La Prière juive au féminin

07. Choses qu’il est permis de faire avant la prière

Il est permis, avant la prière, de s’occuper des nécessités d’une mitsva ; il n’y a pas là d’atteinte à l’honneur dû au Ciel, puisque ces activités ne visent pas la satisfaction de besoins personnels. Il est donc permis et même prescrit de laver et d’habiller les enfants, de leur préparer à manger avant qu’ils ne partent à la maternelle ou à l’école. S’il manque, à la maison, certains produits alimentaires nécessaires le matin, il est permis d’aller les acheter avant la prière. De même, si l’on craint que, après la prière, les produits nécessaires au Chabbat ne viennent à manquer dans les marchés ou épiceries, il est permis de les acheter avant de faire sa prière (Michna Beroura 250, 1, Kaf Ha’haïm 89, 25). Mais si ce n’est pas pour les nécessités d’une mitsva, il est interdit d’acheter ne serait-ce qu’un article.

Il est permis de se livrer à de petites tâches avant la prière. Par exemple de faire les lits. Il est aussi permis de sortir les poubelles de chez soi pour les jeter à la poubelle collective. De même, il est autorisé de jeter un coup d’œil au journal, ou encore de faire un peu d’exercice physique avant la prière. On peut encore charger sa machine à laver de linge trié et la mettre en marche, car il s’agit d’une petite tâche. Mais il est interdit de trier le linge pour en charger la machine (Halikhot Chelomo 2, 5).

Il est interdit de cuisiner ou de faire de la pâtisserie avant la prière du matin, mais il est permis d’allumer le feu sous une marmite préparée depuis la veille, ou d’enfourner un moule dont le contenu est prêt depuis la veille.

Cependant, il faut s’efforcer de réciter les bénédictions matinales et celles de la Torah aussi près que possible du réveil ; aussi, il est préférable de ne faire aucune tâche avant cela, même s’il s’agit de petites tâches ou des nécessités d’une mitsva.

L’interdit de vaquer à ses occupations avant la prière comprend aussi l’interdit de se faire couper les cheveux ou de se rendre dans un établissement de bain (Maïmonide, Téphila 6, 7). De même, il est interdit d’aller nager à la piscine, ou de prendre un bain d’agrément avant la prière. En revanche, il est obligatoire de se laver les mains avant de prier, et il convient de se rincer le visage et de se brosser les dents à l’approche de la prière (Choul’han ‘Aroukh 4, 17 ; 46, 1). De même, il est permis de prendre une douche et de se laver au savon avant de prier (cf. La Prière d’Israël 12, 3-4).

08. Manger et boire avant la prière

À partir de l’aube, il est interdit de manger ou de boire avant de prier. Nos sages illustrent leur propos par le verset : « Vous ne mangerez pas en présence du sang » (Lv 19, 26), qu’ils traduisent, dans une lecture midrachique : « Ne mangez pas avant d’avoir prié pour votre sang ». Les sages disent encore : « Toute personne qui mange et boit avant de prier, le verset (R I 14, 9) dit à son sujet : “Et Moi, tu M’as rejeté loin de toi” (littéralement derrière ton dos, le mot gavékha, ton dos, faisant allusion à guéékha, ton orgueil). Le Saint béni soit-Il dit : “Après qu’il s’est enorgueilli (en satisfaisant ses désirs), celui-ci prendrait le joug de la royauté des Cieux !” » (Berakhot 10b)[d].

En revanche, il est permis de boire de l’eau avant la prière, car le fait d’en boire n’est aucunement un signe d’orgueil. De même, il est permis d’ingérer des aliments dans un but thérapeutique ; en effet, puisqu’ils sont destinés à un tel usage, leur consommation n’est pas signe d’orgueil (Choul’han ‘Aroukh 89, 4). Par exemple, il est permis à celui qui souffre de constipation de manger des prunes avant la prière, puisque leur consommation répond à un but thérapeutique (cf. Michna Beroura 89, 24).

Si l’on est très affamé, au point de ne pouvoir se concentrer durant la prière, on est autorisé à manger avant l’office, car la règle applicable est ici semblable à celle d’un malade contraint de manger, pour lequel manger n’est pas signe d’orgueil (Choul’han ‘Aroukh 89, 4 ; cf. Michna Beroura 26).

