Pniné Halakha

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12 – Cas d’autorisation du travail à ‘Hol hamo’ed

01 – Ouvrier qui n’a pas de quoi manger

Celui qui n’a pas de quoi manger pendant la fête est autorisé à travailler à ‘Hol hamo’ed, car tout le propos de l’interdit du travail à ‘Hol hamo’ed est de nous délivrer du tracas et de la peine, afin que nous soyons disponibles pour nous livrer à la joie de la fête, au moyen des repas festifs et de l’étude de la Torah ; or celui qui n’a pas de quoi manger, pour lui ou pour les membres de sa famille, est rongé par la détresse, et ne peut se réjouir. Par conséquent, il lui est permis de travailler afin de pouvoir acheter les denrées alimentaires nécessaires à sa famille, c’est-à-dire du pain, de la viande et du vin ; mais pour les autres mets qui accompagnent le repas, il est interdit de travailler (Choul’han ‘Aroukh 542, 2)[1].

Il est permis au propriétaire d’une entreprise de donner du travail à celui qui n’aurait pas de quoi manger ; par exemple, il est permis au propriétaire d’un atelier de couture de confier, à ‘Hol hamo’ed, un travail de couture à un ouvrier qui n’aurait pas de quoi manger. Et bien que le propriétaire de l’atelier en tire aussi un bénéfice, la chose est permise, tant que son intention principale est de donner du travail à l’ouvrier afin qu’il puisse acheter de la nourriture pour la fête, et dans la mesure où, sans cette nécessité, il ne lui eût point donné de travail (Mo’ed Qatan 13a, Choul’han ‘Aroukh 542, 2). Il est également permis, en cas de nécessité, de réaliser des transactions commerciales afin de pouvoir fournir, grâce à cela, du travail à un employé qui n’aurait pas de quoi manger (Choul’han ‘Aroukh 539, 12, Michna Beroura 42).

Celui qui n’a pas de quoi manger, mais qui a la possibilité de recevoir de l’aide d’une caisse de bienfaisance (tsédaqa) afin d’acheter de la nourriture pour la fête, est autorisé à travailler à ‘Hol hamo’ed, car c’est pour l’homme un avantage que de ne pas dépendre de la tsédaqa.

On n’oblige pas cette personne à vendre une partie de ses meubles et de ses affaires afin de se dispenser de travailler : puisqu’elle n’a point d’argent pour acheter de la nourriture de base à sa famille, elle est autorisée à travailler suivant ses besoins alimentaires pendant la fête. Mais si elle peut acheter les aliments nécessaires aux repas de fête au moyen du crédit que sa banque lui accorde, ou obtenir facilement un prêt, il lui est interdit de travailler. Ce n’est que si l’on a constamment soin de ne pas emprunter et de ne pas être à découvert à la banque, qu’il sera permis de travailler pour les besoins de sa consommation alimentaire pendant la fête.


[1]. Selon le Maguen Avraham 542, 1 et d’autres A’haronim, celui qui dispose de pain et d’eau est considéré comme ayant de quoi manger, et il lui est interdit de travailler à ‘Hol hamo’ed. En revanche, selon le Elya Rabba et d’autres A’haronim encore, même pour les besoins d’un repas honorable, comme il est d’usage d’en faire pendant les fêtes, il est permis de travailler. En pratique, il semble que, pour les nécessités de base des repas de fête, tels que le pain, la viande et le vin, il soit permis de travailler, mais pas au-delà de cela. Cf. ‘Hol Hamo’ed Kehilkhato 9, 14 et notes. Pour que les membres de sa famille puissent manger, également, il est permis de travailler, même pour ceux d’entre eux qui sont majeurs, mais qui dépendent encore financièrement du chef de famille (Béour Halakha 542, 2 ד »ה על ידי). Toutefois, il est permis de consentir un petit dérangement – comme le fait de réaliser une transaction commerciale unique –, afin de pouvoir acheter des mets supplémentaires pour les repas (Choul’han Aroukh 539, 4, Chemirat Chabbat Kehilkhata 68, 22-23 et 67, 45 ; cf. plus loin, note 2). A priori, celui qui travaille pour les nécessités de ses repas doit le faire discrètement (Michna Beroura 542, 7).

Dans ses responsa (II 94, 2), le Maharchag (décédé en 5690 / 1930) écrit que, « puisque la subsistance est rendue difficile en raison du joug des impôts, des taxes et du manque de ressources des Juifs, en particulier chez ceux dont les fils étudient la Torah, tout est considéré comme besoin vital, et l’on est autorisé à travailler à ‘Hol hamo’ed ; simplement, on apportera à l’exécution du travail quelque modification, en ce qui est possible ; par exemple, on travaillera à mi-temps. » Certes, le ‘Hol Hamo’ed Kehilkhato, le Chemirat Chabbat Kehilkhata 68, note 61 et le Pisqé Techouvot 542, 4 hésitent à dire que l’on peut s’appuyer sur cette opinion, et adressent les fidèles à la consultation de leur rabbin. Mais de nos jours, il ne semble plus possible de s’appuyer sur le raisonnement du Maharchag, car notre situation économique est meilleure qu’à l’époque des sages, de mémoire bénie ; de sorte qu’il n’y a pas lieu de nous écarter de la directive des sages et des décisions des Richonim, puis du Choul’han ‘Aroukh. De plus, par le biais de la sécurité sociale (Bitoua’h Léoumi), des budgets d’aide sociale et des organisations de bienfaisance (tsédaqa), le nombre des indigents a beaucoup diminué. Par conséquent, c’est seulement à ceux à qui il manque des produits alimentaires de base qu’il est permis de travailler.

02 – Évitement d’une perte (mélékhet davar ha-aved)

Mais quand on risque de perdre de l’argent, ou un bien, qui se trouve déjà dans son patrimoine, il est permis d’accomplir un travail destiné à se préserver de cette perte. En effet, ce que vise l’interdit du travail à ‘Hol hamo’ed, c’est que nous soyons disponibles, afin de nous réjouir et d’étudier la Torah pendant la fête ; tandis qu’un homme qui s’inquiète à cause de la perte de ses biens ne peut se réjouir (Ritva). Il ne peut pas non plus libérer son esprit afin d’étudier la Torah paisiblement (Raavia, Maharil). De plus, la Torah a « pitié » de l’argent du peuple juif ; or, si une personne, pendant sept jours d’affilée, était empêchée de traiter les problèmes urgents que connaissent ses affaires ou ses champs, elle subirait une perte (Hamanhig).

