Mo’adim

06 – Quand on séjourne en diaspora

Nos sages enseignent que, si l’on quitte la terre d’Israël pour voyager à l’étranger, et que son intention soit de s’établir en diaspora, on a, dès l’instant où l’on arrive en un lieu où habitent des Juifs, le statut de Juif de la diaspora ; on doit alors observer le second jour de fête de diaspora (Pessa’him 51a, Choul’han ‘Aroukh 496, 3).

Si son intention est de revenir, son statut fondamental est celui de Juif d’Erets Israël ; dès lors, si l’on séjourne, le Yom tov, en dehors du périmètre sabbatique (te’houm Chabbat) qui circonscrit la communauté juive, on n’observe point le second jour de Yom tov, propre à la diaspora, et l’on est autorisé à faire des travaux ce jour-là (Choul’han ‘Aroukh 496, 3).

Mais lorsqu’on se trouve au sein d’une communauté juive, ou à l’intérieur du périmètre sabbatique de celle-ci, on doit se conduire comme ses membres, afin de ne pas paraître contredire leur coutume (Pessa’him 50a, Choul’han ‘Aroukh 496, 3). Par conséquent, il sera interdit d’accomplir quelque travail, durant le second jour de Yom tov que cette communauté observe. Il est vrai que certains auteurs estiment qu’il est permis d’accomplir des travaux, à condition que cela soit discrètement (Avqat Rokhel 26, Yam Chel Chelomo). Mais en pratique, la majorité des décisionnaires estiment que, quand bien même on reste discret, on doit se conduire suivant la coutume locale pour tout ce qui ressortit aux interdits de la fête ; en effet, si l’on était indulgent en la matière, cela finirait par se savoir, de sorte que l’on contredirait l’usage local et porterait atteinte au Yom tov de ladite communauté (Tossephot et Rabbi Zera’hia Halévi, Michna Beroura 496, 9)[6].

Puisque l’on a le statut de Juif d’Israël, on doit faire la Havdala à l’issue du premier jour de Yom tov, ce discrètement ; et le lendemain (jour appelé Isrou ‘hag), on aura l’obligation de mettre les téphilines, discrètement encore. Afin de ne pas paraître contredire la coutume locale, on aura soin de porter des vêtements de Yom tov et d’allumer des veilleuses en l’honneur du second jour, mais sans prononcer de bénédiction. S’agissant des prières, il semblerait préférable, de prime abord, de prier chez soi, individuellement, afin de ne pas se trouver au sein des autres fidèles tout en ayant à prononcer un autre texte qu’eux ; en effet, tandis qu’eux réciteraient la prière de Yom tov, on aurait à réciter le rituel de ‘Hol hamo’ed ou celui d’un jour profane (Ora’h Michpat 129). Mais si l’on peut venir à une partie de l’office, sans qu’il soit visible que l’on récite un autre texte, il est préférable de venir à la synagogue afin d’y écouter le Qadich et la Qedoucha. Si c’est possible, il sera même préférable de dire la ‘Amida au sein de la communauté, tout en cachant le fait que l’on récite un autre texte qu’elle[7].

Le soir du séder, si l’on dispose d’un appartement indépendant, on n’aura pas l’obligation de se joindre aux gens habitant en diaspora. Mais si l’on est invité à séjourner au domicile de gens de diaspora, on participera à leur séder ; simplement, on ne prononcera pas les bénédictions portant sur les mitsvot : on répondra seulement amen après elles (‘Hayé Adam 103, 4)[8].


