Pniné Halakha

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Chapitre 22 – Le caractère du Chabbat

11. Marcher ou parler pour les besoins d’une mitsva

Il est permis, pour les besoins d’une mitsva, de parler de travaux interdits le Chabbat ; il est de même permis d’aller voir les choses sur lesquelles il faudra réaliser des travaux, ou encore de faire des calculs pécuniaires liés aux nécessités d’une mitsva. Il est dit en effet, dans le verset déjà cité d’Isaïe (58, 13) : « Tu l’honoreras en t’abstenant de suivre tes chemins ordinaires, de chercher la fortune [litt. tes affaires] et d’en faire le sujet de tes paroles », ce que nos sages commentent ainsi : « Tes propres affaires sont interdites, mais les affaires du Ciel sont permises » (Chabbat 113a). Il est donc permis, en cas de besoin, d’aller examiner une synagogue en cours de construction. De même, quand il faut préparer le nécessaire d’une fiancée, ou encore le nécessaire d’un mort, il est permis de se rendre à l’extrémité de la zone d’habitation sabbatique (te’houm), afin de pouvoir s’occuper de ces devoirs dès la fin de Chabbat. Il est également permis d’aller, à l’approche du soir, en un lieu d’où l’on voyagera le soir venu pour aller consoler des endeuillés (Chabbat 151a, Choul’han ‘Aroukh 306, 3, Chemirat Chabbat Kehilkhata 29, 13).

Il est de même permis, en cas de besoin, de tenir des propos profanes dans le cadre des nécessités d’une mitsva ; par exemple, de calculer les dépenses requises par un repas de mariage ou par un repas qui suit une circoncision, lesquels appartiennent à la catégorie de sé’oudat mitsva (repas donné à l’occasion d’une mitsva). On peut encore prévoir la rémunération d’un orchestre pour un mariage, la préparation des vêtements de l’épousée. Mais il est interdit de conclure l’affaire en pratique, car le commerce est chose interdite, même pour les besoins d’une mitsva. Quant à la rémunération du photographe pour le mariage, l’achat des vêtements pour les parents de la mariée ou pour ses sœurs, il est entièrement interdit d’en parler pendant Chabbat, car ce ne sont pas là des « nécessités d’une mitsva ».

Dans le même sens, il est permis d’organiser une quête, au cours de laquelle chacun s’engagera à offrir une somme déterminée à une œuvre (tsédaqa) ou à la synagogue. Il est aussi permis à des parents de calculer la somme nécessaire à l’éducation toranique, scientifique et professionnelle de leurs enfants. Si l’on est un professionnel de l’éducation, on peut traiter du budget de son école et des différents cours. Il est également permis à un directeur d’école de demander à un enseignant s’il est prêt à exercer dans son établissement, et de lui dire combien il pourra gagner par mois ; mais il est interdit de conclure un accord formel sur la question du salaire. Dans le même ordre d’idées, il est permis de parler des besoins de la collectivité : le revêtement d’une route, la fixation des impôts ; les besoins collectifs sont en effet, eux aussi, considérés comme les nécessités d’une mitsva (Chabbat 150a, Choul’han ‘Aroukh 306, 6). Mais il ne convient d’être indulgent en cette matière que lorsque ces propos présentent une réelle utilité pour la mitsva ; en revanche, lorsque, de toute manière, le traitement de la mitsva est supposé s’effectuer comme il convient, il est recommandé de s’abstenir de parler d’affaires profanes ou d’aller examiner leur avancement, même quand la chose est liée aux nécessités d’une mitsva (Michna Beroura 307, 1).

En cas de nécessité, il est permis, le Chabbat, d’annoncer avoir perdu un objet, même si cet objet est mouqtsé, comme un portefeuille, afin que l’on puisse accomplir, après Chabbat, la mitsva de rendre l’objet perdu (Choul’han ‘Aroukh 306, 12). En un lieu où il est difficile de trouver des pains azymes (matsot) pour Pessa’h, ou les quatre espèces végétales (arba’at haminim) que nous utilisons à Soukot, il est permis d’annoncer, pendant Chabbat, où l’on pourra se les procurer (Michna Beroura 306, 55).

12. Ce qu’il est permis et interdit de lire

Il est interdit, le Chabbat, de lire des contrats (de prêt, de vente, etc.), des documents comptables (relevés bancaires, d’électricité, d’eau…), les prix d’articles, inscrits dans des annonces publicitaires ou près des articles eux-mêmes, dans les vitrines des boutiques. Car quiconque a ces lectures se livre à des affaires profanes pendant Chabbat (Roch) ; de plus, il est à craindre qu’on n’en vienne, à la suite de cette lecture, à écrire ou à effacer (Maïmonide).

Selon Maïmonide, il n’est permis de lire, le Chabbat, que des textes de Torah, toute littérature profane, même scientifique, étant interdite, afin que l’on ne se comporte pas pendant Chabbat à la façon des jours profanes, ce par quoi l’on risquerait  d’en venir à écrire. Mais en pratique, on a l’usage de suivre la majorité des décisionnaires (Rachi, Rabbénou Yits’haq, Roch), qui estiment que l’interdit s’applique au fait de lire des comptes et des documents relatifs au commerce, et que, pour que l’on n’en vienne pas à les lire, les sages ont également interdit de lire des textes profanes sans valeur ; mais il est permis de lire des textes profanes dotés d’une valeur ou d’un intérêt, tels que des choses utiles au corps – par exemple, des conseils sur l’alimentation saine, ou la composition inscrite sur les paquets alimentaires. De même, il est permis d’apprendre les disciplines et sciences profanes.

S’il s’agit de textes profanes ou de récits sans valeur particulière, il est interdit de les lire. Toutefois, si l’on éprouve un grand plaisir à les lire, on est autorisé à le faire de manière occasionnelle (dérekh ar’aï)[f], car nos sages n’ont pas interdit une lecture qui est source de délice (‘oneg). Mais on ne lira pas par curiosité, pendant Chabbat, des faits divers qui provoquent de la peine ou de l’inquiétude (Michna Beroura 306, 38 ; 307, 3). Il semble qu’il soit cependant permis de lire les récits tristes qui proviennent de l’histoire d’Israël ou de la vie des justes, puisqu’ils portent une valeur d’étude toranique et de morale ; mais il est préférable d’étudier des choses réjouissantes, qui conviennent mieux au caractère du Chabbat.

