Pniné Halakha

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10. Femmes qui allaitent

Comme nous l’avons vu, les femmes enceintes et celles qui allaitent ont l’obligation de jeûner à Kipour (Pessa’him 54b ; Choul’han ‘Aroukh 617, 1). Certes, il y a de nos jours des décisionnaires qui estiment que les femmes qui allaitent sont autorisées à boire par petites quantités intermittentes (chi’ourim), afin que le jeûne n’ait pas pour effet d’interrompre la possibilité d’allaiter. Mais selon la majorité des décisionnaires, la femme qui allaite a l’obligation de jeûner à Kipour, et même le 9 av. Et bien que l’allaitement rende le jeûne plus difficile – parce qu’il cause une perte supplémentaire de liquide –, il n’y a pas là de danger touchant à la vie des personnes. Pour le bébé lui-même, il n’est pas à craindre de danger ; en effet, dans le cas même où le lait diminue, voire cesse de venir, cela ne présente pas de danger pour l’intégrité du bébé, puisqu’on a la possibilité de lui donner un substitut de lait maternel. En pratique, le jeûne n’entraîne généralement pas d’interruption d’allaitement.

Le bon conseil que l’on peut donner à celles qui allaitent est de le faire par alternance. De cette façon, elles passeront le jeûne de façon relativement facile. En d’autres termes, une femme qui allaite toutes les trois heures allaitera son bébé à dix heures du matin ; puis, à 13 heures, elle donnera un substitut de lait maternel ; puis elle allaitera de nouveau à 16 heures, et donnera de nouveau un substitut à 19 heures. Ainsi, elle ne souffrira pas tellement du jeûne, et son lait ne diminuera pas. Certains bébés refusent de recevoir de leur mère un substitut de lait maternel ; en ce cas, il faut qu’un tiers lui donne le substitut, ou de l’eau sucrée.

Certes, quand le bébé est petit et faible, qu’il a tendance à être malade, que le médecin pense qu’il a particulièrement besoin du lait de sa mère, et qu’il est à craindre que, en raison du jeûne, le lait de la mère ne s’interrompe ou ne diminue de façon significative, la mère pourra, si un médecin craignant Dieu le lui prescrit, boire par petites quantités discontinues (Béour Halakha 617, 1). Cependant, c’est un cas rare. En effet, si la femme qui allaite boit abondamment à la veille du jeûne, il est presque certain que le lait ne diminuera pas en raison du jeûne. Il est préférable qu’elle commence à boire abondamment trois jours avant le jeûne, et qu’elle s’octroie des heures supplémentaires de sommeil ; grâce à cela, son lait augmentera. De plus, on peut, dans les jours qui précèdent le jeûne, tirer son lait, dans la quantité nécessaire à plusieurs repas, grâce à quoi le bébé aura abondance de lait pendant le jeûne, et il ne sera pas non plus à craindre que le lait de la mère ne diminue[13].


[13]. Quand il existe un risque sérieux que, en raison du jeûne, le lait de la mère s’interrompe ou diminue de façon significative, certains décisionnaires sont indulgents, et lui permettent de boire par chi’ourim, car, à leur avis, le lait maternel est une question vitale (piqoua’h néfech ; c’est ce que l’on rapporte au nom du ‘Hazon Ich). Ces auteurs ajoutent qu’il n’y a pas lieu de tenir compte du fait que, de nos jours, il existe de bons substituts (Halikhot Chelomo 6, 2 ; Sia’h Na’houm 36). Et certains témoignent au nom de différents rabbins que, bien qu’ils eussent écrit, dans des livres, qu’il fallait être rigoureux, ils étaient indulgents en pratique à l’égard de la majorité de celles qui les interrogeaient.

Cependant, ces propos soulèvent de grandes objections. En effet, bien que le lait maternel présente à l’évidence de réels avantages, et que la position médicale la plus commune soit d’encourager vivement l’allaitement, de nombreuses femmes n’allaitent pas du tout ; et nous n’avons pas entendu les médecins livrer un combat pour qu’elles continuent d’allaiter afin de sauver leurs enfants d’un possible danger pour leur vie. D’après un sondage portant sur l’état de la santé nationale, en l’an 5760 (1999-2000), environ 10% des accouchées juives d’Israël n’allaitent pas du tout ; seules 70% d’entre elles allaitent encore après un mois d’allaitement exclusif ou partiel ; 50% d’entre elles allaitent plus de trois mois, et seulement 32% poursuivent plus de six mois. Il est vraisemblable que nombre d’entre celles qui n’allaitent pas, exclusivement ou partiellement, cherchent par-là à faciliter l’accomplissement de leur travail professionnel, de leurs études ou d’autres activités du même ordre. Or si, pour de telles nécessités, qui ne relèvent pas du piqoua’h néfech, on interrompt ou l’on réduit l’allaitement, ce qui ne provoque pas de protestation perçante de la part de l’institution médicale, comme il devrait se faire dans un cas de danger vital, c’est bien que la réalité nous montre que l’on ne considère pas l’interruption de l’allaitement comme un cas de danger vital.