Si l’on a coutume de s’acquitter de sa prière par le biais des seules bénédictions matinales et de la Torah (comme nous l’avons vu au chapitre 2 § 4), non seulement il convient de réciter celles-ci aussi près que possible de son lever, mais il est encore juste d’avoir soin de ne manger ni boire avant de les avoir récitées.


[d]. Le fait de manger, ou de boire certaines boissons, avant la prière, est associé à l’idée d’orgueil, car cela revient à donner à la satisfaction de ses propres désirs la priorité sur le service de Dieu. Se concevoir comme serviteur avant de rechercher la satisfaction de ses désirs est au contraire un signe d’humilité.

09. Manger à la maison, pour les élèves qui prient à l’école

Des filles qui ont l’habitude de réciter la prière de Cha’harit à l’école, et qui, si elles ne mangeaient pas chez elles avant cela, auraient faim, de sorte que cela pourrait nuire à leur santé ou atteindrait leur capacité de concentration pendant la prière et l’étude, sont autorisées à manger et à boire chez elles avant de prier. Si une simple collation sans pain leur suffit, il est préférable qu’elles s’en contentent ; à la première récréation, elles pourront se laver les mains et manger du pain. Il n’y a pas lieu de prétendre qu’il vaudrait mieux pour elles prier à la maison ; en effet, prier régulièrement à l’école est un élément d’éducation des élèves, et renforce le statut de la prière. Néanmoins, il convient de réciter les bénédictions matinales et celles de la Torah avant de manger et de boire[6].

Les enfants qui ne sont pas encore arrivés à l’âge des mitsvot – douze ans pour les filles, treize ans pour les garçons – sont autorisés à manger avant la prière. Certes, il est nécessaire d’éduquer les enfants à ne pas consommer d’aliments interdits, mais cette nécessité n’existe que lorsque l’aliment est interdit en tant que tel, par le fait qu’il n’est pas cachère. En revanche, lorsque nos sages érigent une haie protectrice autour des mitsvot en interdisant de manger avant la prière ou avant le Qidouch, les enfants ne sont pas visés par cette défense, dans la mesure où aucun interdit ne pèse sur l’aliment en soi. Il est vrai qu’a priori il est convenable que les enfants ne mangent pas avant la prière, mais quand cela est nécessaire, ils y sont autorisés (Michna Beroura 106, 5 ; Yabia’ Omer IV 12, 15 ; cf. aussi Kaf Ha’haïm 106, 11).


[6]. Il est plus difficile d’être indulgent pour des garçons qui ont passé l’âge de la bar-mitsva, car l’obligation de la prière, à leur égard, est claire. En revanche, pour les filles, prier le matin n’est pas une pleine obligation puisque, selon certains décisionnaires, les femmes ne sont tenues qu’à une prière quotidienne unique, et peuvent s’en acquitter à Min’ha ; selon d’autres, les femmes peuvent même se rendre quittes de leur obligation en se bornant à réciter les bénédictions matinales et celles de la Torah, comme nous l’avons vu au chap. 2 § 3-5 ; de plus, les interdits pesant sur certaines activités avant la prière de Cha’harit ne sont pas, de toutes manières, des interdits absolus, si bien que, en cas de nécessité, on peut être indulgent et manger avant de prier. C’est dans ce sens que s’expriment le Igrot Moché IV 101, 2 et le Halikhot Chelomo 2, 4.

Le Halikhot Bat Israël (2, note 10) cite une lettre du Rav Chelomo Zalman Auerbach, dans laquelle celui-ci est indulgent pour les étudiantes des séminaires, et leur permet de déjeuner à la maison avant de se rendre à leur école. Il ajoute dans cette même lettre que les étudiantes doivent, avant de manger, prononcer une courte prière (et nous avons écrit ci-dessus qu’il y avait lieu de réciter les bénédictions matinales et celles de la Torah, auxquelles elles sont, de toutes façons, obligées). Le Rav Auerbach recommande également aux étudiantes de prendre sur elles le joug de la royauté du Ciel par la récitation du Chéma Israël.

