Joie et bénédiction du foyer

09. Pensées lascives à l’endroit de sa femme, selon qu’elle est pure ou nida ; autres sujets

Il est permis à un homme marié, lorsque sa femme est pure et qu’il a l’intention de s’unir à elle la nuit venue, de penser à des choses susceptibles d’éveiller le désir qu’il éprouve pour elle. En effet, il n’est pas à craindre qu’il en vienne, à cause de cela, à une impureté nocturne. Par contre, lorsque sa femme est impure, ou quand elle se trouve loin de soi, il est interdit d’entretenir des pensées excitant son penchant à son endroit, de crainte d’avoir à déplorer une impureté nocturne. Même quand sa femme est pure, l’homme doit avoir soin de ne pas lire, ni regarder, des choses susceptibles d’éveiller en lui des pensées fautives (hirhouré ‘avéra) – c’est-à-dire susceptibles d’éveiller en lui le désir de commettre une faute –, ou des pensées pouvant porter atteinte à son amour pour sa femme.

Afin de ne pas en arriver à commettre une faute, ou à la pensée de la faute, nos sages ont institué des limitations, destinées au temps où la femme est impure : durant cette période, l’homme ne rira pas ni ne sera frivole avec elle, ne respirera pas le parfum qu’elle porte sur sa peau ou sur ses vêtements, ne regardera pas les parties de son corps qui sont habituellement couvertes. Ils ne se tendront pas directement un objet l’un à l’autre, de la main à la main, ne mangeront pas seuls à la même table sans y avoir déposé un objet leur servant de signe, qui leur rappelle que toute relation physique est interdite entre eux. Ils ne mangeront pas dans la même assiette ; l’homme ne boira pas le reste du verre de sa femme, ni ne mangera les restes de son assiette. L’homme ne s’assiéra ni ne se couchera sur le lit personnel à son épouse, à moins que celle-ci ne soit hors de la ville. La femme ne fera pas le lit de son mari en sa présence (Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 195)[d].

Afin de ne pas fauter par des pensées pécheresses, il est interdit à l’homme de s’adonner à une activité susceptible d’exciter son mauvais penchant, c’est-à-dire de lui causer une érection, ou des pensées prolongées à l’endroit d’une femme particulière. Par conséquent, l’homme doit s’éloigner des lieux et des situations caractérisés par un manque de pudeur, qui risquent d’exciter son penchant au mal. Toutefois, cela est parfois rendu nécessaire, en raison des besoins de sa subsistance ; c’est par exemple le cas lorsqu’on poursuit des études universitaires, dans un cadre où la pudeur, au sens halakhique du terme, n’est pas observée. En ce cas, la règle est la suivante : s’il est possible d’étudier la même discipline dans un cadre où la pudeur est respectée, c’est une obligation de choisir ce cadre. Si l’étudiant n’a pas de possibilité d’étudier la discipline qui lui convient dans un cadre pudique, il lui est permis d’étudier dans un cadre où les règles de la pudeur ne sont pas observées, à condition qu’il estime que son mauvais penchant ne le dominera point. Mais s’il pense que son penchant au mal le dominera, il lui est interdit d’étudier là. En cas de doute, ou en cas de nécessité pressante, il faut consulter un sage de la Torah[14].


[d]. À plus forte raison est-il interdit aux époux de se toucher durant ces jours.

[14]. Le fondement de ces règles se trouve au traité Baba Batra 57b, où il est dit que celui qui se rend en un endroit où se trouvent des femmes dont la mise ne répond pas aux normes ordinaires de pudeur, par exemple au bord d’un fleuve [où elles font de la lessive, et où, en raison des difficultés de l’ouvrage, leurs propres vêtements sont quelque peu dérangés], est appelé racha’ (impie). Mais s’il n’y a pas d’autre chemin pour parvenir à sa destination, il lui est permis de passer par-là, et à lui s’applique le verset : « Il ferme les yeux pour ne pas voir le mal » (Is 33, 15). S’il existe un autre itinéraire, mais significativement plus long, cet itinéraire n’est pas considéré comme un chemin alternatif, et il est donc permis d’emprunter le premier, où la pudeur n’est pas observée (cf. ‘Avoda Zara 48b, Tossephot ד »ה הא איכא ; Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 142, 9).

Les décisionnaires écrivent que l’exemple donné par le Talmud sert de modèle général pour toute question relative à la pudeur, par exemple pour le cas de l’étudiant qui souhaite étudier à l’université, dans un cadre qui ne répond pas aux règles de pudeur, ou encore pour le choix d’un métier nécessitant, parfois, de s’occuper de femmes sans considération de la pudeur ordinaire – par exemple la médecine, dans certains de ses domaines, ou la kinésithérapie,  ou encore la psychologie. Dans tous ces cas, en effet, si la chose présente une grande nécessité – par exemple, si, grâce à ces études ou à ce métier, on peut prévoir que l’on gagnera mieux sa vie, ou que l’on obtiendra une plus grande satisfaction professionnelle et un plus grand développement de son potentiel, et si l’on estime que l’on ne sera pas dominé par son penchant au mal, de même que de nombreux autres, qui se livrent aux mêmes métiers, ne sont pas dominés par ce penchant –, il sera permis de se livrer à ces études ou professions. Bien sûr, on aura alors grand soin de ne pas enfreindre les interdits d’isolement (yi’houd : isolement avec une femme autre que la sienne). Mais si l’on estime que l’on sera dominé par son penchant au mal, c’est-à-dire qu’une telle étude ou profession aura pour effet de déterminer chez soi l’érection, ou de nombreuses pensées en direction des femmes que l’on sera amené à rencontrer dans le cadre de son travail ou de ses études, et que ces pensées n’aient pas de but matrimonial, on devra se choisir une autre profession. En cas de doute, ou en cas de nécessité pressante, on interrogera un sage de la Torah (cf. Igrot Moché, Even Ha’ezer I 56).

