhilat pras, on a rompu le jeûne, car, en général, la mesure à partir de laquelle une consommation revêt quelque importance est d’un kazaït. Cf. Pisqé Techouvot 568, 1, où l’on voit que les A’haronim sont partagés à ce sujet. En raison du doute, il est préférable d’observer une prudente abstention : dans le cas où l’on a mangé un kazaït, on ne récitera plus ‘Anénou.