10. Dans quelles conditions il est permis à une femme mariée de manger avant la prière

Si une femme doit s’occuper de ses enfants et ne peut prier immédiatement à son lever ; si, d’autre part, beaucoup de temps est amené à s’écouler avant que ces soins ne s’achèvent ; si, enfin, le fait de ne boire ni café ni thé l’empêche de retrouver sa tranquillité, alors il lui est permis de boire du café ou du thé avant de prier. En effet, cette boisson ne reflète aucun orgueil, mais répond seulement à une nécessité, celle d’avoir l’esprit bien assis et d’être en mesure de s’occuper convenablement de ses enfants. Si l’on a également besoin de manger un fruit ou un gâteau, de telle façon que, si l’on s’en abstenait, on se sentirait faible et l’on ne pourrait s’occuper convenablement de ses enfants, il devient permis de manger ; en effet, si l’on mange, c’est alors pour se renforcer et non pour exprimer quelque orgueil. Toutefois, on s’efforcera de réciter, avant de boire et de manger, les bénédictions matinales et celles de la Torah.

Si l’on a coutume de réciter chaque matin la ‘Amida de Cha’harit, que son mari soit rentré de la synagogue et que le moment du petit-déjeuner soit déjà arrivé, mais que l’on n’ait pas encore eu le temps de réciter sa prière de Cha’harit, on récitera les bénédictions de la Torah, qui portent en elles une prière abrégée, et l’on mangera avec son mari. Puis on complètera sa prière, en récitant les bénédictions matinales et la ‘Amida. En effet, le mode de vie familial normal, selon la halakha, veut que la femme déjeune avec son époux ; par conséquent, afin de ne pas retarder son mari, on mangera en sa compagnie, puis on récitera, après le repas, les bénédictions matinales et la ‘Amida. Si l’on peut, on s’efforcera de réciter plutôt les bénédictions matinales avant le repas, car il est recommandé, autant que possible, de les réciter peu après le lever[7].


[7]. Selon le Choul’han ‘Aroukh 70, 2, on ne saurait obliger l’homme à manger avec son épouse en dehors du soir de Chabbat, pourvu que l’on donne à son épouse de quoi manger à sa suffisance, comme on s’y est engagé lors du mariage et dans la kétouba (acte de mariage). Toutefois, selon le Rama, suivant en cela la majorité des Richonim, si la femme souhaite que son époux mange avec elle, il faut manger avec elle chaque jour. De cela, on peut clairement inférer que, si c’est l’homme qui le souhaite, sa femme se doit de manger en sa compagnie. Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 101, 2 dit en ce sens : « La femme est assujettie à l’obligation de manger précisément avec son mari. » Dans le même sens, le Avné Yachfé 16, 3 dit en pratique, au nom du Rav Elyachiv que, lorsqu’une femme a coutume de prier le matin et qu’elle n’a pas eu le temps de le faire avant que son mari ne rentre de la synagogue, elle s’acquitte de son obligation de prier par une prière courte, puis mange avec son époux, afin que celui-ci n’ait pas besoin de l’attendre. Le Rav Auerbach dit : « Qu’elle fasse ce que son mari lui demande, puisqu’elle se doit à sa volonté. » Il semble que tout cela soit dit dans le cas où le temps presse, ou lorsque le mari est nerveux ; mais quand c’est possible, il est préférable que la femme récite d’abord les bénédictions matinales et celles de la Torah, ainsi que la ‘Amida, puis que les époux mangent ensemble.

01. Ablution des mains (nétilat yadaïm)

Quand on se dispose à réciter la ‘Amida, il faut d’abord se purifier ; aussi est-ce une mitsva que de se laver les mains avant de prier. Toutefois, il faut distinguer entre le cas où l’on sait que ses mains sont sales et le cas neutre, où l’on ne sait pas si ses mains ont été salies.

Si l’on sait que ses mains ont été salies, par exemple dans le cas où l’on est allé aux toilettes, ou encore si l’on a touché des parties du corps usuellement couvertes – parties du corps souillées, dans une certaine mesure, en raison de la transpiration –, on aura l’obligation de se laver les mains avant la prière. A priori, il sera bon de se laver les mains par le biais d’un ustensile (kéli, versoir), comme on le fait avant un repas ; a posteriori, si l’on s’est simplement lavé les mains à l’eau, sans ustensile, on sera quitte de l’obligation de se préparer à la prière. En effet, l’essentiel est qu’à l’approche de la prière les mains soient propres[a]. S’il ne se trouve pas d’eau à l’endroit où l’on est, on doit être prêt à se déranger et à marcher jusqu’à la distance d’un mille (960 mètres), afin de se laver les mains avant la prière. Et si même à une distance d’un mille il ne se trouve pas d’eau, ou bien qu’il se trouve de l’eau mais que, si l’on s’y rend pour s’y laver les mains, l’heure de la prière doive expirer, on essuiera ses mains dans du sable ou dans une serviette, afin d’en ôter toute trace de souillure, et l’on priera (Choul’han ‘Aroukh 92, 4 ; Michna Beroura 92, 20 ; La Prière d’Israël 5, 2 note 1)[1].

