Pniné Halakha

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06. Hitra bala’ (« c’est un produit cachère que l’ustensile a absorbé ») ; cachérisation en vue de Pessa’h

La règle que nous avons vue, selon laquelle un ustensile qui a absorbé un goût par l’effet du feu doit être cachérisé par le feu, s’applique lorsque l’absorption était celle d’une chose interdite. Par exemple, une broche à rôtir sur laquelle on a fait rôtir de la viande tarèfe : puisque cette broche a absorbé, par l’effet du feu, le goût d’un aliment interdit, sa cachérisation se fait par chauffage à blanc. Mais si, au moment de l’absorption, la viande était cachère, et que cette viande soit devenue interdite seulement après coup, on pourra cachériser la broche par échaudage (à l’eau bouillante). Le cas classique est le suivant : si, sur une broche, on a rôti de la viande d’un sacrifice, cette viande, après l’expiration d’un jour, prend le statut de notar (partie restante du sacrifice), qui l’interdit à la consommation. De même, le goût absorbé par la broche devient, lui aussi, notar ; aussi sera-t-il interdit d’utiliser la broche sans l’avoir cachérisée. Il n’est toutefois pas nécessaire de la chauffer à blanc : il suffit de la cachériser par échaudage à l’eau bouillante, car, au moment où la broche a absorbé le goût de la viande, celle-ci était permise à la consommation[6].

D’après cela, quand on a cuit par erreur, dans un même moule de cuisson, une fois un aliment lacté, une autre fois un aliment carné, la règle à appliquer dépend de la question de savoir si vingt-quatre heures se sont écoulées entre la cuisson du carné et la cuisson du lacté.

Si l’on y a cuit de la viande, et que, avant que vingt-quatre heures n’aient expiré, on y ait cuit une pâtisserie lactée, cette pâtisserie sera interdite à la consommation, parce qu’un parfait goût de viande s’y est mêlé ; de même, le moule a, par la seconde cuisson, absorbé le goût d’une chose interdite[d], de sorte que sa cachérisation devra se faire par chauffage à blanc intégral. Mais si vingt-quatre heures ont passé entre la cuisson de la viande et celle de la pâtisserie lactée, le goût de la viande était dénaturé au moment de la cuisson de ladite pâtisserie ; aussi, celle-ci sera-t-elle cachère. Certes, les sages ont exigé de cachériser le moule ; mais puisque, en pratique, ce dernier n’a pas absorbé de goût interdit, on pourra se contenter de le cachériser par échaudage. Toutefois, puisqu’on a l’habitude d’introduire ce moule dans un four de cuisson, il sera préférable de le cachériser par chauffage à blanc allégé : on l’enfournera, et l’on mettra le four en marche à température maximale pendant une demi-heure. Nous l’avons vu, le chauffage à blanc allégé est plus efficace que l’échaudage[7].

S’agissant du ‘hamets, les plus grands Richonim sont partagés : selon certains, l’absorption du ‘hamets, tout au long de l’année, est considérée comme l’absorption d’une chose permise, puisqu’il est permis, tout au long de l’année, de manger du ‘hamets. Dès lors, il est possible de cachériser les moules de de cuisson, en vue de Pessa’h, par simple échaudage. Mais selon la majorité des décisionnaires, le ‘hamets est appelé chose interdite : bien que, tout au long de l’année, il soit permis de le manger a priori, il est, à l’égard de Pessa’h, constamment considéré comme interdit, puisque même un aliment qui a fermenté avant Pessa’h appartient à la catégorie de ‘hamets, et est interdit à Pessa’h. Par conséquent, il faut cachériser les moules par chauffage à blanc intégral. C’est en ce sens que tranche le Choul’han ‘Aroukh (451, 4). Toutefois, en cas de nécessité pressante, lorsqu’il y a d’autres motifs d’indulgence, il arrive que l’on s’appuie sur l’opinion indulgente (Michna Beroura 451, 28)[8].


[6]. La distinction essentielle entre absorption d’un goût d’abord permis (hitra bala’, littéralement : « il a absorbé une chose permise ») et absorption d’un goût toujours interdit (issoura bala’ : « il a absorbé une chose interdite ») est exposée au traité ‘Avoda Zara 76a. Le propos est le suivant : l’échaudage suffit à extraire de l’ustensile la majorité du goût absorbé dans les parois de l’ustensile, ou qui y est attaché ; mais si le goût absorbé était celui d’une chose interdite dès l’abord, l’ustensile est désormais tenu pour interdit, de sorte que, pour le cachériser, on doit détruire tout le goût qu’il a absorbé. En revanche, si le goût absorbé était celui d’une chose permise, les sages n’ont pas exigé d’expulser également le faible goût restant après échaudage. C’est aux sages qu’est laissée la fixation de cette norme car, après vingt-quatre heures, le goût absorbé est déjà dénaturé, et l’exigence de l’expulser de l’ustensile n’est que rabbinique ; or, lorsque l’absorption s’était faite de manière autorisée, les sages n’ont pas exigé une éradication totale. D’après ce motif, on ne peut être également indulgent, quand un ustensile a absorbé un goût d’abord permis, qu’après l’expiration de vingt-quatre heures.

[d]. Le mélange de lait et de viande.

[7]. Cette règle est bien expliquée par le Rav Pfeuffer, dans son Qitsour Choul’han ‘Aroukh, Bassar be‘halav II 2, suivant l’enseignement de Rabbi Mena’hem Azaria da Fano 96 et du ‘Hatam Sofer, Yoré Dé’a 110. Cf. Kaf Ha’haïm 451, 70, qui détaille les différents systèmes ; bien que les décisionnaires indulgents soient nombreux, son auteur tend à exiger le chauffage à blanc léger pour les ustensiles que cette opération ne détériore pas. Quant à la possibilité d’exécuter un chauffage à blanc léger à l’intérieur du four, cf. Qitsour Choul’han ‘Aroukh du Rav Pfeuffer, chap. 12, notes 7 et 10. Il semble que l’on puisse être indulgent en cela, surtout si l’on fait intervenir l’avis selon lequel le principe d’identité de méthode entre le mode d’absorption et le mode d’expulsion (kevol’o kakh polto) s’applique aussi au degré de chaleur du feu, en associant cet avis à la considération que, après l’expiration d’une journée, on se trouve dans un cas de doute portant sur une norme rabbinique ; si bien que l’on peut donner pour directive a priori d’exécuter un chauffage à blanc léger, par le biais du four.

[8]. Cf. Hag’alat Kélim, introduction 7, où l’auteur énumère en détail les opinions des Richonim. Parmi les avis rigoureux : Rif, Roch, Ran, Rachba ; parmi les avis indulgents : Maïmonide, Rabbénou Tam, Or Zaroua’.

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