[6]. Selon Avqat Rokhel 26, le Mabit III 149 et le Yam Chel Chelomo sur Beitsa 1, 8, l’obligation de se conduire selon la coutume locale ne vaut qu’en public ; mais en secret, on peut être indulgent, conformément à sa propre coutume. De même, nous voyons qu’il est convenu de ne pas obliger les personnes habitant en Israël à déposer un érouv tavchilin, du second jour de Yom tov pour le Chabbat ; en effet, quand ils cuisineront, ceux qui les verront penseront que, selon toute vraisemblance, ils ont prévu un érouv tavchilin (Michna Beroura 496, 13). Cependant, en pratique, la grande majorité des décisionnaires estiment interdit d’exécuter des mélakhot, fût-ce discrètement, car, si l’on était indulgent en cela, l’exécution de ces travaux finirait par se savoir (Radbaz IV 1145, Mahari Castro, Peri ‘Hadach 468, Maguen Avraham 496, 4, Elya Rabba 5, Birké Yossef 3, Choul’han ‘Aroukh Harav 7, Michna Beroura 9, Ora’h Michpat 129).

Les A’haronim contemporains ont traité de la question du mouqtsé : certains ont voulu se montrer indulgents (Chévet Halévi VII 65), d’autres sont partiellement indulgents (Yom Tov Chéni Kehilkhato 16). Il semble qu’il n’y ait pas de différence à faire entre les cas : à l’égard de tous les interdits, il y a lieu d’être rigoureux, même quand on n’est pas visible des autres. Toutefois, en cas de nécessité pressante, l’habitant d’Israël peut être indulgent lorsqu’il est certain qu’aucun habitant de diaspora ne le verra, ou que, si on le voit, on pourra supposer que la chose a été faite de façon permise ; par exemple, si des gens de diaspora voient de la lumière chez leur coreligionnaire d’Israël, ils pourront penser que la lumière a été allumée par le biais d’une minuterie sabbatique (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 104). La raison en est que tout le fondement de l’interdit des travaux au second jour de Yom tov, est rabbinique ; de sorte que, en cas de nécessité pressante, on peut s’appuyer sur les décisionnaires indulgents ; et toute la raison pour laquelle on est rigoureux, même quand on agit discrètement, c’est que, si l’on devait se conduire avec indulgence dans tous les cas, cela finirait par se savoir ; tandis que, lorsqu’il est question des seuls cas de nécessité pressante, il  n’est pas tellement à craindre que la chose se sache.

Nous écrivons plus haut que l’obligation de se conduire selon la coutume de diaspora s’impose dans les limites du périmètre sabbatique de la communauté juive, et telle est la position des décisionnaires cités par le Michna Beroura 496, 10. Cela laisse entendre que l’on ne tient pas compte des Juifs isolés. Il semble qu’il n’y ait pas non plus à tenir compte des Juifs non pratiquants, même s’ils sont en nombre supérieur à dix, tant qu’ils ne sont pas organisés en communauté juive.

[7]. Le Rav Kook écrit, en Ora’h Michpat 129, que le Juif d’Erets Israël séjournant à l’étranger fera mieux de ne pas aller à la synagogue, le Yom tov, quand il est à craindre qu’on l’appelle à la Torah. Selon le Rav Chelomo Zalman Auerbach, même s’il peut cacher qu’il récite un autre texte, il n’a pas l’obligation d’aller à la synagogue, car on ne saurait lui imposer de rester présent à une si longue prière. Il semble que tous les décisionnaires s’accorderaient avec cela ; simplement, la question est de savoir s’il est bon, a priori, que ce Juif vienne à la synagogue. Il est bien entendu que, lorsqu’il lui est difficile de prier selon une version autre que celle de la communauté sans que cela soit perceptible, il vaut mieux ne pas s’y rendre. Mais si l’on peut prier, de manière discrète, suivant son propre texte, de nombreux auteurs estiment qu’il est préférable de se rendre à la synagogue, afin de prier au sein d’un minyan et de répondre au Qaddich et à la Qedoucha (cf. Or lé-Tsion III 23, 1, Sia’h Na’houm 28, Yom Tov Cheni Kehilkhato 3, 17). Selon le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 92, dans le cas où l’on prie régulièrement au sein de cette communauté, et où les fidèles s’apercevraient que l’on n’est point venu, on devra prier au sein de son minyan régulier, en récitant le texte des jours profanes ; mais on sera discret à cet égard. On s’efforcera de ne pas être appelé à la Torah ; mais si l’on est appelé, on montera. Quand un cohen d’Erets Israël vient à la synagogue à Isrou ‘hag, et que les fidèles du lieu récitent la prière de Moussaf, le cohen montera à l’estrade, selon le Maharam ben ‘Haviv, afin de bénir l’assemblée ; en effet, le cohen est autorisé à bénir la communauté de nombreuses fois le même jour. Selon le Guinat Vradim (Ora’h ‘Haïm I 13), il ne montera pas, puisqu’il ne récite pas lui-même la prière de Moussaf. Pour le Rav Kook, le cohen montera, mais il ne prononcera pas le nom divin (Ora’h Michpat 129) ; cependant, s’il est le seul cohen, il pourra monter et prononcer normalement la bénédiction (Or lé-Tsion III 23, 2).