Par conséquent, le propriétaire d’une vigne, dont les raisins ont mûri de sorte que, si l’on ne les collectait pas à ‘Hol hamo’ed, une perte significative serait à déplorer, sera autorisé à collecter ses raisins pendant ‘Hol hamo’ed (Choul’han ‘Aroukh 537, 16). Si la porte de son domicile ou de son magasin a été enfoncée, ou que son système d’alarme ait été endommagé, et que l’on craigne les vols, on sera autorisé à les réparer en recourant à un travail de spécialiste (mélékhet oman) (Choul’han ‘Aroukh 540, 4). De même, quand une canalisation domestique d’eau a éclaté, et qu’il est à craindre que la maison ou les meubles ne soient endommagés par l’eau, il est permis de réparer les canalisations par un travail spécialisé. Même chose s’agissant du commerce : quand il est sérieusement à craindre que, en ne vendant pas sa marchandise pendant ‘Hol hamo’ed, on perde le fonds investis, c’est-à-dire la somme que l’on a payée pour elle, il sera permis de la vendre à ‘Hol hamo’ed. Mais dans le cas où l’on enregistrerait un bénéfice sur cette marchandise en la vendant après la fête, et où, simplement, on gagnerait davantage en la vendant pendant la fête, il sera interdit de la vendre à ‘Hol hamo’ed, puisqu’il s’agirait simplement d’un manque à gagner (Choul’han ‘Aroukh 539, 4). Dans le cas où, en raison de la cessation du travail, on perdrait la source de ses recettes pour les prochains mois, il est aussi permis de travailler pendant la fête, car perdre la source de ses revenus n’est pas considéré comme un simple manque à gagner, mais comme une perte véritable.

Outre ce premier principe, que nous venons de voir, il en faut ajouter un deuxième : même quand il est question d’une perte, la permission de travailler dépend de la grandeur de la perte, et de l’effort que requiert le travail. S’il s’agit d’une petite perte, les sages n’ont autorisé qu’un travail court, qui ne requière pas de compétence spécialisée, ou bien un travail spécialisé, mais qui sera exécuté en y imprimant un changement (chinouï) ; mais non un travail requérant de la peine (tora’h). Pour une perte moyenne, les sages ont permis l’exécution d’un travail spécialisé requérant une peine moyenne, mais non une peine importante. Pour éviter une grande perte, les sages ont permis de prendre une peine même grande. Aussi faut-il toujours calculer l’ampleur de la perte face à l’effort qu’engage le travail. Car la permission d’exécuter un travail pour éviter une perte a pour but de ne pas s’affliger, de ne pas s’exclure de la joie de la fête. Mais quand un grand travail est nécessaire pour éviter une perte moyenne, il est préférable de se livrer à la joie de la fête, et de se désintéresser de la perte. Si, par contre, la perte était grande, on ne pourrait se réjouir pendant la fête ; aussi, même un grand effort est-il permis.

Dans les cas de doute, on peut trancher cette halakha en se référant aux liens que les gens, de nos jours, entretiennent avec leurs congés. Si donc il s’agit d’une perte telle que, pour l’éviter, les gens auraient l’usage d’annuler leurs vacances familiales, il sera également permis, à ‘Hol hamo’ed, de travailler pour l’empêcher. Si la perte est telle que les gens ne seraient pas prêts à annuler leurs vacances familiales, mais qu’ils seraient prêts à interrompre quelques heures leurs vacances afin de l’empêcher, il sera permis d’agir dans cette même mesure à ‘Hol hamo’ed. De même, une perte à laquelle on serait prêt à consacrer une seule heure pendant ses vacances afin de l’éviter, autorisera une heure de travail pendant ‘Hol hamo’ed.

La chose dépend aussi de la position de la personne : un pauvre peinera, pendant ses vacances, même pour éviter une perte de quelques centaines de shekels, car, pour lui, ce serait une grande perte ; tandis que le riche ne peinerait pas, un jour de vacances, pour une telle perte. Bien entendu, il faut évaluer cela d’après les caractéristiques d’un homme ordinaire, qui ne soit ni un paresseux, qui préfère toujours les vacances, ni un éperdu de travail, qui, en toute occasion, serait prêt à annuler ses vacances en famille.

Cette halakha est la plus compliquée des règles de ‘Hol hamo’ed, car il est nécessaire d’évaluer avec intégrité la mesure de l’effort que requiert le travail, face à la perte escomptée. En tout cas de doute, il faut interroger un véritable sage[2].


[2]. L’exemple courant de permission donnée pour éviter une perte, à l’époque des sages du Talmud, était l’autorisation d’arroser des arbres ayant besoin d’eau, dans le cas où cela ne requérait qu’un effort ordinaire, c’est-à-dire de détourner les canaux d’irrigation dans la direction des parterres d’arbres. Mais il est interdit d’arroser des arbres qui sont placés au-dessus de la source d’eau, car c’est là un effort excessif que d’élever l’eau vers eux. Et bien que cela cause une perte pour les arbres, ce grand effort ne vaut pas l’atteinte portée à ‘Hol hamo’ed (Mo’ed Qatan 2a, 4a, Choul’han ‘Aroukh 537, 1-3). Lorsque la perte encourue est très grande, on ne pourrait pas du tout se réjouir pendant la fête ; un grand effort sera donc permis. Cette appréciation est laissée aux soins des sages de chaque époque, à qui il revient de définir le niveau de perte et la grandeur de l’effort (Raavad, Na’hmanide). Si la perte est petite et douteuse, il sera permis de l’empêcher par le biais d’un travail simple (mélékhet hédiot), ou d’un travail artisanal auquel on apportera un changement (chinouï), comme nous le voyons en Michna Beroura 540, 2, au sujet d’une clôture qui s’est rompue. Nous voyons aussi que, pour empêcher une perte lointaine, liée à la présence de rats dans les champs, les sages ont permis de poser des pièges, en apportant un changement à cet acte (Choul’han ‘Aroukh 537, 13, Michna Beroura 39, Chemirat Chabbat Kehilkhata 67, 2). Mais quand la petite perte est certaine, il n’est pas nécessaire de faire de changement (Michna Beroura 538, 6 ; de même, Michna Beroura 537, 50 au sujet de la perte d’une minorité de son champ, qu’il sera permis d’éviter en le moissonnant).

Quand une personne risque de perdre la source de ses revenus dans les prochains mois, il devrait, de prime abord, lui être interdit de travailler, car il ne s’agirait là que d’un manque à gagner ; en effet, il n’est ici question que de revenus que cette personne n’a pas encore touchés. Mais puisqu’il s’agit de la source même de ses revenus réguliers, ce manque est considéré comme une véritable perte, et il sera donc permis de travailler afin de l’éviter – comme nous l’apprenons par ailleurs, au sujet d’un voyage entrepris pour se rendre à une grande foire (Choul’han ‘Aroukh 539, 5, Béour Halakha ד »ה ואפילו ; cf. aussi Béour Halakha 9, ד »ה ואם). La règle est la même, s’agissant d’une personne qui risque d’être renvoyée de son emploi (Chemirat Chabbat Kehilkhata 67, 11).

