Zmanim

14. Lecture de la Torah et Moussaf

En l’honneur de Roch ‘hodech, on appelle à la Torah quatre personnes : on commence par la lecture du paragraphe relatif au sacrifice perpétuel, et l’on termine par la mention des sacrifices de Roch ‘hodech (Nb 28, 1-15). Cette séquence fait allusion au fait que, à partir d’une notion permanente et quotidienne de la sainteté, dont l’expression réside dans le sacrifice perpétuel que l’on offrait chaque jour, matin et soir, on peut faire advenir la sainteté particulière à Roch ‘hodech, laquelle comporte une notion de renouvellement, d’expiation et de repentir.

Après la lecture de la Torah et la récitation d’Achré (Ps 145) et d’Ouva Lé-Tsion (ainsi que, pour une partie des Séfarades, Beit Ya’aqov et le psaume du jour), on dit la ‘Amida de Moussaf. Les trois premières bénédictions, ainsi que les trois dernières, sont communes à toute ‘Amida. La bénédiction centrale est consacrée au thème de Roch ‘hodech, et s’achève par la formule : Baroukh Ata… meqadech Israël vé-raché ‘hodachim (« Béni sois-Tu… qui sanctifies Israël et les néoménies »).

Nos sages nous ont prescrit de réciter la ‘Amida de Moussaf en référence aux sacrifices additionnels (qorbenot moussaf) que l’on offrait lors de la néoménie. De même, l’horaire de cette prière correspond au temps prescrit pour l’oblation des sacrifices additionnels. Par conséquent, il faut réciter la ‘Amida de Moussaf avant la fin de la septième heure relative du jour. Si l’on a pris du retard, et que l’on n’ait pas dit cette prière avant la fin de la septième heure, on est appelé pécheur ; malgré cela, on récitera cette ‘Amida une fois cette heure expirée, car, a posteriori, on pouvait procéder à l’oblation de Moussaf toute la journée (Choul’han ‘Aroukh 286, 1).

On a coutume d’ôter ses téphilines[e] avant la ‘Amida de Moussaf. De même que, les jours de fête (Yom tov), on ne met pas les téphilines, puisque le jour de fête est lui-même appelé signe[f] reliant Dieu et Israël – or il n’est pas nécessaire d’y ajouter un autre signe par le biais des téphilines[g] –, de la même façon la prière de Moussaf de Roch ‘hodech est considérée comme signe (ot), et il n’est pas nécessaire d’y ajouter le signe des téphilines (Choul’han ‘Aroukh 423, 4, Michna Beroura 10). On a l’usage d’ôter les téphilines après le Qaddich précédant Moussaf. Il est bon d’attendre de terminer d’enrouler les lanières autour des boîtiers, et de ranger les téphilines dans leur étui, avant de commencer la ‘Amida, faute de quoi elles resteraient posées là, sur un siège ou une table, de façon peu honorable, tout au long de la prière de Moussaf[19].

On a également coutume de dire, à l’office de Cha’harit, le cantique Barekhi nafchi (Ps 104 : « Bénis, mon âme, l’Eternel… »), parce qu’il y est dit : « Il a fait la lune pour marquer les temps (mo’adim)[h] ». Certains pensent que les Lévites chantaient ce cantique au Temple à la néoménie (‘Aroukh Hachoul’han 423, 5)[20].


[e]. Phylactères. Boîtiers cubiques attachés à des lanières de cuir, portés sur le bras et sur le front par les Juifs mâles et majeurs pendant la prière du matin, sauf le Chabbat et les jours de fête chômée (Yom tov). Ils contiennent des parchemins où sont inscrits des fragments de la Torah.

[f]. Le Chabbat et le Yom tov sont appelés signe (אות, ot) par la Torah (Ex 30, 3).

[g]. Les téphilines sont appelés signe (אות, ot) dans la Torah : « Tu les attacheras comme signe sur ton bras… » (Dt 6, 8).

[19]. Le Beit Yossef 25, 13 écrit que la raison en est que, dans la Qédoucha de Moussaf, on dit le passage commençant par Kéter (« Ils te donneront une couronne, Eternel notre Dieu, les multitudes d’anges des hauteurs, avec ton peuple Israël réuni dans ce bas monde… ») ; or il ne convient pas que, au même moment, la couronne que forment les téphilines soit visible. Toutefois, la coutume consistant à ôter les téphilines est également celle des communautés de rite ashkénaze, qui ne disent pas Kéter. Aussi avons-nous rapporté, ci-dessus, le motif invoqué par le Levouch, qui explique que la ‘Amida de Moussaf est considérée comme signe, à la manière du Yom tov, durant lequel on ne met pas les téphilines (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 31, 1). Cf. Roch ‘Hodech 8, 1. L’usage répandu consiste à ôter ses téphilines après le Qaddich (selon le sidour de l’Admour hazaqen de Loubavitch, auteur du Tanya, on ôte les téphilines avant le Qaddich.) Cf. Roch ‘Hodech 8, 4-6.

On peut soulever l’objection suivante : beaucoup ont l’usage de porter les téphilines à l’occasion de la circoncision de leur fils, afin que deux signes soient réunis [celui des téphilines et celui de la circoncision elle-même, signe d’alliance entre Dieu et Israël]. Or nous apprenons, dans les lois de Chabbat et de Yom tov, qu’il ne faut pas montrer deux signes en même temps, car l’un semblerait signifier que l’autre est insuffisant, ce qui reviendrait à le déconsidérer (Choul’han ‘Aroukh 31, 1). Le Elya Rabba 29, au nom du Roqéa’h, résout la question en disant que le signe de la circoncision ne constitue pas un rappel de la sortie d’Egypte ; aussi, il est bon de lui associer un autre signe. En revanche, les téphilines, le Chabbat et le Yom tov forment des rappels de la sortie d’Egypte ; aussi ne les accomplit-on pas ensemble.

[h]. Littéralement, moa’adim signifie aussi les fêtes.

[20]. S’agissant de l’ordonnancement de la lecture de la Torah, cf. Tour, Beit Yossef et Choul’han ‘Aroukh 423, 2, Michna Beroura ad loc., Yalqout Yossef 423, 4, Roch ‘Hodech 7, 9.

Si l’on a récité la ‘Amida de Moussaf avant celle de Cha’harit, on est quitte, mais a priori on doit faire précéder Cha’harit, de même que le sacrifice perpétuel précède les autres sacrifices (Rama 286, 1).

Sur la lecture du psaume 104, cf. Roch ‘Hodech 7, 5. Ceux qui pensent que ce cantique était le psaume du jour spécifique à Roch ‘hodech sont le Gaon de Vilna, Ma’assé Rav 157, le Bné Issakhar sur Roch ‘hodech 3, 1, le ‘Aroukh Hachoul’han 423, 5 et 424, 3. Suivant le rite ashkénaze et ‘hassidique (sfard), on récite ce cantique après le psaume du jour. Les ‘Hassidim récitent ces deux psaumes après le Hallel, les Ashkénazes les récitent après Moussaf (Roch ‘Hodech 7, note 5). Suivant la coutume d’une partie des communautés séfarades, on dit le psaume du jour entre Ouva lé-Tsion et le Qaddich précédant Moussaf ; quant au psaume 104, il se dit après Moussaf. Pour d’autres communautés séfarades, on ne dit pas du tout le psaume du jour à Roch ‘hodech, et l’on récite seulement le psaume 104 après Moussaf.

