Soukot

06.Si la tige centrale s’est scindée

Chaque feuille du loulav est composée de deux moitiés adossées l’une à l’autre. Cette jonction s’appelle tiomet (feuille géminée) ; par elle, les deux parties de la feuille sont comme des jumelles jointes l’une à l’autre. Lorsque les branches de palmier continuent de croître et sont près de devenir des ‘hariot [h], le sommet des feuilles s’ouvre progressivement, et la première à s’ouvrir est la feuille centrale et supérieure du loulav. Or, puisqu’il est dans la nature du loulav que ses feuilles soient fermées par la jonction de la tiomet, le loulav, si ladite tiomet s’ouvrait, serait affecté d’un défaut. Aussi, bien qu’il ait encore l’allure d’un loulav, il n’est pas valide, le premier jour, pour la mitsva de nétilat loulav. En effet, le premier jour, les quatre espèces doivent être parfaites. Mais pour les autres jours, le loulav est cachère.

Les décisionnaires sont partagés quant à ce qu’on entend par « scission de la tige » (ne’hleqa hatiomet) : certains disent que le loulav n’est invalidé que lorsque la majorité de la feuille s’est scindée, et ce pour la majorité des feuilles (Rif, Maïmonide). D’autres estiment que la « scission de la tige » est constituée dès lors que la feuille supérieure et centrale est scindée : puisque cette feuille est la plus saillante et la plus visible, si la majorité de la tiomet s’est scindée, le loulav n’est pas valide (Guéonim et Ran). La coutume en usage est de ne pas se servir, le premier jour, d’un loulav dont la tiomet centrale s’est majoritairement ouverte. Certains ajoutent à leur pratique un supplément de perfection, en prenant a priori un loulav dont la tiomet centrale ne se soit pas scindée, pas même un peu. En pratique, dans la grande majorité des loulavim, la tige centrale est majoritairement fermée, de sorte que presque tous les loulavim sont cachères, y compris pour le premier jour. En revanche, les loulavim dont la tige centrale n’est pas un tant soit peu ouverte sont en petit nombre ; et plus un loulav est développé et beau, plus s’accroissent les chances que sa feuille centrale soit quelque peu ouverte. Or il semble qu’il vaille mieux accomplir la mitsva avec un grand et beau loulav dont la feuille supérieure soit légèrement ouverte qu’avec un petit loulav rabougri dont la feuille supérieure soit fermée. Si l’on craint que la feuille supérieure ne continue de s’ouvrir, et que, avant le commencement du premier jour, la majorité en soit déjà ouverte, on pourra y mettre de la colle, prévenant ainsi son invalidation.

Si, au sommet du loulav, se trouvent deux feuilles centrales, il faut que, pour chacune d’elles, la tiomet reste entière. Mais si ces deux feuilles se sont détachées l’une de l’autre, le loulav est cachère, puisqu’il s’agit de deux feuilles distinctes (Michna Beroura 645, 15, Peri Mégadim, Michbetsot Zahav 4).

Certains préfèrent prendre un loulav sur lequel se trouve du qora, sorte d’enveloppe brune qui attache les unes aux autres certaines feuilles. Selon eux, dès lors que du qora est sur les feuilles, celles-ci sont réputées fermées. D’autres disent que, a priori, il est préférable de prendre un loulav sans qora, cela pour deux raisons : la première est que, d’après eux, le qora est inefficace pour donner à la tige centrale le statut de tige fermée. Certes, il n’est pas nécessaire de craindre que, sous le qora, la majorité de la feuille soit majoritairement ouverte, car le cas est très rare ; mais il se peut que la feuille soit minoritairement ouverte, or en pareil cas, certains ont l’usage de ne pas considérer le loulav comme méhoudar. La deuxième raison est que, suivant la coutume ashkénaze, il est d’usage de faire « trembler » les feuilles du loulav au moment des balancements (na’anou’im) ; or quand il y a du qora sur le loulav, il est impossible de produire cet effet de tremblement[3].


[h]. Cf. paragraphe précédent.

[3]. Selon la majorité des Richonim, parmi lesquels Rabbénou ‘Hananel, le Rif, Maïmonide et Na’hmanide, l’invalidité appelée ne’hleqa hatiomet (« scission de la feuille centrale ») est constituée lorsque la majorité des feuilles se sont majoritairement ouvertes. C’est en ce sens que se prononce le Choul’han ‘Aroukh 645, 3. Selon Rav Paltoï Gaon et le Ran, ce dont il est question est la feuille centrale. Et même si la majorité des Richonim sont indulgents, nous ne trouvons presque aucun A’haron qui autorise, en pratique, pour le premier jour, un loulav dont la feuille centrale soit fendue. Simplement, certains disent que cette invalidité n’est constituée que si la feuille est fendue sur toute sa longueur (Rama, Choul’han ‘Aroukh Harav, ‘Hayé Adam, ‘Hazon ‘Ovadia) ; tandis que d’autres estiment que l’invalidité est constituée dès lors que la feuille est majoritairement fendue (Ran, Yam Chel Chelomo, Baït ‘Hadach, Gaon de Vilna, Michna Beroura 645, 19). Certains écrivent que le loulav est considéré comme méhoudar quand la feuille centrale n’est pas ouverte ; et les décisionnaires sont partagés quant à la définition de ce hidour : selon le Touré Zahav, pour être considéré comme « fermé », il faut que la tige centrale ne soit ouverte que de moins d’un téfa’h ; pour le ‘Hayé Adam et le Bikouré Ya’aqov, il ne doit pas y avoir la moindre ouverture. Quoi qu’il en soit, puisqu’il est ici question d’un hidour (supplément de perfection apporté à la mitsva), lequel est lui-même l’objet d’une controverse, il est préférable de rechercher de tels suppléments de perfection dans les autres aspects de la beauté du loulav.

