Pniné Halakha

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Chapitre 09 – Interruption de grossesse

11. Grossesse imprévue ; crainte d’une grossesse consécutive à un viol

Quand une femme est tombée enceinte de manière imprévue, dans un cadre non matrimonial[c], il lui est interdit d’avorter : dès lors que le fœtus est en bonne santé, sans défaut, il est interdit de lui porter atteinte. Cependant, en cas de nécessité pressante, lorsque la grossesse risque de lui causer des difficultés psychiques, on peut être indulgent jusqu’au quarantième jour. Nous avons vu, en effet, que, selon la majorité des décisionnaires, avant le quarantième jour, les organes de l’embryon ne sont pas encore formés, et les règles sévères applicables au fœtus ne s’appliquent pas à lui (§ 4). Il est juste, en ce cas, de provoquer la fausse couche par le biais de médicaments ou d’un procédé semblable : de cette façon, l’avortement se fait par une médiation, et non de manière directe, de sorte que la gravité attachée ordinairement à l’avortement est moindre (comme nous l’avons vu, § 7).

Dès lors que le fœtus est parvenu à l’âge de quarante jours à compter de la fécondation, il est interdit d’avorter, même si la grossesse cause des difficultés psychiques à la mère. Dans le cas même où elle sait qu’elle ne pourra s’occuper de l’enfant, à cause de la honte éprouvée à l’égard de l’entourage, ou pour des raisons économiques, il demeure interdit d’avorter : elle devra le faire adopter. En effet, de l’avis même des décisionnaires indulgents en matière d’avortement, l’autorisation n’est donnée que dans le cas où le fœtus est malade, et où sa vie, s’il naissait, serait une suite de souffrances[d] ; mais dans le cas qui nous occupe, où l’enfant est en bonne santé, il est interdit d’avorter. On sait aussi qu’il existe nombre de bonnes gens qui souhaitent adopter des bébés ; de sorte que l’enfant confié par la mère pourra jouir d’une bonne vie. Toutefois, lorsque la mère est une jeune adolescente, et que, d’après l’estimation de ses parents et de ses éducateurs, si elle n’avortait pas, elle s’écarterait de la voie qu’elle s’était tracée, et il lui serait difficile de fonder une bonne famille, fidèle à la tradition d’Israël, il y a lieu d’interroger un rabbin spécialisé afin de savoir quelle conduite tenir.

En pratique, il ne devrait pas être nécessaire d’en arriver à un tel questionnement, car la solution la plus simple, pour la jeune fille violée ou séduite, est de se tourner immédiatement vers le médecin, afin qu’il lui prescrive une pilule « du lendemain », efficace quand elle est prise dans les trois jours suivant le viol ou le rapport. Le stérilet également, lorsqu’il est installé le jour suivant le viol ou le rapport, fait échec à la grossesse. Il semble que, d’après toutes les opinions, il soit permis à une femme violée de procéder ainsi, car il n’y a pas là d’élimination de l’embryon, mais seulement un empêchement de tomber enceinte. C’est ici l’occasion de rappeler combien il importe que le lien entre les filles et leur mère soit ouvert et confiant, afin que, dans des cas difficiles comme ceux-là, la jeune fille puisse se tourner vers sa mère pour lui demander de l’aide[11].


[c]. Cas, par exemple, d’une femme célibataire, divorcée ou veuve. Il n’est pas question ici d’une femme tombée enceinte à la suite d’une relation adultère, cas dont traite le paragraphe précédent.

[d]. Ainsi que dans le cas d’une grossesse adultérine, comme indiqué au paragraphe précédent.

[11]. Jusqu’à trois jours, on ne parle pas d’avortement mais de prévention de l’implantation. On trouve à cela un appui dans la Guémara : « Les trois premiers jours, l’homme demandera miséricorde afin que cela ne pourrisse pas » (Berakhot 60a). Rachi explique : « Afin que la semence ne pourrisse pas, mais  qu’elle soit intégrée et que se forme l’embryon. » C’est en ce sens que, en pratique, se prononce le Nichmat Avraham (‘Hochen Michpat 425, 1, note 27) au nom du Rav Chelomo Zalman Auerbach et du Rav Neuwirth. À notre humble avis, au sein de la période des quarante premiers jours, il est plus facile d’être indulgent durant les quatorze premiers, car alors le retour des règles n’est pas échu, et la grossesse est entièrement inconnaissable.