Il faut ajouter que, en toutes ces matières, on ne peut fixer de limitations identiques pour tous, car les différences entre personnes sont très grandes. Comme l’ont enseigné les sages, celui qui sait, en son for intérieur, que son penchant au mal lui est soumis, est autorisé à être indulgent sur des points où d’autres devront être rigoureux. Ainsi de Rav Guidel, qui instruisait les femmes au moment de leur immersion au bain rituel, pour leur indiquer comment s’immerger. Il disait que, en ces circonstances, les femmes étaient pour lui semblables à des oies blanches. De même, Rabbi Yo’hanan : il savait que les femmes qui sortaient de l’établissement de bain voulaient le regarder, afin qu’elles enfantassent des fils aussi beaux que lui ; aussi s’asseyait-il devant elles, à la porte de l’établissement, et ne craignait point d’être sujet au mauvais penchant (Berakhot 20a). On raconte aussi que Rabbi A’ha, afin de réjouir les nouveaux mariés, juchait l’épousée sur ses épaules et dansait : il disait que cela ne lui causait pas plus de pensées fautives que s’il eût porté une poutre sur son dos (Ketoubot 17a). À l’inverse, certains Tannaïm et Amoraïm craignaient beaucoup leur mauvais penchant, à l’exemple d’Abayé, qui, voyant qu’un homme et une femme avaient fait un long chemin ensemble sans avoir fauté, estima que, pour sa part, il eût pu fauter en une semblable circonstance, et en fut très affecté ; jusqu’à ce qu’un certain vieillard le consolât, et lui dît que cela n’était pas le signe de son infériorité, car en effet, « quiconque est plus grand que son prochain possède aussi un plus grand penchant au mal que lui » (Souka 52a). De même, Rabbi ‘Hiya bar Achi, même dans sa vieillesse, priait pour ne point tomber dans le pouvoir du penchant au mal. Or, quand sa femme se déguisa en prostituée, il eut envie de fauter avec elle ; et bien qu’il lui apparût finalement qu’il s’agissait de sa femme, il jeûna pour cela jusqu’à la fin de ses jours, parce que son intention avait porté sur un interdit. Dans le même sens, s’agissant de l’interdit de s’isoler avec une femme autre que la sienne, Rabbi Méïr demanda : « Mettez-moi en garde quant à ma propre fille » ; et Rabbi Tarfon demanda : « Mettez-moi en garde quant à ma belle-fille » (Qidouchin 81b).

Or, comme l’homme peut s’abuser lui-même, les Richonim et les A’haronim écrivent que l’on ne se fiera pas à soi-même, à moins d’être un homme grandement pieux, qui connaît son penchant (Ritva sur Qidouchin 82a, Séfer Mitsvot Qatan, mitsva n°30, Yam Chel Chelomo, Qidouchin 4, 25, Pit’hé Techouva, Even Ha’ezer 21, 3). Le Séfer Ha’hinoukh (mitsva n° 188) est plus rigoureux, et explique que ceux des Amoraïm qui se montraient indulgents à cet égard, pour les besoins d’une mitsva, étaient semblables à des anges ; « mais quant à nous, aujourd’hui, nous ne devons pas du tout percer de brèche, si petite soit-elle, en ces matières. » Et c’est en ce sens qu’il est convenu d’instruire les gens. Quoi qu’il en soit, quand il est question d’une situation raisonnable, dans laquelle de nombreuses personnes se dominent, la chose dépend de l’estimation de l’homme : plus il est sensible en ce domaine, plus il lui faut être rigoureux.

Il faut encore savoir, quant à toutes ces questions qui dépendent de l’éveil du mauvais penchant, qu’il y a une grande différence entre les jeunes gens et les adultes. Les jeunes gens, de par leur nature corporelle et psychique, s’éveillent rapidement à cela ; aussi doivent-ils s’entourer de précautions plus fortes. De même, un célibataire doit être plus prudent qu’un homme marié, car il ne peut pas encore exprimer sa passion physique selon la sainteté, dans le cadre de l’alliance matrimoniale.

10. Interdit de la masturbation féminine

Il est interdit aux femmes, elles aussi, de se stimuler elles-mêmes afin de parvenir au plus haut point de la jouissance. Cela, parce que cette passion doit être réservée à l’intensification de l’amour et de l’attachement entre l’homme et sa femme, et non utilisée pour satisfaire un désir égoïste. Certes, pour deux raisons, liées l’une à l’autre, cet interdit, à l’égard des femmes, est moins grave qu’à l’égard des hommes. Premièrement, chez les hommes, l’émission de semence porte atteinte à la mitsvat ‘ona, car la puissance virile est limitée : lorsque la semence est émise en vain, la volonté de l’homme de s’unir à sa femme est moindre ; et si le moment prévu pour l’union prend place le même jour, il arrive que l’homme ne puisse s’unir à sa femme, quand même il le voudrait. Chez la femme, en revanche, il n’y a pas tellement de limitation en cette matière : même après s’être conduite au sommet du plaisir, la femme pourra connaître un nouveau sommet auprès de son mari, et, quoi qu’il en soit, elle pourra au moins s’unir à lui. Deuxièmement, la semence de l’homme contient la possibilité même de la conception, tandis que, dans les liquides sécrétés par la femme par l’effet de l’excitation, aucune matière ne permet la conception. En effet, même après leur sécrétion, l’ovule présent dans l’utérus peut être fécondé comme avant.

Mais quoi qu’il en soit, il reste interdit aux femmes de se stimuler elles-mêmes, car tout ce plaisir doit être réservé au renforcement du lien entre époux.

Il existe une autre différence entre hommes et femmes : chez l’homme, l’excitation est relativement rapide, et tout contact du membre viril risque d’éveiller le mauvais penchant ; aussi les sages interdisent-ils à l’homme de toucher à son membre, de crainte qu’il ne vienne à émettre vainement de la semence (cf. ci-dessus, § 5) ; tandis que, chez la femme, un contact ordinaire à cet endroit ne crée pas tant d’excitation que cela, de sorte que les sages ont pu dire, en matière d’inspection du sang de nida : « Toute main qui, chez la femme, multiplie l’inspection, est digne d’éloge » (Nida 13a)[15].


[15]. Il ressort des propos de Rabbénou Tam (Tossephot, Nida 13a) qu’il n’est pas interdit aux femmes de se stimuler elles-mêmes à cet endroit intime ; c’est d’ailleurs ce qui permet aux sages de dire que toute main qui, chez la femme, multiplie ses inspections intimes, pour vérifier s’il se trouve du sang de nida, est digne de louange. C’est aussi ce qui ressort du Birké Yossef, Yoré Dé’a 335, 5.

Cependant, selon Na’hmanide, le Rachba, le Ritva, le Ran et le Méïri, il est interdit aux femmes de se satisfaire manuellement ; simplement, au cours d’un examen intime ordinaire, il n’y a pas d’excitation. L’interdit est conforme à ce que dit la Torah de la génération du déluge : « Toute chair avait perverti sa voie sur la terre » (Gn 6, 12). L’expression « toute chair » comprend également les femmes, car elles aussi avaient corrompu leur voie de cette manière. De plus, celle qui se laisse entraîner par le penchant au plaisir d’une façon désordonnée risque d’en arriver à des fautes supplémentaires. Quelles que soient les explications avancées par les différents auteurs, le fondement de l’interdit est commun : cela porte atteinte à l’alliance matrimoniale ; car tout cet ardent désir est destiné au renforcement de l’amour et de l’attachement entre l’homme et sa femme, dans le cadre de la mitsvat ‘ona, et à l’accomplissement de la mitsva de procréer (au chap. 5 § 3, la mitsva de procréation sera expliquée spécialement du point de vue de la femme).