Si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est permis de lire des propos scientifiques ou didactiques imprimés dans des journaux. Si l’on trouve un grand plaisir dans la lecture de l’actualité, de récits ou de chroniques, on est autorisé à en lire, de manière occasionnelle (dérekh ar’aï), mais non quand il s’agit de nouvelles attristantes ou inquiétantes. Il est permis de lire des articles généraux sur l’économie, qui ne comportent pas de directives pratiques ; mais il est interdit de lire des articles comportant des directives pratiques relatives aux affaires et aux investissements. De même, il est interdit de lire des annonces publicitaires vantant des articles que l’on achètera peut-être dans l’avenir.

Bien qu’il soit permis de lire certaines parties des journaux (si l’on s’en tient à la stricte obligation, comme nous venons de le voir), nombreux sont les décisionnaires qui estiment qu’il convient de s’abstenir de lire les journaux le Chabbat, car ils sont remplis de publicités commerciales, et l’on y trouve de nombreuses nouvelles affligeantes, de sorte qu’il est difficile de distinguer le permis de l’interdit. De plus, lire les journaux s’oppose au propos essentiel du Chabbat, jour destiné à l’étude de la Torah. Ce n’est qu’aux toilettes que l’on peut lire les articles scientifiques ou didactiques, et celles des nouvelles qui ne sont pas attristantes[7].

Il est permis de publier, dans les feuilles hebdomadaires du Chabbat, des annonces publicitaires pour des objets ou services relatifs à une mitsva, et de lire de telles annonces : par exemple, pour des livres de Torah, ou pour des maisons dans les villages de Judée-Samarie. Quand le prix de ces articles ou de ces biens est bon marché, et que cela peut encourager les lecteurs à s’occuper d’une telle mitsva, il est permis de publier le prix, ainsi que de le lire pendant Chabbat (cf. Michna Beroura 306, 55 ; 307, 1 ; 323, 20).

Il est interdit de lire la liste des personnes invitées à un repas, ou le menu que l’on servira lors d’un repas, car cette lecture s’apparente à celle de contrats. De plus, il est à craindre que l’hôte ne veuille corriger la liste en écrivant ou en effaçant – par exemple dans le cas où il craindrait l’erreur consistant à inviter de trop nombreuses personnes, pour lesquelles il n’aurait pas assez de nourriture (Chabbat 149a, Choul’han ‘Aroukh 307, 12-13). Mais quand la chose est très nécessaire à un repas de Chabbat, ou pour éviter une vexation, il est permis de s’aider d’une liste car, de nos jours, où la nourriture se trouve en abondance, on ne prépare pas un nombre de parts correspondant exactement à celui des invités, mais davantage. Dès lors, la tension à l’égard de cette liste est moindre, et il n’est pas à craindre que l’on en vienne à écrire. Toutefois, quand le responsable du repas est très tendu, il est juste qu’il consulte la liste en compagnie d’une autre personne, afin de ne pas en venir à écrire par erreur[8].

Il est permis à un administrateur de la synagogue (gabaï) de lire, dans un carnet ou des coupons, les noms des personnes appelées à la Torah, puisque cela est nécessaire à l’accomplissement d’une mitsva. Il n’est pas à craindre qu’il efface ou qu’il écrive : puisqu’il se trouve en public, dans le cas même où, par mégarde, il voudrait écrire, les autres lui rappelleraient que c’est Chabbat. De même, il est permis au gabaï de convier les appelés en lisant leurs noms depuis une liste préparée à son intention par les personnes qui fêtent un événement joyeux. Mais s’ils désirent modifier la liste, le gabaï n’y regardera pas sans qu’une autre personne au moins ne se tienne à ses côtés, de façon que, si par mégarde il veut écrire, l’autre lui rappellera que c’est Chabbat.


[f]. Par opposition à dérekh qéva’ (de manière fixe, ordonnée). Par exemple, lire une page avant de se coucher, c’est lire de manière « occasionnelle ».

[7]. Selon Maïmonide, il n’est permis de lire, le Chabbat, que des textes de Torah, et un interdit rabbinique frappe l’ensemble des autres textes, afin d’éviter d’en venir à écrire. Pour Rachi, Rabbénou Yits’haq, le Roch, Na’hmanide et le Rachba, l’interdit porte sur les textes relatifs au commerce ou aux autres activités interdites le Chabbat, ainsi que sur les récits et propos qui n’ont pas de valeur ; cela, afin de ne pas en venir à lire des choses interdites. De même, la majorité des décisionnaires sont indulgents (Baït ‘Hadach 307, 5, Choul’han ‘Aroukh Harav 307, 21-22, Michna Beroura 307, 52, Chemirat Chabbat Kehilkhata 29, 48-49).

 

S’il s’agit d’histoires courantes, il est interdit de les lire, car elles sont à rapprocher des légendes écrites sous les images [telles que les slogans publicitaires] (Chabbat 149, 1, Choul’han ‘Aroukh 307, 15) ; selon le Maamar Mordekhaï et le Choul’han ‘Aroukh Harav, il est interdit de les lire, même si l’on s’en délecte ; pour le Maguen Avraham 301, 4, le Birké Yossef, le Peri Mégadim et le Maharcham, il est permis à celui qui s’en délecte de les lire de manière occasionnelle (dérekh ar’aï). Quand il s’agit de propos attristants, bien qu’ils attisent la curiosité, il ne faut pas les lire (cf. Michna Beroura 307, 3). Le Ya’avets écrit dans ses responsa (1, 162) que, si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est permis de lire des journaux, mais qu’en pratique il est juste de l’interdire, de crainte de lire des choses interdites. C’est ce qu’écrit le Michna Beroura 307, 63 ; mais le Chevout Ya’aqov 3, 23 le permet. Cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 29, 48 et Har’havot.

 

[8]. S’il est vrai que la lecture de contrats est ordinairement interdite, elle devient permise pour les nécessités d’une mitsva. Or de nombreux A’haronim écrivent que chaque repas (sé’ouda) de Chabbat constitue une mitsva (Levouch, Ma’hatsit Hachéqel, Tosséfet Hachabbat et d’autres). Quant au décret rabbinique destiné à prévenir l’acte d’écrire : une telle crainte n’a plus cours de nos jours, comme le laisse entendre le Chemirat Chabbat Kehilkhata 29, 133 au nom du Rav Elyachiv. En effet, quand il n’y a pas tellement de tension, il n’est pas à craindre que l’on en vienne à oublier le Chabbat. De même que, par le passé, et du moment qu’ils n’avaient point la responsabilité même du repas, les serveurs bénéficiaient de cette indulgence (Michna Beroura 307, 47, Cha’ar Hatsioun 54), de même, aujourd’hui, considère-t-on que l’hôte peut en bénéficier. Cependant, a priori, lorsque l’hôte ou le maître d’hôtel sont tendus, il est bon de ne pas consulter cette liste seul, mais de le faire auprès d’une autre personne (cf. Choul’han ‘Aroukh 275, 2, Taz et Maguen Avraham).

