Zmanim

04. Dans quel cas Roch ‘hodech dure un jour, et dans quel cas deux jours

Lorsque le mois est défectif (c’est-à-dire qu’il dure vingt-neuf jours), le Roch ‘hodech du mois suivant dure un seul jour. Mais quand le mois est plein (qu’il dure trente jours), le Roch ‘hodech du mois suivant dure deux jours : le premier jour coïncidera avec le trentième jour du mois précédent, et le second jour tombera le 1er du nouveau mois. Et quoique la partie essentielle de Roch ‘hodech soit le deuxième jour, puisqu’il s’agit du 1er du mois nouveau, et que l’on compte les jours du mois à partir de ce jour, toutes les règles de Roch ‘hodech s’appliquent également au premier des deux jours de néoménie, le trentième jour du mois précédent. On y récite la prière de Moussaf, on dit le Hallel, on inclut le passage Ya’alé véyavo dans la ‘Amida et dans le Birkat hamazon (actions de grâce après le repas) ; si l’on a oublié d’inclure Ya’alé véyavo dans la ‘Amida de Cha’harit ou dans celle de Min’ha, il faut répéter ladite ‘Amida. Plusieurs raisons ont été données pour expliquer que Roch ‘hodech dure deux jours, raisons indiquées ici en note[4].


[4]. De prime abord, il y a lieu d’objecter : la néoménie est, par définition, le premier jour du mois ; pourquoi donc, quand le mois précédent est plein, considère-t-on son trentième jour comme Roch ‘hodech également ? Le Chibolé Haléqet 168 explique au nom de Rabbénou Chelomo et du Rid (Rabbi Yechaya Harichon) – et le Birké Yossef 427 le rapporte – que, lorsque le mois est plein, le renouvellement de la lune se produit au cours du trentième jour (après vingt-neuf jours et demi révolus). Par conséquent, bien que le 1er du mois tombe le lendemain (afin d’équilibrer les mois, comme nous l’avons vu au § 1), il convient de marquer aussi la néoménie le jour même où se renouvelle la lune ; c’est pourquoi on fait deux jours de Roch ‘hodech.

Le Tachbets 3, 244 rapporte que l’on avait coutume de s’abstenir de travailler à Roch ‘hodech, et que l’on y faisait des repas spéciaux ; et tel était l’usage dès l’entrée du trentième jour. En effet, des témoins se présenteraient peut-être devant le beit-din, de sorte que ce jour serait consacré comme Roch ‘hodech. Et s’il ne se présentait pas de témoins, on appliquait nécessairement les usages de Roch ‘hodech au lendemain aussi. Quand le mois précédent était plein, on marquait deux jours de Roch ‘hodech (à la manière des deux jours de Roch hachana). Et bien que, à l’époque du Temple, les sacrifices de Moussaf ne fussent offerts que le premier du mois, les deux jours, à l’issue d’un mois plein, sont saints pour les motifs susmentionnés. Aussi, récite-t-on le Hallel, la ‘Amida de Moussaf et Ya’alé véyavo ces deux jours.

Le Rav Zevin, dans son ouvrage Léor Hahalakha (article sur Roch ‘hodech), écrit que, selon Rachi et le Chilté Haguiborim (Roch Hachana, chap. 1), on avait coutume, jadis, à l’issue d’un mois plein, de ne marquer qu’un jour de Roch ‘hodech, tandis que, pour le Or Zaroua’ II, lois de Roch ‘hodech, et le Maharcha sur Baba Metsia 59b, on marquait deux jours.

Les auteurs sont également partagés quant au sens du verset de I Sam 20, 27 : ויהי ממחרת החודש השני (littéralement : « Il advint, au lendemain de la néoménie, le deuxième… »). Selon le Tachbets et Rabbénou Yechaya, le verset vise le second jour de Roch ‘hodech, tandis que, pour Rachi et le Radaq, il est question ici du jour qui suivit Roch ‘hodech, et qui était un jour ordinaire.

Certains ont affirmé que, si l’on marque deux jours, c’est pour écarter le doute ; mais leurs propos n’ont pas été acceptés. Aussi, si l’on oublie d’inclure Ya’alé véyavo dans la ‘Amida de Cha’harit ou celle de Min’ha, on doit répéter la ‘Amida, que l’oubli ait lieu le premier ou le deuxième jour. Cf. l’ouvrage intitulé Roch ‘Hodech 10, note 4.

05. Statut de Roch ‘hodech dans la Torah

Roch ‘hodech est mentionné, dans la Torah, parmi les différentes jours consacrés, où l’on apporte des sacrifices additionnels (Moussaf) en l’honneur de la sainteté du jour. Nos sages apprennent que Roch ‘hodech est, lui aussi, appelé mo’ed (fête) (Pessa’him 77a). On y sonnait des trompettes, comme il est dit : « Et au jour de votre joie, en vos fêtes et vos néoménies, vous sonnerez des trompettes pour accompagner vos holocaustes et vos sacrifices rémunératoires » (Nb 10, 10).

En raison de la sainteté de Roch ‘hodech, on avait l’habitude, en ce jour, de rendre visite à son maître, de même que, le Chabbat, on a l’usage de souhaiter Chabbat chalom à son rabbin (II Rois 4, 23, Roch Hachana 16b, Béour Halakha 301, 4). On avait coutume, de même, de marquer ce jour par un repas spécial (sé’ouda) (d’après I Sam 20).

On trouve une expression extraordinaire, dans la Torah, pour qualifier le bouc que l’on offrait à la néoménie : « expiatoire pour l’Eternel[b] ». La question est ainsi expliquée dans le Talmud (‘Houlin 60b) : au commencement, le Saint béni soit-Il créa deux grands luminaires, le soleil et la lune. Mais la lune vint plaider devant le Maître du monde : « Comment se peut-il que deux rois officient au nom d’une même couronne ? » La lune souhaitait que Dieu réduisît la taille du soleil, afin de régner elle seul. Mais le Saint béni soit-Il dit à la lune : « Va, et réduis ta propre taille. » Elle dit devant Dieu : « Parce que j’ai dit devant Toi une parole juste, je devrais réduire ma taille ? » L’Eternel la consola en l’informant que le peuple juif compterait les mois en se fondant sur elle, et que les justes eux-mêmes seraient appelés d’après son nom[c]. Mais elle ne voulut point se consoler. Le Saint béni soit-Il déclara : « Apportez un expiatoire pour Moi, pour avoir diminué la lune. » C’est pourquoi il est dit : « Un bouc comme expiatoire, pour l’Eternel » (Nb 28, 15)[5].