Dans le même sens, le Torah Lichmah 504 écrit : « Nous trouvons dans le Cha’ar Hakavanot 10, Drouché halaïla 7 de Rabbi Isaac Louria – que la mémoire du juste soit bénie – ces paroles : “Sache que, de même que les démons proviennent de l’homme émettant sa semence en vain, lorsqu’il se trouve sans femme, de même la femme crée des démons [quand elle se satisfait] sans le concours de l’homme. Cela apparaît allusivement dans le verset (…) : Nul fléau [נגע, litt. nul contact] n’approchera de ta tente (Ps 91, 10) ; ce qui signifie : le fléau, qu’est Samaël (ange de la mort), entité mâle, n’approchera pas de ta tente (אהלך), c’est-à-dire de ta femme.” » Cependant, cela n’est pas aussi grave que l’émission vaine de semence chez l’homme ; aussi Rabbi Isaac Louria n’a-t-il pas institué un ensemble de jeûnes pour la corruption de semence féminine, comme il l’a fait pour l’homme. Et lorsqu’une femme ne parvient pas à éprouver de jouissance lors de l’union avec son mari, et qu’une spécialiste craignant Dieu conseille à cette femme de tenter de se stimuler elle-même, solitairement, il lui est permis de le faire, pour deux raisons : d’une part, la chose se fait dans le but de l’accomplissement de la mitsva ; d’autre part, en cas de nécessité pressante, on peut s’appuyer sur l’opinion de Rabbénou Tam et du Birké Yossef. (Cf. ‘Hidouché ‘Hatam Sofer, Nida 13a, d’où il ressort que l’auteur est indulgent pour une femme mariée qui pense à son mari.)

11. Interdit des pensées fautives chez la femme

De même qu’il est interdit à l’homme d’entretenir en son esprit la pensée de la faute, c’est-à-dire de s’imaginer en train de fauter, et à plus forte raison de projeter l’accomplissement de la faute, de même est-il interdit à la femme d’entretenir en son esprit la pensée de la faute, c’est-à-dire de s’imaginer accomplissant la faute d’adultère, ou de s’imaginer se rapprochant charnellement d’un homme autre que son mari, et à plus forte raison lui est-il interdit de projeter cela. Il est dit en effet : « Vous ne vous écarterez pas à la suite de vos cœurs et à la suite de vos yeux, après lesquels vous vous prostituez » (Nb 15, 39). Nos sages commentent : « À la suite de vos yeux : il s’agit de la pensée (hirhour) de la faute » (Berakhot 12b). Comme l’écrit le Séfer Ha’hinoukh (387), cette mitsva a cours « en tout lieu et en tout temps, pour les hommes comme pour les femmes. » Au chapitre 388, l’auteur ajoute : « Car à elles aussi, il est interdit d’entretenir des pensées de cet ordre à l’égard d’hommes autres que leur mari ; c’est en effet à l’endroit de leur mari qu’il convient qu’elles dirigent tout leur désir et toute leur aspiration ; et c’est ainsi que se conduiront les filles d’Israël cachères (convenables). »

Entretenir en son esprit la pensée de la faute n’a pas seulement pour effet de diminuer, chez la femme, l’amour qu’elle porte à son mari, et de rendre impure sa pensée par des choses interdites ; cela risque également de conduire la femme, par la suite, à un véritable adultère. Car telle est la voie du mauvais penchant : au début, il incite à penser à la chose, ensuite, il continue de rapprocher la personne de la faute, jusqu’à ce qu’il l’attrape en son filet, lui fasse commettre la faute d’adultère, et la conduise à perdre son monde. En ce domaine, hommes et femmes sont à égalité.

Certes, comme nous l’avons vu (§ 6), les hommes sont soumis à un autre interdit relatif à la pensée : c’est le fait d’entretenir des pensées entraînant l’érection du membre, ce qui peut les conduire à un accident nocturne. Il est même interdit à l’homme de penser à sa femme, quand elle est nida, d’une façon susceptible de lui causer une excitation. Chez la femme, en revanche, une telle crainte n’existe pas. Aussi lui est-il permis d’entretenir en elle la pensée de l’union, tant qu’elle ne pense pas à une union fautive (comme nous l’avons vu au § 6). De même, il est permis à la femme de penser à son mari quand elle est nida[16].


[16]. Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 352, 3 : « Un homme ne doit pas envelopper ni attacher dans son linceul une femme morte ; mais une femme peut envelopper et attacher un homme. » Le Sifté Cohen 2 explique : « En raison de la pensée fautive ; tandis que, chez la femme, il n’y a pas tant de pensée fautive. » Puisqu’il est question de défunts, il est évident que le risque n’est pas ici le fait de penser commettre l’adultère ; la crainte porte sur le fait d’entretenir des pensées qui conduisent à l’excitation et à la pollution nocturne. C’est ce qu’écrit le Igrot Moché, Even Ha’ezer I 69 ; et c’est ce qui ressort des propos du Birké Yossef, Yoré Dé’a 335, 5.

12. Homosexualité féminine

Il est interdit à une femme de se stimuler par le biais d’une amie, car ce plaisir physique doit être réservé à l’amour sacré reliant l’homme à sa femme, ainsi qu’à l’accomplissement de la mitsvat ‘ona et de la mitsva de croître et de multiplier. C’est à ce sujet que la Torah nous met en garde, quand elle dit : « Suivant les mœurs du pays d’Égypte, où vous avez résidé, vous n’agirez pas (…) et selon leurs lois vous n’irez pas » (Lv 18, 3). Nos sages enseignent que les actes du pays d’Égypte étaient les suivants : « Un homme épousait un homme, une femme épousait une femme, une même femme était mariée à deux hommes » (Sifra ad loc., Maïmonide, Issouré Bia 21, 8, Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 20, 2). Certains Tannaïm et Amoraïm estimaient qu’une femme qui avait eu de tels rapports avec une autre femme était considérée comme zona (« prostituée »), et qu’il était interdit à un cohen (prêtre) de l’épouser, ainsi qu’il est dit : « Une femme prostituée ou profanée, ils ne prendront pas ; une femme divorcée de son mari, ils ne prendront pas ; car il est saint pour son Dieu » (Lv 21, 7). Mais en pratique, les décisionnaires tranchèrent en disant que, bien qu’il s’agisse de débauche, la femme qui aurait fait cela n’est pas considérée comme « prostituée », statut qui lui interdirait en effet de se marier avec un cohen. Bien entendu, une femme mariée ne devient pas interdite à son mari parce qu’elle a eu de telles relations, puisqu’il n’y pas, dans cet acte, de pénétration à la manière de celle qui a lieu entre un homme et une femme (Yevamot 76a, Maïmonide, op. cit.)[17].


