Mo’adim

01 – Raison d’être de l’érouv tavchilin

Quand le Yom tov a lieu la veille de Chabbat, c’est une mitsva que de préparer, la veille de Yom tov, un érouv tavchilin[a], grâce auquel il sera permis de cuisiner, au feu ou au four, pendant le Yom tov, pour le Chabbat. L’érouv tavchilin est un mets cuit, que l’on prépare la veille du Yom tov et que l’on destine au Chabbat. Il est appelé érouv (jonction, mélange), parce que, par son biais, les mets de Yom tov et ceux de Chabbat sont considérés comme joints, mêlés les uns aux autres. Alors, de même qu’il est permis de cuisiner le Yom tov pour le Yom tov même, ainsi sera-t-il permis de cuisiner le Yom tov pour le Chabbat. Certes, si l’on s’en tenait à la seule norme toranique, il serait permis, même sans érouv tavchilin, de cuisiner le Yom tov pour le Chabbat ; mais les sages ont interdit de faire cela sans érouv tavchilin, afin de préserver l’honneur dû au Yom tov et l’honneur dû au Chabbat (Beitsa 15b).

Honneur dû au Yom tov : les sages ont craint que, s’il était permis de cuisiner le Yom tov pour le Chabbat sans limitation, les gens ne s’autorisassent des indulgences, et ne fissent de la cuisine le Yom tov pour un jour ordinaire, enfreignant ainsi un interdit toranique. Par conséquent, il n’ont permis de cuisiner du Yom tov pour le Chabbat que dans le cas où l’on initierait l’œuvre de préparation du Chabbat la veille de Yom tov, par l’effet de l’érouv tavchilin, de façon que tout ce que l’on préparera le Yom tov pour les besoins du Chabbat constituera la suite de ce que l’on avait débuté à la veille de Yom tov. Alors, lorsque les gens verront que, même pour les besoins de Chabbat, il est interdit de cuisiner sans érouv tavchilin, ils diront : « à plus forte raison est-il interdit de cuisiner le Yom tov pour un jour ouvrable ! » (telle est l’explication de Rav Achi dans la Guémara).

Honneur dû au Chabbat : les sages ont craint que, en se livrant aux préparatifs des repas de Yom tov, les gens n’oublient que le lendemain est Chabbat, et qu’ils ne terminent tous les plats succulents pendant Yom tov. Grâce à l’érouv tavchilin, que l’on doit préparer à la veille de Yom tov, ils se souviendront, au cours du Yom tov, qu’il faut garder de bons plats pour le Chabbat (telle est l’explication de Rava). Et puisque l’érouv tavchilin est le moyen d’honorer la fête et de se souvenir du Chabbat, c’est une mitsva pour tout Juif que de préparer un érouv tavchilin.

Il faut avoir soin de terminer le travail de cuisson des aliments destinés au Chabbat avant le coucher du soleil, afin que, fondamentalement, ce que l’on prépare le Yom tov puisse aussi être mangé le Yom tov même, par des hôtes susceptibles de venir[1].


[a]. Littéralement, « jonction des mets ». L’intention porte en pratique sur un mets servant à établir une « jonction » entre le Yom tov et le Chabbat qui le suit. Selon nos principes de translittération, nous devrions rendre ערוב par ‘érouv, l’apostrophe initiale figurant le ע. Mais « le ‘érouv » nous a paru moins euphonique que l’érouv.

[1]. Si la Torah avait interdit de cuire pendant Yom tov pour le Chabbat, l’érouv tavchilin institué par les sages n’aurait pu lever cet interdit. Les Amoraïm, en Pessa’him 46b, sont partagés quant au fondement de la règle. Selon Rabba, puisque, si des hôtes se présentaient pendant Yom tov, ils pourraient profiter de ce que l’on aura préparé pour Chabbat, il apparaît qu’il n’est pas certain que l’on a effectivement cuisiné pour le Chabbat ; par conséquent, on n’a point transgressé d’interdit de la Torah. Face à cela, selon Rav ‘Hisda, on ne retient pas ce « puisque » (ho’il), et quiconque destinerait à un jour ouvrable des plats qu’il cuisine le Yom tov est passible de malqout (flagellation), bien qu’il se puisse que des hôtes viennent et mangent pendant Yom tov ce qui a été préparé ; en revanche, celui qui cuisine le Yom tov pour le Chabbat ne transgresse par d’interdit toranique.

En pratique, la majorité des décisionnaires partagent l’avis de Rabba, et c’est la position du Rif, du Roch, de Na’hmanide, du Rachba, du Ran, du Séfer Mitsvot Gadol et du Hagahot Maïmoniot. D’autres tranchent comme Rav ‘Hisda : Rabbi Zera’hia Halévi, Rabbénou ‘Hananel, Rabbénou Ephraïm et Rabbi Yits’haq be-Rabbi Avraham. Des termes de Maïmonide, on peut déduire que, à ses yeux, la halakha tient compte de ces deux opinions (Beit Yossef 527, 1).

Tossephot (Pessa’him 46b ד »ה רבה), le Rachba et le Mordekhi écrivent que, selon Rabba, celui qui cuisine le Yom tov peu avant le coucher du soleil, de telle façon qu’il ne soit pas vraisemblable que des hôtes profitent du mets, enfreint un interdit toranique. D’après cela, le Maguen Avraham écrit, au début du chap. 527, que dans le cas même où l’on a préparé un érouv tavchilin, il faut avoir soin d’achever la cuisson des plats quand il fait encore grand jour, afin que, si des hôtes se présentent, ils puissent en profiter. C’est aussi l’avis de : Elya Rabba 527, 2, Choul’han ‘Aroukh Harav 1, ‘Hémed Moché 1, Michna Beroura 3, Ben Ich ‘Haï 96, 6 ; et c’est en ce sens qu’incline le Peri Mégadim.

À l’inverse, de nombreux décisionnaires autorisent à cuisiner jusqu’au coucher du soleil [moins le temps de tosséfet Chabbat, bien sûr]. Tel est l’avis de : Radbaz II 668, Richon lé-Tsion, Beitsa 2b, Choel Ouméchiv, deuxième édition II 10, qui s’appuient sur ceux des Richonim qui tranchent entièrement suivant l’opinion de Rav ‘Hisda, et sur l’avis de Maïmonide, lequel, estimant que Rabba est d’accord avec Rav ‘Hisda, tranche successivement comme Rabba (1, 15) et comme Rav ‘Hisda (6, 1). Selon le Peri Mégadim (introduction aux lois de Yom tov 1, 17) et le ‘Aroukh Hachoul’han 527, 3, telle est la coutume d’Israël que de cuisiner, le Yom tov pour le Chabbat, jusqu’au coucher du soleil.

De prime abord, dans la mesure où la majorité des Richonim pensent que la halakha suit Rabba, et où, selon eux, l’interdit est toranique, comment ne tiendrait-on point compte de leur avis ? Et comment se peut-il que tous les Richonim qui pensent comme Rabba n’aient pas averti qu’il faut cuisiner tant qu’il fait grand jour, afin qu’il soit techniquement possible de manger ces mets avant le coucher du soleil ? Peut-être y a-t-il lieu de dire que, en pratique, le mets sera presque toujours partiellement prêt pendant Yom tov ; en effet, il est évident que l’on commence à cuisiner avant l’allumage des veilleuses, et l’on veut encore mélanger et ajouter les épices nécessaires ; aussi a-t-on besoin d’anticiper, et de placer le mets sur le feu un temps significatif avant le coucher du soleil. De plus, il se peut que ces Richonim aient pris en compte l’opinion de Rav ‘Hisda ; alors, puisque le crépuscule [bein hachmachot, période qui sépare le coucher du soleil de la tombée de la nuit] est une période incertaine, appartenant peut-être au jour, peut-être à la nuit, le mets qui se trouve prêt à la fin du crépuscule a un statut doublement douteux (sfeq sfeqa) [a) la halakha va-t-elle d’après Rabba ou d’après Rav ‘Hisda ? b) ce mets a-t-il été achevé de jour ou de nuit ?], cas dans lequel on est indulgent.