Ce thème aggadique est très profond. Si l’on tente une explication simple, on peut dire que la réduction de la lune représente le manque qui est inscrit au sein de la Création, la baisse de niveau que connaît l’âme lorsqu’elle arrive en ce monde, et toutes les chutes que connaît l’homme en ce monde. Or toutes ces descentes et tous ces manques n’interviennent que pour les besoins d’une ascension : par le fait que nous nous confrontons aux difficultés, nous aurons le mérite d’arriver, finalement, à un plus haut degré d’élévation. Comme le dit Rabbi Abahou : « Au lieu où se tiennent les repentants, les justes accomplis eux-mêmes ne peuvent se tenir » (Berakhot 34b). Mais entre-temps, il y a des fautes qui provoquent une grande souffrance dans le monde ; et pour atténuer cette douleur et corriger le manque, le Saint béni soit-Il nous a prescrit l’offrande du bouc expiatoire. Tel est le propos de Roch ‘hodech : montrer comment, du sein même de la diminution de la lune, conséquence de la faute et de l’accusation, germe un commencement nouveau. Aussi, Roch ‘hodech est un temps propice aux recommencements et à la téchouva (repentir), et ce jour est empreint d’une joie profonde. Toutefois, avant que le monde ne soit délivré de tous ses manques, la joie de Roch ‘hodech reste encore quelque peu cachée, et ne se révèle pas pleinement (cf. encore ci-après, § 15-16).


[b]. Le’hatat Lachem. On traduit habituellement : « Expiatoire en l’honneur de l’Eternel », mais le verset peut se lire, littéralement, « comme expiatoire pour l’Eternel », ce qui donne lieu à l’élaboration hardie qui suit : ce sacrifice est destiné à « expier », si l’on peut s’exprimer ainsi, le manque engendré par l’ordre divin à l’égard de la lune.

[c]. La lune est appelée dans la Genèse « le petit luminaire » (hamaor haqaton) ; or, on trouve, en d’autres endroits, des justes qui sont eux-mêmes surnommés « le petit » : dans la Bible, Jacob (Am 7, 5), David (I Sam 17, 14) ; dans la Michna, le Tanna Chemouel Haqatan (Maximes des pères 4,19).

[5]. À chaque fête, on apporte un bouc comme expiatoire ; mais pour les solennités autres que Roch ‘hodech, il n’est pas écrit « comme expiatoire, pour l’Eternel ». Les autres sacrifices additionnels apportés à Roch ‘hodech sont : deux taureaux, un bélier et sept agneaux comme holocauste (Nb 28, 11).

06. Joie et repas de Roch ‘hodech ; interdiction de jeûner et de s’affliger

Roch ‘hodech fait partie des jours fastes, durant lesquels il convient de se réjouir. Mais il n’y a pas de commandement explicite de s’y réjouir au moyen d’un repas spécial et de boisson. Par conséquent, c’est accomplir une mitsva que de manger abondamment au repas de Roch ‘hodech, mais il n’y a pas là d’obligation (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 419, 1).

Quoi qu’il en soit, il est interdit de s’affliger à Roch ‘hodech. Aussi est-il interdit de jeûner ce jour-là (Choul’han ‘Aroukh 418, 1). Quiconque s’abstient de manger, ne serait-ce qu’une heure, à titre de jeûne, transgresse un interdit. En revanche, si, par hasard, on n’a pas eu l’occasion de manger pendant quelques heures, il n’y a là aucune crainte de transgression (Béour Halakha 418, passage commençant par Roch ‘hodech assour ; Kaf Ha’haïm 3). Si l’on s’en tient à la stricte obligation, se contenter de fruits ne saurait être considéré comme le fait de jeûner, et cela n’est constitutif d’aucun interdit. Mais ce faisant, on n’accomplit pas non plus la mitsva d’honorer Roch ‘hodech par un repas abondant[6].

La mitsva consiste essentiellement à ajouter un mets particulier à son ordinaire quotidien, en l’honneur de Roch ‘hodech. Même quand ce jour tombe le Chabbat, c’est une mitsva que d’ajouter un mets particulier en l’honneur de Roch ‘hodech (Michna Beroura 418, 2 ; 419, 1-2).

Bien qu’il n’y ait pas d’obligation à manger du pain lors du repas de Roch ‘hodech, ceux qui en mangent accomplissent en cela une mitsva (Cha’ar Hatsioun 419, 1).

Il est bon de dresser la table, en l’honneur du repas de Roch ‘hodech, avec un certain faste. Certains embellissent l’accomplissement de la mitsva en mangeant de la viande et en buvant du vin lors du repas de Roch ‘hodech.

Quand Roch ‘hodech dure deux jours, la mitsva de faire des repas abondants s’applique aux deux jours. La mitsva concerne plus particulièrement la journée, mais le soir également, c’est, selon certains décisionnaires, une mitsva que de fixer un repas abondant en l’honneur de Roch ‘hodech[7].

Il est interdit de faire, à Roch ‘hodech, une chose susceptible de provoquer de la peine. Par conséquent, on n’y fait pas d’éloge funèbre. Mais si le défunt était un érudit en Torah, on fait un éloge funèbre en sa présence (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 420, 1, Michna Beroura 1 ; Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 401, 5).

De même, on a coutume de ne pas aller au cimetière, à Roch ‘hodech. Si l’anniversaire du décès d’un proche tombe ce jour-là, ou les trente jours depuis le décès d’un proche, on se rendra au cimetière par avance, la veille de Roch ‘hodech. Si l’on ne peut s’y rendre la veille, on s’y rendra après Roch ‘hodech. Il est permis de se rendre sur les tombes des saints (tsadiqim), car cela ne cause pas de peine.

Des fiancés qui auraient coutume de jeûner le jour de leur mariage (comme le veut la coutume ashkénaze, et celle d’une partie des Séfarades) ne jeûneront point, si leur mariage est fixé à Roch ‘hodech (Michna Beroura 573, 1)[8].


[6]. Rachi sur Ta’anit 15b : « Bien que Roch ‘hodech soit appelé mo’ed (fête, solennité), la Torah ne mentionne pas qu’il s’agit d’un jour de festin et de joie. » C’est en ce sens que s’exprime le Roch sur Berakhot, chap. 7 § 23 : la joie (sim’ha) n’est pas mentionnée à son sujet (dans la bénédiction de rattrapage du Birkat hamazon ; cf. ci-après, note 14). Face à ces auteurs, le Séfer Yereïm 227 (127) estime que « l’on a l’obligation de s’y réjouir » ; mais il est vrai qu’il n’y a pas d’obligation d’y fixer un repas où l’on mange du pain, car on peut s’acquitter de l’obligation de se réjouir par de la viande et par du vin. La halakha est fixée comme nous le rapportons ci-dessus.