Dans le cas neutre, c’est-à-dire dans le cas où, d’un côté, on ne s’est pas lavé les mains dernièrement, mais, de l’autre, on ne se rappelle pas avoir touché des choses sales ou des endroits du corps habituellement recouverts, les décisionnaires sont partagés sur la question de savoir si l’on doit se laver les mains à l’approche de la prière. Par conséquent, s’il se trouve de l’eau à l’endroit où l’on est, on se lavera les mains ; mais s’il n’y a pas d’eau près de soi, on n’aura pas besoin de se laver les mains, et l’on s’appuiera sur les décisionnaires qui estiment que des mains dont on ne sait pas si elles sont propres ou sales (stam yadaïm) ne requièrent pas d’ablution avant la prière. Cependant, pour plus de sûreté, il est bon de s’essuyer les mains dans son vêtement (Choul’han ‘Aroukh 92, 5 ; 233, 2 ; Michna Beroura 92, 26 ; Béour Halakha ד »ה ואם ).

Si l’on s’est lavé les mains après avoir fait ses besoins, et que l’on se soit ensuite surveillé afin de ne pas toucher d’endroits du corps habituellement couverts, il ne sera pas nécessaire de se relaver les mains avant la prière. Mais si l’on n’y a pas prêté attention, on devra se relaver les mains avant de prier. Et s’il n’y a pas d’eau là où l’on se trouve, on sera autorisé à prier sans se laver les mains, puisque l’on n’a pas connaissance d’une souillure particulière qui aurait affecté celles-ci.


[a]. Cela est dit sans préjudice de l’ablution des mains qui doit être faite le matin au lever (cf. chapitre 5). La question qui est ici posée est celle de l’ablution qui précède la prière.

[1]. Si l’on est en chemin et que, à une distance de quatre milles et sans faire de détour par rapport à son itinéraire initial, il se trouve de l’eau, on devra poursuivre son chemin afin de trouver cette eau, puis prier.

Le Choul’han ‘Aroukh 92, 7 dit : « Quand on parle d’endroit souillé, on parle des parties du corps de l’homme qui sont habituellement couvertes, car il peut s’y trouver des agrégats crasseux, formés par la sueur figée. La même règle s’applique si l’on s’est gratté la tête. » L’auteur vise ici le fait de se gratter à la racine des cheveux ; en revanche, si l’on a simplement touché ses cheveux par le haut, il n’est pas besoin de se laver les mains, selon le Choul’han ‘Aroukh Harav et le Michna Beroura (162, 58 ; 164, 10). Si l’on sait que ses cheveux sont propres, cas dans lequel on s’est lavé les cheveux peu de temps auparavant, on ne sera pas obligé, de l’avis de plusieurs décisionnaires, de se laver les mains, même si l’on a touché ses cheveux près de leur racine (Tsits Eliézer VII 2, 14). On peut s’appuyer sur cette opinion, tout le temps que l’on sent que l’endroit est propre par l’effet du shampooing. Quand les cheveux sont couverts, la sueur s’y agrège plus rapidement. Cf. La Prière d’Israël 5, note 2.

Les décisionnaires sont partagés sur le cas d’une personne qui toucherait à quelque autre endroit du corps habituellement couvert, mais dont le corps serait lavé et ne porterait pas d’agrégat de transpiration figée : doit-elle se laver les mains ? Le Echel Avraham de Rabbi Avraham Botchatch (4, 21) est rigoureux ; le Yabia’ Omer V 1, 4-5 cite des décisionnaires indulgents.

Si l’on a touché le cérumen de l’oreille ou une saleté du nez, on est considéré comme ayant touché un endroit souillé (Rama 92, 7 ; La Prière d’Israël 5, note 2).