En pratique, certains écrivent que, en cas de nécessité pressante, si l’on n’a pas eu le temps de cuisiner assez tôt, on pourra le faire jusqu’au coucher du soleil (cheqi’a) (Béour Halakha 527, 1 ד »ה ועל ; Rav Mordekhaï Elyahou, Maamar Mordekhaï p. 125 ; Chemirat Chabbat Kehilkhata 2, 14 ; ‘Hazon Ovadia p. 278). Le Or lé-Tsion III 22, 3 est rigoureux, mais il donne un excellent conseil : d’ajouter au mets un œuf, car cela cuit en quelques minutes ; et puisqu’il est permis de prévoir des quantités plus grandes que celles dont on a initialement besoin [ribouï chi’ourim, cf. ci-dessus, chap. 6, note 2], il sera permis de cuisiner, avec cet œuf, toutes les autres choses que contient la marmite ; cela, à condition que, avant de poser la marmite sur le feu, on mette dans celle-ci tous les ingrédients.

02 – Ce qu’est l’érouv tavchilin

L’érouv tavchilin est un mets (tavchil, aliment cuit), que l’on met de côté à la veille de Yom tov, et que l’on destine au Chabbat qui suit le Yom tov. Tant que cet érouv existe, il est permis, pendant Yom tov, de faire à l’intention du Chabbat tout ce qu’il est permis de faire à l’intention du Yom tov lui-même.

Le mets constitutif de l’érouv doit être un aliment susceptible d’être mangé avec du pain ; par exemple, de la viande, du poisson, des œufs, des salades cuites, un plat de pois, de la confiture cuite. Mais une chose qu’il ne convient pas de manger avec du pain – comme de la bouillie, des pâtes ou du riz – quoique cette chose soit cuite, ne convient pas pour l’érouv (Beitsa 16a, Choul’han ‘Aroukh 527, 4). Nombreux sont ceux qui ont pris coutume de mettre de côté des œufs, comme érouv, parce qu’ils se conservaient bien, même sans réfrigération, jusqu’au Chabbat (‘Aroukh Hachoul’han 527, 13).

Le mets constitutif de l’érouv peut être cuit à l’eau[b], ou grillé, ou poché[c], ou fumé. Même un aliment mis en conserve convient comme érouv, car toute conserve a un statut semblable à l’aliment cuit. Mais un aliment cru ne peut servir d’érouv (Beitsa 16b, Choul’han ‘Aroukh 527, 5, Cha’ar Hatsioun 25).

A priori, il est bon de mettre de côté, en plus du mets, un volume de kabeitsa de pain ; en effet, certains auteurs pensent que le mets mis de côté rend permise la cuisson à l’eau (bichoul), tandis que le pain rend permise la cuisson au four (afia) (Rabbénou Tam). Mais si l’on s’en tient à la stricte règle, on sera autorisé à cuisiner et à cuire au four pour Chabbat, même si l’on n’a mis de côté qu’un mets (Choul’han ‘Aroukh et Rama 527, 2-3).

De même qu’un mets du volume d’un kazaït peut servir d’érouv tavchilin à une personne seule, de même peut-il servir d’érouv tavchilin à tous les membres de la maisonnée. Celui qui prépare un érouv tavchilin pour tous les gens de la ville peut, lui aussi, acquitter tout le monde par un seul kazaït (Beitsa 16b, Choul’han ‘Aroukh 527, 3).

A priori, il est bon de préparer, comme érouv, un plat honorable et beau ; si c’est possible, il est bon de faire, en tant qu’érouv, une pleine marmite, que l’on cuisine la veille de Yom tov en l’honneur de Chabbat. Cependant, si l’on s’en tient à la stricte obligation, même si l’on met de côté des lentilles, restées dans le fond d’une casserole et que l’on avait fait cuire pour les besoins d’un jour profane, on est quitte de son obligation (Beitsa 16a, Choul’han ‘Aroukh 527, 6, Chné Lou’hot Habrit, Michna Beroura 8) ; cela, à condition que ce plat soit d’une mesure minimale d’un kazaït (environ le volume de la moitié d’un œuf).

Nombreux sont ceux qui ont coutume de manger le mets de l’érouv lors d’un des repas de Chabbat ; puisque ce mets a servi à accomplir une mitsva, il convient de continuer d’accomplir par lui la mitsva du ‘oneg Chabbat (la délectation sabbatique). On a ainsi coutume de prendre le pain de l’érouv comme second pain de la sé’ouda chelichit (troisième repas de Chabbat) et de le rompre alors (Michna Beroura 527, 11 ; 48).

Si l’on a commencé à manger du mets de l’érouv pendant Yom tov : tant qu’il en reste un kazaït, il reste permis de cuisiner, de cuire au four, et de préparer tout ce qui est nécessaire au Chabbat. Mais s’il ne reste pas même un kazaït, il est interdit de faire davantage de mélakhot, pendant Yom tov, à l’intention de Chabbat. Même si le pain réservé pour l’érouv est toujours présent, il ne peut servir d’érouv ; car la partie essentielle de l’érouv est le mets (Choul’han ‘Aroukh 527, 15, Michna Beroura 7).


[b]. Mévouchal : longuement cuit à l’eau.

[c]. Chalouq : ébouillanté ou brièvement cuit à l’eau.

03 – Dépôt de l’érouv tavchilin ; son efficacité

Voici comment on réserve[d] l’érouv tavchilin : on prend un mets cuit et un pain, et l’on récite la bénédiction : Baroukh Ata, Ado-naï, Élo-hénou, Mélekh ha’olam, acher qidechanou bémitsvotav, vétsivanou ‘al mitsvat ‘érouv (« Béni sois-Tu, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous as sanctifiés par tes commandements et nous a prescrit la mitsva de l’érouv »). On dira alors ce texte : Bedein ‘érouva, yehé charé lana léafouyé oulvachoulé oul-adlouqé charga, oulmé’bad kol tsarkhana, mi-Yom tov lé-Chabbat (« Par cet érouv, qu’il nous soit permis de cuire au four, de cuisiner, d’allumer des veilleuses et de faire tout ce dont nous avons besoin, du Yom tov pour le Chabbat »). On peut aussi le dire en hébreu : « Bezé ha’érouv, yehé moutar lanou lé-éfot oulvachel oulhadliq ner, véla’assot kol tsorkénou mi-Yom tov lé-Chabbat. »

Si l’on a l’intention d’abattre une bête, le Yom tov, pour la consommer Chabbat, ou de trier des aliments en vue de Chabbat, ou encore de piler des épices : a priori, il est bon de mentionner, au moment où l’on réserve l’érouv, les mélakhot que l’on a l’intention d’accomplir. Cependant, en pratique, même si on ne les a pas mentionnées, toute mélakha qu’il est permis d’accomplir le Yom tov pourra aussi être exécutée, ce jour-là, pour les besoins de Chabbat. En effet, dans la déclaration que l’on prononce au moment du dépôt de l’érouv, on dit bien : « Par cet érouv, qu’il nous soit permis… de faire tout ce dont nous avons besoin, du Yom tov pour le Chabbat[2]. »

Même si l’on n’a pas l’intention de cuisiner le Yom tov pour le Chabbat, on réservera un érouv tavchilin et l’on prononcera la bénédiction sur ce dépôt ; en effet, le propos essentiel de l’érouv est de donner la possibilité de cuisiner pendant Yom tov en vue du Chabbat, même si, en pratique, on ne cuisinera pas. De plus, grâce à l’érouv, on se souvient du Chabbat, et l’on se soucie de préparer des plats pour s’en délecter au trois repas sabbatiques. En outre, selon la majorité des décisionnaires, l’érouv autorise à allumer, le Yom tov, les veilleuses de Chabbat[3].