12. Préoccupations économiques ou liées à la santé de la mère

Nous l’avons vu (§ 1), quand la grossesse met en danger la vie de la mère, il lui est permis d’avorter.

Cependant, les décisionnaires sont partagés dans le cas où la grossesse, sans mettre en danger la vie de la mère, aggrave sa maladie. Par exemple, quand sa maladie des yeux ou des oreilles se renforce, au point qu’elle risque de devenir aveugle ou sourde si la grossesse se poursuit. De même, lorsque la grossesse entraîne l’aggravation d’une maladie qui, sans mettre les jours de la mère en danger, lui cause de terribles souffrances. Pour les tenants de l’opinion rigoureuse, il demeure interdit d’avorter (Igrot Moché, ‘Hochen Michpat II 69, Chévet Halévi VII 208 et IX 266). Pour les tenants de l’opinion indulgente, cela est permis (Torat ‘Hessed, Even Ha’ezer 42, 32, Michpeté Ouziel III ‘Hochen Michpat 46, Tsits Eliézer IX 51, 3).

Il arrive que la grossesse risque de causer, chez la femme, une maladie psychiatrique. Dans un tel cas, plusieurs décisionnaires estiment que, de l’avis même des tenants de la position rigoureuse, il est permis d’avorter, car une maladie psychiatrique fait partie des cas de danger pour l’intégrité de la personne. En effet, elle risque de mener la femme au suicide (Levouché Mordekhaï, ‘Hochen Michpat 39 ; Rav Chelomo Zalman Auerbach). Dans la dernière génération, des médicaments efficaces ont été créés, pour traiter une partie des maladies mentales ; aussi, quand, de l’avis d’un psychiatre, il existe des médicaments qui peuvent faire obstacle au danger, l’avortement n’est pas autorisé (Nichmat Avraham, ‘Hochen Michpat 425, 12).

De l’avis des décisionnaires indulgents, même quand il n’est pas à craindre que la maladie psychiatrique ne conduise au suicide, il est permis d’avorter, dès lors que la grossesse cause une très grande souffrance psychique. En pratique, pour toute question de ce type, il faut interroger d’abord un psychiatre craignant Dieu, puis, armé de son estimation, interroger un rabbin versé dans ces questions.

Il est interdit d’avorter pour des raisons économiques. Même lorsque les époux pensent que leur situation financière ne leur permet pas d’élever un enfant supplémentaire en leur foyer, il leur est interdit de procéder à l’avortement. Les décisionnaires indulgents eux-mêmes estiment que ceux qui recourent à l’avortement pour des motifs économiques ou sociaux enfreignent un grave interdit. Le Zohar dit de celui qui provoque l’élimination du fœtus qu’il contrarie l’œuvre du Saint béni soit-Il, provoque des pleurs dans les Cieux, et que, par sa faute, la Présence divine s’éloigne de la terre, et les malheurs se multiplient dans le monde (Zohar Chémot 3b, Tsits Eliézer VII 48, IX 51, fin du Cha’ar 3).

13. Quand une malade du cancer est tombée enceinte

Il est permis à une femme enceinte atteinte d’un cancer virulent d’avorter, car la grossesse entraîne une extension plus rapide de la maladie. Et bien que l’avortement ne puisse sauver sa vie, mais seulement ralentir le rythme d’extension de la maladie et allonger sa vie de quelques mois, il est permis d’avorter, car la vie de la mère a priorité sur celle du fœtus. Même une seule heure de sa vie est importante : on voit bien que l’on transgresse le Chabbat afin d’allonger la vie d’un malade ou d’un agonisant (Chéïlat Yechouroun 39). Il semble que les décisionnaires rigoureux eux-mêmes s’accorderaient à le dire. Bien que certains auteurs estiment qu’il est interdit, même en un tel cas, de procéder à un avortement direct, il reste permis d’accomplir les soins chimiothérapiques ordinairement prescrits en pareil cas, quoiqu’ils entraînent, indirectement, la mort du fœtus (cf. Nichmat Avraham, ‘Hochen Michpat 425, 1, note 15).