13. Jeux

Les décisionnaires discutent s’il est permis de jouer le Chabbat. Selon certains, puisque le Chabbat est destiné à l’étude de la Torah, il est interdit de perdre le temps qui revient à la Torah pour se livrer à un quelconque jeu. À ce titre, il est interdit de jouer aux échecs, aux dames, au backgammon, au billard, aux jeux de ballon (même à la maison). Puisqu’il est interdit d’y jouer, tous ces jeux sont mouqtsé (Mahara Sasson, Birké Yossef 338, 1, Péta’h Hadvir 4).

Selon d’autres, il n’y a pas, si l’on s’en tient à la stricte obligation, d’interdit de jouer, le Chabbat, à condition de ne pas jouer pour de l’argent (Rama 338, 5, Maamar Mordekhaï). Certains rabbins avaient l’habitude de jouer aux échecs le Chabbat, car ce jeu nécessite de la réflexion et aiguise l’intelligence (Chilté Guiborim)[9].

En pratique, il est bon que les grandes personnes (dès l’âge de la majorité religieuse) soient rigoureuses et s’abstiennent de jouer au ballon, aux échecs et à d’autres jeux de ce genre, le Chabbat, tant parce que plusieurs décisionnaires l’interdisent, que parce qu’il est juste de ne pas s’habituer, le Chabbat, à perdre le temps que l’on pourrait consacrer à l’étude de la Torah. Quant à ceux qui veulent être indulgents, ils ont sur qui s’appuyer (cf. Choul’han ‘Aroukh 308, 15, Maguen Avraham 338, 5, Michna Beroura 21, Kaf Ha’haïm 39). S’agissant des enfants eux-mêmes, il faut les éduquer à beaucoup étudier la Torah le jour de Chabbat ; mais il est admis par la presque totalité des décisionnaires qu’il n’y a pas lieu de leur interdire ces jeux ce jour-là (comme nous le verrons au chap. 24 § 7).

Mais en ce qui concerne les jeux dont on fait « grand cas »[g], comme le football, le basketball et le tennis, il est interdit d’y jouer pendant Chabbat, car ils ressortissent aux activités profanes (‘ovdin de’hol). À plus forte raison est-il interdit d’y jouer sur des terrains de sport. Même aux enfants, il est interdit d’y jouer, au titre de ‘ovdin de’hol (cf. chap. 24 § 9).


[9]. Le ‘Hida, en Birké Yossef 338, 1, tend à l’interdire ; à ce qu’il semble, écrit-il, les rabbins qui jouaient aux échecs le Chabbat souffraient de mélancolie : pour détourner leur pensée de leurs tourments, ils jouaient aux échecs, puis revenaient à leur étude. Mais sauf cette raison, il ne faut pas y jouer le Chabbat. Nos sages rapportent qu’un certain lieu portait le nom de Tour Chimon, où l’on honorait le Chabbat, mais qui fut néanmoins détruit. Selon certains, s’il fut détruit, c’est en raison du jeu de ballon auquel jouaient les habitants (Talmud de Jérusalem, Ta’anit 4, 5). Rabbi Eléazar de Worms (Roqéa’h 55) explique que ce jeu détournait de l’étude de la Torah. De là, le Beit Yossef apprend qu’il est interdit de jouer au ballon, le Chabbat, et que le ballon est mouqtsé (Chibolé Haléqet, Beit Yossef et Choul’han ‘Aroukh 308, 45). D’autres sont indulgents, et pensent que, dans une cour dallée, il est permis de jouer au ballon (Tossephot, Rama) ; mais dans un endroit qui n’est pas dallé ou carrelé, il est interdit de jouer, de crainte que l’on n’en vienne à aplanir le terrain (cf. ci-dessus chap. 15 § 2) ; et si Tour Chimon fut punie, c’est que ses habitant jouaient au ballon dans le domaine public (Gaon de Vilna), ou que le ballon les dissipait trop de l’étude de la Torah.

[g]. ‘Esseq gadol : jeux dont les règles sont quasi-professionnelles, et qui se déroulent quelquefois en présence de spectateurs.

14. Paiement

Nos sages interdisent de recevoir un salaire en contrepartie de services exécutés pendant le Chabbat, car le paiement d’un salaire pour une activité accomplie pendant le Chabbat relève de l’interdit d’acheter et de vendre. Même pour un travail qu’il est permis de faire le Chabbat – par exemple, le gardiennage pour éviter les vols, ou le service de table –, il est interdit de recevoir un salaire (Baba Metsia 58a, Choul’han ‘Aroukh 306, 4). De même, il est interdit, le Chabbat, de recevoir de l’argent pour la location d’un lieu ou d’objets (Michna Beroura 246, 3). Même a posteriori, il est interdit de profiter du produit d’un paiement effectué en contrepartie de services sabbatiques (Choul’han ‘Aroukh 245, 6, Michna Beroura 243, 16).

En revanche, il est permis de fondre le salaire de services sabbatiques dans le salaire de la semaine. Par exemple, on peut convenir que l’employé officiera comme gardien ou comme serveur le Chabbat et quelques heures de plus, à l’issue du Chabbat. Bien qu’en pratique la majorité des heures de service aient lieu pendant Chabbat, et que la plus grande partie du salaire se rapporte à ces heures, il suffit que l’on ait convenu d’avance que le service se poursuivrait à l’issue de Chabbat pour que le salaire se rapporte également aux heures travaillées pendant le temps profane, et pour que l’on considère que le salaire de Chabbat se trouve absorbé dans celui de la semaine. Mais s’il n’a pas été convenu d’avance que l’employé poursuivrait quelque peu son service pendant le temps profane, et même dans le cas où il a effectivement poursuivi son service à l’issue de Chabbat, chaque jour travaillé est considéré isolément, et le salaire de Chabbat ne peut être fondu dans celui de la semaine, si bien qu’il est interdit de le recevoir (‘Hayé Adam 60, 8, Michna Beroura 306, 21, Chemirat Chabbat Kehilkhata 28, 64-68).

Dans le même ordre d’idées, il est permis de louer une chambre quand le temps de location commence dès le vendredi, ou se prolonge à l’issue de Chabbat. De même, un chauffeur de taxi est autorisé à louer son véhicule à un non-Juif, à condition que la location prenne effet dès le vendredi ou se prolonge à l’issue de Chabbat, afin que le loyer de Chabbat soit absorbé dans celui de la semaine. Il est également permis de recevoir un intérêt bancaire, car la notion de jour civil ne coïncide pas avec les horaires de Chabbat, de sorte que l’intérêt du Chabbat passe avec celui de la semaine.