Grâce à l’érouv déposé par le maître ou la maîtresse de maison, tous les membres de leur maisonnée, ainsi que les invités qui dorment chez eux, sont autorisés à se joindre aux apprêts de la cuisine et de la pâtisserie en l’honneur du Chabbat. Le maître ou la maîtresse de maison est aussi autorisé(e) à nommer un des membres de sa maisonnée, ou l’un des invités, pour que celui-ci procède au dépôt de l’érouv pour le compte de tous. De même, pour ceux qui séjournent dans un hôtel cachère : puisqu’ils mangent la nourriture fournie par la cuisine de l’hôtel, l’érouv de l’hôtel est efficace à leur endroit, et tous les pensionnaires sont autorisés à allumer, le Yom tov, les veilleuses en l’honneur du Chabbat. De même, à la yéchiva : l’érouv de la yéchiva est efficace pour tous les étudiants présents, et pour ses invités[4].

On réserve l’érouv à la veille de Yom tov, et il est préférable qu’il consiste en un mets cuit la veille de Yom tov en l’honneur du saint Chabbat : par le biais d’un tel dépôt, on se souvient qu’il est interdit de cuisiner le Yom tov pour un jour profane, et l’on se souvient qu’il faut garder de belles portions pour le Chabbat. Mais si l’on réservait l’érouv avant la veille de Yom tov, le souvenir de ces choses s’estomperait. Toutefois, a posteriori, même si on l’a réservé longtemps avant la fête, l’érouv est valable, puisque l’on avait l’intention de faire de ce mets un érouv pour la fête. Même si l’on a formé l’intention de déposer un érouv pour plusieurs fêtes à la fois, cet érouv est efficace a posteriori, tant qu’il existe (Choul’han ‘Aroukh 527, 14).


[d]. Mani’him : littéralement on « dépose » l’érouv tavchilin.

[2]. Lorsqu’on récite le texte accompagnant le dépôt de l’érouv, on s’autorise par-là à faire, pour les besoins du Chabbat, toutes les mélakhot autorisées le Yom tov. C’est ce qui ressort du Choul’han ‘Aroukh 527, 12. Certains sont rigoureux : si l’on n’a pas mentionné explicitement telle mélakha que l’on a l’intention de faire, par exemple d’abattre un animal, il sera interdit de l’exécuter (Or Zaroua’, Rama 527, 20). D’autres pensent en revanche que, a posteriori, même si l’on a mis de côté l’érouv sans rien dire, l’érouv est efficace pour toutes les mélakhot (Yam Chel Chelomo, Touré Zahav). En pratique, a priori, si l’on projette de faire une mélakha qui n’est pas mentionnée dans le texte, on la mentionnera explicitement, et l’on ne se contentera pas de la formule oulmé’bad kol tsarkhana (« de faire tout ce dont nous avons besoin ») ; mais si l’on n’a pas fait cette mention, on s’appuiera sur les décisionnaires indulgents (Michna Beroura 63).

Selon certains, l’érouv tavchilin autorise seulement à préparer ce qui est nécessaire aux repas de Chabbat ; mais les autres préparatifs du Chabbat sont interdits ; et c’est, selon ces auteurs, la raison pour laquelle le Choul’han ‘Aroukh 528, 2 décide que, même si l’on a mis de côté un érouv tavchilin, il est interdit d’établir, pendant Yom tov, un érouv ‘hatsérot [jonction des cours, cf. Les Lois de Chabbat II chap. 29], ou un érouv te’houmin [jonction des zones d’habitation sabbatique], en vue du Chabbat (Maguen Avraham 2, Yam Chel Chelomo).

D’autres pensent, en revanche, que l’érouv tavchilin autorise l’accomplissement, pendant Yom tov et en vue de Chabbat, de tout ce qu’il est permis de faire le Yom tov pour le Yom tov lui-même. Or, puisqu’il est interdit d’installer, le Yom tov, un érouv ‘hatsérot ou un érouv te’houmin pour le Yom tov lui-même, il est également interdit de le faire pour Chabbat (Rabbi Aqiba Eiger, et c’est en ce sens qu’incline le Yechou’ot Ya’aqov 528, 1). Selon ces auteurs, il est permis à celui qui a mis de côté un érouv tavchilin de faire réchauffer de l’eau pour un bain rituel où l’on prévoit de s’immerger le Chabbat ; de même, il est permis de plier son talith ou d’enrouler un séfer-Torah, le Yom tov pour le Chabbat. Puisqu’il s’agit d’une controverse portant sur une norme rabbinique – si l’on s’en tient à la théorie du « puisque » (ho’il, cf. note 2 ci-dessus) –, le doute joue dans le sens de l’indulgence. C’est ce que pensent le ‘Héchev Haéfod II 65, le Or lé-Tsion III 22, fin du paragraphe 6, et le ‘Hazon ‘Ovadia p. 302.

[3]. Selon le Hagahot Guedolot, le Or Zaroua’, le Roch, le Rachba et le Ran, il est interdit d’allumer les veilleuses de Chabbat sans érouv tavchilin. Le Beit Yossef apprend des termes du Rif et de Maïmonide qu’il est permis d’allumer les veilleuses, même si l’on n’a pas d’érouv. Il est juste de tenir compte de l’opinion rigoureuse (Michna Beroura 527, 55, Kaf Ha’haïm 112). Cependant, au paragraphe 5 ci-après, nous apprendrons qu’a posteriori, si l’on n’a pas préparé d’érouv, les sages autorisent à allumer une veilleuse unique. Pour le Maamar Mordekhaï 527, 18 et le Kaf Ha’haïm 113, celui qui n’a pas l’intention de cuisiner le Yom tov pour Chabbat ne prononcera pas la bénédiction du dépôt de l’érouv ; en effet, nous avons vu que, pour les besoins de l’allumage des veilleuses, certains disent qu’il n’est pas nécessaire de disposer d’un érouv. Cependant, en pratique, on a coutume de dire la bénédiction, car c’est pour se donner la possibilité de cuisiner que l’on dépose un érouv (comme l’écrit le ‘Hout Chani p. 150). De plus, certains estiment que l’on tient compte de l’opinion de Rava, selon qui la raison d’être de l’érouv est de se souvenir du Chabbat (Touré Zahav 13, et c’est aussi ce qui ressort de plusieurs Richonim).

