Pniné Halakha

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Chapitre 12 – L’allumage des veilleuses de ‘Hanouka

01. La mitsva d’allumer les veilleuses de ‘Hanouka

Nos sages ont institué l’allumage de veilleuses (ner, plur. nérot), pendant les huit jours de ‘Hanouka, jours durant lesquels, à l’époque hasmonéenne, le peuple juif fit une célébration en l’honneur de l’Eternel et lui voua sa reconnaissance pour l’avoir aidé à vaincre les Grecs, à libérer Jérusalem et à purifier le Temple. Pendant ces huit jours, l’huile versée dans le chandelier du sanctuaire brûla de manière miraculeuse.

Bien que la mitsva d’allumer les veilleuses de ‘Hanouka soit de rang rabbinique, on prononce, avant de l’accomplir, la bénédiction : « Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous as sanctifiés par tes commandements et nous a ordonné d’allumer la veilleuse de ‘Hanouka » (Baroukh Ata… acher qidechanou bemitsvotav, vétsivanou léhadliq ner [chel] ‘Hanouka). De prime abord, on peut s’interroger : « Nous n’avons pas reçu une telle prescription dans la Torah écrite ; comment donc pouvons-nous dire “et nous as ordonné” ? » La réponse est que la Torah a donné autorité aux sages pour instituer des commandements conformes à sa voie, ainsi qu’il est dit : « C’est conformément à la loi qu’ils t’enseigneront et au jugement qu’ils te diront que tu agiras ; tu ne t’écarteras de la parole qu’ils placeront devant toi ni à droite, ni à gauche » (Dt 17, 11). Il est dit également : « Souviens-toi des jours antiques, méditez les années de chaque génération ; interroge ton père, et il te racontera, tes anciens, et ils te diront » (Dt 32, 7 ; Chabbat 23a). Or, c’est pour que l’on se rappelle et que l’on publie le miracle que produisit l’Eternel en notre faveur, au temps du deuxième Temple, que les sages instituèrent l’allumage de veilleuses les huit jours de ‘Hanouka.

Les femmes sont tenues à cette mitsva, comme les hommes. Bien qu’il s’agisse d’une obligation de faire (mitsva « positive ») conditionnée par le temps, et que les femmes soient généralement dispensées de cette catégorie de mitsvot, elles sont tenues à l’allumage de ‘Hanouka parce qu’elles aussi furent associées au miracle (Chabbat 23a ; simplement, la coutume veut qu’une femme mariée s’acquitte de son obligation par l’allumage accompli par son mari ; cf. ci-après, note 2, et ci-dessus, chap. 11 § 11, note 14).

Toutes les règles afférentes au lieu et au temps de l’allumage, fixées par les sages, ont pour but de contribuer à la publication du miracle[a]. Par conséquent, les sages prescrivent d’allumer les veilleuses à côté de la porte ou de la fenêtre donnant sur le domaine public, afin que les passants les voient (comme nous l’apprendrons au chap. 13 § 1-3). Ils prescrivent aussi de procéder à l’allumage quand le soleil s’est couché, car le moment est favorable pour que les veilleuses soient visibles au plus grand nombre : d’une part, il fait déjà sombre, et la lumière de la veilleuse ressort bien ; d’autre part, les rues sont encore pleines de ceux qui s’en reviennent de leur travail (comme on le verra au chap. 13 § 4). Toutefois, le fait de publier le miracle aux yeux du public n’est pas une condition de validité de la mitsva ; un Juif qui habiterait seul, dans un endroit désert, doit lui aussi allumer les veilleuses de ‘Hanouka, afin de susciter en lui-même le souvenir du miracle.

Cette mitsva est très grande. Même un pauvre, qui n’aurait pas la possibilité d’acheter de veilleuses, doit être prêt à quêter de porte en porte ou à vendre son habit afin de pouvoir acheter les veilleuses de ‘Hanouka. Quoique, pour d’autres mitsvot, il n’y ait pas d’obligation de quêter ou de vendre son habit afin de les pouvoir accomplir, notre cas est différent : dans la mesure où la mitsva est porteuse de la diffusion du miracle, son degré d’obligation est plus élevé. Toutefois, le pauvre n’est pas tenu d’accomplir la mitsva selon sa forme la plus parfaite : il lui suffit d’allumer une veilleuse chaque soir (Choul’han ‘Aroukh 671, 1, Michna Beroura 3, ‘Aroukh Hachoul’han 3 ; cf. Rama 656, 1, Béour Halakha, passage commençant par Afilou).


[a]. Pirsoum haness : litt. publication du miracle. Contribuer, par l’allumage des veilleuses, à ce que les autres apprennent le miracle qui eut lieu en notre faveur, et à rendre ce miracle plus manifeste en sa propre conscience.

02. Nombre de veilleuses ; coutume d’embellir l’accomplissement de la mitsva

La mitsva d’allumer les veilleuses de ‘Hanouka jouit d’une affection particulière. En général, il y a deux niveaux distincts en matière d’accomplissement d’une mitsva : s’acquitter de l’obligation de l’accomplir, et l’accomplir en lui donnant un supplément de perfection, ce que nous appelons méhadrin. (littéralement « [accomplissement de la mitsva pour] ceux qui embellissent »). En revanche, pour l’allumage des veilleuses de ‘Hanouka, on distingue trois niveaux : la mitsva considérée du point de vue de la stricte obligation, son accomplissement avec un supplément de perfection (méhadrin), et son accomplissement le plus parfait (méhadrin min haméhadrin ; littéralement : « [pour] ceux qui embellissent parmi ceux qui embellissent »). Bien plus : tout le peuple juif a pris coutume d’accomplir la mitsva d’allumer les veilleuses de ‘Hanouka suivant le plus haut degré de perfection, méhadrin min haméhadrin.

La stricte obligation consiste simplement à allumer en chaque maison, chaque jour de ‘Hanouka, une veilleuse unique, par laquelle sont acquittés tous les membres de la maisonnée. Par cette veilleuse, on se rappellera et l’on publiera le miracle de ‘Hanouka. Un supplément de perfection (méhadrin) consiste, pour chaque membre majeur de la maisonnée, à allumer soi-même une veilleuse. Par exemple, si la famille compte quatre membres majeurs, quatre veilleuses seront allumées chaque jour de ‘Hanouka. De cette façon, s’exprime la participation de tous à la mitsva.