Si l’on va au bain rituel (miqvé) le Chabbat, on est autorisé à payer son immersion après le saint jour : parce que cela répond aux besoins d’une mitsva, et parce que ce qui est payé n’est pas l’immersion elle-même, mais l’entretien et le chauffage, qui sont faits avant l’entrée de Chabbat[10].

Il est permis, à l’issue de Chabbat, d’offrir un cadeau à une personne qui a effectué un service bénévole pendant Chabbat – par exemple une personne qui a rangé bénévolement la synagogue, ou qui a assuré le service pendant le repas – : puisqu’il n’y a pas d’obligation à lui donner un cadeau, celui-ci n’est pas considéré comme un salaire (Peri Mégadim, Michna Beroura 306, 15).

Les décisionnaires sont partagés quant au fait de savoir s’il est permis de recevoir un salaire pour officier, le Chabbat, à la synagogue, ou pour accomplir, ce même jour, d’autres actes nécessités par une mitsva. Certains disent que, même quand il s’agit de mitsvot, il est interdit d’être rémunéré pour des services sabbatiques ; un officiant ne peut donc être payé pour les offices qu’il conduit le Chabbat. D’autres estiment que, s’agissant de mitsvot, il est permis d’être rémunéré pour des services rendus le Chabbat, mais que l’on ne verra pas de bénédiction découler d’une telle rémunération. En pratique, il est recommandé de convenir que le paiement portera également sur quelque service qui sera accompli pendant la semaine ; par exemple, que le salaire de l’officiant portera également sur les préparatifs afférents à la prière, ou sur une autre prière importante qu’il conduira durant la semaine. De cette manière, le salaire relatif au Chabbat sera annexé à celui de la semaine (Choul’han ‘Aroukh et Rama 306, 5).

Un médecin que l’on a appelé, pendant Chabbat, pour administrer un traitement à un malade, est autorisé à demander des honoraires à l’issue de Chabbat. En effet, si le médecin n’est pas assuré d’être payé, il se peut qu’il n’accepte pas de soigner bénévolement dans l’avenir (Michna Beroura 306, 24, Min’hat Chabbat 90, 19, Chemirat Chabbat Kehilkhata 28, 75).


[10]. Si le Chabbat et un jour de fête s’enchaînent, il se trouve que l’on reçoit un intérêt bancaire pendant une journée sainte entière, ce qui, au premier abord, est interdit (Min’hat Yits’haq IX 59, Betsel Ha’hokhma 3, 38). Cependant, cela aussi reste permis, car cet intérêt est absorbé par celles des heures qui précèdent et suivent les jours sanctifiés ; en effet, on tient compte de l’ensemble des jours [sanctifiés et autres] (cf. Menou’hat Ahava I 10, 30, note 69, Yalqout Yossef II p. 133). De même, cf. Michna Beroura 306, 20, qui rapporte l’opinion de certains auteurs, selon lesquels, même quand il est seulement vraisemblable que la relation contractuelle se poursuivra pendant la semaine, le salaire afférent au Chabbat reste considéré comme annexé à celui de la semaine, bien qu’on ne l’ait pas spécifié explicitement.

 

Il est interdit, le Chabbat, d’effectuer un service de table, habituellement rémunéré en argent, contre un autre travail effectué par l’employeur au bénéfice de l’employé, car le travail est, lui aussi, considéré comme une possible rémunération. Mais il est permis d’effectuer une mission de gardiennage en contrepartie d’une autre mission de gardiennage, qu’effectuera l’employeur pour l’employé en quelque autre endroit, car protéger un bien d’une possible perte n’est pas considéré comme une activité salariée (Choul’han ‘Aroukh 307, 10). De même, il m’est permis d’être baby-sitter chez une famille en contrepartie de ce que cette famille gardera mes enfants une autre fois (Chemirat Chabbat Kehilkhata 28, 59). Dans le même ordre d’idées, quand l’entretien d’une cantine est effectué à tour de rôle, ceux dont le tour tombe le Chabbat peuvent l’échanger contre un autre jour : puisque l’on n’est pas payé en argent pour ces corvées, celles-ci ne peuvent être considérées comme une rémunération (Chemirat Chabbat Kehilkhata 28, 61).

 

Si l’on va au miqvé le Chabbat, on est autorisé à payer après Chabbat, car le paiement porte sur l’entretien et le chauffage effectués le vendredi (Noda’ Biyehouda, deuxième édition, Ora’h ‘Haïm 26 ; Chemirat Chabbat Kehilkhata 28, 72). De même, on peut être indulgent au sujet de la location d’une maison pour le seul Chabbat, car le loyer porte également sur l’entretien qui précède Chabbat (Chemirat Chabbat Kehilkhata 28, 70). Il faut encore savoir que, en cas de nécessité impérieuse, pour éviter une grande perte, nos sages ont permis le paiement de services sabbatiques (Rama 244, 6, Béour Halakha ד »ה דבמקום).

15. Préparatifs de la semaine ; rangement de la maison, de la table

Le Chabbat est destiné à la sainteté et au repos. Faire un quelconque effort, ce jour-là, pour préparer une chose nécessaire à la semaine, c’est déconsidérer le Chabbat. Nos sages ont donc interdit de faire effort, pendant Chabbat, aux fins de préparer ce qui est nécessaire la semaine.

Il est interdit de faire son lit, pendant Chabbat, à l’approche du coucher qui suivra l’issue de Chabbat. En revanche, il est permis de faire son lit pour que la chambre soit ordonnée pendant Chabbat. De même, il est permis de desservir la table où l’on a mangé, si le but est que la maison soit ordonnée pendant Chabbat. Après le troisième repas (sé’ouda chelichit), si l’on reste à attendre là jusqu’à l’issue de Chabbat, il est également permis de desservir la table et de débarrasser la vaisselle dans l’évier. Mais si le fait de desservir n’est utile que pour l’issue de Chabbat – par exemple s’il ne reste que quelques minutes avant l’expiration du Chabbat, ou que l’on s’apprête à quitter la pièce où l’on a mangé –, il sera interdit de desservir, puisqu’il ne faut pas consacrer d’effort, pendant Chabbat, à la préparation de la semaine (Michna Chabbat 113a, Michna Beroura 302, 19).

