Pniné Halakha

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04. Qui détermine le degré de danger ?

En règle générale, cette halakha est confiée aux médecins ; d’après la connaissance médicale dont ils disposent, et d’après leur expérience, ils doivent établir quand un danger est à craindre, et quand cela n’est pas à craindre.

Le problème est cependant que de nombreux médecins, par excès d’appréhension, ou par mépris envers la mitsva, donnent pour directive constante, à tout malade, de boire et de manger au jour de Kipour. Et certains médecins pensent, par erreur, que s’ils disent au malade de boire et de manger par très petites quantités (chi’ourim), il n’y a plus en cela d’interdit. La vérité est que le fait de manger ou de boire par très petites quantités est, lui aussi, interdit par la Torah ; et ce n’est qu’après que l’état du malade a été défini comme dangereux, et qu’il lui a été permis de boire et de manger, qu’il est préférable, si la chose est possible, qu’il se contente de boire et de manger suivant de très petites mesures (comme nous l’expliquerons au paragraphe suivant).

Par conséquent, les malades doivent interroger, en ces matières, un médecin craignant Dieu (yeré Chamaïm). La crainte de Dieu ne dépend pas nécessairement du port d’une kipa ; l’essentiel est que le médecin soit un être droit et moral, qu’il tranche avec un maximum de responsabilité, tant à l’égard de la sainteté du jeûne qu’à l’égard de la vie de la personne. Aux malades aussi, incombe la responsabilité de s’adresser au médecin en étant animé de crainte du Ciel ; car lorsqu’ils font pression sur le médecin pour que celui-ci les autorise à boire et à manger, ce dernier se trouve dans un véritable désarroi : en plus de la lourde responsabilité qui pèse sur ses épaules, il est difficile au médecin de distinguer un malade dont l’état fait véritablement craindre l’existence d’un danger, d’un autre, qui appréhende le jeûne et cherche le moyen de s’en dispenser, alors qu’il n’est à craindre, en vérité, aucun danger pour sa vie. En effet, une part centrale des données sur lesquelles peut statuer le médecin émane des renseignements délivrés par le malade lui-même ; or, quand le malade fait pression pour obtenir une autorisation, le médecin conclut que son état est critique, et il est vraisemblable qu’il lui donnera pour directive de boire et de manger par petites quantités, alors que, si les informations lui avaient été données correctement, il lui serait apparu que l’état du malade ne présente pas l’ombre d’un danger. Dans un tel cas, la responsabilité principale, quant à la directive erronée, est celle du demandeur.

Quand un médecin craignant Dieu se trouve dans un cas de doute, il examinera en son for intérieur ce qu’il aurait fait si, le jour de Kipour, il avait été porté à sa connaissance le cas d’un semblable malade en train de jeûner. Si cela justifiait qu’il prît sa voiture pendant dix minutes pour l’avertir qu’il lui fallait boire et manger, afin de le sauver d’un possible danger, c’est le signe qu’en effet, il y a là un cas de doute, portant sur un danger pour la vie humaine ; dans ces conditions, il lui faut prescrire au malade qui est en sa présence de boire et de manger au jour de Kipour. Par contre, si, malgré son sens des responsabilités face à la vie humaine, le médecin n’eût pas été prêt à faire un voyage de dix minutes pour se rendre auprès du malade, en plein Kipour, c’est le signe que l’on n’est pas en présence d’un cas de doute portant sur un danger pour la vie humaine ; il faut donc que le médecin prescrive au malade de jeûner. Un tel conseil s’applique à un médecin « normal », qui, d’un côté, n’est point paresseux, et qui, de l’autre, n’aime pas courir d’un malade à l’autre.

Quand un malade, par erreur, s’est adressé à un médecin qui ne craint pas le Ciel, et que celui-ci lui prescrit de boire et de manger, il faut se presser d’interroger, avant Kipour, un médecin craignant Dieu. Mais si l’on a fauté, s’abstenant d’interroger  ce second médecin, et que le jour de Kipour soit déjà entré, on boira et l’on mangera à Kipour. En effet, bien qu’il soit douteux que le premier médecin lui ait répondu conformément à la halakha, nous ne sommes pas sortis du doute, quant à l’état du malade. Or en tout cas de doute portant sur l’atteinte à la vie d’une personne, il faut être rigoureux, en buvant donc et en mangeant.