Selon le Bikouré Ya’aqov (645, 9), quand la feuille centrale est fermée par l’effet du qora (et même si, après que le qora est ôté, il apparaît que la feuille était ouverte), son statut, tout le temps qu’elle est enveloppée par le qora, est celui de feuille fermée. Aussi, de ce point de vue, un tel loulav, pourvu de qora, est méhoudar. Et c’est ce qu’enseignait le Rav Mordekhaï Elyahou – que la mémoire du juste soit bénie. Selon le Maamar Mordekhaï 645, 4, le qora ne permet pas de considérer le loulav comme fermé. De nombreux auteurs tiennent compte de cette opinion ; aussi, afin de pouvoir vérifier s’il est fermé de manière à être considéré comme méhoudar, ils préfèrent un loulav sans qora (‘Hazon Ich, ‘Hazon ‘Ovadia, Pisqé Techouvot 645, note 13). Suivant la coutume ashkénaze, il est également préférable d’un autre point de vue de choisir un loulav sans qora : l’usage de faire trembler les feuilles pendant les balancements (Bikouré Ya’aqov 645, 2). Selon le Choul’han ‘Aroukh (651, 9), il n’est pas nécessaire de produire ce tremblement des feuilles.

 

07.Lois du loulav; sa taille ; cas du loulav des Canaries

Un loulav dont la majorité des feuilles supérieures ont été coupées, ou dont la tige supérieure centrale a été coupée, n’est pas valide le premier jour (Choul’han ‘Aroukh, Rama 645, 6). Si le sommet de la feuille supérieure se prolonge en une sorte de pointe, d’aiguille, cela n’est pas considéré comme faisant partie de la feuille ; et même si cette pointe est brûlée ou coupée, le loulav reste cachère la-méhadrin [i].

Un loulav dont la feuille supérieure se termine en « zigzag », comme on en trouve quelquefois, est cachère a priori.

Quand la majorité des feuilles du loulav ont séché, au point d’avoir blanchi, sans qu’il reste rien de vert, il n’est pas valide (Choul’han ‘Aroukh 645, 5).

La longueur de la tige centrale du loulav doit être d’au moins quatre téfa’him, ce qui représente environ 32 cm, ou, en cas de nécessité pressante,  25,3 cm. Tout cela permet de s’acquitter de son obligation, mais le loulav n’est considéré comme méhoudar que lorsqu’il atteint la longueur usuelle (Maguen Avraham 672, 3)[4].

Dans les dernières générations, une question s’est posée quant à la cacheroute du loulav dit « Canaries ». Ces branches poussent sur une espèce particulière de palmier, importée des îles Canaries. Le palmier canarien diffère à plusieurs égards des autres espèces qui nous sont connues : ses feuilles sont courtes, plus denses et plus tendres, sa tige centrale est tendre et a tendance à se courber dans le sens où on l’incline, sa couleur est plus verte et ses fruits ne sont pas savoureux.

Ceux qui autorisent ces loulavim pensent que, puisqu’ils proviennent d’un palmier produisant des dattes, et malgré toutes les différences, ils sont cachères pour la mitsva (Tsits Eliézer VIII 22, Rav Chelomo Zalman Auerbach). D’autres estiment que, puisque les fruits de ces palmiers ne sont pas tellement comestibles, et qu’ils ont de nombreuses différences par rapport au palmier habituel, leurs loulavim ne sont pas ce que la Torah appelle « palmes de dattier » (kapot temarim) (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 123). En pratique, bien que la thèse indulgente semble juste – il existe en effet des espèces de palmier qui ressemblent au palmier canarien –, il est juste de s’abstenir de faire la mitsva avec un tel loulav, puisqu’il fait l’objet d’une controverse.


[i]. Ou méhoudar : d’une particulière beauté ou perfection.

[4]. Selon Rabbi Tarfon (Souka 32b), le téfa’h par lequel on mesure les quatre espèces est plus petit que le téfa’h habituel d’un sixième ; et c’est en ce sens que tranchent Tossephot, Rabbénou Yona, le Roch et le Ran. Selon le Rif et Maïmonide, la halakha est conforme à l’opinion du premier Tanna cité par la Michna : les quatre espèces sont, elles aussi, mesurées à l’aide du téfa’h ordinaire. En pratique (Choul’han ‘Aroukh et Rama 650, 1), on est a priori rigoureux en se fondant sur le téfa’h ordinaire ; en cas de nécessité pressante, on est indulgent, et l’on récite la bénédiction, même sur un loulav répondant à la petite mesure.

Simplement, comme on le sait, un doute est apparu quant à la mesure même d’un téfa’h ordinaire : selon Rabbi ‘Haïm Naeh, sa longueur est de 8 cm ; par conséquent, la taille d’un loulav doit être, a priori, d’au moins 32 cm, ou de 26,6 cm en cas de nécessité pressante. Selon la mesure mise à jour, un téfa’h fait 7,6 cm, de sorte que, a priori, le loulav devra mesurer au moins 30,4 cm, et, en cas de nécessité pressante, 25,3 cm. Dans le corps de texte, nous avons retenu a priori la mesure de Rabbi ‘Haïm Naeh, qui donne un nombre entier, et que l’on a pris l’habitude de citer pendant deux générations. Mais en cas de nécessité, la mesure révisée est principale. (Cf. ci-dessus, chap. 2, note 1). Il existe encore une mesure rigoureuse, celle du Noda’ Biyehouda et du ‘Hazon Ich, d’après qui un téfa’h fait 9,6 cm, de sorte que le loulav devrait mesurer a priori 38,4 cm, ou 32 cm en cas de nécessité).

08.Le myrte

Le « rameau de l’arbre feuillu » (‘anaf ‘ets ‘avot) dont parle la Torah est le myrte, dont les feuilles poussent par séries de trois, qui semblent en quelque sorte tressées, et recouvrent la branche, au point que celle-ci prend l’allure d’un rameau feuillu. Il faut que les trois feuilles proviennent « d’un même nid » (qen), c’est-à-dire qu’elles poussent à une même hauteur. Mais si deux feuilles poussent à partir de deux points égaux en hauteur, et que la troisième pousse plus haut ou plus bas que les deux autres, cela ne s’appelle pas « rameau de l’arbre feuillu », mais hadas choté (myrte irrégulier, littéralement « myrte fou »), et ce n’est pas valide pour la mitsva (Souka 32b, Choul’han ‘Aroukh 646, 3). Telle est la nature des myrtes : quand ils poussent avec force et vitalité, ils portent trois feuilles à chaque « nid ». Mais il n’est pas nécessaire d’être très pointilleux à cet égard : dès lors que, aux yeux des gens, les feuilles semblent constituer un trio provenant d’une hauteur égale sur la branche, la série de trois est constituée, même si, en réalité, l’une d’entre elles est légèrement plus haute que les autres<[5].

