Pniné Halakha

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09. L’interdit de manger et de boire avant le Qidouch

Dès lors que le Chabbat a commencé, c’est une mitsva que de se presser d’accomplir le commandement de zakhor, en récitant le Qidouch sur une coupe de vin. Nos sages ont prescrit de ne rien manger avant le Qidouch ; même boire de l’eau est interdit. Mais il est permis de se rincer la bouche avec de l’eau, ou de prendre un médicament (Choul’han ‘Aroukh 271, 4 ; Michna Beroura 13 ; Chemirat Chabbat Kehilkhata 52, 3)[11].

Cet interdit s’applique dès l’instant de l’entrée de Chabbat. Aussi, quand une femme a reçu le Chabbat par l’allumage des veilleuses, il lui est interdit de boire, jusqu’au moment où elle accomplira la mitsva du Qidouch. De même, il est interdit à un homme qui a accueilli la tosséfet Chabbat[f] de manger ou de boire avant de réaliser la mitsva du Qidouch. Si l’on n’a pas accompli la mitsva de tosséfet Chabbat, c’est depuis le coucher du soleil qu’il sera interdit de manger, car à ce moment le Chabbat commence, indépendamment du fait qu’on l’accueille (Michna Beroura 271, 11 ; cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 43, 46).

Le matin de Chabbat également, après l’office de Cha’harit, il est interdit de manger ou de boire avant le Qidouch.

Certaines personnes voudraient manger et boire avant la prière du matin ; mais comme on le sait, la chose est interdite, comme l’enseignent nos sages : « Quiconque mange et boit avant de prier, à lui s’applique le verset (1 Rois 14, 9) : “Et Moi, tu m’as rejeté loin de toi[g]”. Le Saint béni soit-Il dit : “Après qu’il s’est enorgueilli (en satisfaisant ses désirs), celui-ci accepterait le joug de la royauté des Cieux !” » (Berakhot 10b)[h]. En revanche, il est permis de boire de l’eau avant la prière, car le fait d’en boire n’est aucunement un signe d’orgueil. Les décisionnaires enseignent que, si l’on en a besoin, on est même autorisé à boire du café ou du thé. Et si l’on en éprouve l’ardent besoin, il est même permis d’adoucir ces boissons en y ajoutant un peu de sucre et de lait (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 89, 3-4).

Si l’on est malade, et que l’on ait besoin de manger avant la prière, ou que l’on ait très faim, au point de savoir que, si l’on ne mangeait rien, on ne pourrait se concentrer dans sa prière, on est autorisé à manger un peu avant l’office (cf. La Prière d’Israël 12, 6-7). Et quoique certains auteurs disent que l’on doit en ce cas réciter le Qidouch, on ne dit pas, en pratique, le Qidouch avant la prière, car la coutume est conforme à l’opinion de ceux qui estiment que l’obligation du Qidouch ne commence à courir qu’après la prière de Cha’harit[12].

Une femme qui a l’habitude de réciter la ‘Amida de Cha’harit est autorisée à boire avant sa prière. En cas de besoin, il lui est même permis de manger, comme les hommes, car tant qu’elle n’a pas prié, l’obligation du Qidouch ne pèse pas sur elle. En revanche, quand une femme ne dit habituellement que les bénédictions matinales (Birkot hacha’har), l’obligation du Qidouch lui incombe dès le lever ; si elle souhaite manger ou boire, elle récitera d’abord les bénédictions matinales, puis dira le Qidouch, après quoi elle mangera et boira. En cas d’impérieuse nécessité – par exemple si elle ne sait pas réciter le Qidouch et qu’elle ait très soif –, elle pourra boire ; et si elle éprouve un grand besoin de manger, elle mangera (La Prière juive au féminin 22, 10)[13].

Quand un enfant est parvenu à l’âge de l’éducation, on doit a priori l’habituer à ne pas manger avant le Qidouch ; mais s’il a faim ou soif, il est permis de lui donner à manger et à boire avant le Qidouch (Chemirat Chabbat Kehilkhata 52, 18, Yalqout Yossef 271, 17).


[11]. Ce qui vient d’être dit ne vaut que lorsqu’on dispose de vin ou de pain, sur lesquels on peut réciter le Qidouch. Mais si l’on n’a ni vin ni pain, on peut manger sans Qidouch. En ce cas, on dira le texte du Qidouch sans les bénédictions, afin de s’acquitter tout de même de la mitsva de zakhor aux yeux de la Torah. Si l’on s’attend à ce que quelqu’un apporte du vin avant le milieu de la nuit (‘hatsot), il est bon d’attendre avant de réciter le Qidouch. S’il est difficile d’attendre, on est autorisé à manger. Lorsqu’on apportera le vin durant la nuit, on récitera dessus le Qidouch, puis on mangera la mesure d’un kazaït de pain ou de gâteau (Michna Beroura 289, 10).

 

[f]. Cf. Chap. 3 § 2.

 

[g]. Littéralement derrière ton dos, le mot gavekha, ton dos, faisant allusion à guéékha, ton orgueil.