Il faut encore savoir ceci : bien que cette halakha soit remise entre les mains des médecins, si le malade estime qu’il se trouve dans un cas de doute portant sur un possible danger, et que, pour en être préservé il lui faut boire et manger, il devra le faire, même si les médecins estiment que son état ne présente pas de danger. En effet, il arrive que la personne sente la gravité de son état, mieux que les médecins ne sauraient le faire, ainsi qu’il est dit : « Le cœur connaît l’amertume de l’âme » (Pr 14, 10, Yoma 83a ; Choul’han ‘Aroukh 618, 1). En revanche, si le malade prétend qu’il lui faut manger, et que le médecin estime que manger mettrait sa personne en danger, c’est le médecin qu’on écoute (‘Aroukh Hachoul’han 618, 5-6, Chemirat Chabbat Kehilkhata 39, 4)[5].


[5]. Il n’y a pas de différence, quant à cette halakha, entre un médecin juif et un médecin non-juif ; l’essentiel est qu’il soit digne de confiance (Michna Beroura 618, 1). La Guémara Yoma 83a et les Richonim qui s’y rapportent discutent de cas dans lesquels il y a divergence entre médecins. En pratique : si un médecin a dit qu’il faut manger, et qu’un autre médecin ait dit qu’il n’est pas nécessaire de manger, le malade mangera, puisqu’on se trouve dans un cas de doute (Choul’han ‘Aroukh 618, 2). Quand deux médecins ont dit qu’il n’était pas nécessaire de manger, et qu’un autre a dit qu’il le fallait, on suit la majorité (Choul’han ‘Aroukh 618, 3). Quand deux médecins ont dit qu’il fallait manger, on suit leur avis, même si cent médecins sont d’avis contraire (Choul’han ‘Aroukh 618, 4). Si, parmi les médecins soutenant qu’il n’est pas nécessaire de manger, il en est qui soient plus spécialisés, ce, de façon significative : dans la mesure où ceux qui soutiennent cet avis constituent la majorité et comptent parmi eux des médecins plus spécialisés, et quoiqu’il y ait deux médecins soutenant qu’il faut manger, on suit la majorité et les spécialistes, de sorte qu’on ne mange point (Maté Ephraïm 3 ; cf. Michna Beroura 618, 12).

D’après cela, si, selon la médecine courante, il n’y a pas lieu de manger, et que, d’après des médecins alternatifs il faille manger, on ne tient pas compte de l’avis de ces derniers : il sera interdit de manger, puisque les médecins institutionnels sont considérés comme étant d’un plus haut degré d’expertise. Leurs propos s’appuient en effet sur des recherches plus étendues ; de plus, ils constituent la majorité. Mais si le malade est convaincu, personnellement, que le médecin alternatif a raison, il lui sera permis de manger (cf. Rama 618, 4).

Dans Les Lois de Chabbat II 27, 2, nous expliquons que l’on écoute le malade, contre l’avis des médecins, à la condition que les propos du malade présentent une certaine logique. Mais si sa maladie est connue, et que le malade exige un traitement requérant la transgression du Chabbat par un tiers, alors que, d’autre part, les médecins estiment que ledit traitement n’est pas utile, c’est le médecin qu’on écoute (Béour Halakha 328, 10 ד »ה ורופא). De même, quand le malade est réputé pour être un grand poltron, et que la personne présente, qui s’entend en médecine, est certaine que son état ne présente pas de danger, il est juste que ce malade ne mange pas. Mais si, malgré la position du médecin, et la connaissance que l’on a de la tendance du malade à être exagérément craintif, ledit malade est toujours certain qu’il lui faut manger, il agira selon ce qu’il croit comprendre (cf. Tsits Eliézer, résumé du responsum 8, 15 [7, 25], où il apparaît que, parfois, il est permis à un malade de profaner le Chabbat pour lui-même, mais non au médecin).

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