[17]. Yevamot 76a : selon Rav Houna, « les femmes qui se frottent (messolelot) l’une l’autre sont inaptes à la prêtrise. » Rachi commente : « Messolelot : à la manière de l’acte charnel d’un homme avec une femme, elles frottent leur orifice l’un à l’autre. Elles sont inaptes à la prêtrise : au titre de la prostitution (zenout). » (C’est aussi le sens de la seconde explication de Tossephot, Chabbat 65a, de Na’hmanide et du Rachba). Certains Richonim expliquent que, selon Rav Houna, la femme qui a de telles pratiques n’est inapte au mariage qu’à l’égard du Grand-prêtre (Cohen gadol), car celui-ci se doit d’épouser une femme vierge, or cette femme n’a pas une virginité intacte (Rachi sur Chabbat 65a, première opinion citée par Tossephot ad loc., ד »ה פסולות). Cependant, Rava enseigne que la halakha ne suit pas, à cet égard, Rav Houna ; et c’est, en pratique, en ce sens qu’est tranchée la halakha : la femme qui a eu de telles pratiques reste apte au mariage, même avec le Grand-prêtre.

De même, il est dit dans le Talmud de Jérusalem (Guitin 8, 8) : « Deux femmes qui se frottent l’une à l’autre, la maison d’étude de Chamaï les déclare inaptes, la maison d’étude d’Hillel les déclare aptes. » Le Pné Moché explique que, pour la maison d’étude de Chamaï, ces femmes sont rendues inaptes à la prêtrise. (Halakhiquement, il fut décidé que la règle ne suivrait pas Rabbi Eléazar : même une femme non mariée, qui a eu des relations charnelles avec un Juif sans lui être préalablement réservée par le biais des qidouchin, n’a pas pour autant le statut de prostituée [zona], et il est permis à un cohen d’épouser une telle femme, puisque, halakhiquement, elle aurait pu se marier avec ce Juif. C’est seulement dans le cas où la femme en question a eu des relations charnelles avec un homme auquel elle n’aurait pu être mariée, par exemple un non-Juif, qu’elle est interdite au cohen. De même, si elle a eu des relations charnelles avec un ‘halal [homme destitué de la fonction sacerdotale], elle est interdite au cohen. Choul’han ‘Aroukh, Even Ha’ezer 6, 8.)

De prime abord, il ressort de tout cela que les femmes qui ont ces pratiques enfreignent un interdit toranique ; c’est notamment ce qui semble ressortir du fait que l’inaptitude de ces femmes à la prêtrise fut envisagée ; c’est aussi ce que laisse entendre Maïmonide. Néanmoins, il n’est pas prévu pour cela de peine toranique de flagellation, car la Torah n’exprime pas cet interdit sous la forme d’une mitsva négative spécifique [il est seulement dit, en termes généraux, de ne pas imiter les mœurs égyptiennes]. C’est ce qu’écrit le Mabit dans son ouvrage Qiryat Séfer ad loc. C’est aussi l’avis du Levouch, Even Ha’ezer 20, 2. Cependant, le Qiryat Mélekh Rav 2, 26 écrit que l’interdit toranique ne porte que sur le fait d’agir ainsi de façon régulière, comme si ces femmes étaient mariées. Selon le Tour, tel qu’expliqué par Pericha 20, 11, l’interdit est rabbinique.

13. Homosexualité masculine

La Torah nous ordonne : « Avec un mâle, tu ne coucheras point comme on le fait avec une femme (michkevé icha), c’est une abomination » (Lv 18, 22). Il est dit, de même : « Un homme qui couchera avec un mâle, comme on le fait avec une femme, c’est une abomination qu’ils commettent : ils seront assurément mis à mort, leur sang retombera sur eux » (ibid. 20, 13). Avec une femme, deux possibilités d’accouplement existent : par voie naturelle (kedarkah) et par voie « autre que naturelle » (chélo kedarkah) ; c’est à cette double possibilité que fait référence l’expression plurielle michkevé icha (litt. « accouplements de femme »). L’expression chélo kedarkah fait référence au rapport anal. C’est donc ce que vise cet interdit de la Torah : il est interdit d’avoir un rapport anal avec son prochain mâle. Dès lors qu’il y a eu « dévoilement » (ha’araa), c’est-à-dire que le gland de la verge a pénétré dans l’orifice anal, les deux hommes ont transgressé l’interdit de la Torah, bien que toute la verge n’y ait pas pénétré, et bien qu’il n’ait pas encore été émis de semence par ledit membre. La transgression est constituée, à condition que la verge ait été en érection (Yevamot 55b, Maïmonide, Issouré Bia 1, 10 ; selon le Touré Zahav, l’interdit toranique est déjà constitué si une partie seulement du gland a pénétré dans l’anus ; selon le Noda’ Biyehouda, Even Ha’ezer 2, 23, ce n’est que si tout le gland y a pénétré que l’interdit toranique est constitué).

Cet interdit est si grave que ceux qui le transgressent encouraient la peine de lapidation. En effet, en tout endroit où il est dit « leur sang retombera sur eux » (deméhem bam), la peine que vise la Torah est celle de lapidation (Sanhédrin 54a, Maïmonide ibid. 1, 6).

La peine n’était applicable que dans le cas où les deux hommes avaient fait cela intentionnellement, en présence de témoins qui les avaient mis en garde – leur disant : « Ne faites pas cela, car si vous faisiez cela, vous seriez passibles de lapidation » Si, malgré cette mise en garde, les deux hommes passaient outre, et commettaient la faute en présence des témoins, ils étaient passibles de cette peine. En pratique, presque personne n’oserait commettre des péchés punissables de mort, à la face de témoins ayant pris soin de formuler une telle mise en garde, selon laquelle, précisément, la continuation de la faute serait punie de mort. Aussi, la mise à mort de personnes condamnées par le tribunal était extrêmement rare, au point que nos sages déclarèrent qu’un Sanhédrin (cour suprême) qui prononcerait une condamnation à mort tous les sept ans mériterait d’être appelé « tribunal exterminateur » (Michna Makot 1, 10). Par conséquent, la peine prévue par la Torah nous apprend la gravité de la faute, et dissuade les gens de la commettre sciemment, avec effronterie, devant témoins.