Quant à l’accomplissement le plus parfait (méhadrin min haméhadrin), il consiste à allumer un nombre de veilleuses correspondant au nombre des jours. À ce propos, les sages sont partagés. Les membres de la maison d’étude de Chamaï disent : « Le premier jour, on allume huit veilleuses ; à partir de là, on diminue chaque jour leur nombre, jusqu’à ce que, le dernier jour, on allume une seule veilleuse. » De cette manière, le nombre des veilleuses est relatif aux jours restants : le premier soir, on allume huit veilleuses, car il reste devant soi huit journées de ‘Hanouka ; le dernier jour, on allume une seule veilleuse, car il ne reste devant soi qu’une journée de ‘Hanouka. Les membres de la maison d’étude de Hillel, en revanche, disent : « Le premier jour, on allume une veilleuse ; puis on en ajoute une chaque jour, jusqu’à ce que, le dernier jour, on allume huit veilleuses. » De cette façon, le nombre des veilleuses est relatif au nombre de jours accomplis ou déjà commencés : chaque jour, on allume ainsi un nombre de veilleuses conforme au nombre de jours où le miracle continuait de se produire. Par cela, on exprime la croissance du miracle ; car chaque jour que les lampes du chandelier brûlaient au Temple, tirant leur flamme de cette unique petite fiole d’huile, le miracle s’étendait davantage. De cette manière, on s’élève en sainteté, jusqu’au huitième jour, où l’on parvient au sommet en allumant huit veilleuses (Chabbat 21b). Tout le peuple juif a adopté la coutume dite méhadrin min haméhadrin, telle que la conçoit la maison d’étude de Hillel (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 671, 2).

En pratique, il ressort de cela que nous allumons, durant les huit jours de ‘Hanouka, trente-six veilleuses. Mais de plus, on a coutume d’allumer chaque jour une veilleuse supplémentaire, en tant que chamach (« serviteur », lumière auxiliaire), afin que, si l’on a besoin de lumière, on se serve de celle du chamach ; il est en effet interdit de se servir des veilleuses de ‘Hanouka. Simplement, on doit séparer le chamach des autres veilleuses ; en effet, ce qui caractérise essentiellement la coutume dite méhadrin min haméhadrin, c’est que le nombre des veilleuses soit reconnaissable, car c’est lui qui donne expression à la croissance du miracle (cf. ci-après, § 10-11).

03. Coutume séfarade

Les usages diffèrent quant à l’exécution pratique de la coutume dite méhadrin min haméhadrin. Suivant l’usage séfarade, le supplément de perfection apporté à la mitsva consiste essentiellement dans le fait d’allumer un nombre croissant de veilleuses, correspondant au nombre des jours. En revanche, même quand la famille est nombreuse, un seul de ses membres allume les veilleuses de ‘Hanouka, ce qu’il fait conformément au nombre des jours accomplis ou déjà commencés : une veilleuse le premier jour, deux veilleuses le deuxième, jusqu’au huitième jour où il allume huit veilleuses. Le but est en effet de montrer le nombre de jours que dura le miracle, jadis à pareille époque ; car le miracle devient ainsi plus manifeste. Or, si l’on allumait un nombre de veilleuses proportionnel au nombre des membres de la famille, à la distance d’un téfa’h (7,6 cm) de la porte de la maison (comme le veut l’usage), le nombre des jours, lui, ne serait plus reconnaissable, puisque les veilleuses de chacun s’additionneraient les unes aux autres et brouilleraient le compte. Dès lors qu’une seule personne fait l’allumage, il convient que ce soit le chef de famille qui allume pour le compte de tous.

Si les enfants demandent à allumer des veilleuses, on peut leur permettre d’allumer leur propre ‘hanoukia (chandelier de ‘Hanouka), à condition qu’ils aient soin de séparer les chandeliers les uns des autres. En ce cas, d’après de nombreux décisionnaires séfarades, les enfants ne prononceront pas les bénédictions de l’allumage. Toutefois, notre maître le Rav Mordekhaï Elyahou – que la mémoire du juste soit bénie – estime que les enfants, jusqu’à l’âge de la bar-mitsva, sont autorisés à réciter la bénédiction. Selon le Rav Chalom Messas – que la mémoire du juste soit bénie –, même les enfants majeurs, qui voudraient mériter de prononcer la bénédiction, sont autorisés à former l’intention, pendant que leur père procède à l’allumage, de ne point s’acquitter de leur obligation par l’allumage paternel ; dès lors, ils pourront ensuite embellir leur mitsva en allumant par eux-mêmes, et en récitant la bénédiction (Yalqout Chémech, Ora’h ‘Haïm 192).

04. Coutume ashkénaze : hommes, femmes et enfants

Selon la coutume ashkénaze, pour accomplir la mitsva de la façon la plus accomplie (méhadrin min haméhadrin), il faut que chacun des membres de la maisonnée procède à l’allumage, sur sa propre ‘hanoukia, en assortissant cet allumage de sa bénédiction. Le premier jour, chacun allume une veilleuse, le deuxième jour, chacun en allume deux, et ainsi de suite jusqu’u huitième jour où chacun allume huit veilleuses. On ne craint pas que le nombre des veilleuses correspondant au jour ne soit plus connaissable, parce que l’on a soin de séparer les chandeliers l’un de l’autre[1].

Même les enfants, quand ils sont parvenus à « l’âge de l’éducation », allument leurs veilleuses et récitent la bénédiction. Ce qu’on appelle âge de l’éducation se situe à peu près autour de six ans, car alors les enfants comprennent le récit du miracle, ainsi que la mitsva.

Les femmes mariées n’ont pas l’usage d’allumer de veilleuses, car l’allumage accompli par leur mari est aussi considéré comme le leur ; en effet, la femme est comme une autre partie de l’homme (ichto kegoufo). Dans de nombreuses familles, même les filles parvenues à l’âge de l’éducation et les jeunes filles s’abstiennent d’allumer des veilleuses. Quoi qu’il en soit, si elles le veulent, elles sont autorisées à allumer et à réciter la bénédiction. Il semble bienvenu d’encourager les filles, à partir de l’âge de l’éducation, à allumer les veilleuses, au moins jusqu’à leur majorité religieuse (bat mitsva), car l’allumage les relie à la Torah et aux mitsvot. Si elles veulent continuer d’allumer après être devenues majeures, elles seront bénies pour cela. Même une femme mariée, dont l’époux allume les veilleuses, est autorisée, si elle le désire, à allumer elle-même et à prononcer la bénédiction[2].