De plus, jadis, alors que de nombreux bébés mouraient dans leur première année, et qu’il n’existait pas de bons substituts au lait maternel, la prescription formelle était néanmoins, pour la femme qui allaitait, qu’elle avait l’obligation de jeûner. Même le 9 av, elle se devait de jeûner. Comment pourrait-on donc concevoir que, de nos jours, où l’on trouve de bons substituts, et où nous ne voyons pas de cas où un bébé serait mort parce que sa mère aurait interrompu son allaitement, la question se transforme soudain en cas de piqoua’h néfech ? Même autrefois, quand il n’y avait pas de substituts, les décisionnaires indulgents ne l’étaient que lorsque le bébé était malade, comme l’explique le Devar Chemouel 107, dont les propos sont rapportés, pour trancher en ce sens, par le ‘Hatam Sofer VI 23, le Béour Halakha 617, 1, le Da’at Torah 617. C’est aussi en ce sens que s’exprime le Har Tsvi, Ora’h ‘Haïm I 201, fin de l’alinéa 1. Par conséquent, ce n’est que s’il y a une prescription médicale particulière, fondée sur la nécessité, pour un bébé malade, d’être précisément nourri au lait maternel, et qu’il soit à craindre que le lait de l’allaitante ne diminue suite au jeûne, que celle-ci boira le jour de Kipour. C’est aussi en ce sens que penchent le Torat Hayolédet 51, note 11 et le Pisqé Techouvot 617, 2.

De prime abord, il y aurait eu lieu d’être rigoureux, de nos jours, même à l’égard de ces bébés, puisqu’il existe des substituts au lait maternel, et que toute l’indulgence visait une époque où il n’en existait pas, de sorte que, si le lait de la mère s’interrompait, elle devait louer les services d’une nourrice, et si le couple n’avait pas d’argent pour cela, le bébé était véritablement en danger pour sa vie à cause d’une insuffisante nutrition. Mais en pratique, cette décision est livrée entre les mains des médecins. Si le médecin auquel l’examen du bébé est confié estime que, puisque le bébé est malade, il y aurait un certain danger vital à interrompre l’alimentation au sein maternel, et que, de plus, on se trouve dans un cas où le risque est grand que le lait s’interrompe en raison du jeûne, on peut être indulgent. Si le médecin est de ceux qui instruisent de nombreuses allaitantes à boire par chi’ourim, le jour de Kipour, il apparaît que, suivant la majorité des décisionnaires, on ne pourra s’appuyer sur son avis, et il faudra interroger un médecin dont les réponses soient fondées sur le principe qui veut que l’interruption de l’allaitement n’est pas, en soi, considéré comme un cas de piqoua’h néfech. Cf. ci-dessus, § 4, où l’on voit que ceux qui interrogent le médecin ont, eux-mêmes, la responsabilité de formuler leur question en étant animés de crainte du Ciel.

On se doit d’ajouter que le risque de voir le lait se tarir en raison du jeûne est assez éloigné. En effet, généralement, le jeûne n’entraîne pas une telle interruption. Pour celle qui a soin, les jours précédant le jeûne, de boire au moins trois litres d’eau par jour, et de dormir environ huit heures, ou à tout le moins sept sur vingt-quatre, le risque de voir le flux de lait s’interrompre est très bas. Au contraire, grâce à une bonne préparation au jeûne, de nombreuses femmes témoignent de ce que leur allaitement s’est amélioré ; elles ont pu constater à quel point la boisson et le sommeil sont utiles à l’allaitement. De plus, en général, dans le cas même où la femme qui allaite ne s’est pas convenablement préparée avant le jeûne, le lait revient à son flux initial par l’effet d’une boisson abondante et de repos pris après le jeûne. (Certes, dans le cas où l’allaitante ne procède plus qu’à un petit nombre d’allaitements quotidiens, ou que, de toute façon, elle a du mal à allaiter, il se peut que, si elle ne se prépare pas bien au jeûne – en buvant et en dormant abondamment – il lui soit très difficile de rétablir son lait.)

En pratique, il n’y a pas lieu d’annuler une mitsva toranique dont les modalités ont été exposées par le Talmud et les décisionnaires, et qui fait obligation à la femme qui allaite de jeûner à Kipour, au motif contestable que le jeûne des mères serait dangereux pour la vie de leur enfant. Le 9 av lui-même, dont l’institution est rabbinique, les femmes enceintes ou allaitantes sont tenues de jeûner, comme les décisionnaires l’expliquent.

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