Si une personne a l’occasion de faire une affaire de nature à lui apporter un bénéfice appréciable, sans être très grand, et que cette personne vive chichement, il lui sera permis de la réaliser ; cela, à condition d’assigner une partie du bénéfice à un supplément de dépenses pour la fête, de façon que, grâce à cette transaction, on puisse se réjouir davantage pendant les repas de fête. Mais à une personne riche, qui, même sans cela, pourrait facilement acheter tout le nécessaire aux repas de fête, il est interdit de réaliser une telle transaction (Choul’han ‘Aroukh 539, 4). Certes, on peut expliquer que ces permissions se rapportent précisément au commerce, puisque cela ne consiste pas véritablement en travaux [au sens manuel du terme], comme il ressort de la seconde explication du Raavad, citée par le Roch (Mo’ed Qatan 1, 28 ; cf. Béour Halakha 533, 3 ד »ה מותר). Mais il semble qu’il n’y ait pas là de différence de principe entre le commerce et les autres travaux, la distinction véritable dépendant plutôt du niveau d’effort que requiert l’activité, comme l’explique le Raavad ; et la règle relative à plusieurs transactions isolées est semblable à celle du travail non spécialisé (mélékhet hédiot) : elles sont autorisées pour les besoins de l’amélioration des repas festifs. Mais l’ouverture d’un magasin est considérée comme un travail complet, sans même considérer les tâches que cela engendre, car, du point de vue de l’effort, il s’agit d’un plein travail. Ce n’est que dans le cas où il est à craindre de perdre la source de ses revenus, qu’il sera permis d’ouvrir (Na’hmanide ; cf. Béour Halakha 539ד »ה אינו   ; ci-après, § 7 et Har’havot).

03 – Ne pas programmer son travail en vue de l’accomplir pendant la fête

Si des insectes nuisibles ont commencé d’attaquer les plantations pendant la fête, et que cela risque d’entraîner un dommage significatif, il est permis d’épandre un produit insecticide. Mais si l’on savait, avant la fête, qu’il fallait un épandage sur la plantation pour protéger celle-ci de ces nuisibles, et qu’on ait négligé de le faire, repoussant la chose à ‘Hol hamo’ed, il sera interdit de le faire à ‘Hol hamo’ed, puisque l’on aura « programmé » son travail pour la période de fête. Tel est le principe : quiconque planifie son activité de telle sorte que son travail sera exécuté pendant la fête, il lui sera interdit d’exécuter ce travail, même pour éviter une perte (davar ha-aved). En effet, la permission d’éviter une perte ne vaut qu’en cas de nécessité pressante, pour celui qui est contraint de travailler à ‘Hol hamo’ed afin de se préserver de la perte et du tourment, non pour celui qui a programmé son travail de telle façon qu’il soit exécuté pendant la fête (Choul’han ‘Aroukh 537, 16 ; 538, 1). Même si ce travail ne requiert que peu de peine, et s’exécute par le biais d’un non-Juif, il reste interdit de l’accomplir (Michna Beroura 538, 11, Choul’han ‘Aroukh 543, 1). Même si l’on ne savait pas qu’il était interdit de programmer son travail de façon à l’accomplir pendant la fête, ledit travail reste interdit, dès lors qu’on l’avait ainsi programmé (Chemirat Chabbat Kehilkhata 66, 39 ; 67, 5 ; 18).

Si une personne a programmé son travail de façon telle qu’il requerra d’être accompli pendant la fête, et, transgressant l’interdit, l’a ainsi exécuté à ‘Hol hamo’ed, il lui sera interdit de profiter de ce que ce travail lui a fait gagner (‘Aroukh Hachoul’han 538, 7, Chevilé David). À l’époque où le beit-din en avait l’autorité, les juges détruisaient le travail que cette personne avait accompli pendant ‘Hol hamo’ed ou l’en expropriaient. Mais si l’auteur du travail mourait, on ne frappait pas d’amende ses héritiers (Choul’han ‘Aroukh 538, 6).

Si l’on a accepté un travail, et qu’il ait été convenu que, dans le cas où il ne serait achevé qu’après une date déterminée, on devrait payer une pénalité significative, il faut distinguer : si, au moment où l’on a accepté ce travail, on était certain que l’on réussirait à l’achever dans les délais, sans qu’il soit besoin de travailler à ‘Hol hamo’ed, mais que, au cours de l’exécution du travail, un incident soit survenu – incident tel que, si l’on ne travaillait pas à ‘Hol hamo’ed, on n’aurait pas le temps d’achever le travail dans les délais –, il sera permis de travailler à ‘Hol hamo’ed. Mais si, dès l’abord, on savait que, même en se hâtant, le risque serait élevé de ne pas avoir le temps de terminer l’ouvrage sans avoir à travailler à ‘Hol hamo’ed, la situation est comparable à celle où l’on programme son travail de façon à l’exécuter pendant la fête ; il sera donc interdit de travailler à ‘Hol hamo’ed.

Généralement, il faut savoir que l’autorisation de travailler à ‘Hol hamo’ed ne vaut que dans des cas particuliers, qui ne peuvent survenir qu’une fois en plusieurs fêtes. Aussi, quand un entrepreneur demande à chaque fête la permission de travailler au titre de l’évitement d’une perte, il n’y a pas lieu, en général, de la lui accorder, car il ne s’agit pas de perte réelle, mais de manque à gagner ; ou bien encore il s’agit d’une entreprise qui n’est pas convenablement dirigée, de sorte que, de toutes façons, travailler à ‘Hol hamo’ed ne résoudra pas le problème[3].


[3]. Quand il y a un motif pour que le temps de travail tombe précisément à ‘Hol hamo’ed, par exemple dans le cas d’un véhicule de transport de personnes, qui travaille tous les jours ouvrables, et qui ne peut subir de réparations périodiques – sans perte significative – qu’à ‘Hol hamo’ed, parce qu’alors il n’est pas nécessaire de convoyer des ouvriers : on trouve un auteur qui autorise à faire accomplir ces révisions à ‘Hol hamo’ed, lorsque la nécessité est grande (‘Hol Hamo’ed Kehilkhato, supplément 2, 98) ; un autre auteur l’interdit, car cela n’est considéré que comme un manque à gagner (Chemirat Hamo’ed Kehilkhato 6, 29). Il semble qu’il n’y ait pas lieu d’être indulgent en la matière, lorsque les révisions sont faites par un Juif. Mais on peut procéder aux révisions par le biais d’un entrepreneur non-juif, à condition de lui confier le véhicule avant la fête (cf. ci-dessus, chap. 11 § 18).