[4]. L’érouv du maître de maison exempte ceux qui « s’appuient à sa table » [qui dépendent de lui pour se sustenter pendant cette fête et ce Chabbat] (Yam Chel Chelomo, Michna Beroura 527, 56). Cela inclut aussi les enfants mariés qui viennent passer ces jours chez leur père (Echel Avraham du Rav Botchatch, ‘Hazon ‘Ovadia p. 277, note 8). La règle est la même pour toute famille invitée (Maamar Mordekhaï, Mo’adim p. 127). Même chose pour ceux qui séjournent à l’hôtel et pour les élèves de yéchiva, comme l’écrit le ‘Hout Chani p. 155. Sur toutes ces règles, on trouve des opinions contraires, que nous citons en Har’havot 8, 3, 5-7, mais leur théorie ne nous semble pas convaincante. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un cas de doute portant sur une norme rabbinique, cas dans lequel on est indulgent.

04 – Guedol ha’ir, l’autorité spirituelle de la ville

Bien que ce soit une mitsva pour chacun que de réserver un érouv tavchilin, c’est aussi une mitsva pour le guedol ha’ir (« le plus grand de la ville »), c’est-à-dire le rabbin local, que de déposer un érouv tavchilin pour tous les habitants du lieu. Grâce à son érouv, il sera également permis à ceux qui n’ont pas déposé d’érouv tavchilin – en raison d’un empêchement, ou d’un oubli – de cuisiner le Yom tov pour le Chabbat. De même, celui qui ne sait pas déposer l’érouv tavchilin pourra s’appuyer sur l’érouv que réserve le rabbin de la ville. Mais celui qui aurait pu réserver l’érouv, et a transgressé la règle en s’en abstenant, ne pourra pas s’appuyer sur l’érouv du rabbin local, puisqu’il aura manqué d’accomplir la mitsva de réserver l’érouv. De même, celui qui a oublié deux fois de suite de réserver son érouv aura, la deuxième fois, même statut que celui qui s’en est volontairement abstenu ; il ne sera donc pas autorisé à s’appuyer sur l’érouv du rabbin local. Mais si l’on a oublié une première fois, qu’on s’en soit souvenu la suivante, et qu’on ait de nouveau oublié la troisième, on n’est point assimilé au fauteur volontaire, et l’érouv du rabbin est efficace à son égard[5].

Afin que l’érouv soit utile pour tous, il doit appartenir à tous. À cette fin, il faut faire un acte de qinyan (acquisition). C’est-à-dire que le rabbin doit donner le mets constitutif de l’érouv à une autre personne, qui le hissera à la hauteur d’un téfa’h afin d’en faire l’acquisition au nom de tous les habitants de la ville, y compris du rabbin et de lui-même. Alors, lorsque le mets appartiendra à tous les habitants de la ville, le rabbin le prendra, fera la bénédiction sur lui, et dira : Bezé ha’érouv, yehé moutar lanou oulkhol bené ha’ir lééfot oulvachel oulhadliq ner, véla’assot kol tsorkénou mi-Yom tov lé-Chabbat (« Par cet érouv, qu’il soit permis à nous-même et à tous les habitants de la ville de cuire au four, de cuisiner, d’allumer les veilleuses, et de faire tout ce qui nous est nécessaire, du Yom tov pour le Chabbat »).

A priori, il est bon que l’on confie à un homme adulte, qui ne soit pas financièrement dépendant du rabbin, le soin de procéder à l’acte d’acquisition. A posteriori, la propre épouse du rabbin peut accomplir l’acte d’acquisition au nom de tous les habitants de la ville (Choul’han ‘Aroukh 366, 10 ; 527, 10-11).

L’érouv du rabbin est efficace pour quiconque se trouve à l’intérieur de la zone d’habitation sabbatique (te’houm Chabbat), même pour celui qui ne savait pas, au moment où l’érouv était déposé, qu’on le visait également ; du moment que l’on a connaissance, le Yom tov, du fait que le rabbin a réservé un érouv pour tous, on peut cuisiner pour le Chabbat en s’appuyant sur l’érouv rabbinique. Mais pour qui se trouve en dehors du te’houm sabbatique, l’érouv ne saurait être efficace, puisque l’on ne pourrait venir le manger. Même si une personne a déposé un érouv te’houmin[e], de sorte qu’elle pourrait venir manger l’érouv rabbinique, ce dernier ne saurait être efficace pour elle, car il est vraisemblable que le rabbin ne pensait pas à elle au moment de déposer l’érouv (Choul’han ‘Aroukh 527, 8-9).

En un lieu où il est connu que le rabbin a toujours soin de déposer un érouv en vue de tout le monde, celui qui a oublié de déposer son propre érouv peut s’appuyer là-dessus, sans autre vérification. Car il y a une présomption que le rabbin s’est souvenu de déposer l’érouv à l’intention de tous, et que, s’il avait oublié cela, il l’aurait fait savoir publiquement, afin que l’on ne fît pas l’erreur du cuisiner sur le fondement de son érouv rabbinique (Rama 527, 9).

Outre le rabbin local, chaque habitant de la ville est autorisé à déposer un érouv à l’intention de tout le monde, afin que, si le rabbin devait oublier de le faire, on puisse lui faire savoir, ainsi qu’au public, que l’on a soi-même déposé un érouv collectif, et que les gens puissent s’appuyer sur celui-ci. À cette fin, on devra veiller à ce qu’un autre homme lève d’un téfa’h le mets constitutif de l’érouv afin d’en faire l’acquisition pour le compte de toute la collectivité ; on dira alors le texte destiné à inclure tous les habitants de la ville (Michna Beroura 527, 32, Cha’ar Hatsioun 31).


[5]. Nous apprenons au traité Beitsa 16b que les plus grands des Amoraïm réservaient un érouv destiné à tous les habitants de leur ville, plus exactement pour tous ceux qui habitaient dans leur te’houm Chabbat (périmètre d’habitation sabbatique). Mais quand un habitant oublia deux fois de suite de déposer son propre érouv, l’Amora Chemouel lui dit la seconde fois que cet oubli était considéré comme une faute volontaire, et que son érouv rabbinique ne pouvait donc pas lui être utile. En effet, si l’autorité spirituelle de la ville acquittait aussi de leur obligation ceux qui auraient pu déposer un érouv, ou ceux qui négligent de le faire, cela reviendrait à annuler le décret des sages, faisant obligation à chaque chef de famille de prévoir un érouv, la veille de Yom tov – en l’honneur du Yom tov et afin que le Chabbat ne soit pas oublié (Roch et Choul’han ‘Aroukh 527, 7).

Quand donc est-on considéré comme fautif (pochéa’) à cet égard ? Selon le ‘Hayé Adam 102, 7, même si l’on a oublié deux fois qui ne sont pas consécutives, on est considéré comme fautif la seconde fois. Selon le ‘Aroukh Hachoul’han 527, 18, de nos jours, où les tracas se sont multipliés, celui-là même qui oublie deux fois de suite n’est point appelé fauteur, et seul celui qui s’est volontairement abstenu de déposer son érouv ne peut s’acquitter par l’érouv du rabbin local. L’opinion médiane est que celui qui oublie deux fois consécutives est considéré, la seconde fois, comme fautif (Kaf Ha’haïm 48).

Certains Richonim, il est vrai, estiment que le rabbin local peut aussi acquitter de leur obligation ceux qui, quoiqu’ils sachent déposer un érouv, voudraient s’acquitter par l’érouv rabbinique ; et que seul celui qui avait l’intention de déposer son propre érouv, et a oublié deux fois de le faire, est considéré la seconde fois comme fautif, et ne peut s’acquitter par l’érouv du rabbin local (Rachba, Méïri ; cf. Cha’ar Hatsioun 37-38 et ‘Hazon ‘Ovadia p. 291). Cependant, en pratique, puisque tout le monde a effectivement coutume de déposer son propre érouv, celui qui oublie deux fois consécutives est considéré comme fautif, et n’est pas rendu quitte par l’érouv du rabbin.