[1]. La compréhension simple du Talmud conduit à dire que, si la coutume appelée méhadrin veut que chacun des membres de la famille allume personnellement une veilleuse unique, la coutume dite méhadrin min haméhadrin voudra que chaque membre de la famille allume, là encore personnellement, un nombre de veilleuses correspondant au jour. Tel est l’avis de Maïmonide, ‘Hanouka 4, 1-3, et tel est l’usage ashkénaze. Mais Rabbénou Yits’haq (Tossephot sur Chabbat 21b) estime que seul un membre de la famille doit allumer une ‘hanoukia unique car, si chaque membre de la maisonnée faisait son propre allumage, on ne saurait plus quel jour on est, parmi les huit que dure ‘Hanouka ; selon lui, le propos essentiel de la coutume dite méhadrin min haméhadrin consiste à illustrer le miracle de façon correspondante au nombre des jours. Tel est l’usage séfarade, et c’est en ce sens que se prononce le Choul’han ‘Aroukh 671, 2. (Rabbi Aharon Halévi explique que procéder ainsi glorifie le miracle plus que ne le fait la coutume dite méhadrin – d’après laquelle chaque membre de la maisonnée allume, chaque jour, une bougie unique. En effet, dans de nombreuses maisons, il n’y a que peu de personnes ; par conséquent, en adoptant la version séfarade de l’usage méhadrin min haméhadrin, davantage de veilleuses seront allumées. On peut encore expliquer que, même si cette méthode a pour effet d’allumer moins de veilleuses, l’embellissement consiste dans le fait de devoir être précis sur le jour de ‘Hanouka dans lequel on se trouve.)De nombreux auteurs expliquent que la différence entre coutumes résulte essentiellement de l’emplacement de l’allumage. Les Séfarades ont pris l’usage d’allumer la ‘hanoukia près de la porte de la maison ; dès lors, si plusieurs personnes procédaient à leur propre allumage à cette même place, on ne saurait reconnaître à quel jour de la fête on se trouve. Tandis que les Ashkénazes ont pris l’usage d’allumer à l’intérieur de la maison ; par conséquent, chacun peut faire son propre allumage. Le Darké Moché 671, 1 rapporte donc au nom de Rabbi Abraham de Prague, que, lorsque l’allumage se fait à l’intérieur de la maison, et de l’avis même de Tossephot, ceux qui ont à cœur d’appliquer la coutume de méhadrin min haméhadrin doivent faire en sorte que chaque membre de la maisonnée allume sa propre ‘hanoukia. Cf. Torat Hamo’adim 1, 4.

Dans son commentaire, le Gaon de Vilna écrit que, selon la Guémara, le motif essentiel de la position de Hillel et son école est que l’on s’élève en sainteté. Et il n’est pas nécessaire qu’il soit manifeste que l’on se trouve tel ou tel jour, le principal étant la progression quotidienne. Par conséquent, le Gaon de Vilna ne retient pas la crainte formulée par Tossephot ; si bien que, même quand tout le monde allume à la porte de la maison, l’allumage doit tenir compte du nombre des membres de la maisonnée et du nombre des jours.

Certains auteurs soutiennent qu’une lecture précise de Maïmonide indique que, pour celui-ci, un seul membre de la famille doit allumer pour tous, tandis que la coutume ashkénaze, conforme aux vues du Maharil, veut que chacun allume ses propres veilleuses et récite la bénédiction. Dans son Meloumdé Mil’hama (p. 232), le Rav Rabinowitz écrit que, si l’on se réfère à la version de Maïmonide éditée par le Rav Kapah, il apparaît que la coutume ashkénaze est exactement conforme à l’opinion de Maïmonide.

Le Touré Zahav 677, 1 et le Maguen Avraham 677, 9 expliquent que, dès lors que les membres de la maisonnée n’ont pas l’intention de s’acquitter de la bénédiction par celle que prononce le chef de famille, ils peuvent réciter la bénédiction pour l’allumage de leurs propres veilleuses. Ce qui laisse bien entendre que, n’était-ce cela, ils ne pourraient point dire la bénédiction, car il n’est pas d’usage de réciter une bénédiction pour un simple embellissement de la mitsva. Mais le Sfat Emet sur Chabbat 21b cite une thèse selon laquelle, fondamentalement, les sages considéraient que l’usage de méhadrin min haméhadrin impliquait que chacun récite la bénédiction, bien que l’on soit déjà essentiellement quitte de la mitsva.

Les avis sont également partagés quant au cas suivant : si l’on a déjà allumé une veilleuse unique, en prononçant la bénédiction, et que l’on obtienne ensuite des veilleuses supplémentaires, permettant d’atteindre le nombre requis selon l’usage de méhadrin min haméhadrin, devra-t-on répéter la bénédiction en allumant ces veilleuses nouvelles, destinées à l’embellissement de la mitsva ? Selon le Elya Rabba, on répètera la bénédiction ; selon le Peri ‘Hadach, fin du chap. 672, on ne la répètera pas. C’est en ce dernier sens qu’inclinent les responsa de Rabbi Aqiba Eiger, deuxième édition, chap. 13, lequel se fonde sur la leçon que l’on peut tirer du Touré Zahav et du Maguen Avraham.

Il faut se demander quelle règle s’applique dans le cas où les membres de la famille, pensant d’abord qu’ils feraient eux-mêmes l’allumage, n’allument finalement pas : l’allumage effectué par le chef de famille les acquitte-t-il ? À notre humble avis, il semble qu’ils sont quittes a posteriori, car la mitsva consiste dans le fait qu’une veilleuse soit allumée à la maison, or en pratique celle-ci est effectivement allumée : même à leur corps défendant, ils se sont rendu quittes de la mitsva, strictement entendue, sans enjolivement (hidour) supplémentaire. Quant à leur intention de ne pas se rendre quittes, comme le notent le Touré Zahav et le Maguen Avraham, elle ne porte que sur le hidour, consistant à allumer soi-même et à réciter soi-même la bénédiction ; il n’en reste pas moins qu’ils sont quittes de la mitsva prise en elle-même. Ce point mérite approfondissement. Il est évident que telle est la règle selon les vues du Sfat Emet. De plus, en matière de règle rabbinique, nous avons pour principe qu’un fait présent peut voir son statut juridique suspendu à la survenance d’un fait à venir (yech breira be-derabbanan).

[2]. Le motif selon lequel la femme est comme une autre partie de l’homme (ichto kegoufo) est cité par de nombreux A’haronim, parmi lesquels le Michna Beroura 671, 9 et 675, 9, et le Kaf Ha’haïm 671, 16. Plusieurs raisons sont invoquées pour expliquer l’usage selon lequel, dans nombre de familles, les filles n’allument pas de veilleuses. Selon le ‘Hatam Sofer, Chabbat 21b, puisqu’on a coutume d’allumer à l’extérieur, il ne serait pas pudique que les filles sortent et s’exposent ainsi. Pour le Michméret Chalom 48, 2, puisque la mère n’allume pas, il ne serait pas poli que ses propres filles allument. D’autres disent que l’allumage fait par les enfants a simplement un but éducatif ; or les filles n’allumeront pas quand elles grandiront, puisqu’elles seront acquittées par leur mari ; elles n’ont donc pas lieu, non plus, d’allumer quand elles sont petites (cf. Miqraé Qodech du Rav Frank, chap. 14, Yemé Ha’hanouka 8, 3, Torat Hamo’adim 2, 1-3).