L’usage ashkénaze est de rapporter le rouleau de la Torah immédiatement après sa lecture (Michna Beroura 423, 5). Le Choul’han ‘Aroukh 423, 3 prescrit de le rapporter après Ouva lé-Tsion, et tel est l’usage séfarade et ‘hassidique. (Toutefois, le Kaf Ha’haïm 135, 2 et 423, 11 tranche comme le font les décisionnaires ashkénazes ; et tel était l’usage du Rav Ovadia Yossef, se fondant sur la Kabbale, que de rapporter le rouleau de la Torah, à Roch ‘hodech ainsi que le lundi et le jeudi, immédiatement après la lecture. Yalqout Yossef 423, 6 et note.)

15. La bénédiction de la nouvelle lune et sa signification

Par la bénédiction de la nouvelle lune, nous exprimons notre reconnaissance envers Dieu, pour avoir créé la lune et sa lumière, dont nous bénéficions la nuit. Cette bénédiction jouit d’une affection et d’honneurs particuliers de la part de la multitude des enfants d’Israël, car il y est fait allusion à des notions profondes, touchant au peuple juif. Nous tenterons de les expliquer quelque peu :

De tous les corps célestes, la lune est celui qui nous ressemble le plus. De même que l’homme, dont la vie est tissée d’ascensions et de descentes, la lune connaît des périodes de croissance et de décroissance. Au milieu du mois, elle paraît pleine, tandis qu’à l’approche de la fin du mois, elle diminue et disparaît. Comme Adam, qui s’enorgueillit, poursuivit ses désirs et mangea du fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, et en fut puni, la lune ne se contenta pas de ce que sa lumière égalât celle du soleil : elle demanda à régner sur le soleil (comme nous l’avons vu au § 5). Pour punir son orgueil, le Saint béni soit-Il affaiblit sa lumière, et créa même le cycle lunaire, par lequel elle diminue, chaque mois, puis disparaît un jour durant. Mais à la différence de l’homme, qui disparaît et meurt, la lune appartient à l’armée des cieux, elle est fixe et permanente ; aussi, elle revient toujours à la vie. Or telle est exactement la nature de la nation israélite : d’un côté, elle mène une vie humaine, comprenant des descentes et des ascensions, un penchant au bien et un penchant au mal ; de l’autre, sa relation à la foi et à Dieu est éternelle. Aussi, à la différence des autres peuples, le peuple juif est éternellement vivant. Cette idée, nous lui donnons expression dans la Birkat halevana (bénédiction de la lune), quand nous voyons que la lune grandit de nouveau chaque mois.

Non seulement parvenons-nous à survivre, malgré toutes les crises, mais à partir de chaque crise, de chaque chute, nous nous élevons à un plus haut niveau. David, roi d’Israël, est celui qui enseigna à chacun d’entre nous comment on peut transformer toutes les chutes, toutes les crises en levier d’une nouvelle ascension. Nos sages racontent que David était le plus méprisé d’entre ses frères, qu’il grandit dans les champs, parmi les animaux, et qu’il réussit, à  partir de chaque chose, à se développer et à s’élever. Même après la pénible chute que fut la faute de Bethsabée, il ne désespéra point, et accomplit un plein repentir, au point que nos maîtres disent de lui qu’il enseigna, par ses actes, combien grande est la puissance du repentir (la téchouva[i]) (Mo’ed Qatan 16b). David transforma la terrible épreuve en extraordinaire élévation ; depuis lors, et jusqu’à nos jours, la force et la voie de la téchouva nous sont enseignées à partir de son exemple. Grâce à la téchouva, la royauté de David se poursuit perpétuellement, de même que la lune qui, toujours, après s’être amoindrie, se remplit de nouveau.

C’est pourquoi la royauté de David est comparée à la lune, et c’est pourquoi nous disons, dans le rituel de bénédiction de la nouvelle lune : « David, roi d’Israël, est éternellement vivant. » De même, le peuple juif, de crise en crise, s’élève progressivement, répare les fautes et comble les lacunes ; il méritera finalement de réparer le monde pour le placer sous la royauté du Tout-puissant. Alors la lune, qui symbolise notre position en ce monde, retrouvera, elle aussi, sa plénitude initiale, et la lumière de la lune sera semblable à celle du soleil. Nous demandons ainsi, dans la Birkat halevana : « Qu’une couronne de splendeur se renouvelle en faveur de ceux qui sont accablés, car les enfants d’Israël sont destinés à se renouveler comme la lune, et à glorifier leur Créateur pour le nom glorieux de son règne. »

Certains ont coutume d’ajouter cette requête : « Que telle soit Ta volonté, Eternel, mon Dieu et Dieu de mes pères, de compenser l’imperfection de la lune, de sorte qu’elle ne connaisse plus de diminution. Que la lumière de la lune égale celle du soleil et celle des sept jours de la Création, comme ce fut le cas avant d’être amoindrie, ainsi qu’il est dit : “Les deux grands luminaires” (Gn 1, 16). Et que s’accomplisse en nous le verset : “Ils rechercheront l’Eternel leur Dieu et David leur roi” (Os 3, 5), amen[21]. »


[i]. Téchouva : repentir ; littéralement retour, à Dieu, à sa véritable nature, et retour sur soi pour réparer ses fautes.

[21]. Nous voyons en de nombreux endroits du Midrach que les non-Juifs ont un calendrier solaire. Ainsi des Chrétiens. On peut expliquer que la volonté de compter le temps par le biais du soleil est une volonté de perfection totale. Mais cette chose reste hors d’atteinte de l’homme. Dès lors qu’ils n’atteignent pas une telle perfection, ils perdent aussi le degré qu’ils eussent pu atteindre dans la révélation du nom divin. Israël, en revanche, sait agir à l’intérieur de ce monde-ci en s’attachant à Dieu ; cet attachement se traduit par un perfectionnement constant. Compter les mois suivant la lune fait allusion à notre service de Dieu au sein de ce monde-ci ; dans le même temps, le compte solaire des années fait allusion à notre aspiration constante à la perfection. Les Musulmans ont appris d’Israël à compter les mois d’après la lune, mais ils fondent leur calendrier sur la lune seulement. Cela exprime le manque d’aspiration au perfectionnement permanent, un attachement exclusif au monde terrestre. C’est ainsi que la récompense céleste elle-même est conçue par eux comme matérielle.

Il faut ajouter que, même lorsque la lune devient invisible à nos yeux, elle reste secrètement entière. Simplement, toute la lumière qu’elle reçoit du soleil est dirigée vers le soleil lui-même, et reste inconnue dans le monde. Ainsi du peuple juif : même en temps de chute, il n’est pas atteint dans son intériorité : « Tu es toute belle, ma compagne, il n’y a aucun défaut en toi » (Ct 4, 7).

16. Bénédiction de la nouvelle lune : sa récitation dans la joie

En raison de la grande idée qu’exprime le renouvellement lunaire, la Birkat halevana a un degré de sainteté tel qu’on la considère comme une forme d’accueil de la Présence divine (la Chékhina). C’est à ce propos qu’un Tanna[j] de la maison d’étude de Rabbi Ichmaël a dit : « Si Israël n’avait eu pour mérite que le fait d’accueillir leur Père qui est aux cieux une fois par mois (par le biais de la Birkat halevana), cela leur eût suffi. » Puisqu’il en est ainsi, Abayé enseigne qu’il faut honorer la Birkat halevana en la disant debout (Sanhédrin 42a). Les personnes auxquelles il est difficile de rester debout s’appuieront sur leur canne ou sur leur prochain, et diront ainsi la bénédiction. S’il est même difficile de s’appuyer, on récitera la bénédiction assis[22].

On a coutume, pour honorer cette bénédiction, de la dire en minyan (quorum de dix Juifs majeurs mâles) ; quand il n’y a pas de minyan, il est bon de la réciter à trois. Toutefois, si l’on s’en tient à la stricte règle de droit, on peut aussi la réciter seul. Lorsqu’il est à craindre que, si l’on attend le jour où l’on pourra la dire en minyan, on n’oublie finalement de la réciter, il est préférable de la réciter seul (Béour Halakha 426, 2, passage commençant par Ela).