De même, il est permis de faire la vaisselle, si l’on a l’intention de se resservir de cette vaisselle au cours du même Chabbat. Si l’on a utilisé de nombreux ustensiles, et que l’on n’ait besoin que d’un seul verre, on pourra, dans le cas où l’on n’a plus un seul verre propre, nettoyer tous les verres, puisqu’il sera possible d’utiliser chacun d’entre eux. De même, si l’on n’a besoin que d’une assiette et que l’on n’ait aucune assiette propre, il sera permis de nettoyer toutes les assiettes et d’utiliser l’une d’entre elles ensuite. Mais si l’on n’a pas l’intention de manger ou de boire dans ces ustensiles pendant Chabbat, il sera interdit de les laver (Chabbat 118a, Choul’han ‘Aroukh 323, 6, Michna Beroura 323, 26).

Si l’on a l’habitude, tout au long de la semaine, de ne pas laisser le moindre ustensile sale dans l’évier, et que la présence d’une pile de vaisselle sale durant de longues heures porte atteinte, à ses yeux, à l’honneur dû au Chabbat, on sera autorisé à laver cette vaisselle afin que sa maison soit ordonnée en l’honneur du saint jour, bien que l’on n’ait plus besoin d’utiliser ladite vaisselle d’ici à la fin du Chabbat. Par contre, il est interdit de nettoyer les marmites, parce qu’elles ont statut de mouqtsé, et parce que cela demanderait un effort excessif (Responsa du Maharchag, Ora’h ‘Haïm 1, 61, Tsits Eliézer XIV 37). (Nous avons vu, au chapitre 13 § 4-5, de quelle manière on peut nettoyer une table qui a été mouillée par de l’eau ou du jus de fruit ; et au chapitre 15 § 9, comment on peut nettoyer un carrelage).

Il est interdit de plier son talith pour qu’il soit bien lissé le Chabbat suivant, mais il est permis de le plier si l’intention est de ne pas le laisser, pendant Chabbat, posé d’une manière qui ne serait pas honorable (cf. chap. 13 § 9).

Même pour les besoins d’une mitsva, il est interdit d’exécuter, pendant Chabbat, des préparatifs pour les jours suivants. Il est par exemple interdit de préparer le rouleau de la Torah de manière que le parchemin soit placé à l’endroit requis pour la lecture des jours de semaine, ou du Chabbat suivant (Michna Beroura 667, 5). Si la chose est réellement nécessaire, on pourra placer le parchemin à l’endroit souhaité, puis y étudier quelques versets. Par ce biais, l’opération sera faite également pour les besoins de cette étude sabbatique (‘Aroukh Hachoul’han 667, 2). Il est de même permis d’apporter un livre à la synagogue pour qu’il s’y trouve à l’issue de Chabbat, à condition d’étudier quelque peu ce livre pendant Chabbat.

Il est permis de se préparer, le Chabbat, à un examen portant sur des matières saintes (qodech), examen qui aura lieu pendant la semaine, puisqu’il y a une mitsva dans le fait même d’étudier la Torah. Si un examen doit porter sur des matières profanes, il convient de ne pas le préparer pendant Chabbat, car ce jour doit être consacré à l’étude de la Torah ; de plus, l’intention essentielle de cette étude profane serait de réussir à l’examen, et non de devenir plus savant. En cas de nécessité impérieuse, on peut néanmoins être indulgent, puisque les études profanes ont une valeur propre. Mais il est interdit de préparer un examen d’anglais, ou d’une autre langue étrangère, car cette étude ne possède pas de valeur autre qu’utilitaire. Il est de même interdit d’étudier en vue d’un examen auquel il est d’usage de se préparer en écrivant des exercices ; ce n’est que lorsqu’il n’est pas à craindre que l’on en vienne à écrire ou à effacer qu’il est permis de lire des textes d’intérêt scientifique ou culturel.

On ne dira pas, le Chabbat : « Je vais aller dormir pour être en forme samedi soir », car ce serait dédaigner le Chabbat, en utilisant celui-ci pour préparer la semaine. Mais si l’on ne dit pas cela, et que l’on se contente d’y penser, cela n’est pas interdit, car en soi, le sommeil du Chabbat est une source de délice (Séfer ‘Hassidim, Michna Beroura 290, 4 ; cf. ci-dessus chap. 5 § 3).

Quand un jour de fête (Yom tov) tombe à l’issue de Chabbat, il est interdit de préparer la fête pendant Chabbat. A posteriori, si l’on a préparé quelque chose pendant Chabbat en vue d’un jour profane, il sera permis d’en profiter.

16. Cas de préparatifs autorisés

L’interdit de préparer pendant Chabbat ce qui est nécessaire à la semaine s’applique précisément aux domaines qui engendrent de la fatigue. Mais il est permis de faire des choses faciles, que l’on a l’habitude d’accomplir de manière routinière, bien qu’elles soient utiles aux jours de semaine, car les faire n’est pas méprisant à l’encontre du Chabbat. Cela ressemble au cas du loulav : après avoir fait la mitsva du loulav[h] le premier jour de Soukot, il est permis de remettre les espèces végétales dans l’eau, bien que le but poursuivi soit qu’elles ne fanent point et qu’elles puissent resservir le lendemain (Souka 42a, Choul’han ‘Aroukh 654, 1). De même, si l’on étudie un livre le Chabbat, on est autorisé à y mettre un marque-page à la fin de son étude, bien qu’on le fasse pour continuer plus aisément d’y étudier durant la semaine. Si l’on a pris de chez soi un livre de prière pour l’apporter à la synagogue, on peut le rapporter chez soi (dans le cas où il y a un ‘érouv dans la ville), bien qu’on ne l’utilise plus pendant la suite du Chabbat.

De même, il est permis de remettre au réfrigérateur les aliments qui restent du repas, comme on en a toujours l’usage. Dans le même sens, on peut verser de l’eau sur les ustensiles placés dans l’évier, comme on le fait toujours, afin que les restes alimentaires ne s’attachent pas aux parois. Si l’on sort de chez soi l’après-midi de Chabbat, on peut prendre une clé et un pull, bien que ce soit dans le but de s’en servir à l’issue de Chabbat. Simplement, on ne dira pas de manière explicite que l’on fait cela pour l’issue de Chabbat (cf. Choul’han ‘Aroukh 416, 2, Chemirat Chabbat Kehilkhata 28, 89).

En cas de nécessité pressante, afin de s’éviter un effort excessif, il est permis d’accomplir des actes faciles pour les besoins de la semaine, bien que l’on n’ait pas l’habitude de les faire constamment, de manière routinière ; cela, à condition que l’on ne paraisse pas les accomplir pour les besoins de la semaine, afin de ne pas porter atteinte à l’honneur du Chabbat. Par exemple, si l’on se rend dans un endroit où il est difficile de trouver du vin pour la Havdala on peut prendre avec soi une bouteille de vin, à condition de l’apporter quand il fait encore grand jour, afin de ne pas sembler l’apporter pour l’issue de Chabbat. Si l’on fait en sorte de boire de ce vin à la sé’ouda chelichit, cela devient permis a priori (cf. ‘Hayé Adam 153, 6, Michna Beroura 667, 5).