Toutefois, si la malade le veut, il lui est permis de garder l’enfant. Et bien que la poursuite de la grossesse ait pour effet de hâter sa propre fin, et qu’il soit obligatoire à chacun de faire tout ce qui est en son pouvoir pour prolonger sa vie, il demeure permis, dans ce cas, de prolonger la grossesse, car le but est de faire vivre le fœtus qui est en son sein (Tsits Eliézer IX 51, 3).

14. Grossesse multiple

Parfois, à la suite de traitements de fécondité, se déclare chez la femme une grossesse multiple. S’il s’agit de deux fœtus, cela ne présente pas de danger, car, même de façon naturelle, certaines femmes enfantent des jumeaux. Même quand il s’agit de trois fœtus, il n’y a généralement pas de danger ; on trouve, même de façon naturelle, des femmes qui enfantent des triplés. Mais quand il y a cinq fœtus ou plus, il y a un grand risque que tous meurent, ou naissent prématurément et souffrent de graves maladies.

Il est admis par la presque totalité des décisionnaires qu’il est permis de supprimer une partie des fœtus pour que les autres puissent survivre. Certains auteurs justifient cela en disant que chacun des fœtus est le « poursuivant » (rodef) des autres ; d’autres disent que les fœtus ne sont pas encore, à ce stade, considérés comme des personnes, de sorte qu’il est permis d’en supprimer une partie pour sauver les autres. Par conséquent, en cas de grossesse triple, ce n’est que dans des cas rares, quand un danger particulier est à craindre, qu’il est permis de supprimer un des fœtus. En cas de grossesse quadruple, il faut bien peser la situation. Dans la majorité des cas, il sera permis de supprimer un fœtus, et parfois, en cas de nécessité, deux fœtus. Quand il y a cinq fœtus, il est admis que l’on peut supprimer une partie d’entre eux afin d’assurer la survie des autres. Dans tous les cas, il faut recueillir l’avis d’un médecin craignant Dieu, et consulter ensuite une autorité rabbinique.

Il arrive, lors de grossesses doubles ou triples, que l’un des fœtus se développe lentement, et que, de l’avis des médecins, son maintien en vie risque d’entraîner la fausse couche des autres fœtus. En un tel cas, il est permis d’avorter de ce fœtus pour sauver les autres ; de plus, apparemment, ce fœtus ne pourrait de toute façon pas survivre[12].


[12]. Le Tsits Eliézer XX 2 autorise celle qui porte quatre fœtus à faire supprimer l’un d’eux, car les fœtus ne sont pas encore considérés comme des personnes, et l’avortement n’est généralement interdit qu’au titre de la défense de blesser et de détruire ; de sorte que, en cas de grande nécessité, il est permis de supprimer un fœtus. L’auteur rapporte avoir entendu que son ami le Rav Elyachiv autorisait cela. De même, le Rav ‘Haïm David Halévi autorise cela, en Mayim ‘Haïm 1, 61. Le Nichmat Avraham, ‘Hochen Michpat 425, 1, 30 rapporte que le Rav Chelomo Zalman Auerbach autorisait, en cas de naissance quadruple, à supprimer un ou deux fœtus, selon les cas, car chacun d’eux est considéré comme poursuivant l’autre. Dans le cas de jumeaux, quand l’un des deux fœtus ne se développe pas normalement, le Sia’h Na’houm 116 autorise à le supprimer pour sauver l’autre. Cependant, selon le Igrot Moché, ‘Hochen Michpat II 69, il semble que ce soit seulement dans le cas où le danger est proche de la certitude qu’il sera permis d’avorter du fœtus qui ne se développe pas normalement.

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