On a l’usage de sortir de sa maison pour prononcer la bénédiction sous la voûte des cieux. Nous avons vu, en effet, que la Birkat halevana ressemble à l’accueil de la Présence divine ; or, de même que l’on sort de chez soi pour accueillir un roi, de même y a-t-il lieu de sortir pour dire la Birkat halevana. En revanche, un malade, ou celui qui craint de prendre froid s’il sort, pourra regarder la lune par la fenêtre, puis dire la bénédiction (Michna Beroura 426, 21).

Pour honorer cette bénédiction, en ce qu’elle comporte la notion d’accueil de la Présence divine, on a coutume de la réciter à l’issue de Chabbat, car alors on est joyeux, et vêtu d’habits agréables. Mais s’il est à craindre que, en attendant l’issue de Chabbat, on manque de la dire, il sera préférable de réciter cette bénédiction un jour de semaine (Choul’han ‘Aroukh, Rama 426, 2).

Le soir de Chabbat, on a coutume de ne pas réciter la bénédiction de la lune, afin de ne point mêler la joie du Chabbat à celle de ladite bénédiction. Toutefois, quand il est à craindre de perdre l’occasion de la dire si on ne la récite pas le soir-même, on devra la dire le soir de Chabbat (Rama 426, 2, Michna Beroura 12).

Comme nous l’avons vu, la lune porte en allusion l’assemblée d’Israël (knesset Israël). Or l’assemblée d’Israël est considérée comme une épouse, à l’égard du Saint béni soit-Il, et chaque mois, elle se renouvelle et se purifie, comme une épouse pour son mari. Par cela, l’attachement se renforce entre l’assemblée d’Israël et le Saint béni soit-Il. Lorsque le monde sera réparé de tous ses manques, le lien unissant Israël et le Saint béni soit-Il se révélera aux yeux de tous ; comme il est dit : « C’est de la joie du fiancé à l’égard de la fiancée que ton Dieu se réjouira de toi » (Is 62, 5). Aussi a-t-on coutume de danser et de chanter après avoir récité la bénédiction de la lune. Comme allusion à cela, on a également l’usage de sautiller un peu quand on dit, dans le texte qui suit la bénédiction proprement dite : « De même que nous dansons… » (Rama 426, 2).

Puisque cette bénédiction doit se dire dans la joie, on a coutume de ne pas la réciter avant le 9 av (tich’a bé-av), en raison du deuil pour la destruction du Temple ; de même, on ne la récite pas avant le jour de Kipour, en raison de la tension qu’inspire le jour du jugement qui approche. On a coutume de la réciter à l’issue de Kipour, bien qu’on n’ait pas encore rompu le jeûne, car lorsque s’achève le jeûne on est heureux d’avoir eu le mérite de se tenir devant Dieu, dans le repentir. En revanche, à l’issue du 9 av, il est juste de reporter la bénédiction de la lune à une autre nuit, ou, au moins, de boire et de manger préalablement, afin de sortir du deuil (Rama 426, 2). Toutefois, s’il paraît difficile de rassembler un minyan après cela, on peut réciter la Birkat halevana dès l’heure de la fin du jeûne (Michna Beroura 426, 11, Cha’ar Hatsioun 9, cf. ci-après chap. 10 § 19).

De même, si l’on se trouve dans les sept jours d’un deuil, puisque c’est un temps de peine, on reportera la bénédiction après l’issue du deuil, si c’est possible, même si l’on doit, pour cela, la réciter seul. S’il est impossible de la reporter – parce que les sept jours de deuil s’achèveront après l’expiration du temps propre à la bénédiction –, on la récitera, malgré le deuil (Michna Beroura 426, 11, Kaf Ha’haïm 5 ; la question de l’expiration du temps prescrit sera exposée au paragraphe 18).


[j]. Maître de la Michna.

[22]. Choul’han ‘Aroukh 426, 2, Rabbi Aqiba Eiger ad loc., Béour Halakha ad loc., fin de ד »ה ומברך מעומד, Yalqout Yossef 426, 11. (Le Ben Ich ‘Haï, seconde année, Vayiqra 23, écrit qu’il est recommandé de se tenir debout, pieds joints ; mais l’usage le plus répandu n’est pas ainsi.) Cette bénédiction est comparée à l’accueil de la Présence divine (Chékhina), car la notion de Présence divine fait allusion à l’assemblée d’Israël, et ces deux notions relèvent, dans la Kabbale, de la séfira de Malkhout (Royauté). Cf. encore Maharal, ‘Hidouché Agadot vol. III 158, où il est dit que toute nouveauté primordiale se caractérise par l’accueil de la Présence divine. Comme le note le Béour Halakha 426, 2 ד »ה ומברך מעומד, en considérant la lune et l’armée céleste, nous percevons la grandeur du Saint béni soit-Il ; aussi cette bénédiction, dite sous le ciel étoilé, est-elle comparable à l’accueil de la Présence divine.

17. Vision de la lune

On récite la Birkat halevana de nuit, car alors sa lumière se voit bien et l’on en jouit. En revanche, si la lune est visible au crépuscule, on ne récitera pas la bénédiction, car la lumière du soleil éclaire encore, et l’on ne jouit donc pas encore, à cette heure, de la lumière de la lune (Rama 426, 1). Avant de dire la bénédiction, on regarde un peu la lune afin de jouir de sa lumière, mais durant la bénédiction, il n’est pas d’usage de la regarder (Michna Beroura 426, 13, Kaf Ha’haïm 34). Si l’on a dit la Birkat halevana alors que la lune était recouverte de nuages, on n’est pas quitte, car il était alors impossible de profiter de sa lumière. Toutefois, si elle n’est recouverte que d’un léger nuage, de façon qu’il soit encore possible de voir ce qu’on voit en général à sa lumière, on pourra dire la bénédiction. Certes, a priori, il est préférable de réciter celle-ci lorsque la lune est clairement visible, sans aucun voilement ; certains décisionnaires écrivent même qu’il vaut mieux, à cette fin, repousser la Birkat halevana à une autre nuit. Toutefois, si l’on s’en tient à la stricte obligation, on peut dire cette bénédiction, même quand un léger nuage passe sur la lune, puisque l’on peut jouir de sa lumière. Il semble que, tant que l’on peut distinguer sa circonférence, il est permis de réciter la bénédiction[23].

Si, tandis que l’on récite la bénédiction, la lune se couvre entièrement, on continue de la réciter néanmoins. Toutefois, si dès l’abord on peut estimer que, au cours de la bénédiction, un grand nuage viendra, qui recouvrira la lune entièrement, on ne commence pas à la dire. En effet, a priori, il faut que toute la bénédiction soit dite dans la présence visible de la lune (Radbaz I 346 ; Michna Beroura 426, 2 ; Béour Halakha, passage commençant par Vénéhénin)[24].


[23]. Le Radbaz I 341 écrit que l’essentiel est la possibilité de profiter de la lumière de la lune. De nombreux A’haronim le citent, parmi lesquels le Maguen Avraham et le Michna Beroura 426, 3. Certes, le ‘Hida, dans Moré Be-etsba’ 184, écrit que, même si la lune n’est recouverte que d’un nuage léger et peu dense, il ne faut pas dire la bénédiction ; c’est aussi l’avis du Ben Ich ‘Haï, seconde année, Vayiqra 23. Mais en pratique, la plupart des auteurs s’accordent à estimer que, dès lors qu’on profite de sa lumière, on peut dire la bénédiction. Telle est la position du Yalqout Yossef 426, 5.