En matière d’étude et de bénédictions : a posteriori, dans le cas où l’on aurait touché l’un des endroits couverts de son corps, on pourra s’essuyer les mains dans son vêtement puis étudier la Torah ou dire des bénédictions, comme l’expliquent le Choul’han ‘Aroukh 4, 23 et le Michna Beroura 4, 61.

02. Préparation corporelle à la ‘Amida

Nos sages ont dit : « Si l’on éprouve un besoin naturel, “grandˮ ou “petitˮ, on ne priera pas » (Berakhot 23a). Il y a à cela deux raisons : premièrement, le besoin éprouvé risque de déconcentrer l’esprit ; deuxièmement, il ne convient pas de se présenter devant le Saint béni soit-Il pour prier lorsque le corps est souillé par quelque salissure.

Même dans le cas où l’on éprouve un doute sur la nécessité de se soulager, nos sages enseignent qu’il convient a priori de vérifier, avant la prière, si l’on n’a pas un besoin à satisfaire (Berakhot 15a). Ils s’appuient en cela sur le verset suivant : « Apprête-toi à la rencontre de ton Dieu, Israël » (Am 4, 12). Il est dit aussi : « Prête attention à toi (littéralement : garde ton pas) quand tu prends le chemin de la Maison de Dieu » (Ecc 4, 17) ; et la lecture midrachique élabore : « Garde-toi d’avoir un besoin à satisfaire à l’heure où tu te tiens en prière. »

Si l’on a le nez qui coule, on se mouchera avant de prier afin de ne pas avoir besoin de se moucher durant la prière[b]. Et si l’on est dérangé par un glaire, on crachera avant la prière, afin de ne pas être gêné pendant celle-ci (Choul’han ‘Aroukh 92, 3). Si l’on est obligé  de se moucher pendant la prière, on le fera de la façon la plus discrète. Si l’on doit bâiller, on mettra la main devant la bouche. Car celle qui se tient en prière doit être très attentive à l’honneur dû au Ciel ; et tout ce qui est considéré comme impoli devant les autres est interdit pendant la prière (cf. Choul’han ‘Aroukh 97, 1-2).


[b]. Cette prescription vise surtout la ‘Amida.

03. Si l’on a besoin d’aller aux toilettes

On distingue deux degrés de besoin : 1) le cas où l’on estime que l’on ne pourrait se retenir durant le temps nécessaire pour parcourir une parsa (parasange), c’est-à-dire environ soixante-douze minutes ; 2) le cas où l’on pourrait se retenir plus de soixante-douze minutes. Examinons les règles applicables à chacun de ces deux cas.

Si l’on a commencé à réciter la ‘Amida alors que l’on avait à se soulager des « grands » besoins, mais de telle façon que l’on n’eût pas été en mesure de se retenir soixante-douze minutes, la prière est qualifiée de to’éva, abomination : on ne s’est pas acquitté de son obligation. Aussi, faudra-t-il recommencer sa prière après avoir fait ses besoins. Si l’on a prié alors que l’on avait seulement envie d’uriner, et que l’on n’eût pas été en mesure de se retenir pendant soixante-douze minutes, l’appellation de to’éva est sujette à controverse entre les A’haronim, bien qu’il soit clair pour tous que la prière n’a pas a été faite conformément à la règle. Puisqu’il s’agit d’un cas de doute, on ne sera pas tenu de répéter sa prière. Si l’on veut sortir du doute, on pourra la répéter à titre de prière supplémentaire volontaire (nédava ; La Prière d’Israël 5, 8, note 7).

Mais dans le cas où l’on pouvait se retenir soixante-douze minutes et où l’on a dit la ‘Amida, la prière ainsi récitée mérite d’être appelée prière, puisque l’on ne ressentait pas si fortement ce besoin. Quoi qu’il en soit, a priori, on doit s’abstenir de prier, même dans le cas où l’on pourrait se retenir soixante-douze minutes. Mais dans le cas où l’heure limite de la prière expirerait durant le temps de faire ses besoins, on devrait prier tout de suite afin de ne pas manquer entièrement la prière[c] (Choul’han ‘Aroukh 92, 1 ; Michna Beroura 92, 5).

L’évaluation de la possibilité de se retenir dépend de chacun. Dans le cas où,  avant la prière, on pensait pouvoir se retenir soixante-douze minutes, mais où il apparaît après la prière que l’on s’est trompé, et que l’on ne pouvait en réalité se retenir si longtemps, la prière faite mérite néanmoins d’être appelée prière car, au moment où l’on avait commencé, on pensait pouvoir se retenir (Béour Halakha 92, 1 ד »ה שיעור פרסה)[2].