Si elles le veulent, elles peuvent cependant allumer et dire la bénédiction, comme le rapporte le Michna Beroura 675, 9. En effet, selon la coutume ashkénaze, les femmes sont autorisées à accomplir, en les assortissant de leur bénédiction, les mitsvot dont elles sont dispensées. Cela est vrai à plus forte raison pour l’allumage de ‘Hanouka, mitsva à laquelle les femmes sont tenues. Comme il y a des femmes célibataires et des veuves habitant seules, les filles ont lieu de s’habituer à allumer les veilleuses, quand elles habitent chez leurs parents, et à dire la bénédiction. Selon la coutume séfarade majoritaire, une seule personne procède à l’allumage dans chaque maison ; et si la femme souhaite allumer elle aussi, elle peut le faire sans dire la bénédiction.

05. Bénédictions de l’allumage ; le texte Hanérot halalou

Nos sages ont institué la récitation de deux bénédictions avant l’allumage des veilleuses de ‘Hanouka, afin que nous dirigions notre pensée vers les deux aspects de la mitsva. La première bénédiction est relative à la mitsva en elle-même ; elle est ainsi libellée : Baroukh Ata Ado-naï, Elo-hénou, Mélekh ha’olam, acher qidechanou bemitsvotav vétsivanou lehadliq ner (chel) ‘Hanouka (« Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous as sanctifiés par tes commandements et nous as ordonné d’allumer la lampe de ‘Hanouka »). Dans la version séfarade la plus répandue, on dit lehadliq ner ‘Hanouka, et non lehadliq ner chel ‘Hanouka[3].

La deuxième bénédiction exprime notre reconnaissance pour les miracles que produisit l’Eternel en faveur de nos pères, à l’époque de ‘Hanouka. Nos sages en ont institué la récitation au moment de l’allumage, car les veilleuses de ‘Hanouka ont pour but de nous rappeler les miracles et leur sens. La formule est : Baroukh Ata Ado-naï, Elo-hénou, Mélekh ha’olam, ché’assa nissim laavoténou, bayamim hahem, bazman hazé (« Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui fis des miracles pour nos pères, à cette époque, à pareille date »). Le premier jour, on ajoute la bénédiction Chéhé’héyanou (« qui nous as fait vivre… »). Elle exprime notre reconnaissance envers Dieu pour nous avoir fait vivre, nous avoir maintenus une année de plus, si bien que nous avons le mérite de parvenir une fois encore à la période de ‘Hanouka, et d’accomplir de nouveau la mitsva de l’allumage[4].

Immédiatement après avoir terminé de réciter les bénédictions, on commence à allumer les veilleuses. Il ne faut pas s’interrompre par des paroles entre la récitation des bénédictions et l’allumage des veilleuses. Toutefois, après avoir terminé d’allumer la première veilleuse, on a coutume de commencer la récitation du texte Hanérot halalou (« Ces veilleuses que nous allumons, pour les miracles…, sont saintes… »), texte dont l’origine se trouve dans le traité Sofrim 20, 6. Tout en le récitant, on continue d’allumer les autres veilleuses. Bien que l’on n’ait pas encore allumé les autres veilleuses, il n’est pas à craindre que la récitation de ce texte constitue une interruption. Nous avons vu, en effet, que la mitsva se trouve déjà réalisée par le seul allumage de la première veilleuse, tandis que les autres ne sont allumées que pour l’embellissement de la mitsva. Et bien qu’a priori il ne faille pas parler avant d’avoir terminé d’allumer les veilleuses, le texte Hanérot halalou constitue une explication du sens de la mitsva, si bien qu’il y a lieu, au contraire, de le réciter tout en continuant de l’accomplir. Toutefois, si l’on a du mal à réciter Hanérot halalou tout en accomplissant l’allumage, on pourra le réciter après avoir terminé d’allumer l’ensemble des veilleuses du jour (cf. Michna Beroura 676, 8, Michbetsot Zahav 5).

En plus des bénédictions et de la récitation de Hanérot halalou, certains récitent, avant les bénédictions, le Léchem yi’houd, texte destiné à intensifier la kavana (l’intention, l’orientation de l’esprit) dans l’accomplissement de la mitsva.

Il faut allumer chaque veilleuse correctement, et attendre que le feu prenne la majorité de la mèche de façon stable, et ne pas faire comme ces gens pressés qui, avant que la veilleuse ne soit convenablement allumée, passent à la suivante (Béour Halakha 673, 2, passage commençant par Hadlaqa).


[3]. Dans la Guémara Chabbat 23a, la version est lehadliq ner chel ‘Hanouka, et telle est aussi la version du Rif et de la majorité des Richonim. Tel est l’usage ashkénaze, comme l’écrit le Michna Beroura 676, 1. Face à cela, le Choul’han ‘Aroukh 676, 1 écrit lehadliq ner ‘Hanouka ; c’est aussi l’avis de Rabbi Isaac Louria et du Gaon de Vilna, et tel est l’usage séfarade majoritaire.

[4]. Selon certains avis, les bénédictions Ché’assa nissim et Chéhé’héyanou sont à la fois afférentes à la mitsva de l’allumage et au jour en tant que tel. Celui qui n’allume pas de veilleuses les dira donc néanmoins, en tant qu’elles sont également relatives au jour (Méïri). D’autres pensent qu’elles n’ont été instituées que pour s’appliquer à l’allumage ; celui qui n’allume pas de veilleuses, ou qui ne voit pas les veilleuses, n’est donc pas autorisé à prononcer ces bénédictions (Maïmonide). Les A’haronim, eux aussi, sont partagés sur cette question. Le Cha’ar Hatsioun 676, 3 laisse la question en suspens. Mais pour la majorité des A’haronim, s’agissant d’un cas de doute, il n’y a pas lieu de dire la bénédiction. Cf. Yemé Hallel Véhodaa 19, 4.