Le Echel Avraham de Rabbi Avraham Botchatch explique qu’il est permis de dire la bénédiction lorsque l’on peut voir, à la lumière de la lune, la majorité des choses que l’on pourrait voir si elle n’était pas recouverte par des nuages. L’estimation se fait d’après la luminosité émanant de la lune la nuit du 7 du mois ; en cas de nécessité pressante, on peut se suffire d’une luminosité équivalente à celle qui émane de la lune après l’expiration des trois premiers jours du mois. D’après cet auteur, quand on approche du milieu du mois, on peut réciter la bénédiction, même quand le nuage est plus épais ; en revanche, si l’on est dans les premiers jours du mois, ce n’est possible que dans le cas où le nuage est ténu. Mais des termes d’autres décisionnaires, on peut inférer que la distinction repose sur l’épaisseur du nuage, et non sur le jour où se dit la bénédiction. C’est ce qu’écrit le Qidouch Lévana 2, 3 et notes. Aussi, à notre humble avis, si l’on perçoit la ligne de circonférence de la lune, on peut considérer que celle-ci est visible (peut-être même à l’égard de ceux qui donnent à leur pratique un supplément de perfection), et l’on peut réciter la bénédiction.

À la vérité, si l’on s’en tient à la stricte obligation, la halakha est conforme aux avis du Radbaz et du Echel Avraham ; c’est ce qui semble ressortir du Léqet Yocher, qui écrit au nom du Teroumat Hadéchen : « Une fois, notre maître ne vit qu’une portion de la lune, car elle était un peu couverte par un nuage. Malgré cela, il récita la bénédiction. » Certains auteurs recommandent de ne regarder la lune qu’un peu ; cf. Michna Beroura 426, 13, Kaf Ha’haïm 34.

Si l’on a dit la bénédiction sans avoir d’abord regardé la lune, de nombreux auteurs estiment qu’on est quitte, à condition que, en pratique, il eût été possible de la voir (cf. Qidouch Lévana 2, 11). Certains font à cet égard un raisonnement a fortiori à partir du cas de l’aveugle : de nombreux décisionnaires estiment en effet que celui-ci doit dire la bénédiction, car celle-ci a été instituée pour louer Dieu pour le renouvellement du cycle lunaire en soi ; de plus, l’aveugle profite de la lumière de la lune, par le biais d’autres personnes, qui le guident à cette lumière. Tel est l’avis du Maharchal, du Maguen Avraham, du Elya Rabba et du Peri ‘Hadach. Toutefois, selon notre maître le Rav Yaaqov Castro, un aveugle ne doit pas dire cette bénédiction, car il ne profite pas directement de la lumière lunaire. En pratique, en raison du doute, l’aveugle ne dira pas cette bénédiction ; il est bon, en revanche, de l’entendre dire par un autre (cf. Michna Beroura 426, 1, Béour Halakha ד »ה נהין, Kaf Ha’haïm 2).

[24]. Cf. Qidouch Lévana 2, note 9. Celui-ci rapporte que le Rav Pe’alim III Ora’h ‘Haïm 68 était dubitatif quant au cas où il est clair que la lune se couvrira tandis que l’on prononcera la bénédiction, mais où il ne reste plus de soirs, après celui-là, où l’on pourrait s’en acquitter. Il conclut : « Il se peut que, en cas de nécessité pressante, tout le monde s’accorderait à dire que l’on doit réciter la bénédiction. La question mérite d’être approfondie. » Selon le Halikhot Chelomo, Téphila 15, 12, si l’on craint que, immédiatement après avoir commencé la bénédiction, la lune ne se cache, on pourra néanmoins, a posteriori, la réciter.

18. Temps prescrit pour réciter la Birkat halevana

De l’avis de nombreux Richonim, on peut réciter la Birkat halevana dès le premier jour où la lune est visible ; et plus on se hâtera de dire la bénédiction, le mieux ce sera (Maïmonide, Berakhot 10, 17, Roch et d’autres). Toutefois, d’après certains décisionnaires, il convient d’attendre que la lune grandisse quelque peu, et qu’on puisse jouir de sa lumière. Selon certains, il faut attendre qu’expirent trois jours entiers : alors on peut commencer de profiter de sa lumière (Rav Saadia Gaon, disciples de Rabbénou Yona). Selon d’autres, il faut attendre que sept jours passent : on peut alors véritablement tirer profit de sa lumière (Responsa de Rabbi Mena’hem Azaria da Fano 78). D’après certains des plus grands kabbalistes, à commencer par Rabbi Yossef Gikatila, il faut attendre, selon la Kabbale, sept jours. Ils expliquent que la lumière renouvelée de la lune fait allusion au renouvellement de l’homme ; or à chaque fois qu’un développement nouveau se manifeste, il est à craindre que la mesure de rigueur (midat hadin) n’accuse cette germination nouvelle et ne lui porte atteinte. Aussi, convient-il d’attendre sept jours, qui correspondent aux sept jours de la Création : alors la lumière s’est déjà stabilisée, et il n’est plus possible de mettre en accusation le nouveau commencement.

La coutume séfarade et ‘hassidique est de ne pas dire la bénédiction avant l’expiration des sept premiers jours du mois (Choul’han ‘Aroukh 426, 4). La coutume ashkénaze est de réciter la bénédiction dès l’expiration de trois jours (Baït ‘Hadach, Michna Beroura 426, 20). Mais en fait, on a l’usage de réciter la Birkat halevana à l’issue de Chabbat, afin de la dire dans la joie et dans de beaux vêtements. De sorte que, en pratique, selon la coutume ashkénaze et du Maroc, on récite cette bénédiction à l’issue du Chabbat qui suit l’expiration de trois jours pleins à compter de l’apparition de la lune (le molad). Selon la coutume des autres communautés séfarades et des ‘Hassidim, on la récite à l’issue du Chabbat tombant après le septième jour du mois.

Les décisionnaires sont partagés sur la conduite à adopter lorsque l’issue de Chabbat tombe le 7 du mois, et que sept jours pleins ne sont pas encore révolus depuis la croissance de la lune. Selon certains, il faut repousser la bénédiction à la nuit suivante, ou à l’issue du Chabbat suivant, issue de Chabbat qui tombera la nuit du 14 (Rabbi Chalom Charabi, Rabbi Chnéour Zalman de Liady, Kaf Ha’haïm 426, 61). D’autres estiment que, même s’il manque quelques heures avant que n’expire la septième journée suivant la croissance de la lune, on peut dire la Birkat halevana (Knesset Haguedola, Ye’havé Da’at II 24). En un lieu où prient ensemble des fidèles originaires de différentes communautés, si l’issue de Chabbat tombe le 7 du mois, il est juste que tous récitent la bénédiction de la lune, puisque telle est l’opinion de la majorité des décisionnaires[25].

Si l’on n’a pas eu le temps de dire la Birkat halevana aux environs du 7 du mois, on pourra la réciter encore jusqu’à la fin de la nuit du 15, car alors la lune est encore dans sa plénitude. Mais après cela, elle commence à décroître, aussi ne faut-il plus dire la bénédiction de la lune à partir de la nuit du 16 (Choul’han ‘Aroukh 426, 3).

A priori, il est juste de tenir compte de l’avis du Maharil, qui estime interdit de réciter la bénédiction de la lune dès l’expiration de la première moitié du cycle lunaire (c’est-à-dire quatorze jours, dix-huit heures et environ vingt minutes depuis le moment du molad). Au début de la nuit du 14, la première moitié du cycle n’est presque jamais écoulée ; mais la nuit du 15, il arrive que cette première moitié de cycle soit passée, et il arrive d’autres fois qu’elle ne soit pas passée (Rama 426, 3, Kaf Ha’haïm 53). Quoi qu’il en soit, en pratique, si l’on s’est mis en retard et que l’on n’ait pas récité la bénédiction dans la nuit du 14, on pourra la dire encore jusqu’à la fin de la nuit du 15 (Béour Halakha 426, 3, Yabia’ Omer VIII 42).