[e]. Jonction de la zone où l’on séjourne pendant Chabbat avec la zone où l’on souhaite se rendre ; cf. Les Lois de Chabbat II 30, 12.

05 – Quand il n’y a pas d’érouv tavchilin

Si l’on a oublié de réserver son érouv tavchilin, et que ce soit la deuxième fois consécutive que l’on a fait cet oubli, on est considéré comme fautif (pochéa’) à cet égard, et l’on ne pourra s’appuyer sur l’érouv déposé par le rabbin local. On ne le pourra pas non plus si, ayant oublié de déposer son érouv, on se trouve en un lieu où aucun autre Juif n’a déposé d’érouv pour tous. En ces cas, si l’on a, en sa ville, un bon voisin qui a déposé un érouv pour lui-même, on pourra donner à ce voisin ses aliments comme cadeau ; et puisqu’ils appartiendront alors au voisin, celui-ci pourra les cuisiner et les préparer en vue du Chabbat, puis donner de ces plats cuisinés à son ami, pour les besoins du Chabbat.

Si l’on se souvient, avant le repas de Yom tov, que l’on a oublié de faire l’érouv tavchilin, on pourra, au moment où l’on cuisine pour ce repas, remplir une grande marmite d’un mets qui suffise à la fois au Yom tov et au Chabbat. En effet, puisqu’on pose la marmite en une fois sur le feu, il n’y a pas d’interdit à augmenter la quantité des aliments. Mais après que l’on aura posé la marmite sur le feu, il sera interdit d’y ajouter quoi que ce soit pour les besoins du Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 503, 2 ; cf. ci-dessus, chap. 3 § 4).

Si l’on s’aperçoit de son oubli après que l’on a achevé de préparer le repas de Yom tov : en raison de l’honneur dû au Chabbat, les sages se sont montrés indulgents, permettant de cuire, pendant Yom tov, un pain unique, de cuisiner une marmite unique et d’allumer une veilleuse unique pour Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 527, 20, Michna Beroura 55).

Si, enfreignant la règle, un Juif a sciemment cuisiné, le Yom tov en vue de Chabbat, une quantité supérieure à ce que lui ont permis les sages, il sera néanmoins permis de manger, le Chabbat, ce qu’il a cuisiné, car il n’est pas à craindre que les gens apprennent, à son exemple, à agir ainsi. En effet, tout le monde saura que ce Juif a cuisiné de façon contraire à la halakha. Mais si, après avoir terminé de manger son repas de Yom tov, on a usé de ruse, en faisant mine de cuisiner encore une marmite pour Yom tov, sous le prétexte que, peut-être, des hôtes se présenteront, ou sous le prétexte que l’on veut manger davantage, il sera interdit à soi-même et aux membres de sa maisonnée de manger, pendant Chabbat, de ce que l’on aura cuit par cette manœuvre le Yom tov. En effet, si l’on était indulgent à l’égard de celui qui ruse ainsi, tout le monde aurait recours à cette ruse, et l’on oublierait l’institution de l’érouv tavchilin (Beitsa 17b, Maïmonide 6, 10, Choul’han ‘Aroukh 527, 23-24 ; cf. ci-dessus, chap. 7, note 3, ce qui est dit du ma’assé Yom tov, c’est-à-dire du produit d’une mélakha interdite exécutée pendant Yom tov).

Les décisionnaires sont partagés au sujet de celui qui, n’ayant pas encore mangé le second repas de Yom tov, mais ayant déjà achevé de préparer tous les plats nécessaires audit repas,  voudrait cuisiner encore des mets pour les besoins de Chabbat, et qui, pour qu’il lui soit permis de les cuisiner, forme l’intention d’en manger quelque peu pendant le repas de Yom tov. Certains disent que, puisque, en vérité, cette personne n’a pas d’intérêt réel à en manger pendant le repas de Yom tov, leur cuisson et leur consommation pendant ce repas doivent être considérées comme une ruse, de sorte que c’est interdit (Radbaz ; opinion rapportée sans mention d’auteur par le Choul’han ‘Aroukh 527, 21). D’autres l’autorisent, puisque, en pratique, on mangera quelque peu de chaque mets pendant le repas de Yom tov (Rama 503, 1, Maguen Avraham). Nombreux sont ceux qui ont coutume d’être indulgents, mais il est bon d’être rigoureux (Michna Beroura 503, 7 ; 11)[6].


[6]. Mais si l’on se trouve après le repas, tous les avis s’accordent à dire qu’il est interdit de cuisiner pour les besoins du lendemain, en usant de l’artifice consistant à manger du mets un kazaït pendant Yom tov ; car on considère qu’il s’agit d’une ruse (Choul’han ‘Aroukh 503, 1). Simplement, dans la mesure où, en pratique, on aura mangé un kazaït de ce plat pendant Yom tov, les A’haronim sont partagés quant au fait de savoir si le plat est interdit à celui qui l’a cuisiné et aux membres de sa maisonnée, suivant la règle applicable à la ruse (Michna Beroura 13).

01 – Date des fêtes et fondement de la coutume en diaspora

Selon la Torah, chacun des six jours de Yom tov doit être observé un jour seulement. Et tel est l’usage en terre d’Israël (Erets Israël). Mais pour la diaspora, les sages ont prescrit d’ajouter un jour, et donc de célébrer deux jours de Yom tov au lieu d’un. Ce second jour de fête est appelé Yom tov chéni chel galouyot (« second jour de Yom tov des pays d’exil »).

Pour expliquer le fondement de cette halakha, il faut d’abord préciser que toutes les fêtes sont fixées d’après le calendrier hébraïque : le premier jour de Pessa’h a lieu le 15 nissan, le septième jour de Pessa’h le 21 nissan, la fête de Chavou’ot à l’expiration du compte de l’omer, qui commence le 16 nissan, Roch hachana le 1er tichri, le premier jour de Soukot le 15 tichri, Chemini ‘Atséret le 22 tichri. Et puisque le mois hébraïque est fixé d’après le cycle lunaire, et que la durée de ce cycle est d’un peu plus de vingt-neuf jours et demi, il existe des mois pleins de trente jours et d’autres mois défectifs, de vingt-neuf jours. La mitsva veut que des gens qui ont vu la nouvelle lune à sa « naissance » (molad) dans la nuit du trentième jour du mois, viennent témoigner de cela au beth-din. Sur la base de leur témoignage, les juges rabbiniques consacrent le mois. C’est à ce propos qu’il est dit : « Ce mois sera pour vous… » (lakhem[a]) (Ex 12, 2) ; les sages expliquent que le Saint béni soit-Il montra à Moïse notre maître la forme de la lune à son renouvellement, et lui dit : « Ce témoignage sera remis entre vos mains » (lakhem) (Roch Hachana 22a). Lakhem (littéralement pour vous, à vous) désigne ici les juges ordonnés, qui ont reçu l’ordination de maître à disciple depuis Moïse notre maître (cf. Zemanim – Fêtes et célébrations juives vol. I 1, 1-2).