Selon Maïmonide, l’interdit de jeûner à Roch ‘hodech est toranique, tandis que le Beit Yossef 418 estime que l’interdit est rabbinique. Les anciens dévots avaient, jadis, coutume de jeûner à la néoménie de nissan, car c’est ce jour-là que moururent Nadav et Abihou, fils d’Aaron, et à celle du mois d’av, car Aaron mourut en ce jour (Choul’han ‘Aroukh 580, 2). Le Rama, au § 1, ajoute que, de toute façon, il ne faut pas mener son jeûne, à Roch ‘hodech, jusqu’à la tombée de la nuit. Quoi qu’il en soit, l’homme du commun ne prendra pas sur lui de jeûner ces jours de néoménie. Cf. Roch ‘hodech 14, 13-14.

[7]. Le Ben Ich ‘Haï (seconde année, Vayiqra 10) et le Kaf Ha’haïm 419, 5 parlent de l’embellissement consistant à dresser la table avec un certain faste. L’embellissement consistant à consommer de la viande et du vin participe également de l’honneur fait à Roch ‘hodech. Pour le Séfer Yereïm, c’est même véritablement une mitsva, comme on le voit dans la note précédente. Pour cette raison, la majorité des Séfarades ont pris l’usage de ne s’abstenir de viande et de vin qu’à partir du 2 av, afin d’accomplir l’embellissement susmentionné à Roch ‘hodech. Les Ashkénazes ont l’usage de s’abstenir de viande et de vin dès le Roch ‘hodech du mois d’av (comme nous le verrons ci-après, chap. 8 § 13). Cf. Roch ‘hodech, chap. 12.

Selon le Michna Beroura 419, 2, il n’est pas nécessaire de faire un repas abondant le soir. Mais pour Rabbi Mena’hem Azaria da Fano 79 et le Echel Avraham (de Rabbi Avraham Botchatch), il y a là une mitsva.

[8]. Selon le Rama 573, 1 et le Michna Beroura 9, les fiancés jeûneront à Roch ‘hodech du mois de nissan, car tel est l’usage des gens pieux que de jeûner ce jour-là. Selon le Peri Mégadim, si l’on n’a pas l’usage de jeûner chaque Roch ‘hodech de nissan, on ne jeûnera pas non plus le jour de ses noces. Cf. Roch ‘Hodech 14, 19 ; cf. aussi op. cit. note 39, où il est dit que, si le mariage est prévu durant la nuit de Roch ‘hodech, le ‘Aroukh Hachoul’han, Even Ha’ezer 61, 21 estime que l’on poursuivra son jeûne jusqu’à la fin de la cérémonie, bien que cela ait pour conséquence d’amorcer la nuit de Roch ‘hodech dans le jeûne. En effet, la raison d’être de ce jeûne est d’éviter l’ébriété au moment du mariage. Selon le Qitsour Choul’han ‘Aroukh 146, 1, le jeûne des fiancés ne dure que jusqu’à la tombée de la nuit, car son rôle est d’apporter l’expiation. Sur la visite des cimetières, cf. Yalqout Yossef 418, 6-7, Pné Baroukh 37, 10, Roch ‘Hodech 14, 24.

07. Les femmes ont coutume de s’abstenir de travaux à Roch ‘hodech

Il est permis de travailler à Roch ‘hodech. De prime abord, il eût convenu de ne point travailler à Roch ‘hodech, au même titre que les jours de ‘Hol hamo’ed (jours de fête intermédiaires de Pessa’h et de Soukot). En effet, le principe veut que, plus un jour est saint, plus il est destiné à des activités caractérisées par la sainteté, et l’on doit donc restreindre d’autant l’activité professionnelle. Aussi, le Chabbat, qui est le jour le plus saint, tout travail est interdit. Un degré en-dessous du Chabbat, nous trouvons le Yom tov (jour de fête chômé), où tous les travaux sont interdits, à l’exception de ceux qui sont nécessaires à l’alimentation, lesquels sont permis dans certaines conditions. Un degré en dessous, se trouve ‘Hol hamo’ed : une partie des travaux y sont interdits. De même, Roch ‘hodech aurait dû se trouver au même rang que ‘Hol hamo’ed. Mais en raison de la faute du veau d’or, à laquelle participèrent douze tribus d’Israël, le peuple juif perdit, corrélativement, la grandeur des douze néoménies de l’année. Les femmes, en revanche, n’ont pas participé à la faute du veau d’or, et n’ont pas accepté de donner leurs anneaux d’or pour qu’il fût fabriqué ; le Saint béni soit-Il les a donc récompensées dans ce monde-ci : « Elles garderont les néoménies plus que les hommes. » Dieu les a aussi récompensées dans le monde futur, puisque leur jeunesse est destinée à se renouveler, comme la lune qui se renouvelle, ainsi qu’il est dit (Ps 103, 5) : « C’est Lui qui comble de bien ta beauté ; ta jeunesse se renouvelle comme l’aigle » (Pirqé de-Rabbi Eliézer 45). Les femmes intègrent donc davantage la sainteté de Roch ‘hodech ; aussi ont-elles coutume de n’y pas faire de travaux serviles[9].

Il est vrai qu’à l’époque où l’on offrait le sacrifice de Moussaf au Temple, certains hommes s’abstenaient eux aussi de faire de grands travaux, à Roch ‘hodech ; mais leur coutume n’avait pas de base valable, puisque les hommes ont participé à la faute du veau d’or. Les femmes, en revanche, puisqu’elles n’ont pas commis cette faute, sont liées davantage à la sainteté de Roch ‘hodech ; leur coutume est donc valablement fondée en halakha.

Aussi, toute femme doit-elle s’abstenir de quelques travaux, à Roch ‘hodech. Par exemple, elle aura soin de ne pas faire de tricot. Cela, afin de disposer d’un signe de reconnaissance, permettant de distinguer entre un jour ordinaire et la néoménie. Bien entendu, elle ne s’assignera pas, pour Roch ‘hodech, de grands travaux.

Celles qui donnent à leur pratique une perfection supplémentaire ont coutume de s’abstenir de ceux des travaux qui sont interdits à ‘Hol hamo’ed. À ce titre, elles ne font ni couture, ni tricot, ni réparations domestiques. En revanche, il est permis de cuire des mets, d’enfourner du pain ou de la pâtisserie, de faire du repassage, comme à ‘Hol hamo’ed. Faire des machines de linge est permis, car cela ne requiert presque aucun effort. Et si le vêtement que l’on souhaite lessiver est destiné à être porté à Roch ‘hodech même, il devient permis de le faire à la main. Il est permis, même à celles qui apportent à leur pratique un supplément de perfection, de faire un travail pour les besoins de sa subsistance, car, si l’on s’absentait de son travail régulièrement à Roch ‘hodech, on risquerait de perdre sa source de revenus. Même quand elle n’a pas à craindre d’être renvoyée, la femme sera autorisée à travailler, si le salaire de sa tâche lui est nécessaire, ou si son absence est susceptible de causer un dommage à son lieu de travail[10].