La faute de sodomie entre hommes est considérée comme particulièrement grave. En effet, parmi les quatre catégories de peine de mort pouvant être administrées par le tribunal, la lapidation est considérée comme la plus sévère. Parmi les autres unions interdites punies de lapidation, on trouve : le fait de s’accoupler avec sa mère, ou avec la femme de son père, ou avec la femme de son fils (sa belle-fille), ou avec un animal domestique ou sauvage ; ainsi que le fait, pour une femme, de s’accoupler avec un animal, domestique ou sauvage (Maïmonide, Issouré Bia 1, 4). Ceux qui commettent une telle faute intentionnellement, mais sans témoins, sont punis de retranchement (karet) par le Ciel.

Outre l’acte interdit lui-même, nous avons vu (§ 6) que la Torah interdisait aussi de penser à accomplir la faute d’union interdite, ainsi qu’il est dit : « Vous ne vous égarerez pas à la suite de vos cœurs, et à la suite de vos yeux, après lesquels vous vous prostituez » (Nb 15, 39), ce que nos sages ont commenté : « À la suite de vos yeux : c’est la pensée de la faute » (Berakhot 12b). En plus de cela, celui dont le penchant au mal se trouve excité par les liens qu’il est amené à entretenir avec tel homme doit se garder d’arriver, à cause de cela, à une émission séminale vaine, émission qui, de l’avis de nombreux décisionnaires, est toraniquement interdite (comme nous l’avons vu au § 1). De même, on ne se liera pas avec un ami dans le but de s’exciter soi-même : le seul fait de se causer à soi-même une érection constitue la transgression d’une norme rabbinique (Nida 13b). On se conduira, avec ses amis, de façon normale, comme à l’égard de tout ami, et l’on aura soin de ne pas entrer en érection.

14. Causes pouvant donner lieu à l’apparition de ce penchant

Parmi le public non pratiquant, nombre de personnes pensent que ceux qui désirent ardemment avoir des relations homosexuelles sont nés avec cette caractéristique, et qu’ils ne peuvent la changer. Aussi, d’après eux, celui qui a cette tendance doit suivre les inclinations de son cœur, et il ne faut évidemment pas le critiquer pour cela. Cependant, selon la Torah, même quand un homme a une forte tendance à cela, l’interdit garde toute sa validité, et c’est une obligation que de surmonter son penchant, de même que ceux qui ont envie d’avoir des relations adultères avec une femme mariée ont l’obligation de surmonter ce penchant. Toutefois, la justice céleste tient compte de la difficulté de l’homme à surmonter son penchant ; et plus son penchant est fort, plus légère sera la sanction.

Même si nous devions admettre que cette singularité est une tendance innée, il n’en serait pas moins certain que le climat social et moral exerce, à cet égard, une grande influence, non moindre que la tendance innée. Il est de fait que, dans l’histoire, il y eut des civilisations dans lesquelles ce phénomène était très répandu, au point même que la majorité des hommes commettaient cette faute. En revanche, au sein du peuple juif, lorsque les conditions sociales encourageaient des liens matrimoniaux sains entre homme et femme, et interdisaient les relations charnelles entre hommes, la tendance homosexuelle masculine ne se manifestait presque pas. La Michna enseigne ainsi : « Rabbi Yehouda a dit : “(…) Deux hommes célibataires ne dormiront pas sous le même talith ; mais la communauté des sages (les ‘Hakhamim) l’autorisent » (Qidouchin 82a). La Guémara explique que Rabbi Yehouda est rigoureux, en la matière, « de crainte que ces hommes n’en viennent à la faute ». Il faut savoir que, jadis, on avait l’usage de dormir sans vêtement, de sorte que Rabbi Yehouda interdit aux hommes célibataires de dormir nus sous la même couverture. Quant aux ‘Hakhamim, ils autorisent cela, « parce que les Juifs ne sont pas suspects de relations homosexuelles » ; en d’autres termes, le phénomène était si rare que, selon les ‘Hakhamim, il n’était pas nécessaire d’édicter de décret préventif à cet égard. De même, en matière d’isolement : on sait qu’il est interdit à un homme de s’isoler avec une femme (autre que la sienne) dans une pièce fermée, de crainte d’en venir à la faute. Mais s’agissant de deux hommes, être isolés dans une même pièce fermée est chose permise. Certains sont rigoureux envers eux-mêmes, à cet égard : il s’agit d’une mesure de piété (‘hassidout), se situant au-delà de la stricte obligation. C’est en ce sens indulgent que tranche le Choul’han ‘Aroukh (Even Ha’ezer 24, 1), qui ajoute cependant : « Mais en ces générations, où abonde la débauche, il y a lieu de s’éloigner de l’isolement avec un mâle. » Ces paroles visaient ce qui était alors fréquent dans les pays d’islam. Mais les grands maîtres ashkénazes écrivirent que, dans leurs pays, on ne voyait pas que des Juifs fussent suspects à cet égard, et qu’il n’y avait donc pas lieu d’être rigoureux en matière d’isolement (Baït ‘Hadach). Bien plus : selon certains, il est interdit d’être rigoureux à cet égard, car ce serait présomptueux (Yam Chel Chelomo, Qidouchin 4, 23). En revanche, s’agissant du fait de dormir sous une même couverture, les grands décisionnaires ashkénazes sont partagés : certains sont rigoureux (‘Helqat Me’hoqeq, Beit Chemouel), d’autres sont indulgents (Yam Chel Chelomo) ; en pratique, jusqu’à ces dernières générations non incluses, on avait coutume d’être indulgent à cet égard (‘Aroukh Hachoul’han 24, 6).

Puisqu’il est difficile de croire que la nature essentielle des hommes ait changé, on est forcé de conclure que, s’agissant même de ceux qui étaient nés avec une telle inclination, celle-ci ne se concrétisait pas, tant qu’ils vivaient dans le milieu social ordinaire, durant de nombreuses générations, dans les communautés juives. De sorte qu’il n’était pas à craindre que ces hommes fautassent, même quand ils dormaient avec un camarade dans une chambre fermée, sans vêtements, sous une même couverture.