[25]. Cf. Beit Yossef et Choul’han ‘Aroukh 426, 4, Baït ‘Hadach et Michna Beroura ad loc., Kaf Ha’haïm 61, Qidouch Lévana 3, 1-2. De l’avis de nombreux Richonim, le temps qui convient à la bénédiction court dès le renouvellement de la lune, comme le mentionne le Choul’han Lé’hem Hapanim de Rabbi Ya’aqov Roqéa’h, car c’est ce qui ressort des propos de Rav Amram Gaon, du Halakhot Guedolot, du Rif, de Maïmonide, du Roch et d’autres. Le Baït ‘Hadach écrit que, des termes de la Guémara, il apparaît qu’il ne faut pas repousser la bénédiction de la lune après sept jours ; il ressort aussi des propos de Maïmonide qu’il est préférable de hâter cette récitation autant qu’il est possible. Face à cela, certains déduisent du traité Sofrim (20, 1) qu’il n’y a pas lieu de réciter la bénédiction de la lune avant de pouvoir jouir de sa lumière. Telle est l’opinion des disciples de Rabbénou Yona, de Rabbi David Aboudraham, du Colbo et d’autres ; et c’est ce qui ressort en pratique du débat rapporté ci-dessus en note 23. Selon la Kabbale, la bénédiction se dit après sept jours.

En pratique, dans le rituel ashkénaze, on dit la bénédiction à l’expiration de trois jours. C’est aussi l’usage du Maroc et d’autres communautés d’Afrique du Nord (comme l’écrivent le Rav Chalom Messas et de nombreux autres auteurs). L’usage de la majorité des Séfarades suit la Kabbale, et tel est aussi l’usage ‘hassidique que de réciter la bénédiction après sept jours révolus. Parmi ceux qui se conforment aux coutumes ashkénazes eux-mêmes, certains ont l’usage d’attendre sept jours a priori, comme l’écrivent le ‘Hatam Sofer, Ora’h ‘Haïm 102 et le ‘Aroukh Hachoul’han 426, 13.

Quoi qu’il en soit, lorsque le septième jour tombe à l’issue de Chabbat, et quoique, bien souvent, sept jours pleins ne se sont pas écoulés depuis la nouvelle croissance de la lune, il semble préférable de réciter cette bénédiction. En effet, si l’on s’en tient aux faits, la lumière lunaire est déjà grande ; de plus, le commencement du jour peut être considéré comme son entièreté. Cela paraît particulièrement juste quand il s’agit de l’issue de Chabbat, temps de joie, qui convient à la Birkat halevana. Par ailleurs, certains décisionnaires estiment qu’il faut hâter la bénédiction autant que possible (Maïmonide et ceux qui partagent son opinion), et certains précisent même qu’il ne faut point la reporter plus tard que le septième jour (Baït ‘Hadach). Par conséquent, il est juste de la dire la nuit du 7, bien que sept jours pleins ne se soient pas écoulés depuis le molad. C’est en ce sens que s’expriment le Knesset Haguedola, Rabbi Mena’hem Azaria da Fano (responsum 78), le Nehar Mitsraïm, le Elya Rabba, le Echel Avraham (Botchatch) et d’autres (cf. Qidouch Lévana 3, 8 et notes 27 et 9 ; Ye’havé Da’at II 24).

Les femmes et la bénédiction de la lune : puisque la bénédiction est dépendante du temps, les femmes en sont dispensées. Certes, selon la coutume ashkénaze, les femmes sont autorisées à dire les bénédictions dépendantes du temps ; mais la coutume usuelle veut qu’elles ne disent pas la Birkat halevana (Michna Beroura 426, 1). Cf. La Prière juive au féminin 23, 1, note 1.

01. La mitsva du compte et sa signification

C’est une mitsva que de compter les jours, depuis la nuit de la moisson de la première gerbe (omer[a]) d’orge : quarante-neuf jours, qui font sept semaines. La nuit de la moisson de la première gerbe tombe le 16 du mois de nissan, à l’issue du premier jour de fête (Yom tov) de Pessa’h : à ce moment, les Hébreux sortaient dans les champs et moissonnaient l’orge ; on apportait cette orge dans le parvis du Temple, on en faisait le battage, le vannage, le tri pour en ôter les déchets ; puis on grillait les grains au feu, on les moulait bien, et l’on prélevait, sur cette farine, la mesure d’un dixième d’épha[b]. On le tamisait en le faisant passer par treize tamis, on le pétrissait avec un log[c] d’huile, et l’on y mettait une poignée d’encens d’oliban. Le lendemain, de jour, on apportait cette offrande sur l’autel. Le prêtre (Cohen) en faisait d’abord le balancement, puis il en prenait une poignée, qu’il faisait fumer sur l’autel. Une fois la poignée brûlée, il devenait permis à tout le peuple de manger de la récolte nouvelle.

Il faut savoir que la fête de Chavou’ot a ceci de particulier qu’elle n’est pas assortie d’une date, définie par rapport à un mois, à la différence des autres fêtes. Par exemple, la date de la fête de Pessa’h est le 15 nissan ; celle de Soukot est le 15 tichri. En revanche, la date de Chavou’ot est fixée d’après le compte de l’omer : une fois achevé le compte de sept semaines, arrive le temps de la fête de Chavou’ot ; et c’est précisément pourquoi elle a pour nom Chavou’ot, la fête des semaines. C’est à ce propos qu’il est écrit : « Sept semaines tu compteras : dès que la faucille sera aux blés, tu commenceras à compter sept semaines. Et tu feras la fête des semaines en l’honneur de l’Eternel ton Dieu » (Dt 16, 9-10). Il est écrit, de même : « Vous compterez, depuis le lendemain du Chabbat, du jour où vous apporterez la gerbe du balancement, sept semaines, qui seront entières. Jusqu’au lendemain de la septième semaine, vous compterez cinquante jours, et vous ferez don d’une offrande nouvelle en l’honneur de l’Eternel » (Lv 23, 15-16).

Cette mitsva n’incombe pas seulement à la Haute cour (le beit-din) : il revient à chacun, parmi le peuple juif, de compter quarante-neuf jours. Et c’est une mitsva pour chacun que de réciter lui-même le compte. Il est vrai que, s’agissant des mitsvot liées à la parole, nous avons pour principe que celui qui écoute est comparable à celui qui prononce (choméa’ ke-‘oné). C’est en vertu de ce principe, par exemple, que l’on peut s’acquitter de la mitsva de se souvenir du mal que nous fit Amaleq par la seule écoute de l’officiant (qui lit à haute voix la paracha Zakhor). De même, on peut s’acquitter de la bénédiction du compte de l’omer en écoutant l’officiant qui la prononce. Mais quant au compte lui-même, de l’avis de plusieurs décisionnaires (Levouch, ‘Hoq Ya’aqov), chacun doit réciter de sa propre bouche, car il est dit, littéralement : « Vous compterez pour vous-mêmes » (Ousfartem lakhem). Certes, d’autres pensent que le compte de l’omer a même règle que les autres mitsvot mettant en jeu la parole, et que l’on peut donc s’acquitter de son obligation en écoutant son prochain (Peri ‘Hadach, Birké Yossef). Mais a priori, afin d’être quitte selon toutes les opinions, chacun doit compter par soi-même (cf. Michna Beroura 489, 5, Béour Halakha, passage commençant par Oumitsva).

