Pniné Halakha

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05. Pour quel malade dit-on qu’il est préférable de boire et de manger par petites quantités ?

Lorsque, d’après les consignes de la médecine, le malade en danger n’est pas obligé de boire ni de manger d’urgence en grande quantité, quelques-uns des plus grands Richonim écrivent qu’il est préférable que chaque prise de nourriture soit en quantité inférieure à une certaine mesure ; et que le malade  boive et mange en marquant des pauses entre chaque prise alimentaire ; cela, afin de minimiser l’acte interdit (comme nous le verrons ci-après). Et bien que la boisson ou la consommation d’une très faible quantité soit, en elle-même, également interdite par la Torah, la gravité est plus grande quand l’ingestion atteint ladite mesure ; en effet, si la faute est commise intentionnellement, on est alors passible de retranchement (karet), et si elle est commise de manière non intentionnelle, on est tenu d’apporter un sacrifice expiatoire (‘hatat) ; aussi y a-t-il un certain avantage dans le fait de ne boire ou de ne manger qu’une quantité inférieure à cette mesure.

Toutefois, quand il est à craindre que cette consommation en très petites quantités risque d’entraîner la moindre négligence dans l’affermissement du malade dont l’état est dangereux, c’est comme à l’habitude que celui-ci devra boire et manger. Par exemple, quand une accouchée est fatiguée, il est préférable qu’elle boive comme à son habitude, afin qu’elle puisse dormir de manière continue, sans avoir besoin de rester éveillée afin de pouvoir boire, à sa suffisance, par petites quantités séparées les unes des autres.

De même, des malades du diabète à la situation desquels aucune solution stable n’a été trouvée, doivent prendre grandement garde à cela : s’il est à craindre que, du fait de cette consommation discontinue, ils ne négligent de manger selon leurs besoins, ils mangeront de manière continue. Et il est préférable qu’ils prient en minyan, à la synagogue, et qu’ils mangent une fois par quelques heures, en quantité supérieure à la susdite mesure, plutôt que de chercher à embellir leur pratique en mangeant en quantités très faibles, de façon discontinue, et de ne pas se rendre à la synagogue[6].

À présent, expliquons comment on boit et on mange par chi’ourim. La mesure de boisson qu’il s’agit de ne pas atteindre en une fois est de kimlo piv (« bouche emplie »), c’est-à-dire une quantité propre à emplir la bouche quand une des deux joues est emplie, chaque individu suivant la taille de sa bouche. Et puisque cette mesure varie d’une personne à l’autre, le malade doit préalablement vérifier combien d’eau entre dans sa bouche pour former ce kimlo piv, puis rejeter cette eau dans un verre, et marquer sur le verre le niveau atteint par l’eau. Puis, le jour de Kipour, il boira, chaque fois, une quantité inférieure à celle-là. A priori, il faut vérifier cela avant l’entrée du jeûne.

La mesure d’alimentation solide qu’il s’agit de ne pas atteindre en une fois est celle de kotévet hagassa (grande datte), mesure inférieure à celle de kabeitsa (volume d’un œuf). Moins de cette mesure équivaut à 30 cm³ (Choul’han ‘Aroukh 612, 1-5, 9-10).

Le temps d’interruption entre une prise de boisson et la suivante, ou entre une prise alimentaire et la suivante, doit être équivalent à la durée dite d’akhilat pras (« consommation d’une demi-miche »). Puisque certains décisionnaires estiment que ce temps équivaut à neuf minutes, il est bon, a priori, d’observer une interruption de cette durée. S’il faut manger et boire davantage, on peut se contenter d’une interruption de sept minutes. Et en matière de boisson, s’il faut boire davantage, on peut se contenter d’une interruption d’une minute, car certains auteurs pensent que, s’agissant de boisson, une telle interruption suffit (Choul’han ‘Aroukh 618, 7-8). Il n’y a pas de différence, à cet égard, entre l’eau et les autres boissons ; aussi suggère-t-on aux malades à qui il suffit de boire par chi’ourim, de prendre des boissons riches en calories, de manière à n’avoir plus besoin de manger[7].


[6]. Na’hmanide apprend de la Guémara Keritot 13a qu’une femme enceinte dont l’état est dangereux, et qui a besoin de manger à Kipour, mangera par quantités inférieures à la mesure ordinairement passible de sanction. De cela, il conclut pour tout malade que, si la chose est possible, on boira et mangera par petites quantités, de manière discontinue. C’est aussi ce qu’écrivent le Roch, le Hagahot Maïmoniot, le Tour et le Choul’han ‘Aroukh 618, 7. En revanche, le Rif, Maïmonide et de nombreux autres Richonim ne mentionnent pas du tout cette règle de consommation par portions faibles et discontinues ; au traité Yoma non plus, cette notion n’est pas mentionnée. Selon ce second groupe de Richonim, le traité Keritot ne parle pas du tout, dans le susdit passage, de Yom Kipour, mais du cas d’une femme enceinte qui se trouverait dans la nécessité de manger d’un aliment impur. Dans le même sens, plusieurs A’haronim donnent pour directive au malade dont l’état est dangereux de boire et de manger suivant ses besoins, sans limitation (Netsiv, Or Saméa’h, Rabbi Haïm de Brisk).