06. Participation des membres de la famille à la mitsva

Toute la maisonnée doit s’efforcer de se rassembler au moment où s’accomplit la mitsva d’allumage des veilleuses, afin que chacun entende les bénédictions, réponde amen à celles-ci, et voie l’allumage. En plus d’être une marque d’honneur à l’égard de la mitsva, et une marque de publication du miracle, cette présence est nécessaire à ceux qui ne récitent pas eux-mêmes les bénédictions, comme la femme mariée qui se rend quitte de la mitsva par l’allumage fait par son mari, ou les enfants qui s’acquittent de leur obligation par l’allumage de leur père. En effet, par l’écoute des bénédictions, ils s’associent à la reconnaissance exprimée envers l’Eternel pour les miracles qu’Il nous a prodigués. Dans le cas où ils n’auraient pas entendu les bénédictions, Maïmonide et Rachi estiment que, quoiqu’ils soient quittes de l’obligation de l’allumage par le biais du père de famille, ils doivent regarder les veilleuses de ‘Hanouka et réciter la bénédiction Ché’assa nissim. Selon le Rachba et le Ran, dès lors que l’on est quitte de la mitsva par l’allumage effectué par le père de famille, et bien que l’on n’ait pas entendu les bénédictions, il n’est pas besoin de réciter Ché’assa nissim au moment où l’on voit les veilleuses. Puisque la question est controversée, on ne récitera pas la bénédiction, s’agissant d’un cas de doute (Choul’han ‘Aroukh 676, 3). Mais a priori, afin d’accomplir la mitsva conformément à l’avis de tous les décisionnaires, ceux qui n’allument ni ne disent les bénédictions par eux-mêmes devront écouter celles que récite le chef de famille et répondre amen.

Aussi, quiconque se rend quitte de l’obligation d’allumer les veilleuses par l’allumage d’autrui – par exemple la femme mariée qui s’acquitte par le biais de son mari, ou les enfants qui s’acquittent par l’allumage du père de famille –, doit participer à l’allumage des veilleuses, afin d’entendre les bénédictions et d’y répondre amen. Même s’ils ne peuvent être chez eux au moment de l’allumage, ils s’efforceront de s’associer à un allumage chez une autre famille ou à la synagogue, et d’y écouter les bénédictions : ce faisant, ils s’acquitteront de leur obligation selon toutes les opinions[5].


[5]. Chabbat 23a : « Celui qui voit la veilleuse de ‘Hanouka doit bénir. » Il est expliqué que celui qui procède à l’allumage récite deux bénédictions, Léhadliq ner (chel) ‘Hanouka et Ché’assa nissim, tandis que celui qui voit la veilleuse en récite une seule, Ché’assa nissim. Le premier jour, on ajoute la bénédiction Chéhé’héyanou. Mais les commentateurs sont partagés sur un point : quand on parle de « celui qui voit la veilleuse », de qui parle-t-on ? Selon Rachi, Maïmonide et le Mordekhi, celui dont l’allumage a été accompli par autrui mais qui n’a pas entendu les bénédictions devra, quand il verra les veilleuses de ‘Hanouka, réciter la bénédiction Ché’assa nissim.

En effet, la mitsva comporte deux parties : l’une est l’allumage des veilleuses de ‘Hanouka chez soi, afin de publier le miracle ; l’autre est d’exprimer sa reconnaissance envers Dieu pour le miracle, après avoir regardé les veilleuses. Or celui dont l’allumage a été accompli par autrui, à son domicile, est quitte de la mitsva de l’allumage, mais, dans la mesure où il n’a pas entendu la bénédiction Ché’assa nissim, il n’est pas quitte de la mitsva de la reconnaissance. Aussi, lorsqu’il verra les veilleuses de ‘Hanouka, il dira la bénédiction Ché’assa nissim. Par exemple, une femme qui n’aurait pas entendu les bénédictions de son mari au moment de l’allumage, devra, quand elle rentrera et qu’elle verra les veilleuses, réciter la bénédiction Ché’assa nissim. De même, si l’un des membres de la maisonnée était absent au moment de l’allumage, il devra, lorsqu’il passera dans la rue et verra les veilleuses de ‘Hanouka par la fenêtre d’une des maisons, réciter la bénédiction Ché’assa nissim.

Face à ces avis, le Rachba, le Ran et le Séfer Mitsvot Gadol estiment que seul celui qui ne s’est pas rendu quitte de l’obligation de l’allumage en elle-même – parce que personne n’a allumé pour lui –, récitera Ché’assa nissim quand il verra les veilleuses de ‘Hanouka.

Le Choul’han ‘Aroukh 676, 3, le Michna Beroura 6 (augmenté du Cha’ar Hatsioun 9-11) et le Kaf Ha’haïm 24 décident que l’on ne récitera pas la bénédiction, en raison du doute. Cf. Choul’han ‘Aroukh 677, 3 et Kaf Ha’haïm 23 ; cf. aussi Bérour Halakha sur Chabbat 23a, Beit Yossef et Baït ‘Hadach 676, 3.

De l’avis même de ceux qui estiment que, par l’allumage du père de famille, on s’acquitte de toute la mitsva, il est certain que la présence de toute la famille au moment de l’allumage constitue un supplément de perfection (hidour) apporté à la mitsva. Aussi faut-il rassembler tous les membres de la maisonnée, à l’approche de l’allumage, comme l’écrivent le Rama 672, 5, le ‘Hayé Adam 154, 20, le Michna Beroura 672, 10, le Ben Ich ‘Haï, Vayéchev 1 et d’autres auteurs. Cf. Torat Hamo’adim 6, 1 et 6, 16, ainsi que pp. 47-48 ; Yemé Hallel Véhodaa 39, 1 et 39, 4, note 1.

07. Les veilleuses

Tous les types d’huile et de mèche sont cachères pour former la veilleuse de ‘Hanouka ; même les huiles et mèches qui ne seraient pas valides pour allumer les veilleuses de Chabbat le sont pour l’allumage de ‘Hanouka. En effet, les veilleuses de Chabbat sont destinées à éclairer la maison ; or, si la veilleuse n’éclaire pas bien, il est à craindre que l’on n’en vienne à l’incliner pendant Chabbat, afin d’en améliorer la flamme, profanant ainsi le Chabbat. C’est pourquoi nos sages ont interdit d’allumer les veilleuses de Chabbat au moyen d’une huile ou d’une mèche qui n’ont pas la propriété de bien éclairer. En revanche, s’agissant de ‘Hanouka, nous n’avons pas le droit de nous servir des veilleuses ; par conséquent, toute huile, toute mèche susceptibles de brûler pendant une demi-heure sont cachères pour servir à l’allumage de ‘Hanouka.

Plus la lumière répandue par la veilleuse est forte et claire, plus parfaitement est accomplie la mitsva, car le miracle est plus nettement publié. Aussi, nombreux sont ceux qui ont l’usage d’embellir la mitsva en allumant des bougies de cire ou de paraffine, dont la flamme est forte et belle. De nombreux A’haronim écrivent que la mitsva s’accomplit plus parfaitement encore avec de l’huile d’olive, car la lumière est alors très claire ; de plus, on rappelle par-là le miracle de la fiole d’huile[6].