Nous ne savons pas ce qui a changé dans la dernière génération, qui convainc certains hommes que, par leur nature innée, leur attirance se porte uniquement sur des personnes de même sexe – et les convainc encore de n’avoir aucune possibilité de choix à cet égard. Est-ce la liberté, devenue un fait central dans nos vies, qui, à côté de ses avantages, a également permis à toutes les tendances, autrefois cachées dans les replis du psychisme, de se matérialiser ? et, dès lors qu’elles se seraient matérialisées, il serait devenu plus difficile de les surmonter ? Peut-être le mouvement féministe, en créant une certaine tension, une lutte entre les sexes, aurait-il contribué à une confusion identitaire parmi certains hommes, et à la crainte de se lier amoureusement à une femme ? Il existe des dizaines d’autres suppositions et explications de cet accroissement du phénomène. Il est vraisemblable que cette période passera, que l’on trouvera le moyen d’approfondir davantage le lien matrimonial, dans la sainteté, l’amour et la joie, comme l’ordonne la Torah, et que, de cette façon, le désir de cette faute déclinera de beaucoup.

Il importe de savoir que, parfois, la souffrance, la frustration et la honte qui accompagnent cette tendance sont si dures que certains jeunes choisissent de mettre fin à leurs jours, tant leur douleur est grande. Aussi faut-il guider les hommes et les femmes qui éprouvent une telle attirance, les inviter à en parler avec leurs parents, leur rabbin ou leur moniteur ; premièrement, afin qu’ils se libèrent quelque peu de la souffrance qu’ils endurent ; deuxièmement, afin de trouver le meilleur moyen d’affronter le problème.

15. La mitsva du mariage

Les mitsvot de la Torah incombent à tout Israël. Aux hommes et aux femmes qui sont attirés par des personnes de même sexe, eux aussi, s’applique le commandement de se marier, et d’accomplir la mitsvat ‘ona, dans l’amour et la joie, ainsi que de croître et multiplier.

De même que, dans les générations précédentes, presque personne ne s’abstenait de se marier en raison de cette tendance, on peut supposer que, dans notre génération également, malgré les différences périphériques, de nombreuses personnes éprouvant une attirance pour une personne de même sexe peuvent surmonter leur penchant, et fonder une famille, dans l’amour et la joie. De même, il est bien connu que de nombreuses personnes éprouvant une attirance pour les individus de même sexe sont capables de manifester une attirance pour un individu de sexe opposé. À ceux à qui la chose est difficile, incombe la mitsva de s’efforcer, par tous les moyens possibles, de réorienter leur inclination dans le sens voulu par la Torah, afin d’être en mesure de construire une vie de couple fidèle, conformément à la loi de Moïse et d’Israël.

En pratique, tant qu’un homme ressent qu’il ne pourra pas se lier à une femme, en s’engageant à l’aimer et à la réjouir comme il lui convient, et à ne pas la tromper, il est considéré, en pratique, suivant sa propre estimation, comme empêché (anous) ; il ne peut donc pas se marier. Ce n’est que lorsqu’il identifiera, en son esprit, la capacité à un tel engagement – celui d’aimer son épouse et de la réjouir par la mitsvat ‘ona, comme il lui revient de droit –, qu’il pourra accomplir l’obligation qui lui incombe, réaliser la mitsva de se marier. La règle est la même pour une femme : ce n’est qu’à partir du moment où elle saura être en mesure de répondre au désir d’un mari qu’elle pourra se marier.

Quand un homme et une femme ont, chacun, une puissante inclination homosexuelle, et qu’ils prennent sur eux de contracter ensemble une alliance, fondée sur la fidélité, d’être bons amis l’un pour l’autre, et de s’efforcer d’accomplir la mitsvat ‘ona selon leurs possibilités, ils peuvent accomplir la mitsva du mariage de cette façon, et fonder une bonne famille.

La rétribution est grande, pour ceux qui réussissent à surmonter leur penchant, et qui, grâce à leur profond sens de la responsabilité morale, construisent une vie de couple fidèle, aimante, et fondent une famille. Comme l’enseignent nos sages : « La rétribution est fonction de l’effort » (Maximes des pères 5, 23). Ce n’est pas seulement dans le monde futur qu’ils mériteront d’être récompensés, mais aussi dans ce monde-ci, car, pour surmonter leur penchant, ils auront dû approfondir, davantage que d’autres, les fondements de l’amour et de la morale ; dès lors, ils jouiront d’une relation d’amitié plus forte avec leur conjoint, à la manière de ce qu’enseignent les sages : « Là où se tiennent les repentis (ba’alé techouva), les justes (tsadiqim) parfaits ne peuvent se tenir » (Berakhot 34b).

Cette voie apporte au monde une grande réparation (tiqoun), tant sont nombreux ceux qui se laissent entraîner par les mauvais désirs matérialistes, et qui fautent en commettant des actes de débauche et d’adultère. Leur mariage même, ceux-là le fondent sur un exclusif désir matériel, de sorte que leur désir pour l’autre est appelé à disparaître ; ils recommencent alors à satisfaire leur penchant par l’adultère et toutes les autres abominations. Et toujours, finalement, ils se sentent déçus, parce que tout lien matériel qui ne porte pas une valeur morale de sainteté est un lien conduisant à l’abattement et à la mort. Pour apporter au monde son parachèvement, la passion matérielle doit être contrebalancée par l’esprit, avec une insistance sur la valeur spirituelle de la fidélité, de l’amitié, de la morale, et de la sainteté de l’alliance matrimoniale. Or c’est précisément ce que font ces personnes qui n’éprouvent pas, pour le mariage, une appétence naturelle, et qui, malgré cela, prenant sur eux le joug de la royauté du Ciel, contractent une alliance avec leur conjoint, alliance fondée sur la fidélité. À leur sujet, nos sages disent : « Ils agissent par amour, se réjouissent dans l’épreuve ; le verset dit à leur endroit : “Ceux qui L’aiment sont comme le lever du soleil en sa puissance” (Jg 5, 31) » (Chabbat 88b)[18].


[18]. Rav Kook : Midot Reïya, Berit 1 : « Alors, quand l’homme a pris sur lui, pour le bien et la joie, la restriction de son sentiment et le délice qu’il convient de laisser advenir depuis le bon chemin et, généralement, depuis le service de Dieu, et quand il prend sur lui jusqu’aux peurs et à l’amertume qui adviennent à l’occasion de son renforcement, qui le fait marcher dans le droit chemin (…), il s’acquiert par cela l’habitude intérieure de faire le bien pour l’essence même du bien véritable, c’est-à-dire le désir de Dieu, béni soit-Il. (…) En général, le pôle du spirituel est évidemment déficient dans le monde, en raison du grand nombre de ceux qui sont enfoncés dans la matérialité (…). Quand le poids de sa spiritualité se joint au trésor de la collectivité, il se trouve que le lieu du dessèchement s’humecte de la noblesse de la sainteté, et qu’il l’irrigue par son influence ; alors il porte son fruit véritable, et il lui convient de s’en réjouir. “Ils agissent par amour, se réjouissent dans l’épreuve ; d’eux, le verset dit : Ceux qui L’aiment sont comme le lever du soleil en sa puissance.” »

16. Faut-il en parler avant le mariage ?

Si un homme sent, en lui-même, une certaine attirance pour les personnes de son sexe, mais que, en pratique, il parvienne à se dominer, et qu’il sache avec certitude qu’il a le désir et la volonté d’épouser une femme, qu’il pourra se réjouir de sa femme et la réjouir comme il convient à celle-ci, sans craindre de la tromper, cet homme n’est pas obligé de révéler sa tendance adventice à la jeune fille qu’il aurait rencontrée.