[c]. À condition d’estimer que l’on pourrait se retenir soixante-douze minutes, comme il a été expliqué.

[2]. Les Richonim discutent du cas où l’on a besoin d’aller aux toilettes mais où l’on pourrait se retenir soixante-douze minutes. Pour les élèves de Rabbénou Yona, Maïmonide et le Roch, dans un tel cas, on ne priera pas. Cependant le Rif et Rachi pensent que l’on peut prier dans un tel cas, même a priori. En pratique, le Choul’han ‘Aroukh tranche que l’on ne priera pas (92, 1). Toutefois, quand le besoin est très léger, on peut être indulgent si on le souhaite ; d’autant que, chez certaines personnes, un léger besoin est constamment sensible. Et dans le cas où, pour se soulager, on devrait se forcer afin d’expulser le déchet, on n’enfreindrait en rien – d’après une opinion – l’interdit de porter en soi des immondices, et l’on pourrait prier (notes du Rav Mordekhaï Elyahou sur Qitsour Choul’han ‘Aroukh, au nom d’une opinion seconde rapportée par le Ben Ich ‘Haï, Vayétsé 3). Comme nous l’avons vu, il faut a priori vérifier ses besoins éventuels, en allant aux toilettes avant de prier, ainsi qu’expliqué en Berakhot 15a et Choul’han ‘Aroukh 2, 6. Cf. La Prière d’Israël 5, note 8.

04. Si l’on a besoin d’aller aux toilettes au cours de sa prière

Si l’on a commencé à réciter la ‘Amida sans éprouver le besoin d’aller aux toilettes, et qu’un intense besoin apparaisse pendant cette prière, on pourra continuer sa prière tout le temps que l’on peut se retenir, puisque l’on a commencé de façon permise.

Même si l’on avait conscience d’éprouver un besoin, mais que l’on ait pensé pouvoir se retenir durant soixante-douze minutes, et bien que, dans un tel cas, on aurait dû se rendre aux toilettes avant de prier, on terminera sa ‘Amida, même si, après l’avoir commencée, il apparaît subitement que l’on ne serait pas en mesure de se retenir soixante-douze minutes. Il suffit en effet, pour poursuivre sa prière, qu’au début de celle-ci on ait estimé pouvoir se retenir.

Mais si l’on éprouve un si grand besoin que l’on ne peut plus se retenir, on ira immédiatement aux toilettes. Si l’interruption est d’une durée semblable à la durée habituelle de sa récitation de la ‘Amida, du début à la fin, on reprendra sa ‘Amida au début. Si l’interruption a été moindre, on reprendra sa prière à l’endroit où l’on s’était interrompu[3].


[3]. Si l’on récite l’ensemble de l’office, et que l’on ait commencé sans avoir besoin d’aller aux toilettes, mais que l’on sente subitement que l’on ne pourrait se retenir soixante-douze minutes, sans que l’on ait pour autant besoin de s’arrêter pour le moment afin de prévenir l’écoulement de l’urine ou des matières – si bien que, si l’on se rendait maintenant aux toilettes, on devrait s’efforcer un peu afin d’entraîner l’expulsion –, on peut poursuivre la section de la prière où l’on se trouve, puisqu’on a commencé de façon permise, et que le besoin n’est pas si grand. Si le besoin se fait sentir au cours des Pessouqé dezimra, on patientera jusqu’à ce que l’on ait achevé ceux-ci et la bénédiction Yichtaba’h qui les ponctue, puis on ira aux toilettes. Si c’est au cours des bénédictions du Chéma que le besoin se fait sentir, on ira aux toilettes après avoir terminé de dire la bénédiction ou le paragraphe où l’on se trouve (Michna Beroura 92, 9 ; Béour Halakha ד »ה יעמיד, La Prière d’Israël 5, note 10).