Le fondement de cette mitsva remonte au moment où nous commençâmes à nous constituer en tant que peuple. Nos maîtres, de mémoire bénie, expliquent que, après que les Israélites furent assujettis à l’Egypte et plongés dans les quarante-neuf portes de l’impureté, ils n’étaient plus aptes à recevoir la Torah : ils devaient se purifier de la souillure égyptienne. Aussi, le Saint béni soit-Il les attendit-Il sept semaines afin qu’ils se purifiassent et pussent recevoir la Torah (d’après Zohar, Emor 97). De plus, le compte de l’omer exprime l’attente impatiente du don de la Torah. Le Midrach explique ainsi que, lorsque Moïse annonça aux enfants d’Israël qu’une fois sortis d’Egypte ils serviraient l’Eternel sur le mont Sinaï et recevraient la Torah, ils l’interrogèrent : « Quand donc adviendra ce service ? » Il leur répondit : « Au bout de cinquante jours. » Et, animés d’une grande affection, ils comptèrent chaque jour, disant : « Voici que le premier jour est passé, voici que le deuxième jour est passé… » et ainsi de chaque jour ; car leur affection et leur attente envers la Torah étaient telles que le temps, à leurs yeux, paraissait long » (Chibolé Haléqet 236).

Nous voyons donc que, par le compte de l’omer, s’exprime notre attente et notre aspiration, à l’approche du grand jour qu’est le jour du don de la Torah. Par cela, nous traversons un processus de purification, passant par chacun des quarante-neuf degrés de pureté desquels l’homme est composé. Plus l’homme sera pur et lavé de toute impureté, plus il pourra intégrer la lumière de la Torah. Ainsi de chaque année : par le biais du compte de l’omer, nous nous préparons à la réception de la Torah (cf. ci-après, fin du § 3).


[a]. Le mot עומר signifie gerbe. Suivant nos conventions de translittération, nous devrions l’écrire ‘omer (l’apostrophe correspondant à la lettre ע) ; de même : le ‘omer, le compte du ‘omer, etc. Mais pour des raisons tant euphoniques que d’usage, nous écrirons : omer, l’omer, le compte de l’omer.

[b]. Unité de poids.

[c]. Mesure liquide.

02. Processus d’élévation : du national au spirituel

Par le compte de l’omer, nous traçons une ligne ascendante, qui va de Pessa’h à Chavou’ot. La fête de Pessa’h exprime le côté national du peuple d’Israël car, lors de la sortie d’Egypte, la spécificité d’Israël se révéla, en ce que le Saint béni soit-Il nous choisit d’entre tous les peuples, bien que nous fussions plongés dans les quarante-neuf degrés de l’impureté. La fête de Chavou’ot, elle, exprime la part spirituelle d’Israël, car, à ce moment, nous parvînmes au sommet spirituel que constitue la réception de la Torah. À Pessa’h, nous commençâmes notre processus de libération du joug égyptien ; à Chavou’ot, nous parachevâmes notre libération du joug égyptien et des conceptions exclusivement humaines, et nous eûmes le mérite de recevoir la Torah du Ciel, Torah dont il est dit que toute personne qui se livre à son étude devient véritablement libre (Maximes des Pères 6, 2).

Autre aspect de la question : à Pessa’h se dévoile la foi (émouna) simple, naturelle, enfouie dans l’âme de chaque Juif, et que le peuple d’Israël avait conservée, même pendant les années de la servitude d’Egypte. À Chavou’ot, nous nous élevons au niveau de la foi élaborée, clarifiée, élargie par l’effet de la Torah. La foi naturelle possède une grande force, elle est la base de la vie ; mais il n’est pas en son pouvoir de diriger la vie et de la parachever. Par la Torah et ses commandements, il nous est donné de relier toutes les composantes de notre vie, l’intellect, l’émotion et l’acte, à la foi.

Nous voyons donc que, par le compte de l’omer, nous nous élevons à deux égards : de la dimension nationale à la dimension spirituelle, et de la foi naturelle à une foi enrichie par l’effet de la Torah et des mitsvot.

Or il n’est pas possible de parvenir à Chavou’ot sans Pessa’h. Car c’est en ayant conscience de la spécificité d’Israël que nous pouvons nous élever vers la Torah. C’est grâce à l’élection d’Israël, qui se révéla lors de la sortie d’Egypte, que nous pouvons recevoir la Torah ; comme nous le disons dans la bénédiction de la Torah : « Béni sois-Tu, Eternel… qui nous as choisis d’entre tous les peuples… », à partir de quoi nous poursuivons : « … et nous as donné ta Torah. » De même, il est impossible d’intégrer la foi complexe et élaborée, qui s’assimile par l’intellect, sans révéler d’abord la foi simple et naturelle. C’est pourquoi il est si important de relier la fête de Pessa’h à celle de Chavou’ot. Le compte de l’omer est ce lien, cette échelle reliant Pessa’h à Chavou’ot[1].


[1].  Une allusion à cette idée se trouve dans le fait qu’il nous a été ordonné de compter « depuis le jour où vous apporterez la gerbe du balancement » (Lv 23, 15). La gerbe est une offrande particulière en ce qu’elle est faite d’orge, qui est généralement une nourriture destinée aux animaux. Cela donne expression au côté matériel et national d’Israël. En effet, tant que nous ne sommes pas parvenus au don de la Torah et à la connaissance de Dieu, nous sommes limités à une dimension animale, dépourvue de connaissance (da’at). Et quand nous terminons de compter cinquante jours, nous méritons le don de la Torah et parvenons à un haut degré spirituel ; alors, se réalise le verset suivant : « Et vous apporterez une offrande nouvelle à l’Eternel » (v. 16) [cette offrande nouvelle est de blé, nourriture humaine]. Dans le même ordre d’idées, la matsa est un pain pauvre, et le Zohar dit qu’elle est « le pain de la foi », c’est-à-dire de la foi naturelle. Tandis qu’à Chavou’ot l’offrande nouvelle consiste en pain de blé, dont la pâte est fermentée (‘hamets), pain développé et riche, qui fait allusion à la révélation de la divinité dans tous les domaines de ce monde-ci. À Pessa’h, le dévoilement de la foi naturelle se fait par le biais de la rétractation (tsimtsoum) que constitue l’interdit du ‘hamets ; à Chavou’ot, la foi se révèle par l’effet d’une expansion (hitra’havout ; cf. Orot Israël 8, 1).

On peut suggérer que c’est là que réside le fondement de la controverse entre ceux qui soutiennent que la mitsva du compte de l’omer, de nos jours, reste toranique (de-Oraïtha) et ceux qui estiment qu’elle est rabbinique (derabbanan) (cf. ci-après, § 4). Si le propos du compte est de s’élever, d’une foi simple à une foi intellectuelle, telle que l’étude de la Torah permet de l’élaborer, alors le compte reste, même aujourd’hui, une mitsva toranique. Mais s’il s’agit de s’élever d’une foi révélée par la rétractation et l’abstention, qu’exprime l’interdit du ‘hamets (cf. Pniné Halakha, Lois de Pessa’h, chap. 1 § 5-6), à une foi se révélant dans tous les domaines de la vie, en ce monde-ci selon toutes ses jouissances, alors la chose dépend de la présence du Temple. Celui-ci relie en effet le ciel et la terre ; aussi, tant que l’on n’est pas en mesure d’apporter l’offrande de la gerbe, qui exprime les forces matérielles, et à partir de laquelle il est donné de s’élever jusqu’à l’offrande des deux pains, il demeure impossible de révéler pleinement la foi dans tous les domaines de l’existence. Aussi, le compte est-il de rang rabbinique seulement.

03. Texte du compte de l’omer

Avant de compter l’omer, on récite la bénédiction : Baroukh Ata Ado-naï, Elo-hénou, Mélekh ha’olam, acher qidechanou bemitsvotav, vétsivanou ‘al séfirat ha’omer (« Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous as sanctifiés par tes commandements, et nous a ordonné de compter l’omer »). La bénédiction et le compte qui la suit se disent, a priori, debout ; mais si on les a récités assis, on est quitte (Choul’han ‘Aroukh 489, 1)[2].