En cas de nécessité pressante, pour éviter une perte, nos sages permettent même d’accomplir des actes qui sont visiblement destinés aux besoins de la semaine, comme le fait de rapporter chez soi des ustensiles qui se trouvent dehors et qui risquent d’être abîmés par la pluie, ou le fait de mettre au congélateur des aliments qui risquent de s’abîmer au dehors (Choul’han ‘Aroukh 308, 4, Michna Beroura 321, 21)[11].


[h]. Nétilat loulav : prendre en main les quatre espèces végétales (arba’at haminim) que sont la branche de palmier, le myrte, le saule et le cédrat, pendant les sept jours de la fête de Soukot.

[11]. Selon le Maguen Avraham 321, 7, il est interdit, le Chabbat, de tremper dans l’eau un morceau de viande qui n’a pas été salé, dans les trois jours qui suivent l’abattage, afin de pouvoir le cuire après cela, car il est interdit de réaliser un acte sur une chose afin que cette chose ne se perde pas. [Quand un morceau de viande est resté non salé pendant trois jours à compter de l’abattage, le sang qu’il contient sèche, et le salage devient inefficace pour l’extraire. Il est donc interdit de le cuire à l’eau, mais on peut le griller. Toutefois, si l’on a trempé ce morceau dans l’eau avant l’expiration des trois jours, le délai se prolonge de trois jours supplémentaires (Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 69, 12-13).] Voir cependant Michna Beroura 321, 21, pour lequel, en cas de nécessité pressante, on peut s’appuyer sur l’avis du Elya Rabba et du Noda’ Biyehouda, qui permettent ce trempage pendant Chabbat. C’est aussi la position du Chemirat Chabbat Kehilkhata 28, 91 et du Yalqout Yossef II p. 218.

17. Musique instrumentale et chant

Nos sages interdisent de jouer d’un instrument de musique, le Chabbat et les jours de fête (Yom tov), de crainte qu’un accident ne survienne dans l’instrument (corde cassée, etc.) et que l’on n’en vienne à le réparer, transgressant ainsi un interdit de la Torah (Maïmonide, Chabbat 23, 4). En revanche, au Temple, les interdits de chevout (abstentions rabbiniques) ne s’appliquaient pas ; aussi, même le Chabbat et les jours de fête, on jouait, pendant l’oblation des sacrifices, sur les flûtes, harpes, luths, trompettes et cymbales (Beitsa 11b).

L’interdit de la pratique instrumentale s’applique également au fait de sonner du chofar ; même à Roch Hachana, après que l’on a accompli la mitsva selon tous ses raffinements, il ne faut plus sonner. Il est toutefois permis aux enfants, jusqu’à l’âge de la bar-mitsva, de sonner du chofar durant toute cette journée, afin d’apprendre à sonner (Rama 596, 1, Michna Beroura 3-5).

Il est permis d’utiliser un ustensile ou ses mains pour produire un son qui n’est pas musical. Il est donc permis de frapper dans ses mains pour éveiller un camarade, de frapper à la porte d’une maison, de la main ou à l’aide d’un ustensile, pour que les occupants entendent et viennent ouvrir, de tapoter de la main un verre ou une bouteille pour demander le silence aux convives, de claquer des doigts pour éveiller un camarade ou pour amuser un bébé (Choul’han ‘Aroukh 338, 1).

Les décisionnaires sont partagés quant au fait de savoir si un visiteur peut utiliser la sonnette mécanique (et non électrique) qui se trouve à l’entrée d’une maison pour que les occupants viennent lui ouvrir, ou encore frapper à l’aide d’un heurtoir fixé sur la porte à cette fin. Certains l’interdisent, parce que la production d’un tel son ressemble à un jeu instrumental (Rama). D’autres le permettent, car l’intention n’est pas de produire de la musique (Choul’han ‘Aroukh 338, 1). Si, dans la semaine, on utilise une sonnette électrique, il sera permis d’utiliser une sonnette mécanique ou un heurtoir (Michna Beroura 338, 7)[12].

Il est permis d’orner un rouleau de la Torah d’une couronne où sont attachées des clochettes. Bien que ces clochettes fassent entendre un tintement pendant le Chabbat où l’on utilise ce rouleau, cela n’est pas interdit ; en effet, elles ne sont fixées sur la couronne que dans le but de décorer et d’honorer le rouleau de la Torah ; de plus, il s’agit des besoins d’une mitsva, et celui qui porte le rouleau n’a aucune intention de produire des sons (Sifté Cohen et Maguen Avraham, contrairement au Touré Zahav).

Certains décisionnaires interdisent d’ouvrir une porte à laquelle est attaché un carillon, puisque celui-ci est considéré comme un instrument de musique (Touré Zahav, Elya Rabba). D’autres le permettent car, en entrant, on n’a pas l’intention de produire un son, mais seulement d’ouvrir la porte (Maguen Avraham). A priori, il convient d’ôter le carillon de la porte avant Chabbat ; si on ne l’a pas retiré, il est néanmoins permis d’entrer (cf. Michna Beroura 338, 6).

Il est permis de siffler (vocalement, et non au moyen d’un sifflet), car siffler est considéré comme une forme de chant, et non de pratique instrumentale. Certains disent que l’on peut s’aider à cette fin de ses doigts (‘Aroukh Hachoul’han 338, 7). (Concernant les jouets qui produisent des sons, cf. ci-après chap. 24 § 7.)


[12]. Le Talmud (‘Erouvin 104a) rapporte le débat suivant : selon ‘Oula, il est interdit de produire un son instrumental, même si ce n’est pas dans l’intention de faire de la musique ; aussi est-il interdit au visiteur de frapper à une porte pour que les occupants de la maison entendent qu’il est arrivé. Selon Rava, ce n’est qu’à titre musical qu’il est interdit de produire un son instrumental. Le Talmud de Jérusalem (Beitsa 5, 2) raconte que Rabbi Ila rentra une fois pendant la nuit ; il appela les gens de sa famille pour qu’ils lui ouvrissent la porte, mais ils ne l’entendirent pas. Comme il n’avait garde de frapper à la porte, il dormit à l’extérieur. C’est en ce sens que tranchent Rabbénou ‘Hananel et le Gaon de Vilna. Quoi qu’il en soit, de leur propre avis, il est permis de frapper d’une façon qui soit inhabituelle (Béour Halakha 338, 1, passage commençant par אבל).