04 – Quelques règles relatives à l’évitement de la perte

Même quand il n’est pas certain que la perte ait bien lieu, par exemple dans le cas où l’on ne sait pas clairement si les nuisibles causeront un dommage significatif à la plantation, il est permis d’accomplir un travail pour éviter la perte, tant que cette situation douteuse est du type de celles que les gens craignent habituellement, et qui les conduisent à interrompre leurs vacances afin de s’en occuper (Béour Halakha 537, 1, passage commençant par Davar). Cependant, quand il n’est pas extérieurement reconnaissable que le travail est fait pour se préserver d’une perte, il faut a priori l’accomplir discrètement, afin que les observateurs n’en concluent pas que l’on peut être indulgent dans un cas d’interdit (Mo’ed Qatan 12b, Choul’han ‘Aroukh 538, 2).

Celui qui travaille au titre de davar ha-aved doit minimiser ses efforts : s’il est possible d’éviter la perte par un travail simple, on n’exécutera pas de travail complexe (Rama 537, 1). Par conséquent, quand un vêtement s’est souillé de façon telle que, si on ne le lessivait pas immédiatement, il s’abîmerait, il est préférable de le lessiver à la machine plutôt qu’à la main.

Une perte spirituelle est, elle aussi, considérée comme davar ha-aved. Par exemple, si l’on a en tête de nouveaux enseignements de Torah (des ‘hidouchim), et que l’on craigne de les oublier, il sera permis de les écrire afin qu’ils ne soient pas oubliés. Si l’on sait écrire par ordinateur, il sera préférable de les écrire par ce moyen, et non à la main, afin de minimiser l’effort.

Quand il est permis de travailler au titre de davar ha-aved, il est permis d’employer des ouvriers pour les besoins de l’évitement de la perte, et de leur payer leur travail. Si c’est possible, il est préférable d’employer des ouvriers juifs qui n’ont pas de quoi se nourrir pendant la fête. S’il ne se trouve pas de tels ouvriers, il sera préférable de prendre des ouvriers non-juifs. Quand il n’y a pas d’autre possibilité, l’entrepreneur fera lui-même le travail ; s’il ne le peut pas, il lui sera permis d’employer des ouvriers juifs qui ont des besoins à combler pour la fête ; et puisqu’il ne faut pas leur faire perdre gratuitement leur repos festif, on devra les payer pour leur travail (Rama 542, 1, Michna Beroura 5, Cha’ar Hatsioun 8).

Si une canalisation d’eau, à l’intérieur du mur, a éclaté, et que cela cause un dommage, il est permis de réparer la canalisation, car il s’agit d’un cas de davar ha-aved. Mais il est interdit de refermer le mur ensuite, et de le repeindre, puisque de tels travaux ne sont pas nécessaires à l’évitement d’une perte. Toutefois, si le prix du travail doit être significativement plus élevé, du fait que l’ouvrier sera contraint de revenir pour terminer son travail, il sera permis de lui demander de terminer ledit travail à ‘Hol hamo’ed, afin d’économiser le paiement supplémentaire. Un homme riche, pour qui cette dépense supplémentaire ne serait pas importante, n’est pas autorisé à être indulgent en cela (cf. Cha’ar Hatsioun 537, 49, d’après le Ritva ; cf. encore Chemirat Chabbat Kehilkhata 67, 12).

05 – Employeurs et salariés

Il existe des travaux qui sont permis a priori, à ‘Hol hamo’ed. Ce sont ceux qui sont accomplis pour les besoins de l’approvisionnement en nourriture, comme nous l’avons vu plus haut (chap. 11 § 3), pour les besoins corporels et médicaux (chap. 11 § 5-6), pour les besoins collectifs, tels que les transports publics de personnes (chap. 11 § 15), pour les besoins de salubrité publique, d’entretien des routes (cf. ci-après, § 9), et pour le maintien minimal du système bancaire et des juridictions rabbiniques (ci-après, § 13). Dans les autres domaines, il est interdit de travailler, sauf dans les cas d’autorisation liés à l’évitement d’une perte.

Un entrepreneur qui n’a pas d’autorisation de travailler à ‘Hol hamo’ed doit convenir d’avance avec ses employés que, pendant ‘Hol hamo’ed, l’entreprise sera fermée et qu’ils seront en congé. Ces jours seront considérés comme s’inscrivant dans les jours de congé que l’entrepreneur a l’obligation de leur donner selon la loi.

En Israël, chaque salarié a droit à un certain nombre de jours de congé par an (au moins deux semaines). Si l’on a un travail qu’il est interdit d’exercer à ‘Hol hamo’ed, il faut exiger que les jours de ‘Hol hamo’ed soient inclus dans ses jours de congé annuels. Dans le cas même où cela entraîne une certaine perte – par exemple, dans le cas où, là où l’on travaille, il est d’usage de travailler moins d’heures à ‘Hol hamo’ed, de sorte que, si l’on prend son congé légal à ‘Hol hamo’ed, on « gaspille » ses jours de congé en jours de travail abrégés –, il reste obligatoire de prendre ses jours de congé à ‘Hol hamo’ed. Lors même que les membres de sa famille souhaitent partir pour de longues vacances en été, et que, si l’on prend à ‘Hol hamo’ed les jours de congé auxquels on a droit, il ne reste à son crédit que peu de jours pour les vacances d’été, il n’en reste pas moins obligatoire de fixer à ‘Hol hamo’ed ses jours de congé[4].

Quand une grande tension règne au travail, et que l’on exige de l’employé de travailler à ‘Hol hamo’ed et de prendre à un autre moment les congés auxquels il a droit : dans le cas où, en effet, l’entreprise serait sur le point de perdre de l’argent si l’employé ne travaillait pas à ‘Hol hamo’ed, et où il s’agit d’une circonstance ponctuelle, qui ne se répète pas chaque année à ‘Hol hamo’ed, on considère qu’il s’agit d’un cas de davar ha-aved ; il sera permis de travailler à ‘Hol hamo’ed. Mais si, du point de vue de la halakha, il est interdit de faire fonctionner l’entreprise à ‘Hol hamo’ed, et que, malgré cela, l’employeur exige de l’employé de travailler, il sera interdit à ce dernier de l’écouter. S’il est à craindre que, en raison de son refus de travailler, il perde son travail, le cas sera considéré, du point de vue de l’employé, comme un davar ha-aved, et il lui sera permis de travailler, bien que le patron qui exige de lui de travailler à ‘Hol hamo’ed transgresse en cela un grave interdit (Chemirat Chabbat Kehilkhata 67, 11, note 32).