Après la sanctification du mois, des émissaires partaient aux quatre coins du pays, pour annoncer à quel moment le mois avait été consacré, et quels jours tombaient les fêtes (Roch Hachana 21b). Mais quant aux Juifs qui se trouvaient en diaspora, les émissaires n’arrivaient pas à les atteindre à temps avant la fête. Les premiers prophètes fondèrent donc à leur intention la coutume consistant à célébrer chaque fête deux jours durant, en raison du doute. Et c’est ainsi qu’agirent Ezéchiel et Daniel. Il se peut que, dès l’époque de Josué, fils de Noun, on ait eu coutume, en dehors de la terre d’Israël, de marquer deux jours de Yom tov en raison du doute (responsum de Rav Haï Gaon, Otsar Haguéonim, Yom tov 4, 2)[1].


[a]. Le verset dit : החודש הזה לכם ראש חדשים… (« Ce mois sera pour vous le premier des mois »). La dracha talmudique isole l’expression החודש הזה לכם (« Ce mois sera pour vous ») afin de faire sentir que la fixation des néoménies est confiée à Israël : le mois sera à vous.

[1]. On fêtait Roch hachana pendant deux jours, même sur la terre d’Israël, car Roch hachana tombe le jour même de la néoménie (Roch ‘hodech) ; et puisqu’on ne savait quand le beth-din consacrerait le mois, on prit pour usage constant de célébrer deux jours afin de sortir du doute. Ce n’est qu’à Jérusalem que l’on célébrait un seul jour de Roch hachana, si des témoins étaient venus le premier jour et que le beth-din ait eu le temps de consacrer le mois. Mais dans le cas où les juges n’avaient pas consacré le nouveau mois au premier jour, on continuait de célébrer Yom tov, le deuxième jour compris.

02 – Coutume observée à l’époque du second Temple

À l’époque du second Temple, une grande communauté juive demeura dans l’exil babylonien. Au début, on informait ses membres par des feux (produits à l’aide de grandes torches) du moment où le mois se renouvelait. Ainsi procédait-on : la nuit qui suivait le premier jour où l’on pouvait consacrer le mois, on postait des sentinelles au sommet des collines, de la terre d’Israël à la Babylonie ; et si le beit-din consacrait le mois, on montait au sommet du mont des Oliviers, où l’on allumait des feux, et où l’on attendait de voir que les sentinelles postées au sommet de l’Alexandrion eussent, elles aussi, allumé de tels feux. Ceux qui étaient au sommet de l’Alexandrion attendaient, quant à eux, que les sentinelles postées sur le troisième mont eussent allumé leurs feux ; et c’est ainsi que l’information passait, en une nuit, de montagne en colline, jusqu’à Babylone. Un jour, les Samaritains – qui reniaient l’autorité du beit-din – se mirent à allumer des bûchers afin d’induire en erreur les habitants de la diaspora. C’est ainsi que la coutume d’allumer des feux tomba en désuétude. Depuis lors, c’est par le biais d’émissaires que l’on fit savoir aux habitants de la diaspora le moment où le nouveau mois était consacré (Michna Roch Hachana 22b).

En tout endroit où les émissaires parvenaient avant la fête de Soukot, on fêtait un seul jour de Yom tov ; en tout endroit où les émissaires n’étaient point arrivés, on célébrait, pour toutes les fêtes, deux jours. Il faut savoir que, depuis Roch ‘hodech de tichri jusqu’à la fête de Soukot, les émissaires pouvaient marcher pendant dix jours ; car ils ne voyageaient pas à Roch hachana, ni le jour de Kipour, ni les jours de Chabbat. Tandis que, avant la fête de Pessa’h, ils pouvaient marcher douze jours, car ce n’est qu’aux jours de Chabbat qu’ils s’abstenaient de voyager. Par conséquent, il y avait certains lieux où les émissaires avaient le temps d’arriver avant la fête de Pessa’h, mais non avant la fête de Soukot. Or les sages décidèrent que, en tout endroit où les émissaires de tichri ne parvenaient pas avant Soukot, on marquerait deux jours de Yom tov, même à Pessa’h ; cela, afin de ne pas faire de différence entre les fêtes. Bien plus, ils décrétèrent que le septième jour de Pessa’h et Chemini ‘Atséret seraient, eux aussi, fêtés deux jours, bien que les émissaires fussent, entre-temps, parvenus en des lieux plus éloignés. Il a même été décrété que la fête de Chavou’ot, qui a lieu cinquante jours après le 16 nissan, serait célébrée deux jours en ces endroits. Le principe est donc le suivant : en tout endroit où les émissaires ne pouvaient parvenir avant le premier jour de la fête de Soukot, on célébrait deux jours pour toutes les fêtes (Roch Hachana 21a).

Cependant, le jour de Kipour n’était célébré qu’un jour, le premier des deux jours possibles ; en d’autres termes, le jour déterminé par le calcul selon lequel le mois d’éloul était défectif. Cela parce que, dans la très grande majorité des cas, les mois d’éloul et d’adar étaient défectifs ; or selon la Torah, on va d’après la majorité, de sorte que, fondamentalement, on n’a l’obligation de célébrer les fêtes que le premier jour, et ce sont les sages qui ont institué un deuxième jour pour chaque fête. Et puisqu’il est très difficile de jeûner deux jours de suite, les sages sont allés, quant au jour de Kipour, selon l’obligation fondamentale (‘iqar hadin), si bien que l’on ne célèbre Kipour qu’un jour[2].


[2]. Selon de nombreux auteurs, on va, si l’on s’en tient à la seule Torah, d’après la majorité ; il suffit donc de célébrer les fêtes au premier jour puisque, la majorité des années, les mois d’éloul et d’adar sont défectifs ; et ce sont les sages qui ont décrété la célébration de deux jours, pour tenir compte de la minorité. Mais quant au jeûne de Kipour, il est difficile de l’accomplir deux jours durant ; aussi, à cet égard, les sages sont-ils revenus à la stricte obligation (‘iqar hadin), de sorte qu’on ne le célèbre que le premier jour (Rabbi Yecha’ya A’haron zal, Ritva, Touré Even sur Roch Hachana 18a, Noda’ Biyehouda sur Yoré Dé’a I 57).

Il y a lieu d’expliquer que, pour toutes les fêtes, les sages ont été rigoureux, tenant compte de la minorité, car, les jours s’écoulant, la vérité apparaît, de sorte qu’il risquait d’apparaître que l’on avait fait le séder de Pessa’h un jour trop tôt, et que l’on avait recommencé à manger du ‘hamets le septième jour de Pessa’h. Cette réalité risquait d’anéantir le lien des communautés de diaspora avec la sainteté des fêtes (le cas ressemble à l’obligation de vérifier les adhérences des poumons avant de commencer à consommer la viande d’une bête, Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 39, 1). Et comme les sages savaient que, dans toute la diaspora, on ne jeûnerait que le premier jour, ils firent tous les efforts possibles pour que le mois d’éloul fût défectif (par exemple, ils avaient soin que le mois d’av fût plein, comme l’explique le ‘Hatam Sofer, deuxième édition, Beitsa 6a) ; au point que l’on put témoigner en pratique, que depuis l’époque d’Ezra le scribe jusqu’à la fin de la période tannaïtique, il n’y eut aucun cas dans lequel le mois d’éloul fût plein (Roch Hachana 19b). Cependant, à l’époque des Amoraïm, il y eut environ trois cas dans lesquels éloul fut plein (Roch Hachana 21a). Certains disent que l’on ne célébra pas pour autant Kipour deux jours, en raison de la crainte de porter atteinte à la vie de certaines personnes (Chéïltot, Raavia, Méïri). Il se peut que, de leur point de vue, il faudrait fondamentalement marquer deux jours, puisque chaque année est distincte de l’autre, et qu’il n’y a pas ici, comme dans le cas d’un mélange, de notion de majorité et de minorité. Ce serait la raison pour laquelle on a eu besoin d’expliquer que, si l’on ne célèbre pas Yom Kipour deux jours de suite, c’est en raison de la crainte que l’on a de porter atteinte à la vie de certains (cf. Encyclopédie Talmudique, entrée Yom tov chéni chel galouyot 22-39).