Le compte de l’omer se compose de deux parties : le compte des jours, et celui des semaines, ainsi qu’il est dit : « Vous compterez, depuis le lendemain du Chabbat, du jour où vous apporterez la gerbe du balancement, sept semaines, qui seront entières ; jusqu’au lendemain de la septième semaine, vous compterez cinquante jours » (Lv 23, 15-16).

Aussi doit-on mentionner, en comptant l’omer, le nombre des jours ainsi que le nombre des semaines (Mena’hot 66a). Par exemple, le septième jour, on devra dire : « Aujourd’hui, sept jours, qui font une semaine. » Le quatorzième jour, on dira : « Aujourd’hui, quatorze jours, qui font deux semaines. » Même au milieu d’une semaine, on mentionne le nombre des jours et des semaines. Par exemple, le dixième jour, on dira : « Aujourd’hui, dix jours, qui font une semaine et trois jours[3]. »

Quant au texte du compte de l’omer, on en distingue différentes versions : certains disent la’omer (« de l’omer », littéralement « à l’omer »), d’autres disent ba’omer (litt. « en l’omer »)[d]. Les uns disent : « Aujourd’hui, quatorze jours de l’omer, qui font deux semaines », les autres disent : « Aujourd’hui, quatorze jours, qui font deux semaines de l’omer. » Chacune de ces versions permet de s’acquitter valablement de son obligation. On a l’usage de réciter, avant que de compter, le texte Léchem yi’houd, et de faire suivre le compte de différentes prières ; mais cela n’est pas une obligation : l’essentiel est le compte lui-même, et la bénédiction qui le précède.

Le chiffre 7 fait allusion à la manifestation complète d’une chose. Le monde a en effet été créé en sept jours. De même, toute chose matérielle possède six directions : les quatre points cardinaux, le haut et le bas ; la septième « direction » étant le centre, à l’intérieur de cette chose. Or l’homme, lui aussi, a sept facettes ; aussi le temps que prend le fait de s’élever, de l’impureté à la pureté, est-il de sept jours car, en sept jours, l’homme est en mesure de se préparer, de tous les points de vue, à une telle élévation, d’une situation d’impureté à une situation de pureté[e].

Le principe est le même s’agissant de la purification à opérer pour se préparer aux choses saintes qui sont en ce monde, telles que la consommation des prélèvements (téroumot) et des sacrifices, ou encore la purification de la femme pour son mari. Cependant, pour que nous puissions intégrer la Torah divine, dont l’élévation relève du monde d’en-haut, nous devons nous livrer à un compte bien plus profond : au lieu de sept jours, sept semaines. Dans cette supputation, chacun des sept chiffres  apparaît, lui aussi, dans ses sept dimensions. Par cela, notre purification en vue du don de la Torah est entière, car chaque côté de notre personnalité fait l’objet d’une purification, exprimant son aspiration et son attente de recevoir la Torah.


[2]. Selon les Richonim, on peut trouver un appui scripturaire (asmakhta) à cette idée, en ce qu’il est dit « dès que la faucille sera aux blés » (Dt 16, 9) : « Ne lis point [seulement] “aux blés” (baqama), mais “redressé” (baqoma). »

D’après le Séfer Ha-echkol (lois de Pessa’h 159, 1), si l’on ne récite pas la bénédiction Chéhé’héyanou (« … qui nous as fait vivre, nous as maintenus et nous as fait parvenir à pareille époque ») à l’occasion du compte de l’omer, c’est que ce compte se fait à l’approche de la fête de Chavou’ot ; or la bénédiction Chéhé’héyanou que l’on prononcera à Chavou’ot vaudra également pour le compte de l’omer.

Pour le Maharil, la raison est autre : le compte de l’omer appartient, dit-il, à la catégorie de makhchiré mitsva (acte constituant une préparation à l’accomplissement d’une mitsva), et c’est à Chavou’ot que la mitsva parvient à son achèvement. Le Radbaz 4, 256, le Maharcham 1, 213 et le Rav Pe’alim III Ora’h ‘Haïm 32 proposent des explications proches. Le Maharil ajoute qu’il est à craindre que l’on n’oublie de compter un jour, et que l’on perde ainsi la mitsva du compte ; dans ces conditions, dit-il, comment pourrait-on prononcer, préalablement, la bénédiction Chéhé’héyanou [laquelle deviendrait sans objet] ?

Le Colbo 145 explique que, si l’on s’abstient de dire cette bénédiction, c’est parce que la mitsva du compte est, de nos jours, rabbinique. Dans ses responsa (1, 126), le Rachba enseigne que l’on s’en abstient parce que l’on ne tire pas de jouissance de cette mitsva. Le balancement du loulav [branche de palmier, myrte, saule et cédrat dont on fait le balancement à Soukot], en revanche, se fait pour procurer de la joie ; le chofar est sonné pour activer le souvenir ; tandis que le compte de l’omer constitue seulement une préparation [à Chavou’ot]. De plus, le compte rappelle, de nos jours, le souvenir du deuil pour le Temple, comme l’écrit Rabbénou Yerou’ham au nom de Rabbi Zera’hia Halévi.

[3]. À la fin de chaque semaine, on a l’obligation de mentionner le nombre des jours et celui des semaines ; par exemple : « Aujourd’hui, sept jours, qui font une semaine. » En revanche, dans le courant d’une semaine, par exemple le huitième jour, Rabbi Zera’hia Halévi et d’autres Richonim estiment qu’il n’est nécessaire de compter que les jours, en disant : « Aujourd’hui, huit jours. » Selon Rabbi Ephraïm, en un tel cas, il n’est nécessaire que de compter les semaines, de cette façon : « Aujourd’hui, une semaine et un jour. » Mais selon le Rif, Maïmonide et le Roch, on compte chaque jour selon les deux ordres. Et tel est l’usage, comme l’écrit le Choul’han ‘Aroukh 489, 1.

A posteriori, si, à l’achèvement d’une semaine, on a oublié de compter les jours, on n’est pas quitte : il faut répéter le compte, ainsi que la bénédiction. Et si l’on a oublié de réparer son erreur ce jour-là, on devra continuer de compter les jours suivants, mais sans prononcer la bénédiction.

Si, à l’achèvement d’une semaine, on a oublié de compter les semaines, certains estiment que l’on est quitte a posteriori, et d’autres pensent que l’on n’est pas quitte. Si l’on se trouve en cours de semaine, par exemple le huitième jour, et que l’on n’ait dit que : « Aujourd’hui, huit jours », on est quitte a posteriori. Et si l’on a seulement dit : « Aujourd’hui, une semaine et un jour », certains pensent que l’on est quitte. Dans ces trois derniers cas, on devra se reprendre et compter conformément à la règle, mais sans répéter la bénédiction. Si l’on a oublié de se reprendre durant toute cette même journée, on comptera, les jours suivants, avec bénédiction (d’après Michna Beroura 489, 7, Cha’ar Hatsioun 9, 19 ; ci-après § 8).

[d]. Les uns disent, par exemple : Hayom, yom é’had la’omer (littéralement : « aujourd’hui, jour un à l’omer »), tandis que d’autres disent : Hayom, yom é’had ba’omer (« aujourd’hui, jour un en l’omer »).

[e]. Cf. par exemple Lv 12 et 13, ainsi que 15, 19 s.

04. Statut de la mitsva après la destruction du Temple

L’une des questions essentielles, quant aux lois du compte de l’omer, est de savoir si, après la destruction du Temple, la mitsva de compter l’omer reste de rang toranique ou prend le rang rabbinique.