Il faut prendre trois branches de myrte avec le loulav, et la taille de chaque branche doit être de trois téfa’him, c’est-à-dire de 24 cm, ou, en cas de nécessité pressante, de 19 cm. Il n’y a pas de limite supérieure à la longueur de la branche : même si elle est très longue, elle reste cachère ; simplement, il faut veiller à ce que, lorsqu’on rassemble les myrtes avec la branche de palmier, cette dernière dépasse les myrtes d’au moins un téfa’h (Choul’han ‘Aroukh 650, 1-2 ; cf. ci-après, chap. 5 § 2).

A priori, il faut que des feuilles triplées poussent tout au long des trois téfa’him, car certains auteurs estiment que, sans cela, la branche de myrte n’est pas valide pour la mitsva (Guéonim). Cependant, en pratique, si les feuilles triplées recouvrent la majorité des trois téfa’him, la branche de myrte est cachère, puisque telle est l’opinion d’une majorité de décisionnaires (Raavad, Roch, Choul’han ‘Aroukh 646, 5). Même quand la branche est longue de quatre téfa’him ou davantage, elle est cachère tant que ses feuilles triplées recouvrent la majorité de trois téfa’him. Et si les feuilles triplées recouvrent trois téfa’him, la branche de myrte est considérée comme cachère la-méhadrin, même si, au-delà de ces trois téfa’him, il y a des feuilles qui ne poussent plus par trois (Baït ‘Hadach ; cf. Béour Halakha 646, 9, fin du passage commençant par Oul’iqouva)[6].

La nature du myrte est de produire des baies, qui ressemblent à de petits grains de raisin. Au début, ces fruits sont verts, puis ils deviennent rouges et noirs. Si la branche de myrte présente des baies vertes, elle est cachère pour la mitsva. Si ses baies sont rouges ou noires, et que, sur la longueur des trois téfa’him de la branche, le nombre des fruits dépasse celui des feuilles, la branche de myrte n’est pas valide, car sa couleur est « bariolée ». Mais si l’on a ôté les baies, la branche retrouve sa validité. Toutefois, on n’ôte pas les baies le Yom tov, car on semblerait alors arranger un objet pour le rendre propre à l’usage (métaqen) (Souka 33b, Choul’han ‘Aroukh 646, 2 et 11).

Parfois, entre les feuilles du myrte, il pousse des feuilles supplémentaires ; il est bon de les couper (Cha’ar Hatsioun 646, 36).

Si le sommet de la branche a été sectionné, il est préférable de prendre une autre branche, car certains décisionnaires pensent qu’un myrte sectionné n’est pas valide (Raavad, Rabbi Zera’hia Halévi). Quand il n’y a pas d’autre branche pour remplacer celle-ci, on taillera la branche de manière telle que les feuilles de myrte cacheront la coupure. De cette façon, on pourra réciter la bénédiction (Choul’han ‘Aroukh 646, 10, Cha’ar Hatsioun 32).

Une branche de myrte dont les feuilles se sont fanées reste cachère. Mais si elles ont entièrement séché, au point qu’elles s’effritent quand on y passe l’ongle, qu’elles ont perdu leur verdeur et ont pâli, le myrte n’est pas valide. Cependant, si l’on a trempé la branche de myrte dans de l’eau pendant un jour, et que ces signes de flétrissement ont disparu, c’est signe que le myrte n’a pas entièrement fané ; il est dès lors cachère (Choul’han ‘Aroukh 646, 6-7, Michna Beroura 20).


[5]. Parfois, en posant sur la branche de myrte un regard général, il semble que les feuilles soient organisées de façon ternaire, mais, quand on y regarde plus attentivement, on s’aperçoit que l’une des feuilles prend son départ légèrement plus haut que ses deux compagnes. La position principale, en halakha, consiste à dire que, tant que les trois feuilles paraissent, à première vue, constituer un trio d’égale hauteur, elles sont considérées comme tel. De nombreux maîtres n’avaient pas d’autre usage : ils regardaient la branche de manière superficielle ; et telle est la halakha (cf. Har’havot 8, 1). D’autres sont plus pointilleux ; mais, de leur avis même, s’il y a une « ligne égale » pour les trois racines d’où procèdent les feuilles sur la branche, le myrte est cachère. En d’autres termes, l’endroit d’où émerge la feuille elle-même est long d’au moins deux millimètres ; par conséquent, si l’une des feuilles est plus haute que ses compagnes d’un millimètre et demi, il existe pratiquement autour de la branche une ligne rassemblant le lieu d’où s’embranchent les queues des trois feuilles ; simplement, pour l’une des feuilles, la ligne touchera la partie supérieure du lieu de sa pousse, tandis que, pour une autre, la ligne touchera la partie inférieure du lieu de sa pousse.

[6]. Cf. ci-dessus, note 4 ; par conséquent, d’après l’estimation de Rabbi ‘Haïm Naeh, la longueur des branches de myrte doit être d’au moins 24 cm. Suivant l’estimation révisée, il faut 22,8 cm, ou 19 en cas de nécessité pressante (quant à ceux qui embellissent la mitsva conformément aux mesures du ‘Hazon Ich, il faut 28,8 cm).

Les trois téfa’him se mesurent sur la longueur de la branche, mais sans tenir compte des petites feuilles qui prolongent la branche à son sommet et la dépassent. Pour accomplir la mitsva a priori, il faut ne mesurer la branche qu’à partir de l’endroit où les feuilles inférieures commencent à pousser.

Quand on vérifie s’il y a une majorité de feuilles triplées, il faut qu’il pousse de telles feuilles sur la majorité de la longueur de la branche. A priori, il faut aussi que la majorité des « nids » d’où partent les feuilles soient triples. S’il y avait, à l’origine, trois feuilles à chaque « nid », et qu’une feuille soit tombée de chaque « nid », certains auteurs déclarent la branche cachère (Rabbi Aaron Halévi, Rabbénou Yerou’ham, Ritva) ; d’autres la déclarent non valide (Ran, Beit Yossef). Selon de nombreux A’haronim, en cas de nécessité pressante, on peut être indulgent (Cha’ar Hatsioun 646, 21).