03 – Obligation de célébrer, par-delà les générations, deux jours en diaspora

Après la destruction du deuxième Temple, la présence juive en terre d’Israël alla en diminuant ; à l’inverse, la grande communauté juive de Babylonie alla en se renforçant. Malgré cela, l’autorité des sages d’Erets Israël en matière de sanctification des mois et de fixation des années embolismiques se maintenait. Ce n’est qu’en de rares circonstances – comme pendant la grande révolte –, lorsque la situation en terre d’Israël était terrible, au point que l’on ne pouvait plus consacrer les mois, que des juges (dayanim) ordonnés en terre d’Israël quittaient le pays, pour gagner un lieu où l’on n’avait pas promulgué de décrets funestes contre le peuple juif ; là, ces juges consacraient les mois et décidaient que telle année serait embolismique.

Avec le temps, les décrets romains s’accrurent ; dans de nombreux cas, ils visaient directement les sages d’Israël et la mitsva de sanctifier le mois ; jusqu’à ce que, vers la fin de l’époque des Amoraïm, à la fin de la vie d’Abayé et de Rava, le second Hillel parvînt à la conclusion que l’on ne pouvait plus continuer à ordonner des sages et à consacrer les mois par le biais du grand beth-din siégeant en Erets Israël. Et puisque cette autorité était placée entre ses mains – il avait en effet hérité la présidence du beth-din, en ligne directe, depuis Rabbi Yehouda Hanassi – il décida, avec son beth-din, de calculer d’avance les mois et les années, et ils les consacrèrent jusqu’à la fin des générations. Ainsi, en l’an 4119, suivant notre calendrier (359 selon le calendrier civil), le peuple juif commença à compter les mois suivant le calendrier hébraïque tel que le prince Hillel l’avait calculé et institué (cf. Zemanim – Fêtes et Solennités juives I, chap. 1 § 3, note 3).

À cette même époque, la question suivante se posa : puisque le calendrier annuel était à présent répandu parmi toutes les communautés juives dispersées en diaspora, il n’était plus à craindre qu’ils en vinssent à se tromper ; peut-être donc était-il possible de ne plus observer, en diaspora, qu’un seul jour de Yom tov, comme on le faisait en Erets Israël ? Mais les sages d’Erets Israël envoyèrent leur instruction aux juifs de Babylonie : prenez soin de continuer à observer la coutume de vos pères, de crainte que le pouvoir ne prenne contre vous de durs décrets et que les comptes ne se brouillent ; tandis que, en maintenant la coutume du second jour de Yom tov, vous ne pourrez faire erreur (Beitsa 4b). Les sages ont donc donné pour directive explicite de continuer à appliquer la coutume du second jour de fête de diaspora (Maïmonide, Qidouch ha’hodech 5, 5). Rav Haï Gaon a expliqué que, en plus de la crainte d’un décret hostile du royaume, la raison essentielle était que telle était la directive des prophètes que de toujours faire, en diaspora, deux jours de Yom tov. Or aucun beth-din ne peut annuler leurs paroles, parce que l’on ne connaît pas tous les motifs de leur directive. De plus, seul un beth-din supérieur – en nombre et en sagesse – à celui qui prit cette décision aurait autorité pour annuler celle-ci (Otsar Haguéonim, Yom tov 4, 2).

Comme dans toute la Torah, à l’aspect juridique correspond un aspect spirituel. En effet, en Erets Israël la sainteté se révèle davantage. Aussi, les fêtes peuvent-elles s’y manifester durant un seul jour, comme le prescrit la Torah. Mais ceux qui se trouvent en diaspora sont plus éloignés du dévoilement de la sainteté ; et pour intégrer la lumière spirituelle que portent les fêtes, ils ont besoin de deux jours, conformément à la directive des sages. Parabole d’une lampe-torche : lorsqu’elle éclaire un endroit proche, sa lumière est forte, et focalisée sur un petit périmètre ; tandis que, lorsqu’elle éclaire un endroit éloigné, sa lumière est faible et se disperse en une grande superficie. Ainsi de la lumière des fêtes : elle se révèle en terre d’Israël en un jour unique et concentré, tandis que, en diaspora, elle est plus faible et s’étend sur une durée de deux jours (Dérekh Mitsvotékha 114, 1).

04 – Où faut-il observer deux jours de Yom tov ?

Selon Maïmonide, la règle du second jour de Yom tov en diaspora ne dépend pas de la proximité du lieu avec Jérusalem : tout dépend de la coutume d’Israël, à l’époque où les émissaires partaient faire connaître la date de la sanctification du mois. En tout lieu où les émissaires arrivaient avant le premier jour de Soukot, même s’il se trouvait en dehors de la terre d’Israël, on continue d’observer un seul jour. En tout lieu où ils n’y parvenaient pas, même si ce lieu fait partie de la terre d’Israël, on continue de marquer deux jours. Dans le cas même où, du point de vue de la distance, les émissaires eussent pu arriver à temps, mais où, en pratique, ils ne s’y rendaient pas, parce qu’il ne s’y trouvait pas de communauté juive, ou en raison de l’endommagement des routes, il faut continuer d’observer deux jours, puisque, en fait, ceux qui se trouvaient là devaient marquer deux jours de Yom tov (Maïmonide, Qidouch ha’hodech 5, 9-12).

Mais selon le Ritva, depuis que fut annulée la procédure de consécration du mois au beth-din, la règle ne dépend plus des émissaires, mais des frontières d’Erets Israël. En effet, puisque la majorité des communautés de diaspora pratiquaient deux jours, et que la majorité des lieux inscrits à l’intérieur des frontières d’Erets Israël pratiquaient un seul jour, le beth-din du prince Hillel décida, au moment où il consacra les mois et les années d’avance pour toutes les générations, que l’on observerait systématiquement deux jours de Yom tov en diaspora, et que l’on observerait dans tous les cas un seul jour dans l’ensemble d’Erets Israël (Ritva sur Roch Hachana 18a, Souka 43a).

Bien que, au long des générations, il se trouva différents lieux d’Erets Israël qui eussent pour coutume d’observer deux jours de Yom tov, conformément à l’opinion de Maïmonide, la coutume qui fut adoptée, en halakha, est conforme à l’avis du Ritva ; et c’est aussi ce qui ressort des propos d’autres Richonim[3].


[3]. Selon le Ritva, en tout endroit de la terre d’Israël, on célèbre un seul jour, même si les émissaires ne s’y rendaient pas avant le premier jour de Soukot ; tandis que, en diaspora, on marque partout deux jours. C’est aussi ce qui ressort des propos de Rav Haï Gaon, de Rabbénou ‘Hananel, de Rabbi Zera’hia Halévi, du Ma’hzor de Vitry et d’autres sources encore. C’est aussi ce qu’écrivent, en pratique, Avné Nézer, Ora’h Haïm 392, 9, Tsits Haqodech 42, le ‘Hazon Ich, Ora’h ‘Haïm 132, 2, le Yaskil ‘Avdi VI Ora’h ‘Haïm 2. Des propos du Ritva, il apparaît que, à l’intérieur de l’ensemble des frontières de la terre d’Israël, jusqu’à l’Euphrate, on célèbre un seul jour. C’est aussi l’avis du ‘Ir Haqodech Véhamiqdach 3, 19, du Rav Goren dans Michnat Hamedina p. 161, du Tsits Eliézer III 23. À Alep, en Syrie (Aram Tsova), on a coutume de célébrer deux jours ; cf. Pniné Halakha, Ha’am Véhaarets [à paraître en français] 3, 16, où il est dit que, selon la majorité des Richonim, Alep ne fait pas partie des frontières d’Erets Israël. En revanche, tous les décisionnaires s’accordent à dire que le sud du Liban, jusqu’à Beyrouth, fait partie des frontières de la terre d’Israël.