Par contre, quand cette tendance est plus forte, qu’il éprouve des doutes quant à sa capacité de réjouir son épouse comme il convient, et à plus forte raison quand il garde en son cœur la crainte qu’il ne lui soit difficile de lui rester fidèle, c’est une obligation que d’en parler à la jeune fille, avant le mariage, afin qu’elle puisse décider si elle se fie à lui, et à sa capacité de fonder avec elle un foyer fidèle, dans l’amour et la joie.

En tout cas de doute, il est juste de prendre conseil auprès d’un rabbin ou d’un spécialiste qui craint Dieu. Et tout ce qui est dit ici au sujet des hommes s’applique également aux femmes qui éprouvent une attirance spéciale pour les personnes de leur sexe.

Si un homme est plongé dans la faute de relations homosexuelles, qu’il épouse une femme sans lui faire connaître ses tendances, et que cette femme, quand elle apprend la chose, veuille immédiatement annuler le mariage, le tribunal rabbinique peut, dans certains cas, lorsqu’il est difficile d’obtenir du mari de donner l’acte de divorce, annuler le mariage sans qu’il soit besoin d’acte de divorce, car la femme se sera mariée avec lui par erreur (Igrot Moché, Even Ha’ezer IV 113).

17. Comment la Torah considère ceux qui commettent cette faute

La Torah qualifie la faute que constituent les relations sexuelles entre hommes d’abomination (to’éva, Lv 18, 22). Nos sages commentent le mot to’éva sur le mode midrachique : to’é ata bah (« tu te trompes à son sujet ») (Nédarim 51a). En d’autres termes : le but du désir sexuel est de relier, dans la sainteté et la joie, l’homme et la femme ; grâce à cette union, naissent des enfants, et le monde se maintient. Tandis que ceux qui fautent en cela orientent leur désir vers les personnes de leur sexe, portant atteinte à la sainteté du mariage et à l’affermissement du monde.

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas être plus rigoureux dans nos relations avec ceux qui commettent cette faute qu’avec ceux qui commettent d’autres fautes graves, comme la profanation du Chabbat. Et de même que l’on appelle à la Torah des personnes qui profanent le Chabbat, tant qu’ils ne le font pas par provocation, de même faut-il appeler à la Torah ceux qui commettent cette faute de mœurs, tant qu’ils ne le font pas par provocation ; à plus forte raison quand il se peut qu’ils aient soin, en pratique, de ne pas commettre l’acte charnel, en tant que tel, avec un homme[19].

De plus, pour nombre de ceux qui tombent dans cette faute, ce n’est pas par esprit d’opposition qu’ils fautent, contrairement à certains de ceux qui profanent le Chabbat, mais dans la souffrance éprouvée de ce que leur penchant les y contraint. Seul l’Éternel, Dieu des cieux et de la terre, Créateur des âmes, qui connaît les pensées et scrute les cœurs, sait quel est le penchant de chaque homme, et peut le juger selon la vérité et la miséricorde, selon l’intensité de ses épreuves et de ses peines.

On se doit de souligner que celui-là même qui ne réussit pas à surmonter son penchant, et faute par des liens homosexuels, a l’obligation d’accomplir toutes les autres mitsvot de la Torah ; il doit se renforcer, autant qu’il le peut, et observer tout ce qu’il lui est possible d’observer. Même à l’égard de cette faute-là, chaque jour, chaque fois qu’il parvient à surmonter son penchant, et à s’abstenir de commettre la faute, il reçoit une grande rétribution.

Il nous revient d’accepter la mitsva de la Torah, laquelle déclare que l’acte sexuel entre hommes est un grave interdit ; et quand nous en avons la possibilité, c’est une obligation que de s’efforcer d’en détourner ceux qui versent dans cette faute. Cela étant dit, il nous revient aussi d’aimer notre prochain, y compris celui qui ne parviendrait pas à surmonter son mauvais penchant, et de savoir que chaque mitsva accomplie par lui possède une grande valeur. Et tant que cet homme ne manifeste pas sa tendance ouvertement, ni ne fait de sa faute l’expression d’une révolte, nous devons le rapprocher de la communauté religieuse, afin qu’il puisse se renforcer dans l’étude de la Torah et la pratique des mitsvot, autant qu’il lui est possible. On sait, par ailleurs, que le mal, par nature, est limité, tandis que la valeur du bien est infinie. Dans le même ordre d’idées, la gravité des fautes a une limite, tandis que la valeur des mitsvot est infinie.

Si celui qui éprouve une très forte attirance pour les personnes de son sexe n’a pas trouvé de femme avec qui il puisse se marier, et, malgré cela, surmonte son penchant et ne faute pas, il fait partie des personnes dont le Saint béni soit-Il proclame chaque jour la piété (Pessa’him 113a). Par le sacrifice de son penchant, qu’il parvient à accomplir pour l’honneur du Ciel, il révèle la valeur absolue et sainte de la Torah et des mitsvot ; une grande réparation se réalise, par son biais, dans le monde (comme nous le verrons ci-après, chap. 7 § 6, au sujet des eunuques). Certes, un tel homme n’a pas le mérite de fonder une famille, mais la lumière de sa fidélité à la Torah luit dans l’univers entier, et ajoute vie et bénédiction à l’égard de toutes les familles.


[19]. Du point de vue de la gravité de la faute, telle que la reflète la gravité de la peine, la sanction de la profanation du Chabbat est [au temps du Sanhédrin, et dans les conditions fixées par le Talmud] la lapidation, de même que l’acte sexuel commis entre hommes (michna Sanhédrin 7, 4). Ce dernier péché est qualifié de to’éva (abomination), c’est-à-dire : détournement d’une force vitale dans un sens négatif. C’est pour cette même raison que la Torah qualifie également l’idolâtrie de to’éva (Dt 7, 26 ; 13, 15 ; 17, 4). Cependant, à elle seule, la qualification de to’éva ne suffit pas à causer la dure peine de mort. Nous voyons en effet que la consommation de nourritures interdites est qualifiée par la Torah de to’éva (ibid. 13, 3) ; de même, l’acte de celui qui se remarie avec son ancienne épouse, dont il avait divorcé, alors qu’elle s’était entre-temps mariée avec un autre homme, est appelé to’éva (ibid. 24, 4), bien que la sanction de ces deux fautes soit la flagellation (Maïmonide, Sanhédrin 19, 4).