09.Les branches de saule

Les signes de validité de la branche de saule sont au nombre de trois : a) ses feuilles sont oblongues « comme un ruisseau », et, dans le sens latitudinal, non symétriques ; b) le bord de la feuille est lisse ; c) la branche est légèrement rouge ; et si elle commence par être verte quand elle est tendre, elle finit par rougir.

Il existe une espèce proche<[j], le peuplier, qui ne porte pas les trois signes susdits : ses feuilles sont agencées de manière symétrique, le bord des feuilles est dentelé comme une scie, et les branches sont vertes. Certes, il existe également une espèce de saule où la tranche de la feuille n’est pas lisse ; mais elle n’est dentelée que de façon très douce, comparée à la feuille de peuplier (Souka 33b, Choul’han ‘Aroukh 647, 1).

Puisque la majorité des saules poussent près des ruisseaux, cette espèce a été appelée ‘arvé na’hal (« saules de ruisseau »), mais cela n’est pas une condition de validité de cette plante : tant qu’elle appartient à l’espèce des saules, même si elle pousse sur les montagnes ou dans le désert, elle est cachère la-méhadrin.

Il faut prendre, avec le loulav, deux branches de saule, et la taille de chaque branche doit équivaloir à trois téfa’him, ce qui fait environ 24 cm, ou, en cas de nécessité pressante, 19 cm (cf. notes 4 et 6). Il n’y a pas de limite supérieure à la longueur de la branche : même si elle est très longue, elle reste cachère. Il faut simplement veiller, lorsqu’on unit les branches de saule au loulav, à ce que la tige de celui-ci dépasse les saules d’un téfa’h (Choul’han ‘Aroukh 650, 1-2 ; cf. ci-après, chap. 5 § 2).

La caractéristique essentielle du saule est d’être plein de vitalité, de force de croissance ; aussi pousse-t-il naturellement près de l’eau. Quand le saule n’est pas dans l’eau, il se dessèche rapidement ; et si la majorité des feuilles se sont desséchées, au point que toute apparence de verdeur les a quittées et qu’elles ont pâli, la branche de saule n’est pas valide. Si ses feuilles se sont fanées, elle reste cachère a posteriori, dès lors que les feuilles n’ont pas encore séché (Choul’han ‘Aroukh 647, 2). Et puisque le saule sèche rapidement, ceux qui apportent à leur pratique un supplément de perfection ont coutume de changer ces branches plusieurs fois au cours de la fête. Parfois, si on les garde dans un étui de plastique hermétique, et qu’on ne les sorte que pour les besoins de la mitsva, elles se conservent dans leur perfection pendant toute la fête.

Si la majorité des feuilles sont tombées de la branche de saule, celle-ci n’est plus valide. Il faut être attentif à cela, car parfois, quand on enfonce les branches de saule dans leur étui, les feuilles tombent (Choul’han ‘Aroukh 647, 2).

Une branche de saule dont le sommet est sectionné est invalide, car elle a perdu son hadar (sa beauté, sa splendeur). Mais si c’est la feuille supérieure qui a été coupée, et que la tige demeure entière, la branche est cachère (Maguen Avraham 647, 10).


[j]. Par ses feuilles, qui offrent une certaine similitude avec celles du saule.

10.Cédrat hybride ; statut du pitam

Le fruit d’arbre de la splendeur qu’il nous est ordonné de prendre lors de la fête de Soukot est le cédrat (étrog), et cette identification s’est transmise parmi le peuple juif, de génération en génération. De même que, pour tous les fruits, nous trouvons des variétés différentes, de même trouvons-nous des cédrats de variétés différentes, certains étant grands, d’autres petits, certains jaunes, d’autres verdâtres, et tous sont des cédrats valables pour la mitsva.

Un grave problème s’est posé, ces derniers siècles. La majorité des cédrats sont cultivés par des non-Juifs ; or, puisque les cédratiers sont délicats et sensibles, et ont tendance à contracter des maladies, les non-Juifs ont pris l’usage, afin de les renforcer et d’en prolonger les années, de les greffer sur un citronnier ou sur un bigaradier. Bien qu’il se soit trouvé des décisionnaires pour être indulgents en cela, la halakha tranche qu’un cédrat qui a poussé sur un arbre greffé est invalide pour la mitsva du loulav. En effet, la Torah nous a prescrit de prendre un cédrat proprement dit, tandis que le cédrat greffé est considéré comme une nouvelle création, ou bien comme la combinaison de deux fruits : le cédrat, d’une part, l’espèce d’arbre sur lequel le cédrat a été greffé, d’autre part (Rama, Maguen Avraham, Chevout Ya’aqov). D’autres disent que le cédrat greffé est invalide parce qu’il est entaché d’une faute ; il est en effet interdit de greffer un arbre d’une certaine espèce sur un autre (Levouch). De nos jours, les cultivateurs de cédrats ont soin de planter des arbres non greffés ; aussi peut-on s’appuyer sur les commerçants quand ils témoignent de ce que les cédrats qu’ils vendent ne sont point hybrides.

Tous les cédrats possèdent d’abord un [k], mais, dans la majorité des cas, cette pointe sèche et tombe alors que le fruit est encore très petit. Ces cédrats dépourvus de pitam sont cachères a priori, et ils ne sont affectés d’aucun manque, puisque telle est leur nature. Il existe des variétés de cédrats qui ont davantage tendance à développer un pitam : parfois, le pitam est porteur d’une grande vitalité, on est alors en présence d’un pitam charnu ; d’autres fois, le pitam est sec, et l’on a un pitam boisé. Il existe un traitement par pulvérisation qui fait cesser le processus de dessèchement du pitam et sa chute ; les agriculteurs qui veulent cultiver des cédrats à pitam charnu en font usage.

L’apparence du pitam charnu est semblable à celle du cédrat lui-même : comme le cédrat, il contient de la chair ; tout en haut, une couronne appelée chochanta (« rose »), dont la forme rappelle une fleur, et qui a séché comme du bois. Le statut du pitam charnu est en tout point semblable à celui de la partie supérieure du cédrat : toute carence, toute tache invalidante dans la partie supérieure (le ‘hotem) du fruit est également invalidante à l’égard de la partie charnue du pitam. Quant à la chochanta, si elle a tout entière été enlevée, le cédrat n’est pas valide ; s’il en reste de quoi couvrir la chair du pitam, le cédrat est valide (cf. Har’havot 10, 7-9).