 

Cependant, le Rif et Maïmonide (23, 4) déduisent de l’ensemble du texte du Talmud de Babylone que la halakha est conforme à l’opinion indulgente de Rava. C’est aussi ce qu’incline à penser le Roch. Telle est aussi la position de la majorité des décisionnaires, et c’est en ce sens que tranchent le Choul’han ‘Aroukh 338, 1, le Michna Beroura 2-3 et le Chemirat Chabbat Kehilkhata 28, 41.

 

Toutefois, s’agissant d’un heurtoir spécialement fixé sur la porte à cet usage – que l’on assimile à une sorte d’instrument, destiné à produire un son –, le Maharil est rigoureux. Le Beit Yossef explique que, si le Maharil est rigoureux, c’est peut-être de crainte que le visiteur n’ait l’intention de produire un son musical. Le Rama 338, 1 est rigoureux comme le Maharil ; selon le Béour Halakha 338, 1 ד »ה הואיל, telle est aussi la position du Choul’han ‘Aroukh. En revanche, selon le Liviat ‘Hen 110 et le Or lé-Tsion II 39, 1, le Choul’han ‘Aroukh autorise l’utilisation du heurtoir. Dans le cas où le heurtoir est destiné au seul usage de Chabbat, le Rama lui-même l’autorise (Michna Beroura 338, 7, Chévet Halévi 9, 76). Aussi est-il permis d’utiliser une sonnette exclusivement mécanique, dans le cas où, les jours de semaine, on se sert d’une sonnette électrique (Chemirat Chabbat Kehilkhata 23, 55, note 159).

 

Il est interdit aux officiants d’utiliser un diapason, qui leur donne le la afin qu’ils puissent entamer leur chant dans la tonalité voulue, car le diapason est également visé par l’interdit frappant les instruments de musique (Michna Beroura 338, 4). Certains décisionnaires le permettent, il est vrai, parce que le diapason n’émet qu’un seul son, sourd, et que, dans notre cas, cela répond aux besoins d’une mitsva. Mais il convient d’être rigoureux, car telle est la directive de presque tous les décisionnaires. Toutefois, si un officiant veut s’appuyer sur les opinions indulgentes, il n’y a pas lieu de protester (‘Aroukh Hachoul’han 338, 8 ; cf. Yabia’ Omer III 22).

18. Battre des mains, danser

Au titre de l’interdit de jouer d’un instrument, nos sages ont interdit de danser, de battre des mains, ou encore de frapper de la main sur la cuisse pour accompagner des chants, de crainte que l’on n’en vienne à jouer de véritables instruments, puis à les réparer en cas d’accident (Beitsa 36b). Mais il est permis de battre des mains de manière inhabituelle, le dos de la main contre la paume, car, grâce à ce changement (chinouï), on se souviendra que c’est Chabbat, et l’on n’en arrivera pas à réparer un instrument (Talmud de Jérusalem, Beitsa 5, 2). Ce passage laisse entendre qu’une danse modérée, dans laquelle, à aucun moment, les deux pieds ne se soulèvent ensemble du sol, n’est pas considérée comme une danse au sens où l’interdisent les sages (ibid.).

L’interdit s’applique précisément quand on chante, car c’est alors qu’il faut craindre que, à la faveur des chants, on ne veuille jouer d’un instrument. En revanche, en dehors de tout chant, il est permis de sauter quelque peu, pour le plaisir, ainsi que d’applaudir ou de frapper de la main sur la table pour réveiller un ami.

En pratique, nombreux sont ceux qui ont l’usage de danser, de battre des mains, de tambouriner sur la table quand on chante, le Chabbat, et les décisionnaires sont partagés sur la question : selon de nombreux décisionnaires, cet usage est erroné, et si les rabbins n’ont pas protesté, c’est qu’ils ont considéré que, l’interdit n’étant pas explicite dans la Torah, il valait mieux que les gens fautassent par ignorance que sciemment (Beitsa 30a). Mais quand il est possible de rétablir la halakha telle qu’elle doit être, c’est une obligation que de donner aux gens pour directive de ne pas battre des mains ni de danser, comme les sages l’ont décidé (Rif, Maïmonide, Choul’han ‘Aroukh 339, 3). Toutefois, à Sim’hat Torah, où il y a une mitsva particulière de se réjouir en l’honneur de la Torah, ceux-là même qui sont habituellement rigoureux ont coutume de danser et de battre des mains (Mahariq au nom de Rav Haï Gaon). Mais à l’occasion des autres festivités liées à une mitsva, comme celles d’un mariage, nos sages n’ont pas été indulgents (Michna Beroura 339, 8)[i].

D’autres sont indulgents, estimant que tout le motif de l’interdit consiste dans la crainte que l’on n’en vienne à réparer un instrument de musique. Or, de nos jours où les instrumentistes ne sont pas spécialisés dans la réparation de leur instrument, le décret interdisant de battre des mains ou de danser est levé ; il est donc permis de danser et de battre des mains (Tossephot sur Beitsa 30a, passage commençant par Tnan). Certains auteurs réfutent ce motif, car tous les musiciens savent accorder, qui les cordes de sa guitare, qui les cordes de son violon, ou régler la tension de la peau de son tambour ; or cela aussi est considéré comme « réparation instrumentale ». Si l’on est indulgent, c’est parce que ce décret, disent-ils, visait précisément l’époque des sages, où l’on avait coutume, quand on dansait et battait des mains, de faire venir des instruments et de se mettre à jouer ; de nos jours, en revanche, il est fréquent de chanter, danser et battre des mains sans accompagnement instrumental, si bien que le décret est levé (‘Aroukh Hachoul’han 339, 9).

Certains pensent que, depuis que les grands maîtres du hassidisme, dans les dernières générations, ont insisté sur l’importance du chant et de la danse, afin d’éveiller les cœurs à l’attachement à Dieu par la joie, les danses et les battements de mains sont devenus véritablement nécessaires à la pratique d’une mitsva ; et de même qu’on le permet à Sim’hat Torah, de même le permet-on chaque Chabbat (Devar Yehochoua’ II 42, 4).

Il semble cependant que, de l’avis même des décisionnaires indulgents, il convienne de ne pas tambouriner sur la table, car cela ressemble au fait de battre le tambour, ce qui est interdit de l’avis de tous, même pour les besoins d’une mitsva. Or la crainte d’en venir à battre le tambour reste toujours grande, de nos jours, car nombreux sont ceux qui ont l’habitude d’apporter une darbouka, ou autre percussion, quand on commence à chanter. Mais quand on chante pendant un office, il est permis à celui qui dirige les chants de battre la mesure sur le lutrin (bima) ; de même, on peut être indulgent en cela quand on dirige les chants à la table de Chabbat[13].