Si le besoin est si fort que l’on est vraiment obligé de se retenir afin de prévenir la fuite de ses besoins, on transgresse à ce stade l’interdit de bal techaqetsou (ne pas porter en soi d’immondice ; Rama 92, 2, Choul’han ‘Aroukh Harav 3, 11). Si l’on se trouve alors dans les Pessouqé dezimra ou les bénédictions du Chéma, on ira immédiatement aux toilettes, puisque s’interrompre à ces endroits n’est pas si grave. Mais si l’on est au milieu de la ‘Amida, partie de la prière où il est grave de s’interrompre, on poursuivra sa ‘Amida, puisqu’on l’avait commencée sans éprouver de besoin. Ce n’est que si l’on n’est décidément plus capable de se retenir que l’on ira aux toilettes (La Prière d’Israël 5, note 11).

05. Si l’on a besoin d’aller aux toilettes alors que l’on se livre à d’autres occupations saintes

De même qu’il est interdit de prier lorsqu’on a besoin d’aller aux toilettes, dans le cas où l’on ne pourrait se retenir soixante-douze minutes, ainsi est-il interdit de réciter dans de telles conditions des bénédictions, le Chéma Israël, ou d’étudier la Torah. En effet, il ne convient pas de s’adonner à des occupations saintes quand le corps porte une souillure. Toutefois, il existe une différence significative entre la récitation de la ‘Amida et les autres occupations saintes. La raison en est que, durant la ‘Amida, nous sommes comparables à des serviteurs qui se tiennent devant le roi, et si l’on ne priait pas convenablement, on porterait atteinte à l’honneur dû au Ciel, ce qui ferait de cette prière une abomination. Par conséquent, si l’on prie alors que l’on ne pourrait se retenir soixante-douze minutes, la prière est invalidée. Tel n’est pas le cas dans les autres occupations saintes : nous ne sommes pas considérés alors comme « nous tenant devant le roi ». Aussi, a posteriori, si l’on a récité des bénédictions, ou lu le Chéma, alors que l’on n’aurait pu se retenir soixante-douze minutes, on est quitte de son obligation (Michna Beroura 92, 6 ; Béour Halakha ד »ה אפילו בד »ת ; Kaf Ha’hayim 3).

Selon la majorité des décisionnaires, si l’on peut se retenir soixante-douze minutes, on est a priori autorisé à réciter des bénédictions ou à étudier la Torah. D’autres estiment qu’il est préférable de se libérer préalablement (Michna Beroura 92, 7). Quoi qu’il en soit, il est évident que, si l’on devait faire un effort pour se soulager, on n’y serait pas obligé.

Si l’on a commencé à étudier alors que l’on n’avait pas besoin d’aller aux toilettes, et que, au cours de son étude, on éprouve un besoin tel que l’on ne pourrait se retenir soixante-douze minutes, on devra a priori aller aux toilettes. Toutefois, si l’on est au beau milieu d’un paragraphe[d], on pourra, de l’avis de certains, poursuivre son étude jusqu’au terme du paragraphe étudié (Béour Halakha 92, 2 ד »ה קורא, Yalqout Yossef II p. 338) ; d’autres estiment qu’il faut aller immédiatement aux toilettes (Kaf Ha’haïm 3, 48).

Si l’on donne un cours devant un auditoire, on achèvera son cours avant d’aller aux toilettes, car grand est l’honneur que l’on doit aux créatures, au point de repousser l’interdit de bal techaqetsou (« vous ne porterez pas de souillure »), interdit de rang rabbinique (Michna Beroura 92, 7). De même, il convient que l’élève qui se trouve en cours se retienne et ne sorte pas au milieu du cours, cela afin de préserver l’honneur dû à celui-ci, tout le temps que le besoin éprouvé n’est pas très fort. Or si l’on est indulgent à l’égard de l’interdit de bal techaqetsou en raison de l’honneur dû au cours, à plus forte raison doit-on s’abstenir autant qu’il est possible d’entrer et de sortir pendant un cours ; et à plus forte raison encore est-il interdit de bavarder pendant la leçon et de déranger la classe.


[d]. Littéralement au milieu d’un sujet (béemtsa ‘inyan), c’est-à-dire un passage formant une unité thématique ou organique.

06. Règle relative à la personne ivre ou sous l’effet de la boisson

Quand on se propose de prier, il faut avoir l’esprit clair. À la différence de nombreux idolâtres, qui exécutent leur culte avec le concours de drogues et d’alcools, par lesquels ils parviennent à l’extase, notre démarche auprès de Dieu est empreinte de sérieux, de pensées profondes. C’est ce qu’ordonne la Torah aux prêtres (les Cohanim) : ne pas entrer dans le Temple pour y accomplir son service alors que l’on est sous l’effet du vin (Lv 10, 8-11). À partir de cela, les sages ont appris l’interdit de prier pesant sur une personne ivre (chikor) ou sous l’effet de l’alcool (chatouï).