La règle applicable au pitam « boisé » est plus simple : si le pitam a été tout entier enlevé, au point que plus rien ne fait saillie, le cédrat n’est pas valide ; s’il en reste un tant soit peu, qui émerge au-dessus de la hauteur du cédrat, celui-ci est valide (Choul’han ‘Aroukh 648, 7, Michna Beroura 30).

Si tout le pédoncule (‘oqets) du cédrat – c’est-à-dire la queue, l’extrémité reliant le cédrat à la branche – est tombé, au point que la chair du fruit apparaît, le cédrat est invalide le premier jour, parce qu’il manque un peu de sa chair. S’il reste assez de ce pédoncule pour couvrir la chair du cédrat, celui-ci est cachère (Choul’han ‘Aroukh 648, 8, Michna Beroura 33).


[k]. Pointe, petite excroissance surplombant la partie supérieure du fruit. Puisque tel est l’usage que d’employer le mot hébreu, nous renonçons à traduire et écrirons simplement le pitam.

11.Carence et taches

Un cédrat qui a été troué et auquel il manque une partie n’est pas valide pour la mitsva le premier jour, car en ce jour le cédrat doit être entier, comme il est dit : « Et vous prendrez, le premier jour… » (Lv 23, 40), ce que nos sages commentent : « Vous prendrez – d’une prise intègre », entière. Mais les autres jours, même si un morceau est manquant, le cédrat est valide. Le premier jour lui-même, si le cédrat a été abîmé par quelque écharde, et qu’il soit douteux s’il en manque un morceau, le cédrat est valide. Et même quand il est certain que le cédrat est carencé, il reste valide le premier jour du moment qu’il a continué de croître, et que l’endroit de la carence s’est cicatrisé, une sorte de croûte se reformant sur lui (Choul’han ‘Aroukh 648, 2, Har’havot 11, 1-4).

Si de la ‘hazazit (sorte de lichen) a poussé sur le cédrat, c’est-à-dire une sorte de blessure d’où coule un liquide, qu’il ne soit pas possible de l’ôter sans enlever un morceau de la chair du cédrat, et que cette ‘hazazit occupe la majorité du fruit, celui-ci n’est pas valide. De même, si la ‘hazazit se trouve en deux ou trois endroits qui occupent la majorité du fruit, bien qu’en pratique elle n’en couvre pas la majorité, le cédrat n’est pas valide puisqu’il paraît tacheté. Dans le même sens, si la ‘hazazit survient sur le ‘hotem du cédrat, – c’est-à-dire sur la partie supérieure inclinée –, puisqu’il s’agit de l’endroit saillant du fruit, et dès lors que cette ‘hazazit, quoique petite, apparaît aux yeux de chacun quand on y jette un regard superficiel, le cédrat est invalide. Les taches de couleur très inhabituelle, noire ou blanche, ont même loi que la ‘hazazit (Choul’han ‘Aroukh 648, 9-13 et 16). Toutes ces sortes de ‘hazazit et de taches sont très rares ; en effet, seuls les phénomènes rares invalident les quatre espèces[7].

Mais les taches ordinaires, dont la couleur est jaune, grisâtre ou brune et que l’on trouve fréquemment sur les cédrats (blattlech), ne les invalident point, puisque telle est la nature des cédrats. En général, ces taches proviennent d’un contact du fruit avec des feuilles ou des branches, qui créent une légère rayure, laquelle extrait un liquide qui, par la suite, se fige sur l’écorce du cédrat. Certains sont, il est vrai, rigoureux : selon eux, si ces taches ressortent et font saillie sur le cédrat, de sorte qu’on ne pourrait les enlever sans ôter de la chair du fruit, ce n’est qu’en cas de nécessité pressante que l’on utilisera un tel cédrat pour la mitsva (Michna Beroura 648, 50 et 53). Cependant, en pratique, même si ces taches sont saillantes et qu’il soit impossible de les retrancher, elles n’invalident pas le cédrat, puisqu’il est fréquent d’en trouver sur ce fruit. Toutefois, plus il y a de taches sur le cédrat, moins il est beau et parfait.

Il faut signaler que, même après que le cédrat a été cueilli, il est à craindre, s’il reçoit un coup, qu’il s’en trouve abîmé et libère un peu de liquide transparent, lequel entraînera l’apparition d’une tache brune à cet endroit. Certes, une telle tache n’est pas invalidante ; mais elle porte préjudice au hidour, à la beauté particulière qui est requise du cédrat ; aussi a-t-on soin de conserver le cédrat dans du lin ou dans un filet spongieux. Et s’il advient que le cédrat reçoit un coup, il est bon de le rincer afin d’ôter le liquide qui s’en est libéré, et de prévenir ainsi l’apparition de taches.


[7]. La ‘hazazit est un facteur d’invalidité parce qu’on ne peut dire du fruit qui en est affecté qu’il est une splendeur  (hadar) (Gaon de Vilna 649, 5) ; le fait est que, selon la majorité des Richonim et le Choul’han ‘Aroukh 649, 5, elle ne cause d’invalidité que le premier jour. Selon le Roch et le Rama, cependant, elle est invalidante tout au long des sept jours (cf. ci-dessus, § 4). Le Rama écrit encore, dans le même passage, qu’il n’y a pas lieu d’arranger le cédrat, le deuxième jour, en en coupant la ‘hazazit, car, bien qu’un cédrat auquel il manque un morceau (étrog ‘hasser) soit cachère à compter du deuxième jour, le fait que ce manque est la conséquence d’un facteur d’invalidité maintient le cédrat dans son invalidité. Cependant, en pratique, on peut être indulgent en cela, puisque, pour le Choul’han ‘Aroukh et la majorité des décisionnaires, le cédrat est valide à partir du deuxième jour, même sans qu’on coupe la ‘hazazit. Telle est la position du Michna Beroura 38. De plus, selon le Touré Zahav 649, 9 et le Peri Mégadim, il est douteux que la ‘hazazit soit effectivement un facteur d’invalidité au titre de la beauté ou de la carence ; et, s’il s’agit de carence, tout le monde dit reconnaître que le cédrat n’est invalide que le premier jour. Par conséquent, en cas de nécessité pressante, on peut être indulgent en matière de ‘hazazit à partir du deuxième jour, même sans la couper. C’est ce qu’écrit le Michna Beroura 649, 49, Cha’ar Hatsioun 53.