[9]. C’est ce qui ressort de Pirqé de-Rabbi Eliézer 45, des propos du Tour, Ora’h ‘Haïm 417, de la Pricha ad loc. 1, de Darké Moché 1 au nom du Or Zaroua’. Cf. Roch ‘Hodech, début du chap. 11, qui rapporte en détail tous les motifs de cette règle. Le Cha’ar Hakavanot 76, 2 explique que les femmes correspondent à la séfira [dans la kabbale, véhicule de la lumière divine] de Malkhout (royauté) et à la lune, qui est caractérisée par la notion de renouvellement. Tandis que les hommes, qui correspondent à la séfira de Tiféret (splendeur, harmonie), ne sont pas caractérisés par le renouvellement. (De plus, la royauté est également susceptible de chute ; or à partir de la chute, la royauté peut s’élever au-dessus de la splendeur, ce à quoi fait allusion l’expression de Pr 12, 4 : « Couronne de son époux ».)

[10]. La source de la coutume est exposée par le Tour et le Beit Yossef, Ora’h ‘Haïm 417 ; elle se trouve essentiellement dans le Talmud de Jérusalem, Ta’anit 1, 6 : « Celles des femmes qui ont coutume de ne point faire de travaux à Roch ‘hodech, leur coutume est valide. » Selon Rabbénou Yerou’ham, une femme qui n’aurait pas l’usage de s’abstenir de travailler n’est pas obligée d’adopter une telle abstention. Cependant, le Béour Halahka 417 ד »ה והנשים écrit que, « pour la majorité des Richonim, toutes les femmes sont tenues d’observer cette coutume ; simplement, on s’en acquitte en s’abstenant d’un travail quel qu’il soit ; et si une femme a coutume d’être rigoureuse en s’abstenant de travaux plus nombreux, sa coutume a, pour elle, force obligatoire ». On voit en effet que certaines femmes ont coutume d’être plus rigoureuses, et nous rapportons cela, dans le corps de texte, au titre du supplément de perfection apporté à la pratique (hidour). Selon le Echel Avraham de Rabbi Avraham Botchatch, celles-là même qui adoptent ce supplément de perfection ne pousseront pas la rigueur, à Roch ‘hodech, jusqu’à s’abstenir plus qu’à ‘Hol hamo’ed. D’après cela, faire une lessive destinée à l’habillement de Roch ‘hodech est permis, car l’interdit, à ‘Hol hamo’ed, a pour seul objectif de pousser les ménages à lessiver le linge à l’approche de la fête. S’agissant l’utilisation du lave-linge, certains sont rigoureux, mais le Rav Chelomo Zalman Auerbach le permet, car il n’y a là aucun effort (comme le rapporte Roch ‘hodech 11, 7).

Pour les nécessités de sa subsistance : le ‘Aroukh Hachoul’han 417, 10 précise qu’il est permis de travailler, et tel est l’usage ; c’est aussi ce qu’écrit le Hilkhot ‘Haguim 1, 5. La raison en est que, si une femme risque de perdre ses revenus, ou qu’elle ait grand besoin du salaire de ce jour, il lui est même permis de travailler à ‘Hol hamo’ed ; il est donc certain que la permission s’applique, à plus forte raison, à Roch ‘hodech. Si, en revanche, elle peut renoncer facilement au travail de Roch ‘hodech, celle qui s’attache à donner à sa pratique un supplément de perfection s’abstiendra dudit travail. En ce qui concerne le fait d’écrire pour un motif autre que de subsistance, il semble qu’il ne soit pas d’usage d’être rigoureux, même pour celles qui donnent à leur pratique un supplément de perfection.

Le Chibolé Haléqet estime que, lorsque Roch ‘hodech dure deux jours, la coutume ne s’applique que le second jour, qui est le premier du mois nouveau. Mais pour le Roqéa’h, la coutume vaut pour les deux jours. Selon le Mor Ouqtsi’a, cette coutume s’applique à la journée de Roch ‘hodech, mais non à la nuit. Il semble pourtant que l’usage ait été adopté la nuit également. Cf. Michna Beroura 417, 4 et fin du Béour Halakha sur ce chapitre ; cf. aussi Roch ‘hodech 11, 8-9.

Cf. Béour Halakha ד »ה מנהג טוב, où l’on voit que, d’après le Ba’h, il est interdit à un mari d’exiger de sa femme de faire des travaux à Roch ‘hodech, mais la femme elle-même a le droit de faire les travaux qu’elle veut. Mais comme nous l’avons dit, la majorité des décisionnaires estiment que, quoi qu’il en soit, la femme doit s’abstenir d’au moins une tâche. Il est clair que, du fait que s’abstenir de travailler est, pour la femme, une mitsva, et quoiqu’il ne s’agisse pas d’une stricte obligation, le mari n’a pas le droit d’exiger d’elle d’accomplir des travaux à Roch ‘hodech, en dehors de tâches purement domestiques, comme la préparation de nourriture ou des tâches de cet ordre.

Le ‘Hida, dans Yossef Omets 20 cite les opinions de Richonim, selon lesquels les hommes, eux aussi, ont pris l’usage de ne point accomplir de travaux, usage qui se rattache au fait que les hommes, à la néoménie, allaient se prosterner au Temple. Le Touré Even sur le traité Méguila rattache cet usage à l’oblation du sacrifice de Moussaf. En tout état de cause, la majorité des décisionnaires estiment que cet usage n’a pas de validité, comme le rapporte le Michna Beroura 417, 2.

08. Le Chabbat qui précède Roch ‘hodech (Chabbat mevarekhim)

On a coutume, le Chabbat qui le précède, d’annoncer publiquement la date de Roch ‘hodech et de bénir le nouveau mois, en priant pour que le Saint béni soit-Il renouvelle le mois, en notre faveur et en faveur de tout son peuple Israël, pour le bien et la bénédiction. Cette coutume rappelle également, dans une certaine mesure, la proclamation du mois que le beit-din faisait jadis. Aussi a-t-on coutume d’annoncer le moment précis de la nouvelle croissance de la lune. De même, on a l’usage de réciter ce texte debout, en souvenir de la mitsva de consécration du mois ; en effet, le public avait coutume de se tenir debout devant le beit-din, tandis que celui-ci proclamait le mois. Ce n’est qu’avant la néoménie de tichri que l’on ne récite pas la bénédiction du mois, puisque tout le monde sait bien que ce jour-là sera le Yom tov (fête) de Roch hachana[11].

