Les personnes atteintes de triso+-mie 21 sont affectées d’un chromosome supplémentaire, qui crée un retard mental et physique, à différents degrés, et se caractérise par des traits de visage et un aspect corporel particuliers. Parmi les malades de trisomie 21, il y a une plus grande fréquence de défauts et de maladies diverses, tels que des défauts cardiaques, le rétrécissement du duodénum, une tendance aux infections et à la leucémie.
Cependant, malgré cela, ces personnes peuvent vivre durant des décennies, et même parvenir à l’âge de cinquante ans. Le retard mental a pour effet qu’elles ne peuvent assurer, par elles-mêmes, leur subsistance ; elles auront besoin d’assistance et de soutien, à la manière de petits enfants. Dans la dernière génération, ont été développées des méthodes éducatives destinées à améliorer leurs capacités d’apprentissage et d’action, au point que certains d’entre eux parviennent à se marier et à habiter dans leur propre appartement (les hommes atteints de cette maladie sont stériles par nature). Toutefois, même dans les meilleurs cas, ils ont besoin de soutien et d’assistance, à la manière de grands enfants.
La question est donc de savoir s’il est permis d’avorter d’un fœtus atteint de trisomie 21.
Selon les décisionnaires rigoureux, de même qu’il est interdit de tuer un enfant atteint de trisomie 21, de même est-il interdit de le tuer à l’état fœtal. Et bien qu’il y ait, entre ces deux états, une différence de régime juridique – puisque celui qui tue un enfant est passible de mort, tandis que celui qui tue un fœtus n’est pas sanctionné pénalement –, l’interdit de tuer un fœtus est une subdivision de l’interdit du meurtre ; aussi n’y a-t-il pas lieu d’autoriser une femme à avorter d’un tel fœtus (Rav Moché Feinstein, Igrot Moché, ‘Hochen Michpat II 69).
Le Rav Chelomo Goren, s’il autorise l’interruption de grossesse dans le cas d’un fœtus porteur de la maladie de Tay-Sachs (parce que l’état d’un tel fœtus est très mauvais, et qu’il serait destiné, s’il naissait, à mourir au bout de peu d’années), ne l’autorise pas, en revanche, dans le cas d’un fœtus atteint de trisomie 21. Ce n’est que dans le cas où il est à craindre que, à la suite de sa naissance, l’équilibre familial ne soit ébranlé, et que la santé mentale d’un des parents ne soit menacée, que le Rav Goren autorise l’interruption (Torat Harefoua, p. 192).
De l’avis des décisionnaires indulgents, lorsqu’il est difficile aux parents de faire face aux difficultés liées à l’éducation d’un enfant atteint de trisomie, et que cela leur causerait une grande souffrance, il est permis d’avorter. En effet, selon eux, l’avortement n’est interdit qu’au titre de la blessure (‘habala) et de la destruction (hach’hata) ; et pour épargner une grande souffrance à l’enfant malade à naître comme aux parents, il est permis de recourir à l’avortement (Tsits Eliézer IX 51, 3 ; XIII 102, 6 ; XIV 101-102 ; Rav Israeli, ‘Amoud Hayemani 32). Nous l’avons vu (§ 3), en cas de nécessité pressante, on peut se fonder sur l’opinion des autorités indulgentes ; toutefois, dans le cas présent, le problème ne justifie pas toujours l’avortement. En effet, il y a des familles qui, malgré de grandes difficultés, réussissent à assumer le défi que constitue l’éducation d’un enfant trisomique ; et le fait qu’ils se mesurent avec ce problème concourt même à leur développement personnel. Aussi est-il nécessaire de prendre en considération ce fait quand on examine la situation de la famille ; et cet examen doit être fait après avoir pris conseil auprès d’un talmid ‘hakham (disciple des sages) particulièrement érudit[8].