[4]. De nos jours, en Israël, la loi autorise le chef d’entreprise à informer d’avance ses employés que les jours de ‘Hol hamo’ed seront inclus dans le quota de jours de congés qu’il a l’obligation de leur donner. Dès lors, il ne perdra rien à faire chômer son affaire pendant ‘Hol hamo’ed. Cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 67, 14, note 47. Mais pour les pays où le chef d’entreprise est obligé par la loi de payer ses employés pour tous les jours – y compris ceux de ‘Hol hamo’ed – et où, s’il faisait chômer son entreprise à ‘Hol hamo’ed, il devrait payer ses employés (bien qu’ils n’aient point travaillé), les avis sont partagés : certains auteurs permettent à l’employeur de faire travailler les employés à ‘Hol hamo’ed, afin que la rémunération qu’il leur doit ne soit pas dépensée à perte (‘Erekh Chaï 537, Maharchag II 78, ‘Aroukh Hachoul’han 533, 3, ‘Hazon ‘Ovadia p. 182) ; d’autres l’interdisent, car cela n’est pas considéré comme une perte, puisque l’employeur sait à l’avance qu’il devra payer un salaire mensuel fixe, bien qu’on ne travaille pas les jours de Chabbat et de fête (Maharam Provençal, Zéra’ Emet 3, 56, Rav Chelomo Zalman Auerbach cité par Chemirat Chabbat Kehilkhata 67, note 40). Cf. ‘Hol Hamo’ed Kehilkhato 9, 29.

Quoi qu’il en soit, de nos jours, en Israël, où la loi permet à l’employeur de décider que les jours de congé qu’il doit donner à ses employés comprendront ceux de ‘Hol hamo’ed, il faut, dans le cas où l’employeur a négligé de convenir avec eux de cela à l’avance, adopter l’opinion rigoureuse : puisqu’il a été négligent, c’est comme s’il avait programmé son travail de manière à le faire exécuter pendant la fête. Mais en cas de très grande perte, il consultera une autorité rabbinique.

06 – Magasins d’alimentation et d’autres produits

Le patron d’un magasin d’alimentation doit ouvrir son magasin, à ‘Hol hamo’ed, afin de fournir à ses clients les produits nécessaires à la fête ; puisqu’il est clair que ce commerce s’accomplit pour les besoins de la fête, il n’est pas nécessaire de rendre discrète l’ouverture du magasin. Il est permis d’inscrire les ventes à la caisse et de délivrer aux clients les tickets de caisse correspondants, comme l’exige la loi (Choul’han ‘Aroukh 539, 10).

De prime abord, il devrait être interdit au patron du magasin de vendre à un non-Juif, puisque tout le sens de l’autorisation est de pouvoir vendre pour les besoins de la fête ; or le non-Juif n’est pas soumis au commandement de se réjouir pendant la fête, de sorte qu’il est en principe défendu de lui vendre des produits. Mais en pratique, puisque l’on a ouvert son magasin de façon permise, pour les besoins des Juifs pendant la fête, on vendra également aux non-Juifs pour préserver de paisibles relations (Michna Beroura 539, 33 ; cf. Har’havot). De même, s’agissant d’un Juif qui n’observe pas la halakha : de prime abord, il serait interdit de lui vendre des produits, de crainte qu’il ne destine ses achats à la période qui suit la fête ; mais en pratique, il n’est pas nécessaire de vérifier dans quel but il fait son achat ; dès lors, il est permis de vendre à tout Juif.

Tout cela vaut pour les magasins d’alimentation ; mais les autres magasins ont coutume de ne pas ouvrir pendant la fête. Et bien qu’il soit permis d’acheter, pour les besoins de la fête, des vêtements, des chaussures, des ustensiles de cuisine, des appareils électriques (cf. Mo’ed Qatan 13a-b), la permission ne tient que lorsqu’il y a à cela une nécessité réelle pour la fête ; par exemple, dans le cas d’une femme dont la tenue de fête s’est déchirée, ou s’est salie, et qui doit s’acheter une nouvelle tenue pour s’en vêtir pendant la fête. Par contre, quand il n’y a pas à cela de nécessité réelle pour la fête, mais seulement un supplément de jouissance – comme dans le cas d’une femme qui dispose déjà d’une tenue de fête, mais qui en souhaiterait une autre, qui lui plairait davantage – il est interdit de l’acheter à ‘Hol hamo’ed. Même quand il y a à cela une nécessité véritable pour la fête, il sera interdit d’acheter la tenue à ‘Hol hamo’ed dans le cas où l’on aurait pu faire cet achat avant la fête et où l’on a négligé de le faire – conformément à la règle gouvernant celui qui « programme » ses travaux pour la fête.

En pratique, la coutume juive est de se hâter d’acheter tout ce qui est nécessaire à la fête avant le commencement de celle-ci. Or si l’on ouvrait ces magasins pendant ‘Hol hamo’ed, les clients, dans leur majorité, achèteraient sans nécessité pour la fête, ou négligeraient d’acheter avant la fête ; dès lors, il est interdit d’ouvrir les magasins à leur intention.

Si l’on a besoin d’acheter d’urgence un vêtement ou des chaussures pour la fête, et que l’on n’ait point été négligent à cet égard avant celle-ci, il sera permis de téléphoner au propriétaire du magasin, et de lui demander la possibilité d’acheter le produit nécessaire. Si le propriétaire du magasin sait que, chaque jour, il y a des Juifs qui ont besoin d’acheter, dans des conditions permises, des produits pour la fête, il lui sera permis d’ouvrir son magasin, un petit nombre d’heures par jour. Simplement, il faut veiller à ce que la vente se fasse discrètement. Si le magasin se trouve dans une ruelle discrète, on pourra ouvrir le magasin de la manière habituelle. S’il se trouve dans une rue ordinaire, il faudra apporter un changement au mode d’ouverture : si l’on a l’habitude d’ouvrir deux portes, on n’en ouvrira qu’une. Si le magasin n’a qu’une porte et un store, on fermera le store à moitié, afin qu’il soit reconnaissable que le magasin n’est pas ouvert, en ce moment, d’une manière ordinaire. Il faudra aussi écrire sur la porte : « Le magasin est ouvert pour les nécessités de la fête entre telle et telle heures » (Choul’han ‘Aroukh 539, 11). Cf. ci-dessus (chap. 11 § 16), où il est dit que, même ce qu’il est permis d’acheter pendant la fête, il est interdit de l’acheter dans un magasin qui ouvre de manière interdite.