Les veilleuses de ‘Hanouka doivent contenir assez de matière combustible pour brûler pendant une demi-heure. En effet, nos sages ont prescrit de procéder à l’allumage depuis la fin du coucher du soleil jusqu’à ce que « le pied quitte le marché » (c’est-à-dire que les passants aient quitté le domaine public), or le temps qui s’écoule entre ces deux limites équivaut à une demi-heure. Même quand on fait l’allumage à l’intérieur de la maison, il faut que les veilleuses brûlent au moins une demi-heure. Si l’on ne dispose que de peu d’huile, ou d’une petite bougie, qui peut brûler moins d’une demi-heure seulement, on l’allumera sans réciter les bénédictions[7].


[6]. Chabbat 21b, 23a ; Choul’han ‘Aroukh 673, 1. En Chabbat 23a (cf. Bérour Halakha), nos sages disent que, par l’huile d’olive, on accomplit la mitsva de la façon la plus parfaite ; mais de ce passage, il ressort que le motif de cette préférence réside seulement dans le fait que la lumière obtenue est plus claire. C’est pourquoi certains auteurs estiment que, par des bougies de cire, la mitsva s’accomplit de façon aussi parfaite que par l’huile d’olive, et peut-être de meilleure façon encore, comme le dit le Darké Moché 673, 1, et comme le rapporte le Rav Kook, Mitsvat Reïya 673. Toutefois, le Méïri et le Colbo écrivent qu’il y a un autre avantage à l’huile d’olive, en ce qu’elle rappelle le miracle ; c’est aussi l’avis de nombreux A’haronim, parmi lesquels le Michna Beroura 4 et le ‘Aroukh Hachoul’han 1. Tel était, en pratique, l’usage du Rav Avraham Yits’haq Kook et de son fils, le Rav Tsvi Yehouda Kook. (Quant à l’opinion du Maharal, cf. Ma’hatsit Hachéqel 1, Cha’ar Hatsioun 4, Kaf Ha’haïm 18, Yemé Hallel Véhodaa 14, notes 21-23).

[7]. Selon une première compréhension de ce passage du traité Chabbat 21b, il faut comprendre que le temps où l’on doit procéder à l’allumage se situe « entre le coucher du soleil et le moment où le pied quitte le marché » ; suivant une deuxième compréhension, le laps de temps durant lequel les veilleuses doivent brûler doit équivaloir à celui qui sépare ces deux moments. Le Rif, Maïmonide et d’autres Richonim estiment que cela équivaut à une demi-heure, et c’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh 672, 2 et 675, 2. Cf. Michna Beroura 672, 5.

Cependant, certains Richonim estiment que l’on s’acquitte de son obligation par un temps de combustion moindre, et par des veilleuses plus petites ; soit que la halakha soit, selon eux, conforme à la première compréhension du Talmud, soit même qu’elle soit conforme à la seconde, mais que, depuis que l’on a pris l’habitude d’allumer à l’intérieur des maisons, il ne soit plus nécessaire de le faire pour une telle durée, laquelle correspondait au temps durant lequel les gens rentraient du marché (Or Zaoura’, Séfer Mitsvot Gadol). Aussi, quand il n’y a pas assez d’huile, on allumera sans bénédiction (Béour Halakha 672, 2  ד »ה כזה). Cf. Bérour Halakha sur Chabbat 21b, note 4, 2 et note 5, Torat Hamo’adim chap. 6 § 27 et 31.

08. Ampoules électriques

Après que fut découverte l’électricité, la question se posa de savoir si l’on pouvait accomplir la mitsva d’allumer les veilleuses de ‘Hanouka en utilisant des ampoules électriques.

En pratique, la majorité des décisionnaires estiment que l’on ne s’acquitte pas de la mitsva par le biais d’ampoules électriques, car celles-ci ne peuvent être considérées comme des veilleuses (nérot) : elles n’ont ni mèche ni huile. De plus, leur lumière est très puissante, de sorte qu’il faut craindre qu’elles ne doivent être assimilées à des torches, et non à des veilleuses.

Selon le Rav Kook – que la mémoire du juste soit bénie –, puisque l’électricité n’avait pas encore été découverte lorsque nos sages décidèrent de la mitsva, elle ne saurait être considérée comme l’un des types d’éclairage prévus par le décret des sages, et par lesquels on peut accomplir la mitsva (Mitsvat Reïya, Ora’h ‘Haïm 673).

Certes, en matière de veilleuses de Chabbat, la majorité des décisionnaires pensent que, en cas de nécessité, on peut accomplir la mitsva en utilisant des ampoules électriques, et en réciter la bénédiction, parce que le rôle essentiel des veilleuses de Chabbat est d’éclairer. En revanche, les veilleuses de ‘Hanouka ont pour but de rappeler le miracle ; par conséquent, elles doivent ressembler aux lumières du Temple ; et puisque l’ampoule électrique ne ressemble pas à la flamme d’une veilleuse, on ne peut s’acquitter de son obligation de cette façon.

Mais a posteriori, quand on ne dispose pas de veilleuse cachère, on allumera des ampoules électriques sans réciter les bénédictions ; par cela, on rappellera le miracle et, de l’avis d’une minorité de décisionnaires, on accomplira même la mitsva[8].

Certains ont l’usage de placer de grands chandeliers de ‘Hanouka (‘hanoukiot) sur des places publiques, chandeliers dont les lumières sont électriques et se voient à de longues distances. Bien que l’on n’accomplisse pas, ce faisant, la mitsva prescrite par nos sages, cela présente une utilité : grâce à cela, on rappelle le miracle de ‘Hanouka au plus grand nombre.


[8]. Certains A’haronim estiment que l’on peut accomplir la mitsva de l’allumage de ‘Hanouka par le biais d’ampoules électriques. Telle est l’opinion du Rav Yossef Messas, dans ses responsa Mayim ‘Haïm 279. Selon le Rav Chelomo Zalman Auerbach (Halikhot Chelomo 15, 3), on peut, si l’on n’a pas le choix, allumer une lampe-torche et réciter les bénédictions sur un tel allumage (car la matière combustible [électrique] que cet appareil contient est proche de l’ampoule, qui peut être assimilée à une mèche). Mais pour la majorité des décisionnaires, une ampoule électrique n’est pas valide ; aussi, faute de choix, on allumera des ampoules électriques, mais sans dire les bénédictions. Cf. Yabia’ Omer III 35, qui résume les opinions. Les A’haronim traitent de ces distinctions. Le Rav Kook écrit dans Mitsvat Reïya, Ora’h ‘Haïm 673 : « Du fait que ces ampoules n’existaient pas à l’époque où nos sages légiférèrent, il faut dire qu’elles ne font pas partie de la catégorie de veilleuses (nérot) sur lesquelles porte leur décision. Nous trouvons un autre exemple de ce type d’exclusion en matière de taches [de sang sur les sous-vêtements, s’agissant des lois de nida], où l’on se réfère uniquement aux puces qui existaient à l’époque talmudique. »

La distinction à faire entre veilleuses de Chabbat et de ‘Hanouka est expliquée par le Har Tsvi, Ora’h ‘Haïm II 114 et d’autres auteurs. Cf. Pniné Halakha, Lois de Chabbat I 4, 5, où il est dit que, en cas de nécessité, on peut dire la bénédiction, à l’approche de Chabbat, sur l’allumage d’une ampoule à filament électrique.