C’est le Chabbat que l’on annonce le mois, parce qu’alors toute la communauté se trouve à la synagogue, si bien que l’on peut entendre la date à laquelle tombera Roch ‘hodech. De plus, tous les jours tirent leur bénédiction du Chabbat, et la sainteté de Roch ‘hodech elle-même émane du Chabbat qui le précède. Aussi bénit-on le mois ce Chabbat-là. Par conséquent, en ce Chabbat, on commence à ressentir la solennité de la néoménie prochaine[12].


[11]. Michna Beroura 417, 1, Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm I 142, Roch ‘Hodech 1, 1-9 ; en notes 4-8, l’auteur de ce dernier ouvrage rapporte, au nom du Séfer Yereïm, du Chibolé Haléqet et du Or Zaroua’, que l’on bénit le mois afin de faire connaître au public la proximité de Roch ‘hodech et sa date ; le Raavia, quant à lui, écrit que cette bénédiction se fait en souvenir de la consécration du mois par le beit-din. Dans certaines communautés, pour cette raison, on laisse au rabbin l’honneur de bénir le mois (Roch ‘Hodech 1, 7). Ce que nous écrivons ci-dessus quant au mois de tichri est tiré du Cha’ar Hatsioun 417, 2. Cf. Roch ‘Hodech 1, 25, qui rapporte d’autres motifs. Dans certaines communautés, on ne bénit pas le mois d’av, en raison des malheurs qui s’y sont produits. [Tel est l’usage de certaines communautés d’Afrique du Nord.] Mais l’usage généralement observé est de réciter cette bénédiction, comme l’expliquent le ‘Olat Reïya II p. 121 et le Roch ‘Hodech 1, 27.

[12]. C’est pour cela que les Ashkénazes ont coutume de ne pas évoquer, le Chabbat qui précède Roch ‘hodech, le souvenir des défunts, ni même de réciter, ce jour-là, la prière Av hara’hamim, que l’on a l’usage de dire à la mémoire de ceux qui sont morts pour la sanctification du nom divin (Rama, Ora’h ‘Haïm 284, 7, Michna Beroura 17). Ce n’est qu’avant la néoménie du mois d’iyar et celle de sivan que l’on récite Av hara’hamim, car c’est durant ces mois que furent décimées de nombreuses saintes communautés par les Croisés. Notre vénéré maître Rav Tsvi Yehouda Kook avait coutume de dire Av hara’hamim le Chabbat qui précède Roch ‘hodech, car, disait-il, après la Choah, il convient de lire ce texte tous les Chabbats, comme on le fait à Roch ‘hodech iyar ou sivan.

09. Un temps propice à l’expiation ; Yom Kipour qatan

Roch ‘hodech est un temps d’expiation (kapara), comme nous le disons dans la ‘Amida de Moussaf : « Temps d’expiation pour toutes leurs générations » ; on y offrait le bouc expiatoire. Pour que l’expiation propre à Roch ‘hodech fût complète, les anciens dévots avaient coutume de se repentir à l’approche de ce jour. Certains ont encore l’usage de jeûner, la veille de Roch ‘hodech, et de réciter le rituel de Yom Kipour qatan (le petit Kipour), à proximité de l’office de Min’ha. On a donné à la veille de Roch ‘hodech ce surnom de Yom Kipour qatan, car le jour de Kipour est le moment de l’expiation de toute l’année, tandis que la veille de Roch ‘hodech est un temps d’expiation pour le mois précédent (cf. Michna Beroura 417, 4, Kaf Ha’haïm 10-21). De nos jours, l’usage de jeûner n’est plus répandu ; il est bon, en remplacement de cela, de multiplier l’étude de la Torah et le don d’argent aux œuvres (tsédaqa).

10. Insertion de Ya’alé véyavo dans la prière

La thématique de Roch ‘hodech doit nécessairement trouver expression dans la prière, car les différents offices ont été instituées en référence aux sacrifices ; or à Roch ‘hodech il nous est prescrit d’offrir un sacrifice additionnel (Moussaf) ; aussi doit-on ajouter, dans la prière, la notion de Roch ‘hodech. Pour cela, nos sages ont prescrit de réciter la courte prière de Ya’alé véyavo, dans laquelle nous demandons à Dieu de Se souvenir de nous pour le bien, en ce jour de Roch ‘hodech. Ce texte a été inséré dans la bénédiction de la ‘Amida commençant par le mot Retsé (« Agrée… »), parce que, dans cette bénédiction, nous demandons à Dieu qu’Il rétablisse le service du Temple ; c’est bien le lieu de mentionner la néoménie car, grâce au rétablissement du service au Temple, nous pourrons offrir les sacrifices additionnels propres à ce jour. Si l’on oublie de réciter Ya’alé véyavo au sein de la ‘Amida de Cha’harit, ou de Min’ha, on doit répéter sa ‘Amida (Chabbat 24a).

Si l’on s’aperçoit de son oubli immédiatement après avoir terminé la bénédiction Retsé, on dira à ce moment-là Ya’alé véyavo, puis on poursuivra en récitant la bénédiction suivante, Modim. Si l’on a commencé Modim, et que l’on s’aperçoive de son oubli avant de s’apprêter à reculer de trois pas, à la fin de sa ‘Amida, on reprendra au début de la bénédiction Retsé, puis on poursuivra la récitation de sa ‘Amida jusqu’à la fin. Ce que nous disons là ne concerne que les prières de Cha’harit et de Min’ha. En revanche, si l’on a oublié de dire Ya’alé véyavo dans la ‘Amida d’Arvit, et dès lors que l’on a prononcé le nom divin à la fin de la bénédiction Retsé, on ne se reprend pas. En effet, à l’époque du Temple, le beit-din ne proclamait pas le mois nouveau durant la nuit ; et s’il est vrai que, a priori, il faut dire Ya’alé véyavo dans la ‘Amida du soir, on ne reprend pas a posteriori sa ‘Amida, ni même une seule bénédiction, pour pouvoir inclure cet ajout (Berakhot 29b, 30b, Choul’han ‘Aroukh 422, 1)[13].