07 – Autorisations de faire fonctionner un commerce pour éviter une perte

Celui qui possède un magasin dans un quartier non juif, et qui craint que, s’il le fermait à ‘Hol hamo’ed, les acheteurs ne s’habituassent à aller chez ses concurrents, et qu’une grande perte ne lui fût ainsi causée à long terme, sera fondé à ouvrir son magasin à ‘Hol hamo’ed. Si c’est possible, il sera bon de faire cela par le biais d’employés non juifs. S’il n’y a pas de possibilité d’employer des non-Juifs, on emploiera des Juifs ; a priori, ils auront soin de ne pas exécuter de mélakhot interdites par la Torah même ; mais en cas de nécessité pressante, on pourra être indulgent (cf. Har’havot).

Si l’on a son magasin dans un quartier où la majorité des clients juifs ne sont pas pratiquants, et que l’on vende, dans ce magasin, des articles qu’il est possible d’utiliser pour les besoins de la fête – par exemple des vêtements, des chaussures, des bijoux, des ustensiles domestiques, des jeux ou des livres –, la règle est la suivante : certes, nous avons vu, au paragraphe précédent, qu’il est normalement interdit d’ouvrir ces magasins ; mais lorsqu’il est sérieusement à craindre que, en n’ouvrant pas ces magasins à ‘Hol hamo’ed, on perde sa clientèle habituelle, et qu’il s’ensuive une grande perte à long terme, il sera permis d’ouvrir lesdits magasins, puisque l’on y vend des choses qui peuvent être utiles à la fête. Il sera bon d’écrire une pancarte bien visible, annonçant que le magasin est ouvert en l’honneur de la joie de la fête ; cela, afin que les clients forment l’intention, par leur achat, d’ajouter à la joie de la fête.

Mais s’il s’agit d’un magasin où l’on vend des produits qui ne sont pas nécessaires à la fête, ou des produits nécessitant d’être montés, ou cousus, ou encore des produits que l’on doit commander au moment de l’achat, et qui n’arrivent au domicile du client qu’après la fête, on doit fermer le magasin, puisque celui-ci ne présente aucune utilité pour la fête. Cela, afin de ne pas induire en erreur les Juifs par le biais d’un commerce interdit. Mais si le danger pesant sur son magasin est grave, on consultera une autorité rabbinique[5].

Dans les endroits où se rassemble un public nombreux, par exemple dans la vieille Ville de Jérusalem, le tombeau des patriarches d’Hébron, ou les lieux où se tiennent les célébrations de Sim’hat beit hachoéva[a], il est permis de dresser des étals pour le commerce des produits nécessaires aux mitsvot – tels que des livres, des disques de musique religieuse – puisqu’il y a là une nécessité pour l’accomplissement d’une mitsva, ainsi qu’une nécessité pour éviter une perte, puisqu’il est impossible d’accéder à cette clientèle à une autre occasion. Et bien que, fondamentalement, il faille vendre de tels produits de manière discrète, il sera permis de les vendre au grand jour, afin de ne pas perdre la possibilité d’attirer un vaste public. Il est bon d’installer une pancarte au-dessus de l’étal, indiquant que la vente se fait pour les besoins de la joie de la fête.

Quand des non-Juifs organisent, pendant ‘Hol hamo’ed, une vente à bas prix, vente portant sur des produits qu’un Juif a l’intention d’acheter pour ses propres besoins ou pour ceux de son commerce – car il tire ses revenus du commerce de semblables produits –, la règle est comme suit : si le Juif n’a pas pu les acheter avant la fête, et qu’il soit certain que, après la fête, les prix remonteront significativement, il sera permis de les acheter à ‘Hol hamo’ed, au titre de davar ha-aved.

Si ce sont des Juifs qui organisent une vente à bas prix à ‘Hol hamo’ed, ce n’est que s’ils vendent de manière permise que l’on pourra acheter chez eux. Quand donc ont-ils la permission de vendre ? Quand le besoin réel apparaît de vendre à bas prix, précisément pendant la fête ; par exemple, quand ils sont en danger de faillite, et que ce qu’ils n’auront pas vendu au plus tôt ne pourra plus l’être après cela. Mais s’ils n’ont pas d’autorisation d’organiser la vente au titre de davar ha-aved, il sera interdit d’acheter chez eux. Nous avons vu ci-dessus, en effet, qu’il est interdit d’acheter, à ‘Hol hamo’ed, chez des Juifs qui vendent dans des conditions interdites (chap. 11 § 16)[6].


[5]. Lorsque la majorité des acheteurs sont juifs, s’applique l’interdit de lifné ‘iver lo titen mikhchol (« Devant l’aveugle, tu ne placeras pas d’obstacle », Lv 19, 14) [c’est-à-dire, en l’occurrence, l’interdit d’induire à la faute son prochain, inconscient de l’interdit]. Mais quand il est sérieusement à craindre une perte de clients, il faut distinguer : s’il y a également dans les environs des magasins tenus par des non-Juifs, il apparaît que, même en l’absence du magasin juif, les Juifs pourraient enfreindre la règle et acheter pendant la fête ; en ce cas, il est permis au patron juif d’ouvrir le magasin (car selon Tossephot et la majorité des décisionnaires, l’acte interdit, en la matière, est seulement d’avoir aidé à la faute [et non d’avoir induit le client à celle-ci]. Mais si tous les magasins aux alentours sont la propriété de Juifs, c’est interdit. Le Chemirat Chabbat Kehilkhata 67, 29, note 143, s’exprime dans un sens proche, au nom du Rav Chelomo Zalman Auerbach.

Les A’haronim sont partagés quant à la règle applicable à un magasin où l’on vend à des non-Juifs, et pour lequel on paie des impôts et un loyer élevé, sans qu’il soit tenu compte du fait que, pendant ‘Hol hamo’ed, le magasin chôme. Certains disent qu’il est en ce cas permis de travailler à ‘Hol hamo’ed (Divré Malkiel II 100) ; d’autres ne le permettent que lorsqu’on paie pour chaque jour séparément, et que, à ce titre, on paie également pour les jours de ‘Hol hamo’ed ; tandis que, si le paiement est annuel, il n’y a pas de permission de travailler à ‘Hol hamo’ed (Echel Avraham du Rav Botchatch 539, 1). L’opinion rigoureuse nous paraît devoir être retenue ; mais en cas de nécessité pressante, lorsque la menace pesant sur le magasin est très grave, on peut s’appuyer sur les décisionnaires indulgents. Cf. Har’havot.