09. La mitsva consiste dans le fait d’allumer

C’est dans l’allumage des veilleuses que réside la mitsva, et non dans le fait qu’elles soient allumées. Nos sages ont ainsi rédigé la bénédiction : « Béni sois-Tu… qui nous as sanctifiés par tes commandements et nous as ordonné d’allumer la veilleuse de ‘Hanouka. » Par conséquent, si l’on a allumé des veilleuses propres à brûler une demi-heure, et que quelqu’un les ait fait tomber par erreur, de sorte qu’elles se soient éteintes avant qu’elles n’aient pu brûler une demi-heure, on n’a pas l’obligation de les rallumer, puisqu’on a déjà accompli la mitsva au moment de l’allumage. Et même si l’on a allumé des veilleuses de qualité inférieure, qui présentent un certain risque d’extinction prématurée, on est quitte de son obligation, dans la mesure où, en général, elles brûlent une demi-heure. Mais les A’haronim décident que, quoi qu’il en soit, si les veilleuses se sont éteintes avant une demi-heure de combustion, il convient d’être rigoureux et de les rallumer, afin qu’elles brûlent pendant la demi-heure instituée par nos sages (Choul’han ‘Aroukh 673, 2, Michna Beroura 27).

Si l’on a allumé les veilleuses en un lieu où elles ne peuvent tenir une demi-heure, par exemple à un endroit exposé au vent, et qu’effectivement le vent les ait éteintes avant une demi-heure de combustion, on n’est pas quitte de son obligation. En effet, dès l’instant de l’allumage, ces veilleuses n’étaient pas capables de brûler une demi-heure. Selon la majorité des décisionnaires, on devra recommencer l’allumage et répéter la bénédiction ; mais en pratique, on refera l’allumage sans bénédiction, car c’est un cas de doute ; or nous avons pour principe que, en cas de doute portant sur une bénédiction, on est indulgent[9].

Comme nous l’avons vu, c’est sur l’allumage même que porte la mitsva ; ce n’est donc pas sur le fait de laisser brûler des veilleuses déjà allumées. Par conséquent, si une veilleuse brûlait déjà pendant la journée, à un endroit qui convient aux veilleuses de ‘Hanouka, on n’est pas quitte, par cette veilleuse, de son obligation, puisqu’elle n’aura pas été allumée au titre de la mitsva du soir nouveau. Même si on la soulevait, tandis qu’il fait encore jour, puis qu’on la remettait à sa place pour accomplir la mitsva, on ne serait pas quitte. Ce qu’il faut faire, c’est l’éteindre, puis la rallumer au titre de la mitsva. Il n’est en revanche pas nécessaire de soulever la ‘hanoukia et de la replacer au titre de la mitsva (Chabbat 23a, Choul’han ‘Aroukh 675, 1).

Il faut allumer les veilleuses à l’endroit même où elles seront posées. Même si le chef de famille est malade et ne peut se lever de son lit, on ne lui apportera pas les veilleuses pour qu’il les allume près de son lit, pour ensuite les remettre à leur place ; le chef de famille récitera les bénédictions, puis une autre personne procèdera à l’allumage pour son compte, à l’endroit qui convient (Ben Ich ‘Haï, Vayéchev 6).

Si l’on a déposé les veilleuses sur le rebord de la fenêtre, à une place telle qu’elles sont peu visibles de l’extérieur, et qu’on ait oublié de les rapprocher de la vitre avant l’allumage, pour qu’elles soient bien visibles de l’extérieur, on sera autorisé à les rapprocher quelque peu après l’allumage, afin que les passants puissent mieux les voir depuis la rue[10].


[9]. Cf. Bérour Halakha sur Chabbat 21b, Torat Hamo’adim 6, 24-29. On ne répète pas la bénédiction, car il est possible que l’on soit déjà quitte par un allumage inférieur à une demi-heure, comme on l’a vu en note 7. De plus, il semble parfois que les veilleuses s’éteindront certainement, alors qu’en réalité il n’y a pas là de certitude ; cf. Cha’ar Hatsioun 673, 30. Même si on les a éteintes intentionnellement, on devra répéter l’allumage sans pour autant redire la bénédiction, car on est peut-être déjà quitte. En outre, il n’est pas certain que l’extinction rende nul un allumage qui était conforme à la halakha.

Le Har Tsvi, Ora’h ‘Haïm II 114 écrit que, si l’on fait l’allumage en un lieu où, pour une raison extérieure, les veilleuses ne pourraient tenir une demi-heure, et qu’elles aient néanmoins tenu une demi-heure, on est quitte. Par conséquent, ceux qui allument des veilleuses entourées d’un boîtier de verre, dont on referme l’ouverture seulement ensuite, sont quittes, puisque les veilleuses peuvent, en pratique, brûler de cette façon pendant une demi-heure.

Selon le Maharchal et le Touré Zahav (cité par Michna Beroura 26), si, le soir de Chabbat, les veilleuses se sont éteintes sans qu’on l’ait voulu, on a l’obligation de les rallumer tant que le Chabbat n’est pas entré car, par hypothèse, les veilleuses n’ont pas encore pu brûler après le coucher du soleil soleil. La majorité des décisionnaires estiment que ce n’est pas une obligation, mais qu’il est très souhaitable de les rallumer. Après que le Chabbat est entré, ou après qu’on a formé l’intention de recevoir le Chabbat, tous les avis s’accordent à dire qu’il est interdit de rallumer.