[13]. À Cha’harit et à Min’ha, si l’on doute d’avoir récité Ya’alé véyavo, on suppose qu’on ne l’a pas récité ; on doit donc se reprendre. Mais si, au cours de sa ‘Amida, on a formé l’intention de dire Ya’alé véyavo, et que c’est seulement après que l’on éprouve un doute, on ne se reprendra pas, car on supposera qu’on l’a dit (Michna Beroura 422, 10). Si l’on a oublié de réciter Ya’alé véyavo à Min’ha de Roch ‘hodech, et que l’on s’en aperçoive le soir suivant, qui se trouve être jour ordinaire : on récitera deux fois la ‘Amida d’Arvit : la première au titre d’Arvit, la seconde au titre de tachloumin [prière de rattrapage pour la ‘Amida immédiatement précédente, que l’on n’a pas dite, ou, comme ici, que l’on n’a pas valablement dite]. Simplement, avant de réciter la seconde ‘Amida, on formulera en son for intérieur la condition suivante : dans le cas où je n’aurais pas réellement l’obligation de dire une seconde ‘Amida à titre de tachloumin, que cette ‘Amida soit considérée comme prière additionnelle volontaire (nédava) (Choul’han ‘Aroukh 108, 11, Pniné halakha, La Prière d’Israël 18, 10).

Il est d’usage que l’administrateur de la synagogue (gabaï) annonce, avant la ‘Amida d’Arvit : « Roch ‘hodech ! », ou : « Ya’alé véyavo ! » (Choul’han ‘Aroukh 236, 2). En revanche, entre la bénédiction de la Délivrance (Gaal Israël) et le début de la ‘Amida de Cha’harit, il est interdit de s’interrompre. Aussi a-t-on l’usage de frapper deux coups sur le pupitre de lecture (bama) : le public comprend ainsi qu’on veut lui rappeler de réciter Ya’alé véyavo. De plus, certains ont l’usage d’élever un peu la voix quand ils arrivent, dans leur ‘Amida, à Ya’alé véyavo (Cheyaré Knesset Haguedola). Cf. Roch ‘Hodech 4, 2. Autre possibilité : l’officiant peut également terminer la bénédiction Gaal Israël sur la mélodie propre à Roch ‘hodech, afin de rappeler aux fidèles de réciter Ya’alé véyavo.

11. Ya’alé véyavo dans le Birkat hamazon

On doit également insérer le passage Ya’alé véyavo dans le Birkat hamazon (actions de grâce après le repas) ; et bien qu’il ne soit pas obligatoire de prendre un repas avec du pain, à Roch ‘hodech, il faut, en raison de l’importance du jour (où l’on apportait un sacrifice additionnel), mentionner la néoménie dans le Birkat hamazon, dans le cas où l’on fait un tel repas (Chabbat 24a, Tossephot ad loc.). Ya’alé véyavo s’insère dans la bénédiction Ra’hem (troisième bénédiction), parce qu’elle est une prière et une supplication, comme l’est Ya’alé véyavo.

Si l’on a oublié de réciter Ya’alé véyavo dans le Birkat hamazon, on ne se reprend pas, car c’est seulement les jours où l’on a l’obligation de prendre un repas avec du pain – comme à Chabbat et les jours de Yom tov –, que l’on se reprend dans le cas où l’on a omis de mentionner la sainteté du jour dans le Birkat hamazon. À Roch ‘hodech et à ‘Hol hamo’ed, en revanche, il n’est pas obligatoire de faire un repas avec du pain ; dès lors, il n’y a pas d’obligation, émanant de la sainteté de ces jours, à réciter le Birkat hamazon ; partant, si l’on a oublié Ya’alé véyavo dans le Birkat hamazon, on ne se reprend pas (Choul’han ‘Aroukh 424, 1)[14].

Si, ayant commencé son repas pendant Roch ‘hodech, on a eu le temps de manger la mesure d’un kazaït de pain avant le coucher du soleil, et que l’on ait continué son repas, même longtemps, après la tombée de la nuit, on récitera Ya’alé véyavo dans le Birkat hamazon, puisque le repas aura commencé à Roch ‘hodech (Choul’han ‘Aroukh 188, 10 ; certains, cependant, ne s’accordent pas avec cette directive : cf. Kaf Ha’haïm 43).

Si l’on a commencé son repas à la veille de Roch ‘hodech, et qu’on l’ait terminé après la tombée de la nuit : du moment que l’on aura mangé un kazaït de pain après l’entrée de Roch ‘hodech, on dira Ya’alé véyavo (Choul’han ‘Aroukh 271, 6, Michna Beroura 29)[15].


[14]. Toutefois, si l’on n’a pas encore commencé à dire la bénédiction Hatov véhamétiv (quatrième bénédiction du Birkat hamazon), on dira ce texte institué par nos sages : Baroukh ché-natan raché ‘hodachim lé-‘amo Israël lé-zikaron (« Béni soit Celui qui donna des néoménies à son peuple Israël, en souvenir ») (Choul’han ‘Aroukh 188, 7). Selon le Béour Halakha, on dira cette formule en mentionnant le nom divin et sa royauté : Baroukh Ata Ado-naï, Elo-hénou, Mélekh ha’olam, ché-natan raché ‘hodachim lé-‘amo Israël lé-zikaron (« Béni sois-Tu, Eternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui donna des néoménies à son peuple Israël, en souvenir »), de même que l’on prononce ceux-ci le Chabbat et le Yom tov. En revanche, le Kaf Ha’haïm 31 estime que l’on ne mentionne pas le nom divin ni sa royauté.[15]. Si l’on n’a pas mangé un kazaït de pain après la tombée de la nuit, le Choul’han ‘Aroukh estime que l’on dira néanmoins Ya’alé véyavo, à la manière de la règle applicable au Chabbat, que l’auteur expose en ce même paragraphe. Mais pour le Rama, on ne le dira point. Les A’haronim (décisionnaires postérieurs au Choul’han ‘Aroukh) sont partagés dans un autre cas : si l’on commence, le Chabbat, la sé’ouda chelichit (troisième repas), et qu’on la poursuive à l’issue de Chabbat, alors que commence Roch ‘hodech ; cf. Pniné Halakha, Chabbat 6, 3, note 5.

12. Récitation du Hallel

C’est une coutume du peuple juif que de lire le Hallel à Roch ‘hodech. Certes, si l’on s’en tient à la stricte règle, il n’y a pas d’obligation à le réciter à Roch ‘hodech, car cette obligation ne vaut que les jours appelés mo’ed (fête) et où il est interdit de travailler, tandis qu’à Roch ‘hodech, quoique ce jour soit appelé mo’ed, il est permis de travailler. Néanmoins, les communautés juives ont adopté la coutume de réciter le Hallel à Roch ‘hodech, afin de donner expression à la sainteté du jour, sainteté grâce à laquelle on peut s’élever au degré d’élévation nécessaire pour exprimer sa louange (hallel) à l’Eternel. Et pour qu’il soit manifeste que la lecture du Hallel, à Roch ‘hodech, est une coutume, et non une stricte obligation, on omet deux passages, qui font partie de sa version intégrale (le Hallel complet va du psaume 113 au psaume 118 ; dans le Hallel abrégé, on omet : Ps 115, 1-11 et Ps 116, 1-11).