12.Quelques règles relatives au cédrat

Un cédrat noir est invalide, car telle n’est pas la couleur normale d’un cédrat (Choul’han ‘Aroukh 648, 17). Un cédrat dont la couleur est d’un vert très sombre est invalide, car on considère ce fruit comme inachevé. Mais si l’on sait que, en le laissant reposer parmi des pommes, on obtiendrait qu’il jaunisse un peu, le cédrat est cachère, bien que sa couleur soit encore vert très sombre (Choul’han ‘Aroukh 648, 21). Un cédrat qui a jauni au point de devenir orangé reste valide (Mor Ouqtsi’a 648).

Le cédrat doit être propre à la consommation ; par conséquent, un cédrat ayant le statut de ‘orla n’est pas valide. De même, un cédrat appartenant à un groupe dont les prélèvements et les dîmes n’ont pas été effectués est invalide (Maïmonide, Loulav 8, 2).

Un cédrat dont le volume est inférieur à celui d’un œuf – environ 50 cm³ – n’est pas valide, car on le considère comme inachevé. Mais si son volume équivaut à celui d’un œuf, et quoique ce cédrat ne soit pas encore parvenu à maturité, il est valide pour la mitsva. Il n’y a pas, en revanche, de limite supérieure : même s’il faut les deux mains pour pouvoir le porter, il est cachère (Choul’han ‘Aroukh 648, 22). Certains, rigoureux, exigent que son volume soit d’au moins 100 cm³. Et bien que, si l’on s’en tient à la stricte règle de halakha, un cédrat de 50 cm³ soit cachère (cf. Pniné Halakha – Lois des bénédictions, chap. 10, note 11), il est a priori bon d’embellir la pratique, puisqu’une partie de la beauté du cédrat consiste dans le fait d’avoir une taille habituelle et non petite.

Un cédrat sec n’est pas valide, car il a perdu sa splendeur (hadar) (Souka 31a, 34b). On entend par cédrat sec un cédrat qui ne produit plus aucune humidité, de sorte que, si l’on y plantait une aiguille du côté du chas, le fil attaché à ce dernier resterait aussi sec qu’il était (Choul’han ‘Aroukh 648, 1). Il est connu que tout cédrat qui a dépassé un an est sec (Rama ad loc.). Toutefois, si on l’a conservé spécialement, en le réfrigérant ou en l’enfermant dans un sac hermétique, il se peut que, même un an plus tard, il ait gardé de l’humidité et soit toujours cachère (Bikouré Ya’aqov 4, Cha’ar Hatsioun 8).

Un cédrat dont la forme est entièrement différente de celle d’un cédrat ordinaire – par exemple, s’il est rond comme un ballon, ou si on l’a fait pousser dans un moule carré –, n’est pas valide. Mais s’il a deux têtes – comme des cédrats jumeaux –, il est valide, puisque la forme n’est pas totalement différente de celle d’un cédrat classique (Choul’han ‘Aroukh 648, 18-20).

13.Végétaux empruntés et volés

La mitsva de nétilat loulav (« prise du loulav »), le premier jour de Soukot, consiste pour l’homme à prendre un loulav [l] qui lui appartienne, comme il est dit : « Et vous prendrez, le premier jour… » (Lv 23, 40). Il est dit précisément oulqa’htem lakhem (litt. « et vous prendrez pour vous » ou littéralement « à vous »), ce qui signifie : « de ce qui est à vous ». En d’autres termes, le loulav doit appartenir à celui qui accomplit la mitsva par son biais. Par conséquent, si l’on prête un loulav à son prochain, ce dernier ne peut s’acquitter par lui, le premier jour, de son obligation. Les autres jours, il n’est pas nécessaire que le loulav appartienne à celui qui accomplit la mitsva : on peut l’accomplir avec un loulav emprunté.

Si, en revanche, le propriétaire du loulav offre celui-ci comme cadeau à son prochain, ce dernier pourra accomplir la mitsva par ce biais, même le premier jour. Et afin qu’il ne se produise pas d’incident, et que le bénéficiaire du cadeau ne risque pas de refuser de le rendre, on le lui donnera « en cadeau, avec la condition de le rendre » (bé-matana, ‘al ménat leha’hzir). C’est-à-dire que le don même du cadeau dépend de ce que, après avoir accompli la mitsva, le bénéficiaire le redonnera en cadeau à son propriétaire initial. Alors, si le premier bénéficiaire du cadeau refuse de le rendre dans un temps raisonnable, le cadeau est nul de plein droit, puisqu’il n’aura pas respecté la condition (Souka 41b, Choul’han ‘Aroukh 658, 3-4).

Selon la halakha, un enfant qui n’est pas encore arrivé à l’âge des mitsvot peut recevoir un cadeau ; mais il n’a pas la capacité juridique de donner un cadeau. De sorte que, si on lui donnait le loulav en cadeau, il ne pourrait le rendre comme cadeau. Par conséquent, le premier jour, il faut avoir soin de ne pas donner le loulav à un enfant avant que tous les majeurs qui doivent se servir de ce même loulav n’aient accompli la mitsva par son biais ; car, si on le donnait d’abord en cadeau à l’enfant, celui-ci ne pourrait plus le leur faire acquérir en retour afin qu’ils accomplissent la mitsva (Choul’han ‘Aroukh 658, 6 ; cf. ci-après, chap. 5 § 6, note 5).

Si l’une des quatre espèces dont on dispose provient d’un vol – fait secrètement ou ouvertement –, quelque belle et parfaite qu’elle soit, elle est invalide pendant toute la durée des sept jours de Soukot ; il s’agirait en effet d’une mitsva provenant d’une faute (mitsva habaa bé-’avéra). Si le propriétaire du loulav a désespéré de retrouver son bien, et que, de plus, le voleur a donné ou vendu le loulav volé à un tiers, on peut accomplir la mitsva par son biais, puisqu’il ne se trouve plus dans le domaine du voleur ; mais il est interdit de réciter la bénédiction sur un tel loulav. Et même si on le transmet à son prochain, ce dernier à son prochain, et ainsi de suite, même mille fois, il reste interdit de dire la bénédiction sur un tel loulav, tant qu’on sait qu’il a été volé ; et dire la bénédiction serait blasphématoire (Baba Qama 94a, Choul’han ‘Aroukh 649, 1, Michna Beroura 6)<[8].