[h]. Le fait de manger ou de boire certaines boissons avant la prière est associé à la notion d’orgueil, car cela revient à donner à la satisfaction de ses propres désirs la priorité sur le service de Dieu. Se concevoir comme serviteur avant de rechercher la satisfaction de ses désirs est au contraire un signe d’humilité.

 

[12]. Selon le Michna Beroura (Béour Halakha 289), celui qui mange avant la prière doit dire le Qidouch : dès lors que l’on mange, la collation relève, d’une certaine manière, du repas sabbatique (la sé’ouda), laquelle requiert un Qidouch. C’est aussi l’opinion du Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm II, fin du chiffre 28 et du Yalqout Yossef 289, 5. En revanche, si l’on se contente de boire avant la prière, il n’est pas besoin de dire le Qidouch.

 

Face à ces autorités, les responsa Qéren lé-David 84, ‘Helqat Ya’aqov 4, 32 et d’autres A’haronim estiment que, même si l’on mange, on n’a pas à dire le Qidouch, car l’obligation du Qidouch ne s’applique qu’après la prière. En effet, le Qidouch fut institué pour précéder un repas sabbatique proprement dit, comme il est dit : « Tu appelleras le Chabbat délice » (Is 58, 13) [cf. ci-après, début du paragraphe 10, où cette notion est expliquée] ; or celui qui mange avant la prière le fait faute de choix, pour les besoins de sa santé et non au titre des délices sabbatiques. Aussi ne convient-il pas de réciter le Qidouch à ce moment. Et tel est l’usage.

[13]. Selon Na’hmanide, les femmes ont l’obligation de réciter la ‘Amida de Cha’harit et celle de Min’ha. Selon Maïmonide, elles ne sont tenues qu’à une prière quotidienne. Pour le Maguen Avraham, se plaçant dans la perspective de Maïmonide, il n’est pas nécessaire que la femme récite précisément la ‘Amida : elle s’acquitte de son obligation par toute prière. D’après cette thèse, si la femme dit les bénédictions matinales, elle s’acquitte par-là de son obligation, car ces bénédictions portent en elles une valeur de prière (comme l’explique le Michna Beroura 106, 4 ; cf. La Prière juive au féminin 2, 2-5).

 

Le moment à partir duquel court l’obligation du Qidouch dépend de l’usage adopté par la femme : si elle a l’usage de réciter la ‘Amida de Cha’harit, la règle qui s’applique à elle est semblable à celle des hommes : si elle doit boire ou manger avant de prier, il ne lui sera pas nécessaire de réciter d’abord le Qidouch. Même si elle n’a l’usage de réciter la ‘Amida de Cha’harit que le jour de Chabbat, elle pourra dire les bénédictions matinales avec l’intention de ne pas s’acquitter par elles de son obligation de prier ; alors, si elle mange ou boit avant la ‘Amida, elle ne récitera pas le Qidouch. C’est ce qu’écrit le Chemirat Chabbat Kehilkhata 52, 13 (et note 44).

 

Une femme qui n’a pas l’usage de réciter la ‘Amida est, dès son lever, assujettie à la mitsva du Qidouch. En cas de nécessité impérieuse, par exemple si elle ne sait pas réciter le Qidouch, elle pourra être indulgente car, de l’avis du Maharam ‘Halawa, les femmes sont dispensées du Qidouch du matin. De plus, selon le Raavad et ceux qui adoptent ses vues, il n’est pas interdit de manger avant le Qidouch du jour. Par ailleurs, certains auteurs, expliquant Maïmonide, estiment que, selon lui, bien qu’il soit généralement interdit de manger et de boire avant le Qidouch, il est toujours possible de boire de l’eau. Par conséquent, en cas de nécessité pressante, il est permis de boire avant le Qidouch et, si la femme a également besoin de manger, elle est même autorisée à le faire. Telle est la position du Min’hat Yits’haq IV 28, 3, du Chemirat Chabbat Kehilkhata 52, 13 et du Yalqout Yossef 289, 6.

 

Le Igrot Moché (Ora’h ‘Haïm IV 101, 2) apporte un autre élément novateur : la règle applicable à la femme mariée est, dit-il, particulière. Puisque elle doit manger avec son mari, son obligation à l’égard du Qidouch est assujettie à celui-ci. Par conséquent, tant que le mari n’a pas terminé sa prière, il est permis à la femme de manger et de boire, car elle n’est pas encore soumise à l’obligation du Qidouch. Rabbi Chelomo Zalman Auerbach, commentant ces propos, a laissé la question en suspens (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 52, note 46). En cas de besoin, on peut s’appuyer sur le Igrot Moché. De même, une femme mariée dont le mari a prié tôt le matin et, revenant de l’office, souhaite faire le Qidouch et manger avec elle, pourra se joindre à son Qidouch et manger avec lui, bien qu’elle ait l’intention d’aller ensuite à l’office de Cha’harit, car la vie familiale normale, selon la halakha, veut qu’une femme mange en compagnie de son mari. Elle aura soin de réciter préalablement les bénédictions matinales (Birkot hacha’har). Cf. La Prière juive au féminin 22, 10.

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