[10]. Si l’on a transféré les veilleuses, après l’allumage, de l’intérieur à l’extérieur de la maison, on n’est pas quitte, car ceux qui assistent à ce transfert peuvent penser que l’on a allumé ces lumières pour son propre usage (Choul’han ‘Aroukh 675, 1). De nos jours, où l’on ne se sert plus guère de veilleuses pour leur lumière, la question de savoir si l’on n’est pas quitte mériterait approfondissement. Il n’est en effet pas à craindre que les autres pensent qu’on a allumé ces veilleuses pour son propre usage. Quoi qu’il en soit, en pratique, on ne transfère pas les veilleuses de lieu en lieu, même à l’intérieur de la maison (Michna Beroura 6). En revanche, bouger très légèrement la ‘hanoukia, lorsqu’il est clair que cela a pour but de publier le miracle, semble permis. Cf. Cha’ar Hatsioun 674, 4, Yemé Ha’hanouka 6, 33, Hilkhot ‘Hag Be’hag 9, note 26.

10. L’interdit de tirer profit des veilleuses

Il est interdit d’utiliser la lumière des veilleuses de ‘Hanouka, que ce soit pour un usage profane – par exemple, compter de l’argent à leur lumière – ou pour un usage saint – tel qu’étudier un livre de Torah à leur lumière. En effet, les veilleuses sont consacrées à la mitsva de ‘Hanouka, et de même qu’il est interdit de tirer profit des veilleuses du chandelier du Temple (la ménora), de même est-il interdit de tirer profit des veilleuses de ‘Hanouka, que nos maîtres instituèrent en souvenir du miracle dont le chandelier du Temple fut l’objet. De plus, les veilleuses sont destinées à la publication du miracle ; or si l’on se servait de leur lumière, on paraîtrait les avoir allumées pour s’éclairer, et non au titre de la mitsva de publier le miracle (Choul’han ‘Aroukh 673, 1)[11].

Il est interdit d’utiliser ce qui reste de l’huile ou des bougies qui ont été allumées au titre de ‘Hanouka ; en effet, au moment de leur allumage, elles ont été destinées à la mitsva. Si l’on peut utiliser le reste pour les besoins de l’allumage de ‘Hanouka des jours suivants, c’est fort bien ; mais si ce qui reste n’est plus utilisable, ou que l’on se trouve après la huitième nuit, on fera un feu et on l’y brûlera (Choul’han ‘Aroukh 677, 4, Michna Beroura 18) ; ou bien on versera l’huile restante dans l’évier, et l’on jettera à la poubelle les mèches restantes. Mais les veilleuses neuves, qui restent dans leur paquet, et l’huile restant dans la bouteille, sont permises à tout usage.

Si l’on a commencé d’allumer les veilleuses, et que le chamach[b] se soit éteint, on ne rallumera pas le chamach à partir d’une veilleuse allumée au titre de la mitsva même, car le chamach a un statut profane, et il ne faut pas allumer une veilleuse profane à partir d’une veilleuse consacrée à la mitsva. Mais si l’on n’a plus d’allumettes, et que, sauf à allumer le chamach à partir d’une veilleuse de ‘Hanouka, on ne pourrait continuer d’allumer les autres veilleuses, on pourra rallumer le chamach à partir d’une veilleuse de ‘Hanouka[12].

Si l’on s’en tient à la stricte obligation, il suffit d’allumer les veilleuses pour une durée d’une demi-heure, et, si elles continuent de brûler après cette demi-heure, il est permis d’en tirer profit. Toutefois, on a coutume d’être rigoureux, et de ne pas tirer profit des veilleuses, même après une demi-heure, car, même alors, le miracle de ‘Hanouka continue de se publier par leur biais, et si l’on en tirait profit, on paraîtrait mépriser la mitsva. De plus, puisque l’on a disposé les veilleuses pour les besoins d’une mitsva, et que l’on n’a pas pensé alors que l’on en tirerait profit au bout d’une demi-heure, certains décisionnaires estiment que l’intégralité de la veilleuse a été consacrée à la mitsva, et qu’il est donc interdit d’en faire un usage profane[13].


[11]. Selon Rabbi Zera’hia Halévi et le ‘Itour, il est permis d’utiliser la lumière des veilleuses pour un usage saint. Selon Maïmonide, Na’hmanide, le Rachba, le Roch et d’autres auteurs, c’est interdit, et telle est la halakha. Pour le Roch, cependant, une utilisation profane incidente (ar’aï), à condition qu’elle ne soit pas déshonorante, est permise : par exemple, compter de l’argent de loin. Mais pour la majorité des décisionnaires, c’est interdit, comme le décident le Beit Yossef et le Choul’han ‘Aroukh 673, 1. Selon le Béour Halakha ד »ה ויש, une utilisation pour un motif saint et de manière incidente, par exemple le fait d’étudier un peu à la lumière des veilleuses, est peut-être permise. Dans le Cha’ar Hatsioun 11, l’auteur écrit qu’il est permis de marcher en un lieu où les veilleuses de ‘Hanouka aident à ne point trébucher : il n’est pas nécessaire de fermer les yeux, car cela n’est pas considéré comme une utilisation. Cf. Bérour Halakha sur Chabbat 21b, Michna Beroura 8, Hilkhot ‘Hag Be’hag 9, 1-3, Torat Hamo’adim 6, 43-45.

[b]. Cf. ci-dessus, fin du § 2.

[12]. Cf. Chabbat 22a, Bérour Halakha ad loc., Choul’han ‘Aroukh 674, 1. À ce sujet, les opinions et détails sont nombreux. Mais la coutume veut que l’on n’utilise pas une veilleuse destinée à la mitsva, même pour allumer une autre veilleuse destinée à la mitsva, comme l’expliquent le Rama et le Michna Beroura, et comme l’écrit le Kaf Ha’haïm 8. En cas de nécessité pressante, on pourra s’appuyer sur les opinions indulgentes. Cf. Torat Hamo’adim 6, 39.

[13]. Choul’han ‘Aroukh 672, 2, Michna Beroura 7-8. On tient compte de l’opinion du Maharchal, qui craint que les observateurs ne pensent que l’on en tire un profit interdit, et de l’opinion du Baït ‘Hadach, qui n’autorise d’en tirer profit que si l’on a émis la condition que la sainteté des veilleuses cesserait après une demi-heure. Cf. ci-après, chap. 13 § 4, où il est dit que, de nos jours, le fait que les veilleuses brûlent plus d’une demi-heure est un supplément de perfection apporté à la mitsva (hidour). C’est en nous fondant sur ces conceptions que nous écrivons simplement, ci-dessus, qu’il est interdit d’utiliser l’huile restante, sans distinguer entre les cas où les veilleuses ont ou non déjà brûlé une demi-heure. Néanmoins, si l’on a formé l’intention d’éteindre les veilleuses après une demi-heure et d’utiliser le reste pour un usage profane, c’est permis, comme l’explique le Michna Beroura 677, 18. Cf. Torat Hamo’adim 6, 33, Hilkhot ‘Hag Be’hag 9, 4, Yemé Ha’hanouka 5, 11-12.

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