Selon la coutume ashkénaze, pour accomplir la mitsva de la façon la plus accomplie (méhadrin min haméhadrin), il faut que chacun des membres de la maisonnée procède à l’allumage, sur sa propre ‘hanoukia, en assortissant cet allumage de sa bénédiction. Le premier jour, chacun allume une veilleuse, le deuxième jour, chacun en allume deux, et ainsi de suite jusqu’u huitième jour où chacun allume huit veilleuses. On ne craint pas que le nombre des veilleuses correspondant au jour ne soit plus connaissable, parce que l’on a soin de séparer les chandeliers l’un de l’autre[1].
Même les enfants, quand ils sont parvenus à « l’âge de l’éducation », allument leurs veilleuses et récitent la bénédiction. Ce qu’on appelle âge de l’éducation se situe à peu près autour de six ans, car alors les enfants comprennent le récit du miracle, ainsi que la mitsva.
Les femmes mariées n’ont pas l’usage d’allumer de veilleuses, car l’allumage accompli par leur mari est aussi considéré comme le leur ; en effet, la femme est comme une autre partie de l’homme (ichto kegoufo). Dans de nombreuses familles, même les filles parvenues à l’âge de l’éducation et les jeunes filles s’abstiennent d’allumer des veilleuses. Quoi qu’il en soit, si elles le veulent, elles sont autorisées à allumer et à réciter la bénédiction. Il semble bienvenu d’encourager les filles, à partir de l’âge de l’éducation, à allumer les veilleuses, au moins jusqu’à leur majorité religieuse (bat mitsva), car l’allumage les relie à la Torah et aux mitsvot. Si elles veulent continuer d’allumer après être devenues majeures, elles seront bénies pour cela. Même une femme mariée, dont l’époux allume les veilleuses, est autorisée, si elle le désire, à allumer elle-même et à prononcer la bénédiction[2].
Dans son commentaire, le Gaon de Vilna écrit que, selon la Guémara, le motif essentiel de la position de Hillel et son école est que l’on s’élève en sainteté. Et il n’est pas nécessaire qu’il soit manifeste que l’on se trouve tel ou tel jour, le principal étant la progression quotidienne. Par conséquent, le Gaon de Vilna ne retient pas la crainte formulée par Tossephot ; si bien que, même quand tout le monde allume à la porte de la maison, l’allumage doit tenir compte du nombre des membres de la maisonnée et du nombre des jours.
Certains auteurs soutiennent qu’une lecture précise de Maïmonide indique que, pour celui-ci, un seul membre de la famille doit allumer pour tous, tandis que la coutume ashkénaze, conforme aux vues du Maharil, veut que chacun allume ses propres veilleuses et récite la bénédiction. Dans son Meloumdé Mil’hama (p. 232), le Rav Rabinowitz écrit que, si l’on se réfère à la version de Maïmonide éditée par le Rav Kapah, il apparaît que la coutume ashkénaze est exactement conforme à l’opinion de Maïmonide.
Le Touré Zahav 677, 1 et le Maguen Avraham 677, 9 expliquent que, dès lors que les membres de la maisonnée n’ont pas l’intention de s’acquitter de la bénédiction par celle que prononce le chef de famille, ils peuvent réciter la bénédiction pour l’allumage de leurs propres veilleuses. Ce qui laisse bien entendre que, n’était-ce cela, ils ne pourraient point dire la bénédiction, car il n’est pas d’usage de réciter une bénédiction pour un simple embellissement de la mitsva. Mais le Sfat Emet sur Chabbat 21b cite une thèse selon laquelle, fondamentalement, les sages considéraient que l’usage de méhadrin min haméhadrin impliquait que chacun récite la bénédiction, bien que l’on soit déjà essentiellement quitte de la mitsva.
Les avis sont également partagés quant au cas suivant : si l’on a déjà allumé une veilleuse unique, en prononçant la bénédiction, et que l’on obtienne ensuite des veilleuses supplémentaires, permettant d’atteindre le nombre requis selon l’usage de méhadrin min haméhadrin, devra-t-on répéter la bénédiction en allumant ces veilleuses nouvelles, destinées à l’embellissement de la mitsva ? Selon le Elya Rabba, on répètera la bénédiction ; selon le Peri ‘Hadach, fin du chap. 672, on ne la répètera pas. C’est en ce dernier sens qu’inclinent les responsa de Rabbi Aqiba Eiger, deuxième édition, chap. 13, lequel se fonde sur la leçon que l’on peut tirer du Touré Zahav et du Maguen Avraham.
Il faut se demander quelle règle s’applique dans le cas où les membres de la famille, pensant d’abord qu’ils feraient eux-mêmes l’allumage, n’allument finalement pas : l’allumage effectué par le chef de famille les acquitte-t-il ? À notre humble avis, il semble qu’ils sont quittes a posteriori, car la mitsva consiste dans le fait qu’une veilleuse soit allumée à la maison, or en pratique celle-ci est effectivement allumée : même à leur corps défendant, ils se sont rendu quittes de la mitsva, strictement entendue, sans enjolivement (hidour) supplémentaire. Quant à leur intention de ne pas se rendre quittes, comme le notent le Touré Zahav et le Maguen Avraham, elle ne porte que sur le hidour, consistant à allumer soi-même et à réciter soi-même la bénédiction ; il n’en reste pas moins qu’ils sont quittes de la mitsva prise en elle-même. Ce point mérite approfondissement. Il est évident que telle est la règle selon les vues du Sfat Emet. De plus, en matière de règle rabbinique, nous avons pour principe qu’un fait présent peut voir son statut juridique suspendu à la survenance d’un fait à venir (yech breira be-derabbanan).
[2]. Le motif selon lequel la femme est comme une autre partie de l’homme (ichto kegoufo) est cité par de nombreux A’haronim, parmi lesquels le Michna Beroura 671, 9 et 675, 9, et le Kaf Ha’haïm 671, 16. Plusieurs raisons sont invoquées pour expliquer l’usage selon lequel, dans nombre de familles, les filles n’allument pas de veilleuses. Selon le ‘Hatam Sofer, Chabbat 21b, puisqu’on a coutume d’allumer à l’extérieur, il ne serait pas pudique que les filles sortent et s’exposent ainsi. Pour le Michméret Chalom 48, 2, puisque la mère n’allume pas, il ne serait pas poli que ses propres filles allument. D’autres disent que l’allumage fait par les enfants a simplement un but éducatif ; or les filles n’allumeront pas quand elles grandiront, puisqu’elles seront acquittées par leur mari ; elles n’ont donc pas lieu, non plus, d’allumer quand elles sont petites (cf. Miqraé Qodech du Rav Frank, chap. 14, Yemé Ha’hanouka 8, 3, Torat Hamo’adim 2, 1-3).
Si elles le veulent, elles peuvent cependant allumer et dire la bénédiction, comme le rapporte le Michna Beroura 675, 9. En effet, selon la coutume ashkénaze, les femmes sont autorisées à accomplir, en les assortissant de leur bénédiction, les mitsvot dont elles sont dispensées. Cela est vrai à plus forte raison pour l’allumage de ‘Hanouka, mitsva à laquelle les femmes sont tenues. Comme il y a des femmes célibataires et des veuves habitant seules, les filles ont lieu de s’habituer à allumer les veilleuses, quand elles habitent chez leurs parents, et à dire la bénédiction. Selon la coutume séfarade majoritaire, une seule personne procède à l’allumage dans chaque maison ; et si la femme souhaite allumer elle aussi, elle peut le faire sans dire la bénédiction.