[a]. Grandes célébrations publiques, à ‘Hol hamo’ed Soukot.

[6]. Si l’on se trouve, à ‘Hol hamo’ed, en un lieu dans lequel un magasin propose un article que l’on a besoin d’acheter pour les jours profanes, et que, sauf à l’acheter maintenant, on ait à entreprendre un long voyage après la fête pour l’acheter, de telle sorte qu’on perdrait, par ce voyage, un temps précieux et de l’argent, on sera autorisé à acheter à ‘Hol hamo’ed ce dont on a besoin, car on considère qu’il s’agit d’un cas de davar ha-aved (Chemirat Chabbat Kehilkhata 67, note 146). Cela, à la condition que la vente, en ce magasin, s’accomplisse de manière permise ; par exemple, quand il s’agit d’un magasin d’alimentation tenu par des Juifs ou d’un magasin d’autres produits tenu par un non-Juif.

08 – Besoins d’une collectivité

Il est permis, à ‘Hol hamo’ed, d’accomplir une mélakha pour les besoins du grand nombre, car le besoin éprouvé par le grand nombre a une importance semblable aux nécessités d’une mitsva, au point qu’il est considéré comme une nécessité propre à la fête, bien que, en pratique, il n’en résulte pas d’utilité pendant la fête elle-même. Cela, à la condition suivante : si l’on ne faisait pas cette chose pendant la fête, on ne réussirait pas à la faire à un autre moment.

Puisque tout le monde sait que la mélakha s’accomplit pour les besoins de la collectivité, il est permis de l’accomplir publiquement et avec grand effort ; il est même permis de payer pour elle, parce que, sans paiement, il ne serait pas possible d’accomplir ce qui est nécessaire à la collectivité. Comme pour les autres besoins de la fête, la permission de pourvoir aux besoins collectifs s’applique seulement au travail non spécialisé (mélékhet hédiot) et non à un travail artisanal (mélékhet oman), car le travail artisanal n’a été autorisé que pour les nécessités corporelles pendant la fête (Mo’ed Qatan 2a, 5a, Choul’han ‘Aroukh 544, 1-2).

Autrefois, quand l’effort requis par le travail était immense, et qu’il ne restait pas de temps libre aux gens pour se dévouer aux besoins de la collectivité, les sages permirent d’engager la collectivité à œuvrer aux besoins collectifs à ‘Hol hamo’ed. Par exemple, ils permirent de réparer les trous et les obstacles qui survenaient sur les routes à la suite des pluies. Et les sages déclaraient que, si l’on ne réfectionnait pas les routes, on serait tenu responsable de tout décès ou blessure causés par la détérioration des routes. De même, les sages permirent-ils de nettoyer les aqueducs, les puits et les sources, des pierres et des déchets qui y étaient tombés. Tous ces travaux étaient des travaux simples, non spécialisés, aussi était-il permis de les accomplir pour les besoins des jours qui suivraient la fête. S’il était nécessaire de creuser un nouveau puits, il était permis d’exécuter pendant la fête ce creusement, travail non spécialisé, mais le fait de l’enduire d’un revêtement pour le rendre étanche, travail requérant des compétences spécialisées, était repoussé après la fête. Mais si l’on avait le temps de jouir de l’eau qui s’écoulerait dans le puits pendant la fête, cela relevait des besoins corporels de la fête, et il était même permis de rendre le puits étanche pendant la fête (Mo’ed Qatan 4b, 5a).

Au titre des besoins collectifs auxquels il était pourvu à ‘Hol hamo’ed, le beit-din louait les services d’ouvriers, qui partaient en mission pour s’occuper des bains rituels, des tombes et des champs. On faisait cela à ‘Hol hamo’ed, afin de réaliser une économie sur l’argent du bureau du Temple, qui servait à rémunérer les ouvriers ainsi mandatés (les cheli’him, « émissaires ») : puisqu’ils étaient au chômage à ‘Hol hamo’ed, les émissaires étaient prêts à remplir leur mission pour une rémunération modeste (Mo’ed Qatan 6a). En quoi consistait le rôle des émissaires ? Ils vérifiaient que les bains rituels contenaient bien quarante séa, pour que l’immersion rituelle fût valable. Quand ils trouvaient qu’un bain rituel était déficient, ils creusaient un canal, afin d’y déverser de l’eau de source ou de puits, qui compléterait la quantité d’eau nécessaire. Ils marquaient aussi les lieux d’enterrement des morts, afin que les prêtres ne se rendissent pas impurs à leur emplacement. En effet, les marques étaient faites à la chaux sur le sol ou sur des pierres, et parfois elles s’estompaient en raison de la pluie, ou des passants qui y marchaient, de sorte qu’il fallait recommencer l’opération chaque année (Mo’ed Qatan 5a-b, Choul’han ‘Aroukh 544, 1). Les émissaires vérifiaient aussi les champs : s’ils y découvraient des espèces végétales croisées (kilaïm), ils déclaraient le champ hefqer (dépourvu de propriétaire) ; de cette manière, les Juifs prenaient soin de ne pas avoir d’espèces croisées dans leurs champs (Mo’ed Qatan 6b).

09 – Lois applicables de nos jours en matière de besoins collectifs

La permission d’exécuter une mélakha pour répondre aux besoins de la collectivité à ‘Hol hamo’ed vaut lorsqu’il n’y a pas d’organisation publique forte, qui puisse lever des impôts et décider de lois contraignantes. Mais quand il y a une organisation publique capable de pourvoir aux besoins de la collectivité tout au long de l’année, il est interdit de faire exécuter les travaux nécessaires à la collectivité pendant ‘Hol hamo’ed (Maguen Avraham, Michna Beroura 544, 1). Par conséquent, de nos jours, où les pouvoirs publics locaux sont bien organisés, et bénéficient de ressources financières et d’équipes de travailleurs, il est interdit d’exécuter à ‘Hol hamo’ed une quelconque mélakha qu’il serait possible d’accomplir à un autre moment. Seuls les travaux qu’il est indispensable de faire précisément à ‘Hol hamo’ed pourront être exécutés alors. Ainsi de l’enlèvement des ordures à partir des conteneurs publics, qui risqueraient de déborder : cela se fait à ‘Hol hamo’ed.