Il est dit : « Vous compterez, depuis le lendemain du Chabbat, du jour où vous apporterez la gerbe du balancement, sept semaines, qui seront entières » (Lv 23, 15). Selon le Roch, le Ran et de nombreux autres Richonim, ce n’est qu’à une époque où l’on apportait la gerbe du balancement au Temple, le 16 nissan, qu’il y avait une mitsva toranique de compter l’omer. De nos jours, en revanche, où l’on n’apporte plus la gerbe du balancement, la mitsva n’est que de rang rabbinique : ce sont les sages qui l’ont instituée, en souvenir du compte de l’omer qui se faisait à l’époque du Temple. C’est la raison pour laquelle on a coutume de prier, après le compte de l’omer, pour la reconstruction du Temple : en effet, lorsque le Temple sera reconstruit, nous accomplirons la mitsva de compter l’omer en tant que commandement de la Torah, et non plus seulement en vertu d’une institution rabbinique.

Mais selon Maïmonide et le Raavia, la mention du jour de l’oblation de la gerbe, dans ce verset du Lévitique, a seulement pour propos de nous apprendre la date à laquelle commence le compte ; mais cette oblation n’est pas une condition indispensable au compte, et de nos jours encore, alors que le Temple est détruit et que nous ne pouvons apporter l’offrande de la gerbe, c’est une mitsva toranique que de compter l’omer.

L’incidence pratique de cette règle touche aux cas de doute. Par exemple, si l’on a compté l’omer pendant la période de bein hachmachot, c’est-à-dire entre le coucher du soleil et la tombée de la nuit, période douteuse – appartient-elle au jour ou à la nuit ? –, un doute plane quant au fait de savoir si l’on a valablement accompli la mitsva du compte. En effet, si l’on devait rattacher la période de bein hachmachot au jour, on n’aurait pas accompli la mitsva, puisque le temps prescrit pour le compte de la journée suivante n’était pas encore advenu ; mais si l’on devait considérer cette période comme appartenant à la nuit, on aurait accompli la mitsva. Le Choul’han ‘Aroukh 489, 2 et la majorité des décisionnaires pensent que, si l’on a compté l’omer pendant bein hachmachot, on s’est acquitté de son obligation. En effet, selon eux, le compte de l’omer est, de nos jours, une mitsva rabbinique ; or, en tout cas de doute portant sur une norme rabbinique, on adopte la position indulgente. Toutefois, de nombreux A’haronim écrivent que, en pratique, il est juste d’être rigoureux, et de répéter le compte, après la tombée de la nuit (tset hakokhavim, « apparition des étoiles »), sans répéter la bénédiction ; cela, afin de s’acquitter de son obligation de l’avis même de ceux qui estiment que compter l’omer reste, de nos jours, une mitsva de la Torah, de sorte que, en cas de doute, on doit adopter la position rigoureuse (Elya Rabba, Michna Beroura 489, 15, Béour Halakha 489, 1, passage commençant par Lispor ha’omer).

05. Temps prescrit pour la mitsva du compte

La période de supputation de l’omer commence la nuit du 16 nissan, comme il est dit : « Sept semaines tu compteras : dès que la faucille sera aux blés, tu commenceras à compter sept semaines. » (Dt 16, 9). « Dès que la faucille sera aux blés » correspond à la moisson de la gerbe, car la première chose moissonnée, parmi l’ensemble de la récolte céréalière annuelle, est la gerbe d’orge, consacrée à l’offrande de l’omer. Or le moment de la moisson de la gerbe est la nuit qui suit le premier jour de fête de Pessa’h, c’est-à-dire la nuit du 16 nissan. Tel est le temps où commence la mitsva du compte.

On doit compter de nuit, car il est écrit, au sujet du compte de l’omer : « Sept semaines, qui seront entières (temimot) » (Lv 23, 15) : l’adjectif temimot, littéralement « intègres » est expliqué par nos sages comme signifiant entières, complètes. Comme on le sait, une journée comporte la nuit et le jour ; or si nous voulons inclure toutes les nuits et tous les jours des sept semaines de l’omer, nous devons commencer à compter de nuit (Mena’hot 66a)[f]. Et pour que le compte inclue toutes les heures de la journée, c’est une mitsva que de compter aussitôt que possible, au début de la nuit. En particulier, on est pointilleux à cet égard au commencement de la période de l’omer, le premier soir, afin que le compte inclue toutes les heures des sept semaines. Mais les autres jours également, la façon la plus parfaite de réaliser la mitsva est de compter au début de la nuit, afin que le compte de chaque jour soit intègre et inclue la journée entière.

Bien que, a priori, compter dès que possible, au commencement du soir, participe de la mitsva, cela n’est pas une obligation (‘hova). Par conséquent, si l’on s’apprête à faire la prière d’Arvit, on dit Arvit avant de compter l’omer. Nous avons en effet pour principe qu’une mitsva permanente a priorité sur une mitsva non permanente ; or les mitsvot consistant à réciter le Chéma et à faire la prière d’Arvit sont d’usage constant, tout au long de l’année ; elles sont donc permanentes, plus que ne l’est le compte de l’omer (‘Hoq Ya’aqov ; cf. Béour Halakha 489, 1, passage commençant par A’har)[4].


[f]. Rappelons que la journée juive commence à la tombée de la nuit, comme il est dit : « Il fut soir, il fut matin » (Gn 1, 5).

[4]. Des propos de Maïmonide et du Ran, on peut inférer que toute la nuit convient indifféremment au compte de l’omer. Toutefois, s’agissant de l’ensemble des mitsvot, nos maîtres ont dit que ceux qui sont zélés pour le service divin se hâtent de les accomplir. Selon les tossaphistes et le Roch, il est préférable de compter l’omer au début de la nuit, de façon que le compte soit plus complet. En pratique, le Choul’han ‘Aroukh 489, 1 décide qu’il faut procéder au compte dès le commencement de la nuit, et c’est en ce sens que se prononcent le Michna Beroura 2 et le Kaf Ha’haïm 12.

Simplement, on récite d’abord la prière d’Arvit, car la lecture du Chéma et la prière ont un caractère de plus grande permanence (‘Hoq Ya’aqov). Selon le Mor Ouqtsi’a, il faut donner priorité au compte de l’omer, car l’horaire qui lui est fixé est immédiatement au début de la nuit, ce qui n’est pas le cas de la lecture du Chéma, ni de la prière : en effet, on peut, a priori, retarder celles-ci d’une demi-heure. Mais en pratique, on compte l’omer après Arvit (Béour Halakha 489, 1). En effet, il n’y a pas d’obligation, mais seulement un supplément de perfection, à compter l’omer dès le début de la nuit, puisque quiconque compte l’omer durant la nuit donne effet, ce faisant, à la notion d’ « intégrité du jour » (c’est-à-dire de journée complète). Aussi récite-t-on le Chéma et Arvit en premier lieu, puisque ces mitsvot ont plus de permanence.

Afin de ne pas retarder le compte de l’omer, nombre de décisionnaires écrivent qu’il faut compter immédiatement après le Qaddich Titqabal, par lequel on clôt la récitation de la ‘Amida, et avant ‘Alénou léchabéa’h, qui constitue une prière additionnelle. C’est l’opinion du Michna Beroura 489, 2 et celle du Nehar Mitsraïm, et tel est l’usage de la majorité des communautés juives, parmi lesquelles les communautés ashkénazes, et de nombreuses communautés d’Afrique du nord. Toutefois, nombre de fidèles séfarades ont coutume de compter après ‘Alénou léchabéa’h, afin d’achever d’abord tout ce que l’on a l’habitude de dire au titre de la prière d’Arvit.

Contents

Série Pniné Halakha 9 volumes
Commandez maintenant