01. Valeur de la mitsva

C’est une grande mitsva de la Torah que de procréer. Et puisqu’il s’agit de la tendance fondamentale de la Création, c’est aussi le premier commandement que mentionne la Torah ; ainsi qu’il est dit à Adam et à Ève, à l’issue de l’œuvre de la Création : « Dieu les bénit ; et Dieu leur dit : “Croissez et multipliez, emplissez la terre et conquérez-la. Assujettissez les poissons de la mer, les oiseaux des cieux, et tous les animaux fourmillant sur la terre” » (Gn 1, 28). Il est dit encore, dans la paracha Noa’h (Noé), après le Déluge : « Dieu bénit Noé et ses fils, et leur dit : “Croissez et multipliez, emplissez la terre” » (ibid. 9, 1). Après que Dieu eut défendu de tuer, Il ajouta : « Quant à vous, croissez et multipliez, pullulez sur la terre et y devenez nombreux » (ibid. v. 7).

Par le biais de cette mitsva, l’homme marche dans les chemins de l’Éternel : de même que l’Éternel créa le monde et le pérennise, de même l’homme engendre des enfants, leur prodigue ses soins et les élève. Par cela, il se fait l’associé du Saint béni soit-Il, ainsi que le disent nos sages : « L’homme est le produit de trois associés : le Saint béni soit-Il, le père, et la mère » (Nida 31a).

Telle est l’inclination première et essentielle de la Création, ainsi que l’enseignent les sages, dans la Michna (Guitin 41b) :

Le monde ne fut créé que pour la procréation, comme il est dit : « Ce n’est point pour qu’elle demeurât désolée qu’Il créa [la terre] ; c’est pour qu’elle fût habitée qu’Il la forma » (Is 45, 18).

Ce verset enseigne que la directive divine la plus fondamentale est de peupler le monde, comme il est dit :

Car ainsi parle l’Éternel, Créateur des cieux, Lui, le Dieu qui forme la terre et la façonne, Lui qui l’affermit – ce n’est point pour qu’elle demeurât désolée qu’Il la créa, c’est pour qu’elle fût habitée qu’Il la forma – : « Je suis l’Éternel, il n’en est pas d’autre » (ibid.).

Nos sages disent encore, dans la Michna : « Quiconque maintient en vie un seul être au sein d’Israël, le verset le lui impute comme s’il avait fait vivre un entier monde » (Sanhédrin 37, 1). Si les sages disent une telle chose de celui qui sustente un pauvre afin qu’il ne meure pas de faim (comme l’explique la Guémara Baba Batra 11a), combien plus grand encore est le mérite des parents qui engendrent un enfant, l’élèvent et l’éduquent : ils font véritablement vivre tout un monde.

Aussi nos sages disent-ils que la troisième question qui est posée à l’homme, quand celui-ci comparaît devant le tribunal céleste, dans le monde à venir, est : « T’es-tu préoccupé de procréer ? » – la première question étant : « T’es-tu livré à tes occupations professionnelles de façon honnête ? », et la deuxième : « As-tu fixé des temps pour l’étude de la Torah ? » (Chabbat 31a).

Rabbi Eliézer a enseigné (Yevamot 63b) :

Quiconque ne s’occupe pas de procréer, c’est comme s’il versait le sang, car il est dit : « Celui qui verse le sang de l’homme, par l’homme, son sang sera versé… » ; or, au verset suivant, il est dit : « Quant à vous, croissez et multipliez, pullulez sur la terre et y devenez nombreux (Gn 9, 6-7). »

Le rôle dévolu à l’homme d’engendrer des enfants est si profond et si essentiel que celui qui ne le remplit pas est regardé comme s’il avait tué ses enfants avant qu’ils ne soient nés. Rabbi Ya’aqov a enseigné (Yevamot 63b) :

Quiconque ne s’occupe pas de procréer, c’est comme s’il restreignait l’image [divine], comme il est dit : « Car c’est à l’image divine qu’Il fit l’homme » ; or, au verset suivant il est dit : « Quant à vous, croissez et multipliez, pullulez sur la terre et y devenez nombreux (Gn 9, 6-7). »

Chaque être humain a sa particularité propre ; aussi chacun révèle-t-il un aspect supplémentaire de l’image divine ; et celui qui s’abstient de procréer réduit la révélation du divin dans le monde.

Les maîtres disent :

Lorsque l’homme quitte ce monde et que son âme entre au lieu qui lui sied, plusieurs anges destructeurs se tiennent de part et d’autre, et plusieurs anges de paix se tiennent de part et d’autre. Si l’homme est méritant, les anges de paix s’adressent à lui en ces termes : « Paix sur ta venue. » S’il n’est pas méritant, les anges destructeurs s’adressent à lui en ces termes : « Hélas ! au méchant vient le malheur, car il lui sera fait selon l’œuvre de ses mains (Is 3, 11). » Qui est le méchant ? Celui qui ne s’est pas préoccupé de laisser un fils dans ce monde-ci [le monde terrestre]. Car quiconque laisse un fils en ce monde-ci et lui enseigne la Torah et les bonnes actions, les anges destructeurs ni la Géhenne n’ont prise sur lui. Il est dit à ce propos : « Voici, l’héritage de l’Éternel, ce sont des fils, la récompense, le fruit des entrailles. Comme des flèches dans la main d’un héros, tels sont les fils de la jeunesse. Heureux l’homme qui en a rempli son carquois. Ils n’auront point honte quand ils plaideront contre des ennemis à la porte » (Ps 127, 3-5) : ce sont là les anges destructeurs, qui ne peuvent avoir prise sur lui. Car l’homme ne doit pas dire : « Mon étude de Torah et mes bonnes actions me protègeront ; je ne m’occuperai pas de croître et de multiplier. » Mais, quoiqu’il ait à son actif [de l’étude] de la Torah et de bonnes actions, un tel homme ne peut entrer dans la cour du Saint béni soit-Il, et il n’a point part au monde futur » (Zohar ‘Hadach sur Ruth 50b ; voir, au chapitre 8, la consolation réservée à ceux qui n’ont pu avoir d’enfants).

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