En pratique, il est admis de donner la directive suivante : quand la chose est possible, il est bon de ne boire et de ne manger que par portions très petites et discontinues (chi’ourim). Or cette position semble problématique : nous avons vu, en matière de sauvetage de la vie humaine, le Chabbat, qu’il n’y a pas lieu de minimiser l’exécution d’actes interdits en demandant à un non-Juif ou à un mineur d’accomplir le travail de sauvetage. On craint en effet que les gens ne soient négligents à se porter au secours de leur prochain (Tossephot). De même, on craint que, dans l’avenir, dans le cas où il n’y aurait ni non-Juif ni mineur, on ne s’attarde à en rechercher un, et que, pendant ce temps, le malade ne meure (Ran). D’après cela, nos maîtres ont donné pour consigne de ne pas s’efforcer à accomplir les actes de sauvetage en y apportant un changement (chinouï), de crainte que ce changement n’ait pour effet que l’on tarde où que l’on soit négligent. Or si, de crainte d’une négligence, nos maîtres n’ont pas voulu que l’on s’efforçât de limiter l’exécution d’actes toraniquement interdits en leur conférant le statut d’actes rabbiniquement interdits seulement, pourquoi donne-t-on pour directive, dans le cas qui nous occupe, de minimiser la commission d’interdits, alors que, d’une manière ou d’une autre, l’acte considéré sera, fondamentalement, un interdit toranique ? Cf. Les Lois de Chabbat II 27, 4-5.

Il y a lieu de dire que, puisque l’état de la majorité des malades dont la situation est dangereuse est connu dès avant le jour de Kipour, et que l’on peut s’organiser en vue de ce jour de manière ordonnée, nos sages n’ont pas tenu compte du danger que le changement pourrait entraîner. Cependant, d’un autre côté, il se peut que tous les autres Richonim, qui n’ont pas mentionné le procédé de la consommation par chi’ourim, aient craint, quant à eux, qu’une directive pointilleuse, qui consisterait à minimiser la consommation, n’ait pour effet d’être négligent dans la préservation de la vie. D’après cela, on peut répondre au Binyan Tsion 34, qui écrivait que ce qui est autorisé se limite strictement à ce qui est nécessaire au sauvetage des personnes, et qu’au-delà de cela, toute consommation est toraniquement interdite. Or cet auteur s’étonnait que les décisionnaires n’eussent pas mentionné ce principe. On peut donc répondre à cela qu’il est difficile de déterminer exactement combien le malade a besoin de boire et de manger ; et pour sortir du doute, il y a lieu d’autoriser le malade à boire et à manger selon les besoins qu’il éprouvera. Cela ressemble, de ce point de vue, à ce qui est dit de Chabbat, où l’on soigne le malade de la façon dont on le soigne pendant la semaine [de même, le malade dont l’état est dangereux, et que la prise de nourriture par chi’ourim risque de mettre en danger, mangera selon son besoin, comme à l’ordinaire] (Choul’han ‘Aroukh 328, 4 ; cf. Les Lois de Chabbat II 27, note 4).

Le Hilkhot ‘Hag Be’hag 26, note 33, s’exprime dans un sens proche au nom du Rav Yossef Chalom Elyachiv. Il faut signaler que des catastrophes ont déjà eu lieu : des malades du diabète sont morts le jour de Kipour, par l’effet du jeûne. En effet, dans la mesure où ils pouvaient être actifs comme à leur habitude, ils se rendaient à la synagogue ; là, il leur était difficile de manger par quantités petites et de façon discontinue ; ils s’affaiblissaient donc, et, sans y prendre garde, s’évanouissaient et mouraient. Quand donc il y a l’ombre de la crainte d’un danger, les malades devront manger de la manière ordinaire, et ils iront à la synagogue ; car l’embellissement de la pratique consistant à manger par chi’ourim ne passe pas avant l’embellissement consistant à prier à la synagogue.

[7]. La notion d’akhilat pras est expliquée en Pniné Halakha – Les Lois de Pessa’h 16, 25 et Lois des bénédictions 10, 7. On trouve de nombreuses opinions sur cette unité de temps : entre 4 et 9 minutes. Le Michna Beroura 618, 21 écrit, au sujet de Yom Kipour, qu’il faut être rigoureux, conformément à l’avis du ‘Hatam Sofer, et observer neuf minutes. Cependant, en cas de nécessité, on peut être indulgent et se suffire de sept minutes, durée supérieure, selon la majorité des auteurs, à celle d’akhilat pras. Cf. Pniné Halakha – Lois des bénédictions 10, 7, où nous écrivons que, jusqu’à un tel délai, on est tenu de réciter la bénédiction finale. En ce qui concerne la boisson, selon Maïmonide, l’interruption à observer est semblable au temps nécessaire à la boisson d’un révi’it de manière tranquille et continue, ce qui ne dure pas plus d’une minute. Le Choul’han ‘Aroukh écrit cependant qu’a priori, il y a lieu d’être rigoureux, comme le veut le Raavad, selon qui la règle est égale en matière de boisson et d’alimentation solide. Mais en cas de nécessité, il est préférable de suivre l’opinion de Maïmonide, plutôt que de boire une quantité de kimlo piv de façon continue.

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