Les Richonim (décisionnaires de l’époque médiévale) sont partagés quant à la bénédiction du Hallel. Selon Maïmonide et Rachi, puisque la lecture du Hallel à Roch ‘hodech est fondée sur une coutume seulement, il n’y a pas lieu de prononcer de bénédiction relative à cette lecture, car on ne dit pas de bénédiction pour l’accomplissement d’une coutume. Selon Rabbénou Tam, le Roch et le Ran, pour une coutume importante, telle que la lecture du Hallel, on prononce une bénédiction. En pratique, la coutume ashkénaze veut que, même si l’on prie seul, on dit la bénédiction du Hallel. Les Séfarades originaires de communautés établies en terre d’Israël et dans les pays voisins ont coutume de ne réciter aucune bénédiction pour le Hallel de Roch ‘hodech, même quand on prie en communauté. Dans la majorité des communautés séfarades d’Afrique du Nord, l’officiant prononce la bénédiction introductive et la bénédiction finale, à voix haute, et acquitte par-là l’ensemble des fidèles ; mais si l’on ne prie pas en communauté, on ne récite pas la bénédiction. Chacun continuera selon sa coutume.

Il faut s’efforcer de réciter le Hallel en communauté. Selon de nombreux décisionnaires, si l’on arrive à la synagogue en retard, en un moment où la communauté disent le Hallel, on le dira avec elle, et l’on récitera la Pessouqé dezimra seulement ensuite (Michna Beroura 422, 16, Yalqout Yossef 422, 8 ; selon le Kaf Ha’haïm 38, se basant sur Rabbi Isaac Louria, en revanche, il n’y a pas lieu de modifier l’ordre de sa prière)[16].


[16]. La question du Hallel à Roch ‘hodech est exposée au traité ‘Arakhin 10b et au traité Ta’anit 28b, références annotées par Tossephot, qui commente également Berakhot 14a sur le même sujet. Cf. Roch ‘Hodech 6 § 1-6 et § 20, ainsi que les notes ; sur le sens de cette coutume, notes 2 et 27. (Il existe d’autres circonstances justifiant la récitation du Hallel, autres que la sainteté du jour, telles que la célébration du secours divin ; ainsi de ‘Hanouka ; cf. ci-après chap. 4 § 6 et chap. 11 § 8).

En pratique, la majorité des Richonim estiment que l’on prononce la bénédiction du Hallel ; telle est l’opinion du Halakhot Guedolot, de Rabbi Yits’haq ibn Ghiyat, du Raavad, de Rabbénou Tam, du Roch et du Ran. Selon Rav Haï Gaon, Rabbénou ‘Hananel et les disciples de Rabbénou Yona, on prononce la bénédiction en communauté, mais non quand on prie seul. Cf. Beit Yossef et Choul’han ‘Aroukh 422, 2. Comme l’écrit le Choul’han ‘Aroukh, en terre d’Israël et dans les pays voisins, on a pris l’usage de ne pas réciter la bénédiction ; mais en Espagne, on avait l’usage de la réciter (Ran, Maguid Michné). Le Rama 422, 2 écrit que l’on a l’usage de la réciter, même si l’on prie seul, mais qu’il est préférable de la réciter au sein d’un minyan, afin d’être également quitte aux yeux de ceux qui pensent que l’on ne la récite qu’au sein d’un minyan.

Dans certaines communautés séfarades, comme celles du Maroc, de Tunisie, de Turquie, il était d’usage, encore il y a peu, que l’officiant prononce la bénédiction introductive, Baroukh Ata… vétsivanou liqro et ha-Hallel (« Béni sois-Tu… qui nous as sanctifiés par tes commandements et nous as prescrit de lire le Hallel »), et la bénédiction finale, Yehaleloukha (« Que toutes tes œuvres te louent… »), et que les fidèles répondent amen, s’acquittant ainsi de l’obligation de bénir ; en revanche, si l’on priait seul, l’usage était de ne point dire la bénédiction. C’est ce qu’en pratique écrit le Rav Chalom Messas dans Tévouot Chémech, Ora’h ‘Haïm 68. L’auteur précise qu’il avait lui-même coutume de réciter la bénédiction à voix basse, avec l’officiant. Le Rav Moché Kalfon Hacohen, président du tribunal rabbinique de Djerba, se prononce dans le même sens dans Berit Kehouna, Ora’h ‘Haïm 200, 5 et dans Choel Vénichal II 60. Se prononcent encore dans le même sens le Rav Falaggi, dans Kaf Ha’haïm 33, le Chalmé ‘Haguiga p. 224, le ‘Hessed Laalafim 422, 2, Cha’ar Hamifqad, et les responsa Miqvé Hamayim III 24. Chaque communauté poursuivra selon sa coutume.

Lorsque des membres de communautés différentes prient ensemble, il est bon, dans le cas où l’officiant n’a pas coutume de prononcer les bénédictions du Hallel, qu’un fidèle ayant, lui, coutume de les dire, les fasse entendre à haute voix, en formant l’intention d’acquitter par elles ceux des fidèles qui n’en ont point coutume. De cette façon, les fidèles s’acquitteront de leur obligation aux yeux des nombreux décisionnaires qui estiment qu’il faut dire la bénédiction ; et d’un autre côté, ils n’auront pas à craindre de réciter une bénédiction vaine. (Cf. Ye’havé Da’at IV 31, où l’auteur craint même qu’il ne faille point répondre cet amen, qui serait vain selon lui. Mais selon de nombreux autres décisionnaires, il n’y a rien à craindre, dès lors que l’on répond amen à la bénédiction d’une personne qui détient cette coutume de ses pères, coutume fondée sur d’importants décisionnaires. C’est ce que nous avons entendu de la part du Rav Mordekhaï Elyahou.)

Les tenants de toutes les coutumes s’accordent à dire qu’il faut s’efforcer de dire le Hallel en communauté. Aussi est-il préférable que le fidèle le récite au sein du minyan, même s’il n’a pas encore dit sa prière, plutôt que de le réciter seul après la prière, comme le dit le Beit Yossef 422, 2 au nom de Rabbénou Pérets ; de nombreux A’haronim le citent, comme nous le signalons ci-dessus et comme le rapporte le Roch ‘Hodech 23, note 44. Selon le Kaf Ha’haïm 422, 38, il n’y a pas lieu de modifier l’ordre de la prière.

13. Coutumes relatives à la récitation du Hallel

La récitation du Hallel doit s’accomplir debout, car elle est un témoignage sur la louange revenant à Dieu, or un témoignage se récite debout. A posteriori, si l’on a dit le Hallel en restant assis, voire couché, on est quitte de son obligation. Un malade qui ne peut se tenir debout dira, a priori, le Hallel en posture assise ou couchée (Choul’han ‘Aroukh 422, 7, Michna Beroura 28).