Un chikor est quelqu’un qui a beaucoup bu, au point qu’il ne pourrait parler convenablement devant un roi. Chatouï se dit d’une personne qui est quelque peu sous l’effet de l’alcool, à qui il est difficile de se concentrer et de focaliser ses pensées, mais qui reste capable de parler devant un roi[e].

Une personne ivre (chikor) qui a commencé à prier par erreur est tenue de s’interrompre immédiatement, car la prière d’une personne ivre est considérée comme une abomination (to’éva). Même si elle a terminé toute sa prière, elle n’est pas quitte de son obligation. Et si elle est dessoûlée avant l’expiration du temps de la prière, elle devra recommencer sa prière correctement (Choul’han ‘Aroukh 99, 1). Mais une personne qui était sous l’influence légère de la boisson (chatouï) et qui a déjà prié est, a posteriori, quitte de son obligation, puisqu’elle aurait pu parler devant un roi. De même, si l’on a commencé à prier, et que l’on se rappelle alors que l’on est sous l’effet de la boisson, on terminera sa prière (Elya Rabba, Kaf Ha’haïm 99, 2)[4].

Quant aux autres bénédictions, telles que celles de jouissance (birkot hanéhénin, prononcées par exemple avant de consommer un aliment), ou la bénédiction Asher yatsar (récitée après avoir satisfait un besoin naturel), le chatouï pourra les dire a priori. Tandis que le chikor ne récitera pas a priori les bénédictions de jouissance. Mais quand il s’agit de bénédictions qui seraient perdues s’il ne les disait maintenant, il les dira. Par exemple, si l’on est devenu ivre au cours de son repas, on dira la Birkat hamazon. De même, si l’on est allé aux toilettes, on pourra dire Asher yatsar (Rama 99, 1 ; Michna Beroura 11).

Si l’on est arrivé au degré d’ivresse de Loth, et que l’on ne sache même plus ce qui se passe autour de soi, on est considéré juridiquement comme dément (choté), et dispensé de toutes les mitsvot positives. Si l’on prononçait des bénédictions, celles-ci ne seraient en rien considérées comme valables (Michna Beroura 99, 11).


[e]. Un roi de chair et de sang ou, de nos jours, un chef d’Etat, même s’il n’est pas un monarque.

[4]. Certes, en ce qui concerne les hommes, on n’est pas tellement pointilleux en cette matière, car au fil des générations, la kavana (la concentration de l’esprit sur les mots de la prière) a diminué ; aussi, en cas de nécessité pressante, le chatouï peut, lui aussi, prier, en particulier quand il s’aide d’un sidour (livre de prières), car alors on ne craint pas qu’il se trompe dans sa prière (Rama 92, 3, Michna Beroura 99, 3 et 17 ; cf. Kaf Ha’haïm 22). Mais pour les femmes, il n’y a pas lieu d’être indulgent en cela car, selon certains avis, les femmes peuvent s’acquitter de leur obligation de prier par la récitation d’une ‘Amida quotidienne, et, selon d’autres, elles peuvent s’en acquitter par les seules bénédictions matinales et bénédictions de la Torah : pourquoi donc s’obligeraient-elles à prier précisément à un moment critique ? De même, sur la question de savoir si le chikor et le chatouï peuvent réciter le Chéma et ses bénédictions, les décisionnaires sont partagés (cf. La Prière d’Israël 5, 11). Or, puisque les femmes sont dispensées de la lecture du Chéma et de ses bénédictions, il est évident qu’elles ne les réciteront pas dans un cas où il est à craindre qu’elles ne soient sous l’effet de l’alcool.

Plus généralement, il faut savoir que l’ébriété est une chose répugnante, et que l’ébriété féminine est plus répugnante encore, comme l’explique le traité Ketoubot 65a. Aussi y a-t-il lieu d’être plus rigoureux quant à la règle applicable aux femmes en la matière.

Contents

Série Pniné Halakha 9 volumes
Commandez maintenant
Pniné Halakha We use cookies to ensure the website functions properly and improve user experience. You can choose which types of cookies to enable.
Cookie Selection