Si l’on n’a pas de loulav, et que l’on aperçoive un loulav à la synagogue, on demandera à son propriétaire la permission de l’utiliser pour accomplir la mitsva. Si le propriétaire ne se trouve pas dans les environs, et qu’on n’ait aucun moyen de lui demander sa permission, il sera permis d’utiliser son loulav sans son autorisation : le cas est en effet comparable à celui d’un loulav emprunté, par lequel on peut s’acquitter de son obligation à partir du deuxième jour. Certes, celui qui emprunte le bien de son prochain sans son autorisation est en général considéré comme voleur ; mais ici, où il s’agit d’une mitsva, les sages ont estimé que, selon toute vraisemblance, les gens veulent bien que l’on accomplisse des mitsvot avec leurs affaires. Cela, à condition de ne pas changer le loulav de place, et de faire très attention de le garder en bon état (Rama 649, 5). Si le propriétaire du loulav est connu pour être particulièrement pointilleux avec ses affaires, il sera interdit, même pour les besoins de la mitsva, de lui emprunter son loulav sans son autorisation (Michna Beroura 34).


[l]. Le mot loulav est employé ici au sens large : les quatre espèces réunies. 

[8]. La Guémara Souka 29b rapporte une controverse au sujet de la mitsva accomplie par le biais d’une ‘avéra (une faute). Suivant une majorité décisive de Richonim, une mitsva qui s’accomplit au moyen d’une ‘avéra n’est pas considérée comme une mitsva ; telle est l’opinion du Halakhot Guedolot, du Rif, du Raavad, de Na’hmanide, de Rabbi Aaron Halévi, du Roch, du Ritva, du Ran et d’autres. Cependant, selon Rabbi Zera’hia Halévi, la ‘avéra n’invalide pas la mitsva ; et Maïmonide, en apparence, pense de même. En pratique, il a été décidé que toute mitsva accomplie par le biais d’une ‘avéra est invalide (Rama 649, 1, Levouch, Birké Yossef et d’autres). Si le loulav a quitté le patrimoine de la personne volée – par exemple, si celle-ci a désespéré de le retrouver et que le voleur l’ait fait acquérir à son prochain (ce double phénomène produisant un changement de domaine), on peut accomplir la mitsva avec ce loulav, puisqu’il n’appartient plus à la personne volée (en effet, à la place du loulav, le voleur doit en rendre au propriétaire initial la contre-valeur financière). Mais il est interdit de réciter la bénédiction sur un tel loulav, comme nous l’expliquons dans le corps de texte.

14.Le hidour, embellissement de la mitsva

Comme nous l’avons vu, c’est une mitsva que d’apporter à la pratique un supplément de perfection et de beauté, comme il est dit : « C’est mon Dieu et je le magnifierai » (Ex 15, 2), ce que les sages traduisent en pratique : « Pare-toi devant Lui dans l’accomplissement des commandements. Fais en son honneur une belle souka, choisis un beau loulav, un beau chofar, de beaux tsitsit, un beau rouleau de la Torah, où le texte sera écrit en son nom avec une belle encre et avec une bonne plume, par un scribe artiste, et enveloppe-le de belle et fine soie » (Chabbat 133b). De même, nous voyons que Dieu a agréé l’offrande d’Abel, qui lui avait sacrifié des premiers-nés de son troupeau et de leurs graisses, tandis que l’offrande de Caïn, qui limita son don et apporta des fruits de la terre de qualité rudimentaire, ne futs pas agréée (Gn 4, 3-5, Maïmonide, Issouré Mizbéa’h 7, 10-11).

Nos sages disent que la mitsva du hidour (embellissement, perfectionnement) requiert d’ajouter le tiers du coût de la mitsva (Baba Qama 9a). Si, par exemple, on trouve au marché des loulavim cachères à différents prix, la mitsva du hidour consistera à ajouter un tiers au prix du loulav le plus simple, afin d’acheter un loulav plus beau. Celui qui souhaite porter plus haut l’embellissement de la mitsva, en ajoutant plus du tiers afin d’acheter un loulav supérieur encore, le Saint béni soit-Il le rétribuera pour cela. Ce qui vient d’être dit vaut à condition que ce supplément de hidour, au-delà du tiers, ne vienne pas au détriment d’autres mitsvot, prioritaires par leur importance, ni au détriment du paiement de ses dettes et des dépenses nécessaires à son foyer.

Si donc on se voit proposer trois possibilités : un set de quatre espèces à soixante shekels, un autre, plus beau, à quatre-vingts shekels, et un autre, encore plus beau, à cent shekels, la mitsva du hidour obligera à ajouter un tiers au prix de base, de sorte qu’on prendra le set à quatre-vingt shekels. Et celui qui veut porter plus haut l’embellissement de la mitsva en achetant le set à cent shekels, le Saint béni soit-Il lui paiera sa rétribution.

Tout ce que nous venons de dire concerne l’homme ordinaire ; mais si l’on est dans la gêne, on n’est point soumis à la mitsva d’ajouter un tiers au prix de base (Yam Chel Chelomo, Maguen Avraham, Michna Beroura 656, 6). À l’inverse, si l’on jouit de la richesse, il convient d’embellir la mitsva au-delà d’un tiers supplémentaire. En particulier, si l’on a l’habitude constante d’acheter de beaux vêtements et de beaux meubles pour lesquels on est prêt à payer plusieurs fois le prix ordinaire, on sera tenu d’embellir plus encore l’accomplissement de la mitsva, dans une proportion au moins semblable à ce que l’on ajoute pour ses besoins profanes[9].