Il ne faut pas s’interrompre au milieu du Hallel, même en gardant le silence. Mais pour un important besoin – par exemple pour éviter que quelqu’un ne soit vexé –, on s’interrompt. De même, il est permis de s’interrompre pour répondre à des paroles consacrées (devarim chébiqdoucha)[d]. On doit lire le Hallel dans l’ordre, du début à la fin. Celui qui le lirait dans le désordre ne serait pas quitte de son obligation : il devra se reprendre, cette fois dans l’ordre, à partir de l’endroit où il a fait erreur (Choul’han ‘Aroukh 422, 4-6). Le bon usage est de lire le Hallel tranquillement, de manière agréable ; nombreux sont ceux qui ont coutume d’en chanter certaines parties.

Nos sages ont prescrit de le réciter tout de suite après la ‘Amida de Cha’harit. En effet, après avoir mentionné le thème particulier de Roch ‘hodech au sein de la ‘Amida, en insérant le passage Ya’alé véyavo, il est juste de continuer de louer et de rendre grâce à l’Eternel, pour avoir sanctifié Israël et les néoménies. A posteriori, on peut le dire toute la journée, car, si l’on s’en tient à la stricte obligation, toute la journée convient à la lecture du Hallel (Michna Méguila 20b).

On trouve des coutumes différentes quant à l’ordonnancement du Hallel : quels versets redoubler, quels versets sont d’abord récités par l’officiant, puis repris par l’assemblée. Toutes les coutumes sont bonnes, et chaque lieu poursuivra selon son usage (Souka 38a-39a ; Choul’han ‘Aroukh 422, 3).

Il est d’usage que l’officiant dise à voix haute les quatre premiers versets du psaume 118 : 1) Hodou l’Ado-naï ki tov, ki le’olam ‘hasdo (« Louez l’Eternel, car Il est bon, car sa grâce est éternelle »). 2) Yomar na Israël, ki le’olam ‘hasdo (« Qu’ainsi dise Israël : “car sa grâce est éternelle” »). 3) Yomerou na beit Aharon, ki le’olam ‘hasdo (« Qu’ainsi dise la maison d’Aaron : “car sa grâce est éternelle” »). 4) Yomerou na yiré Ado-naï, ki le’olam ‘hasdo (« Qu’ainsi disent ceux qui craignent l’Eternel : “car sa grâce est éternelle” »). Suivant la coutume ashkénaze, l’assemblée répond à l’officiant, par quatre fois : « Hodou l’Ado-naï ki tov, ki le’olam ‘hasdo ». Suivant la coutume séfarade, l’assemblée répète chacun des versets qu’entonne l’officiant[17].

S’agissant du redoublement de certains versets, l’usage s’est fixé, dans les dernières générations, de redoubler les versets depuis Odekha… (« Je te louerai, car Tu m’as exaucé… »), jusqu’à la fin du Hallel (Ps 118, 21-29). La raison pour laquelle on redouble ces versets est que, au début du psaume, chaque notion est énoncée deux fois, et que, à partir du verset 21, ce procédé de redoublement cesse. Nous poursuivons donc le procédé initié par le psaume, et redoublons les autres versets. De plus, ces versets ont été prononcés par David, Ichaï, père de David, et les frères de David, comme le raconte le Talmud (Pessa’him 119a) ; en raison de leur importance, on a voulu les énoncer deux fois.

Quant au verset 25 de ce même psaume 118, Anna Ado-naï, hochi’a na ; anna Ado-naï, hatsli’ha na (« De grâce, ô Eternel, secours-nous ; de grâce, ô Eternel, fais-nous réussir »), on le redouble de manière particulière : on dit d’abord sa première moitié deux fois, puis deux fois sa seconde moitié[18].


[d]. Au singulier, davar chébiqdoucha : « parole relevant de la sainteté ». Catégorie de prières et de bénédictions qui requièrent, en raison de leur importance, un quorum de dix personnes, telles que le Qaddich, la Qédoucha, Barekhou.

[17]. Le sidour de Rav Amram Gaon rapporte les deux coutumes, la première en tant que coutume d’Espagne, la seconde comme coutume ashkénaze. La coutume ashkénaze est également citée par Tossephot et le Ran sur Souka 38b, et c’est en ce sens que s’expriment le Tour et le Beit Yossef 422, 3. En écoutant le verset récité par l’officiant, les fidèles s’acquittent de l’obligation de le réciter, si bien qu’ils peuvent répondre Hodou… à la place dudit verset.

De nombreux A’haronim ont écrit que, puisque il est à craindre que les fidèles n’entendent pas correctement l’officiant, il est bon qu’ils disent, avec celui-ci, le verset considéré, en ayant soin d’en achever la lecture un peu avant lui, avant de lui répondre : Hodou l’Ado-naï… C’est l’avis du Maguen Avraham 422, 8, du Elya Rabba 13, du Ma’hatsit Hachéqel et du Michna Beroura 20. Cf. Roch ‘Hodech 6, 15.

[18]Selon la coutume séfarade, l’officiant récite la première moitié deux fois de suite, et les fidèles répètent après lui ; même chose pour la seconde moitié. Dans la coutume ashkénaze, l’officiant énonce la première moitié une première fois, les fidèles répètent après lui, puis l’officiant récite de nouveau cette première moitié une fois, et les fidèles répètent après lui ; même chose pour la seconde moitié. On pose la question suivante : nos sages n’enseignent-ils pas, au traité Méguila 22a, que l’on ne coupe pas les versets, sauf pour les besoins de l’étude des enfants ? Les tossaphistes résolvent cette question en Souka 38b, en précisant que ce verset fut dit [sur le mode responsorial, c’est-à-dire alterné] par les frères de David, d’une part, et par David d’autre part. Selon le Colbo, l’interdit de couper un verset ne porte que sur les versets du Pentateuque [et non sur ceux des Psaumes] (Maguen Avraham 422, 8). Le Maharcham, dans le Da’at Torah, explique que, sur le mode de la prière, il est permis de couper un verset. Cf. Roch ‘Hodech 6, 18, note 37.

La coutume ashkénaze veut que les fidèles tous ensemble récitent deux fois les quatre versets que sont Odekha…, Even…, Méet… et Zé… (Ps 118, 21-24). Dans de nombreuses communautés d’Afrique du nord, l’officiant énonce une fois chaque verset, puis les fidèles reprennent le verset une fois ; or nous avons pour principe que celui qui écoute est considéré comme s’il avait répondu (choméa’ ke’oné), de sorte que chacun est considéré comme ayant « dit » chaque verset deux fois.

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