[i]. Il est question de la cérémonie de sept bénédictions des nouveaux mariés (chéva’ berakhot) ayant lieu un Chabbat ou un Yom tov.

[13]. À Sim’hat Torah, tout le monde a coutume de battre des mains et de danser, conformément aux paroles de Rav Haï Gaon rapportées par le Mahariq et le Beit Yossef 339, 3. Mais la permission ne s’étend pas aux autres réjouissances relatives à des mitsvot. Telle est la position du Choul’han ‘Aroukh 339, 3, et c’est dans ce sens que penche le Rama, pour lequel, si l’on ne proteste pas, c’est uniquement parce qu’il est préférable que les gens fautent par ignorance qu’en connaissance de cause. Toutefois, le Rama mentionne, au titre des opinions secondes, celle de Tossephot, qui est entièrement indulgente en la matière, parce qu’il n’est plus à craindre, de nos jours, d’en venir à réparer un instrument. Des propos du Yam Chel Chelomo (Beitsa 5, 6), on peut inférer que, si l’on s’en tient à la stricte obligation, on peut s’appuyer sur l’opinion de Tossephot pour les besoins d’une mitsva ; Elya Rabba 339, 1 et Michna Beroura 10 rapportent ces propos (cf. Cha’ar Hatsioun 339, 6-7). C’est sur le fondement de ce raisonnement que les Hassidim sont indulgents (Dvar Yehochoua’ II 42, 4, Min’hat El’azar I 29). Les Séfarades, eux aussi, peuvent s’appuyer sur ce raisonnement, pour les besoins d’une mitsva (cf. Or lé-Tsion II 43, 9, Har’havot).

 

Simplement, cette permission ne vaut qu’en matière de danses et de battements de mains sollicitant seulement le corps, à l’exclusion des tambourinements faits sur quelque autre chose. C’est ce qu’écrivent le Elya Rabba 339, 1, et le Michna Beroura 339, 10 (et c’est aussi la thèse du Avné Yachfé II 35, 1). La raison première en est que tambouriner sur la table ressemble au fait de battre le tambour. Toutefois, s’agissant d’un gabaï (administrateur d’une synagogue) qui dirige les chants pendant la prière, il y a deux motifs d’autorisation : a) battre la mesure sur le lutrin répond davantage aux besoins directs d’une mitsva ; comme nous l’avons vu, d’après Rav Haï Gaon et le Mahariq, on est indulgent pour les nécessités de Sim’hat Torah (Cha’ar Hatsioun 339, 7) ; b) puisque le gabaï est en communauté, il n’est pas à craindre qu’il en vienne à apporter un instrument de musique et qu’il le répare. Peut-être est-ce l’une des raisons pour lesquelles nos maîtres sont indulgents à Sim’hat Torah, d’une manière analogue à la permission donnée à deux personnes de lire la Torah à la lumière d’une bougie (Chabbat 12b), ou même à une personne, lorsqu’une seconde la surveille (Choul’han ‘Aroukh 275, 3).

 

Dans le même ordre d’idées, le Cha’aré Da’at (Yoré Dé’a 282) autorise à orner le rouleau de la Torah de clochettes (contrairement au Taz ; cf. Yabia’ Omer III 22). De cela, on peut déduire qu’il est également permis de battre la mesure sur la table de Chabbat, lorsqu’un convive conduit le chant collectif, et que les autres le suivent. Mais il ne convient pas que les autres participants tambourinent sur la table. De plus, on ne saurait prétendre que de tels tambourinements répondent toujours aux « nécessités d’une mitsva » car, bien souvent, ces « percussionnistes » gâtent le chant en battant à contretemps.

19. Musique, films et appareils électroniques

Il est clairement interdit, aux yeux de tous les décisionnaires, d’écouter la radio ou de regarder la télévision le Chabbat. Même si la mise en marche de l’appareil est faite avant l’entrée de Chabbat, et que l’on ne fasse aucune mélakha pendant le Chabbat lui-même, c’est interdit. Il y a à cela plusieurs raisons : s’il s’agit d’une chaîne où travaillent des Juifs, ceux-ci profanent le Chabbat, et il est interdit de profiter de choses qui sont faites par le biais d’une profanation du Chabbat.

Même quand tous les employés de la chaîne sont non juifs, il reste interdit d’écouter ou de regarder les programmes le Chabbat. Premièrement, il y aurait en cela une déconsidération du Chabbat, et une atteinte à son honneur. Nous avons vu au chapitre 2, § 9 que, selon certains, il est interdit, la veille de Chabbat, de mettre en marche un moulin qui continuerait à fonctionner pendant Chabbat, car le son du moulin porte atteinte à l’honneur du jour. Or l’écoute de la radio ou de la télévision est bien plus grave, car un moulin produit un son que l’on n’a pas l’intention d’écouter, tandis que, lorsqu’on allume la radio ou la télévision la veille de Chabbat, l’intention est précisément d’en écouter les programmes pendant le saint jour de Chabbat, ce que tous les décisionnaires s’accordent à considérer comme une atteinte à l’honneur dû à ce jour. Deuxièmement, il s’agit d’un acte profane, et de même que les prophètes et les sages ont interdit de nombreux actes qui s’apparentent aux actes profanes, afin que l’on ne se conduise pas pendant Chabbat à la façon des jours de semaine, de même y a-t-il lieu d’interdire d’écouter la radio et de regarder la télévision le Chabbat. Troisièmement, il faut craindre qu’une panne ne survienne dans le récepteur, et que l’on n’en vienne à le réparer pendant Chabbat, ou que l’on ne veuille en modifier le volume, ou encore le brancher différemment (cf. chap. 17 § 2). Nous voyons bien, dans le même ordre d’idées, que les sages ont interdit de jouer d’un instrument, de peur que l’on n’en vienne à le réparer. Il est donc interdit d’écouter la radio et de regarder la télévision pendant Chabbat, même quand elles sont mises en marche la veille.

Pour ces mêmes raisons, il est interdit de provoquer la mise en marche d’un magnétophone ou d’une caméra vidéo par le biais d’une minuterie de Chabbat (cf. Yessodé Yechouroun, ‘Inyané Chabbat p. 32, Tsits Eliézer III 16, Chemirat Chabbat Kehilkhata 42, 43, Yabia’ Omer I 20, Yalqout Yossef III 318, 34-38).

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