Si l’acte répond à une nécessité corporelle éprouvée pendant la fête – afin que les gens ne souffrent pas beaucoup, ni ne trébuchent en chemin –, il sera même permis d’accomplir un travail spécialisé. Par conséquent, si une panne est survenue dans l’éclairage de la rue, il est permis à un électricien d’accomplir la réparation à ‘Hol hamo’ed. Si une canalisation d’égout s’est bouchée, et que cela cause un dérangement à la collectivité, il est permis de la réparer par le biais d’un travail spécialisé, et avec moult effort. De même, il est permis de réparer le robinet d’eau de la synagogue, afin que les fidèles puissent se laver les mains avant la prière. Il est également permis à un mécanicien automobile de réparer les autobus et les taxis dont le public a besoin pour ses voyages de ‘Hol hamo’ed (Chemirat Chabbat Kehilkhata 68, 7-8)[7].

Il est permis, à ‘Hol hamo’ed, d’imprimer un bon journal, ainsi que d’écrire des informations sur un bon site Internet. En effet, de nos jours, le public a l’habitude de « consommer » de l’information, ce par quoi les médias influent sur le public et sur les dirigeants. Si donc le média dont il s’agit est de qualité, il exercera une bonne influence ; dès lors, cela sera considéré comme une activité répondant aux besoins du public, et comme un cas d’évitement d’une perte. De plus, dans la mesure où les gens ont l’habitude de s’intéresser aux informations, nombre d’entre eux, si l’on ne leur fournissait pas de bons médias, se fourvoieraient en recourant à de mauvais médias.

Il est permis à un bon journal de publier également des annonces et publicités, à ‘Hol hamo’ed. Mais il est interdit d’écrire, pendant ces jours, des articles pour les besoins des jours qui suivent la fête. Toutefois, les articles dont la non-parution causerait une perte au journal, et qu’il est impossible de préparer après la fête, avant la date d’impression du journal, de même qu’il est impossible de les écrire avant la fête, pourront être préparés à ‘Hol hamo’ed (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 68, 13 et notes).


[7]. Si un ascenseur ou l’éclairage d’un escalier d’immeuble se sont détériorés, et qu’il y ait là un possible danger, ou une conséquence en termes de santé – par exemple dans le cas où l’on risquerait de tomber sans lumière, ou bien en présence d’une femme enceinte, ou d’une personne âgée ou malade, qui ont besoin de l’ascenseur, il sera permis de réparer la panne par le biais d’un travail spécialisé (mélékhet oman). Quand il n’y a pas de problème particulier de ce genre, mais que dix familles habitent dans l’immeuble, ce nombre est considéré comme une collectivité ; et puisqu’il y a là une jouissance corporelle pendant la fête, il sera permis de réparer l’ascenseur ou l’éclairage par le biais d’un travail spécialisé. S’il ne se trouve pas dix familles, les habitants de l’immeuble doivent être considérés comme des particuliers ; il ne sera donc permis de réparer la panne que par le biais d’un travail non spécialisé (mélékhet hédiot). (Cf. ‘Hol Hamo’ed Kehilkhata 8, note 41, au nom du Rav Chelomo Zalman Auerbach ; Pisqé Téchouvot 544, 1, et Har’havot sur le présent passage).

10 – Pour les besoins d’une mitsva, une mélékhet hédiot est permise

Pour les besoins de l’accomplissement d’une mitsva qui se présente pendant la fête, qu’elle se rapporte à un particulier ou à une collectivité, il est permis d’accomplir un travail simple (mélékhet hédiot), puisque les besoins relatifs à une mitsva sont comme les autres nécessités de la fête, pour lesquelles il est permis d’accomplir une mélakha non spécialisée, mais non une mélakha requérant une spécialité (mélékhet oman) (Rama 544, 1, Michna Beroura 8). Ce n’est en effet que pour une chose répondant à un besoin corporel (tsorekh hagouf) éprouvé pendant la fête, tel que la préparation d’aliments ou la réparation d’un réseau d’eau, que l’exécution d’une mélékhet oman a été autorisée (cf. ci-dessus, chap. 11 § 3-5).

Par conséquent, il est interdit d’écrire un rouleau de la Torah (séfer-Torah) pendant la fête, ne serait-ce qu’une seule lettre, puisqu’il s’agit d’un travail spécialisé, et que les travaux spécialisés ne sont autorisés à ‘Hol hamo’ed que pour répondre aux besoins corporels (Choul’han ‘Aroukh 545, 1). Mais si un séfer-Torah requiert une réparation nécessitant un acte non spécialisé, il est permis de le réparer à ‘Hol hamo’ed, même si l’on n’a pas besoin d’y lire pendant la fête. En effet, il est permis d’accomplir un travail simple pour les nécessités d’une mitsva, même s’il n’y a pas là de nécessité pour la fête elle-même. Si donc on trouve une lettre de trop dans un séfer-Torah, il sera permis de l’effacer. Et si l’on y trouve des lettres collées l’une à l’autre, on pourra les séparer. De même, si l’encre de certaines lettres s’est effritée, il sera permis de repasser dessus à l’encre (Cha’aré Techouva 1, au nom du Panim Méïrot 1, 66 ; Michna Beroura 2 ; ‘Aroukh Hachoul’han 1).

Si l’on étudie la Torah, et que l’on sache que, en résumant le propos, on parviendra à se mieux concentrer, il sera permis de résumer son étude par écrit – en traçant des caractères simples, ou en écrivant sur ordinateur – puisque cette écriture répond aux besoins d’une mitsva (Choul’han ‘Aroukh 545, 9 ; cf. ci-dessus, chap. 11 § 13).

Si l’on veut accomplir la mitsva d’introduire un nouveau rouleau de la Torah à la synagogue (hakhnassat séfer-Torah) pendant la fête, il sera interdit de laisser pour ‘Hol hamo’ed l’écriture des dernières lettres[b], puisque cette écriture est spécialisée. Mais il est permis de laisser des lettres dont le contour a été tracé, et où tout ce qu’il reste à faire est de remplir d’encre l’intérieur, puisqu’il s’agit là d’une mélakha simple, qui est autorisée pour les nécessités d’une mitsva (‘Aroukh Hachoul’han 545, 5 ; Sdé ‘Hémed IX Ma’arékhet ‘Hol hamo’ed 72 ; Kaf Ha’haïm 6).

Si, à Isrou ‘hag (lendemain du dernier Yom tov), on doit donner un repas à l’occasion d’une circoncision, et que l’on ne puisse préparer alors le repas, on sera autorisé à le préparer à ‘Hol hamo’ed : bien que, en principe, on ne prépare pas à ‘Hol hamo’ed de nourriture pour les jours profanes, c’est ici permis, puisque cela répond aux nécessités d’une mitsva et que le travail à accomplir est simple (Chemirat Chabbat Kehilkhata 67, 44).


[b]. Comme c’est parfois l’usage en dehors des fêtes.