S’agissant de la ville d’Eilat, un doute est apparu quant au fait de savoir si elle fait partie des frontières de la terre d’Israël, car, selon quelques commentateurs, ce que la Bible appelle Na’hal Mitsraïm (torrent d’Égypte) s’identifie avec le cours d’eau d’El-Arich, de sorte qu’Eilat se trouve au sud de sa partie principale. Mais en pratique, la halakha a été tranchée : Eilat fait partie des frontières d’Erets Israël, et l’on y fait un seul jour de Yom tov ; en effet, de l’avis même de ceux qui estiment que le Na’hal Mitsraïm est le cours d’eau d’El-Arich, il est vraisemblable qu’Eilat s’inscrive encore dans les frontières d’Erets Israël ; à plus forte raison la règle sera telle pour la majorité des commentateurs, qui pensent que le Na’hal Mitsraïm se situe au niveau du golfe de Suez (cf. Pniné Halakha – Ha’am Véhaarets 3, 15). C’est ce qu’écrivent en pratique le Rav Herzog dans Hékhal Yits’haq, Ora’h ‘Haïm 55, le Rav Frank en Miqraé Qodech, Pessa’h 2, 58, le Michpeté ‘Ouziel VIII 47, le Tsits Eliézer III 23.

05 – Lois du second jour

Le second jour (Yom tov chéni) est égal au premier (Yom tov richon) en toutes ses lois ; car toutes les directives que les sages ont prescrites, c’est à la manière même dont la Torah a légiféré qu’ils les ont prescrites. Par conséquent, tous les interdits qui pèsent sur le premier jour de Yom tov – ce qui inclut les interdits rabbiniques – pèsent également sur le second jour. De même, toutes les prières du second jour sont identiques à celles du premier jour. On y fait aussi le Qidouch sur le vin, et l’on prononce la bénédiction Chéhé’héyanou comme au premier jour (Choul’han ‘Aroukh 661, 1). À Pessa’h, on marque deux fois la soirée du séder, avec toutes ses mitsvot et bénédictions. Certes, de prime abord, on pourrait soutenir que, puisque c’est en raison du doute que l’on célèbre un second jour de Yom tov, on devrait s’abstenir pour tout ce qui concerne les bénédictions ; en effet, nous tenons que, en cas de doute portant sur une bénédiction, on s’abstient de la prononcer. Mais les sages ont prescrit de prononcer ces bénédictions, parce que, si l’on ne les récitait pas comme on les récite le premier jour, les gens en viendraient à mépriser le second jour (Chabbat 23a)[4].

Il faut se garder de préparer les choses nécessaires au repas festif, ou de dresser la table, du premier jour pour le second (Choul’han ‘Aroukh 503, 1 ; cf. ci-dessus, chap. 2 § 12). De même, il est juste d’allumer les veilleuses du second jour après la tombée de la nuit (tset hakokhavim), afin de ne pas préparer, pendant le premier Yom tov, de choses nécessaires au second. Celle qui allume avant le crépuscule (bein hachmachot) a cependant sur qui s’appuyer, puisque, dès ce moment, on tire quelque jouissance de la lumière que diffusent les veilleuses[5]. (Pour l’honneur dû à un mort, les sages ont été indulgents, en permettant de l’enterrer par le biais d’un Juif, comme nous l’avons vu plus haut, chap. 7 § 5.)


[4]. À Chemini ‘Atséret, en diaspora, on réside dans la souka, car ce jour est considéré comme sfeq chevi’i (« peut-être septième ») ; mais on ne dit pas la bénédiction sur la mitsva d’y résider, puisque l’on y observe les coutumes de Yom tov de Chemini ‘Atséret ; si donc on disait cette bénédiction, il y aurait contradiction entre coutumes (Souka 47a, Choul’han ‘Aroukh 668, 1), et peut-être en viendrait-on à mépriser les interdits de Yom tov (Ran). Certains ont pris l’usage de ne pas prendre tout le repas de Yom tov dans la souka, mais seulement le début. En matière de sommeil également, les décisionnaires sont partagés ; la coutume est de n’y pas dormir (Michna Beroura 668, 6). On ne fait pas la mitsva du loulav, à Chemini ‘Atséret, car dans son fondement, faire cette mitsva au-delà du premier jour est une règle rabbinique ; par conséquent, les sages n’ont point prescrit de prendre le loulav à Chemini ‘Atséret (Ran ; cf. Yom Tov Chéni Kehilkhato 1, 91 et note 280).

Un œuf pondu un premier jour de Yom tov, il est interdit de le manger tout au long de ce jour ; mais il est permis de le manger le second jour de Yom tov. Nous avons vu, en effet, que le fondement halakhique de l’institution du second jour, c’est le doute quant au jour où tombe la fête. Dès lors, si le premier jour est saint, le second est profane, et il n’y a pas d’interdit à manger cet œuf ; et si le premier jour est profane, il ne pèse aucun interdit sur l’œuf qui y a été pondu. À Roch hachana, les deux jours sont considérés comme un seul et long jour ; aussi, l’œuf apparu le premier est aussi interdit le second (Beitsa 4b, Choul’han ‘Aroukh 513, 5).

[5]. Le fils du Méïrat ‘Einaïm (Rav Yehochoua Falk) écrit au nom de sa mère qu’il est juste d’allumer les bougies après l’apparition des étoiles, afin de ne pas faire, pendant le premier Yom tov, de préparatifs en vue du second, comme nous le rapportons en Har’havot sur chap. 2, 2, 2. Et tel est l’usage, comme il apparaît en Michnat Ya’avets, Ora’h ‘Haïm 34, Pisqé Techouva 514, 19, Yom tov chéni kehilkhato 1, 14. Néanmoins, de nombreux auteurs ont écrit qu’il est permis d’allumer avant le crépuscule même ; ainsi de : Chné Lou’hot Habrit, Elya Rabba, Michna Beroura 514, 33. Il n’y a pas là de préparatifs, selon eux, puisque, dès le moment de l’allumage, on tire profit des veilleuses.

Cf. ci-dessus, chap. 2 § 12, où il est dit que, lorsque le Yom tov coïncide avec l’issue de Chabbat, il ne faut pas, a priori, prendre la sé’ouda chelichit (troisième repas) au cours des trois dernières heures du Chabbat. Si l’on a omis de prendre ce repas auparavant, on pourra le prendre après ; simplement, on s’efforcera de limiter sa consommation. Le premier Yom tov, il n’est en revanche pas nécessaire de mesurer sa consommation à l’approche du second Yom tov, car le second ne saurait faire échec à la mitsva du premier, comme l’explique le Hit’orerout Techouva II 53. C’est ce qu’écrit le Béour Halakha 529, 1 ד »ה בערב, contrairement à l’avis du Maguen Avraham 529, 1 et de ceux qui partagent son opinion, lesquels sont rigoureux en la matière.

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