La maladie de Tay-Sachs est une maladie héréditaire incurable. Elle provient du manque d’un enzyme dont la propriété est de transformer certaines matières. Ceux qui naissent avec cette maladie commencent, environ six mois après leur naissance, à présenter un retard dans leur développement corporel et mental. Par la suite, ils sont sujets à la cécité et à la paralysie, et, en conséquence, tous les malades de Tay-Sachs meurent au plus tard à l’âge de quatre ans. Grâce à des examens médicaux, on peut, de nos jours, savoir avec certitude si le fœtus est porteur de cette maladie. La question qui se pose est de savoir s’il est permis, en ce cas, d’avorter.
Selon les décisionnaires rigoureux, l’interdit d’avorter est une subdivision de l’interdit du meurtre ; et de même qu’il est interdit de tuer un homme malade, de même est-il interdit de tuer un fœtus malade. Il est donc interdit d’avorter d’un fœtus atteint de la maladie de Tay-Sachs (Rav Feinstein, en Igrot Moché II 69). C’est en ce sens que se prononcent le Rav Auerbach et le Rav Elyachiv. Cependant, dans le cas où la perspective de la naissance prochaine d’un enfant malade à un tel degré crée, chez la mère, un état psychique difficile, au point qu’il est à craindre qu’elle ne tombe malade, psychiquement parlant, ces décisionnaires eux-mêmes autorisent l’avortement, car une maladie psychique risquerait d’exposer la mère à un danger vital ; or la vie de la mère a priorité sur celle du fœtus (Nichmat Avraham, ‘Hochen Michpat 425, note 18 ; selon le Rav Feinstein, ce n’est que lorsqu’il est presque certain que la mère mourrait à cause de cela, qu’il est permis d’avorter).
Face à cela, de l’avis des décisionnaires indulgents, il est permis d’avorter d’un fœtus atteint de la maladie de Tay-Sachs, même lorsqu’il n’est pas à craindre que la mère tombe psychiquement malade. En effet, selon eux, l’avortement n’est, par principe, pas considéré comme un meurtre, mais comme une blessure. Par suite, il est préférable d’épargner à ce fœtus toutes les souffrances auxquelles il serait destiné, et il est bon pour lui-même qu’il ne naisse pas du tout. De même, il est préférable d’épargner à la mère cette terrible douleur de voir souffrir le fruit de ses entrailles, ses yeux se consumant sans pouvoir l’aider (‘Amoud Hayemani 32). Bien entendu, il est préférable de procéder à l’avortement aussitôt que possible ; toutefois, a posteriori, le Rav Waldenberg écrit que, jusqu’au septième mois, il est permis de procéder, en ce cas, à l’interruption de grossesse (Tsits Eliézer XIII 102)[7].
Nous l’avons vu (§ 3), en pratique, puisqu’il s’agit d’un cas de nécessité pressante, on peut s’appuyer sur l’opinion des décisionnaires indulgents (cf. § 8, au sujet de la foi que l’on peut accorder aux médecins).
Dans le cas de la maladie de Tay-Sachs, il y a lieu, de plus, d’associer à ces considérations, tendant à l’indulgence, l’idée selon laquelle, puisqu’un tel enfant est destiné à mourir avant l’âge de quatre ans, le principe qui veut que l’on « profane un Chabbat en sa faveur, pour qu’il puisse observer de nombreux Chabbats » – principe qui constitue le fondement de la profanation du Chabbat en vue de sauver un fœtus –, ne s’applique pas.