 


[9]. Au traité Baba Qama 9a, les sages se demandent si la mitsva du hidour consiste à ajouter un tiers « de l’intérieur » ou « de l’extérieur ». Un tiers « de l’intérieur » signifie que l’ajout destiné à l’embellissement représente le tiers du prix de base : si l’on peut acheter quatre espèces de qualité simple à 60 sh, il y a lieu d’ajouter, au titre du hidour, 20 sh, et d’acheter un set à 80 sh. Un tiers « de l’extérieur », c’est le tiers de la valeur du produit méhoudar lui-même. Par conséquent, on doit être prêt à payer, au titre du hidour, 90 sh, somme dont le tiers constitue l’ajout fait au prix des quatre espèces ordinaires. La majorité des Richonim ont tranché en faveur de la méthode « extérieure » (Rabbénou ‘Hananel, Ran, Raavan et d’autres) ; mais le Roch tranche de manière indulgente, pour la méthode « intérieure », et c’est aussi ce que décide le Beit Yossef 656, 1, puisque, en cas de doute portant sur une norme rabbinique, on est indulgent. C’est en ce dernier sens que s’expriment la majorité des A’haronim. Aussi, dans l’exemple ci-dessus, avons-nous retenu le calcul « de l’intérieur ». 

Si l’on a déjà acheté quatre espèces de qualité ordinaire, la mitsva du hidour n’oblige à en acheter d’autres, plus chères du tiers, que dans le cas où l’on trouve une personne prête à racheter le premier set. Car si l’on exigeait d’en acheter d’autres, sans avoir trouvé d’acquéreur pour les premières, c’est plus d’un supplément du tiers qu’on ferait en pratique (Gaon de Vilna, d’après le Talmud de Jérusalem ; Michna Beroura 5, Cha’ar Hatsioun 2).

01.Temps de la mitsva

La mitsva de [a] doit s’accomplir le jour et non la nuit. On a coutume de prendre le loulav lors de l’office de Cha’harit. Si l’on n’a pas fait la mitsva à Cha’harit, on la fera après cela. Si le soleil s’est déjà couché, on fera la mitsva sans réciter la bénédiction ; et si les étoiles ont déjà paru, on aura perdu la mitsva (Choul’han ‘Aroukh 652, 1 ; Michna Beroura 2).

C’est une mitsva que de prendre le loulav pendant la récitation du Hallel, et d’en faire le balancement au moment des versets Hodou Lachem ki tov, ki le’olam ‘hasdo (« Louez l’Éternel car Il est bon, car sa grâce est perpétuelle ») et Anna Hachem hochi’a na (« De grâce, Éternel, secours-nous, de grâce »). Et puisque les sages ont institué une bénédiction sur la prise du loulav, on a coutume de la prononcer avant la récitation du Hallel. Certains ont cependant coutume de la dire dès avant l’office, dans la souka (cf. ci-après, § 3).

A priori, il ne faut pas agiter le loulav avant le lever du soleil (hanets ha’hama), moment où le soleil commence à se voir à l’orient. Mais si l’on doit se lever plus tôt afin de prendre la route, et que l’on ne puisse accomplir la mitsva du loulav après le premier rayon du soleil, on l’accomplira – et l’on en récitera la bénédiction – à partir de l’aube (‘amoud hacha’har), c’est-à-dire à partir du moment où la première lueur paraît à l’orient (Choul’han ‘Aroukh 652, 1 ; Pniné Halakha – La Prière d’Israël 11, 2, note 1).

Comme nous l’avons vu (chap. 4 § 1), la mitsva toranique n’oblige à agiter le loulav que le premier jour de fête ; ce n’est que dans le sanctuaire que la mitsva était d’agiter le loulav chacun des sept jours. Telle était la coutume à l’époque du Temple : dans le reste du monde, on n’agitait le loulav que le premier jour ; les autres jours, seuls ceux qui faisaient le pèlerinage de Jérusalem agitaient le loulav. Lorsque le premier jour de Soukot tombait un Chabbat, les habitants de la terre d’Israël agitaient le loulav ; et pour qu’on n’en vînt pas à le porter dans le domaine public, les sages prescrivirent de faire cette mitsva à la maison (Souka 42b). Quant aux habitants de la diaspora, ils n’agitaient point le loulav le Chabbat, parce qu’ils ne savaient pas avec certitude quand le mois avait été consacré au beit-din, de sorte qu’ils devaient célébrer, en raison du doute, un second jour de Yom tov. Et puisqu’il n’était pas certain que le Chabbat fût le premier jour de Yom tov, les sages ordonnèrent de ne point agiter le loulav ce jour-là, de crainte que, malgré leur décret imposant d’accomplir cette mitsva à la maison, certains juifs ne fissent erreur et portassent leur loulav dans le domaine public, ce par quoi ils auraient profané le Chabbat (Soukot 43a).

Après la destruction du Temple, les sages décrétèrent que, dans le monde entier, on agiterait le loulav pendant sept jours en souvenir du Temple ; à l’inverse, ils décidèrent que, même en Erets Israël, on n’agiterait point le loulav le premier jour tombant un Chabbat, afin que tout Israël adoptât une coutume unique (Souka 44a). Et même après que l’on eut commencé de sanctifier les mois d’après un calendrier fixe, de sorte qu’il ne resta plus de doute quant à l’identification du premier jour, l’interdit d’agiter le loulav le premier jour tombant un Chabbat se maintint (Maïmonide, Hilkhot Loulav 7, 16-18).

Il est peut-être permis d’avancer, quant à la signification de cet usage, qu’après la destruction du Temple la mitsva de nétilat loulav a perdu en force d’influence ; aussi était-il nécessaire de la renforcer en prescrivant de l’accomplir en tout lieu pendant sept jours. En revanche, la crainte qu’il ne fût porté atteinte à l’honneur du Chabbat a augmenté de beaucoup ; or le Chabbat demeure le fondement de la vie et de la bénédiction à l’égard de la pérennité d’Israël. Il faut ajouter que, à notre époque, la sainteté du Chabbat possède une efficacité qui remplace celle de la prise du loulav. Et afin que l’on n’en arrivât pas, à Dieu ne plaise, à une profanation du Chabbat, nos sages ont décidé que, lors même que le premier jour de Soukot tomberait un Chabbat, on n’accomplirait point la mitsva du loulav. En pratique, il ressort de tout cela que, les années où le premier jour de Soukot tombe un Chabbat, on n’accomplit point la mitsva de nétilat loulav telle que prescrite par la Torah, puisque cette mitsva est, les autres jours, de rang rabbinique.


[a]. Litt. « prise du loulav » ou « élévation  du loulav ». Le Grand-rabbin Ernest Weill, dans son Choul’han Aroukh abrégé, écrit « agiter le loulav » et nous adoptons la formule.

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