Si dix Juifs d’Erets Israël sont présents dans la ville, il leur est interdit d’organiser leur propre minyan, même discrètement. Il est vrai que les Juifs de diaspora, quand ils se rendent en Israël, ont coutume d’organiser un minyan de second jour de Yom tov, comme nous le verrons ci-après (§ 9) ; mais cela s’explique par le fait que les rabbins d’Erets Israël ont autorisé la tenue de tels offices. Mais en diaspora, cela n’est pas l’usage. C’est ce qu’écrivent le Har Tsvi II 78, le Or lé-Tsion III 23, 1, le Rav Chelomo Zalman Auerbach et le Rav Yossef Chalom Elyachiv (Yom Tov Cheni Kehilkhato 3, note 76). Nous avons entendu que, en certaines contrées, il est d’usage d’organiser de tels offices avec l’autorisation des rabbins locaux, qui s’appuient, à cet égard, sur l’usage des Juifs de diaspora séjournant en Israël.

[8]. Certains auteurs, cependant, disent que, même si l’on ne dispose pas d’appartement séparé, mais que l’on puisse s’esquiver, il sera préférable de ne pas prendre part au second séder (Rav Auerbach et Rav Elyachiv, cités par Yom Tov Cheni Kehilkhato 3, note 84). Or lé-Tsion III 23, 1 écrit que, suivant la coutume séfarade, on ne participe pas au second séder. On sera donc fondé à choisir quoi faire.

Puisqu’il a été décidé que, même discrètement, on ne ferait pas de travaux ce jour-là, il est évident que l’on ne devra pas non plus manger de ‘hamets au huitième jour de Pessa’h, qui est un second jour de Yom tov propre à la diaspora (‘Aroukh Hachoul’han  496, 5).

07 – Si l’on quitte Israël pour une longue période, avec l’intention d’y revenir

Un grand doute se présente, dans le cas d’un Juif qui quitte la terre d’Israël pour une longue période, mais qui a l’intention d’y revenir. D’un côté, puisqu’il a l’intention de revenir, il a de prime abord le statut de Juif d’Erets Israël ; de l’autre, il se peut que, par l’expression « dans l’intention de revenir », les sages aient visé le cas où l’on revient en terre d’Israël après un court séjour à l’étranger ; mais que, si l’on y reste longtemps, on doive être considéré, pendant toute cette période, comme un Juif de diaspora. De plus, il est à craindre que cette personne décide finalement de s’installer durablement en diaspora.

Deux thèses principales ont été exprimées dans un tel cas : certains disent que, si celui qui quitte la terre d’Israël prévoit de rester en diaspora un an ou davantage, il sera, pendant cette période, considéré comme un habitant de diaspora, et devra donc observer le second jour de diaspora. De nombreux rabbins de diaspora ont coutume de donner cette directive.

D’autres pensent que, même si l’on a l’intention de rester en diaspora plusieurs années, tant qu’il est parfaitement certain que l’on reviendra, le séjour à l’étranger est encore considéré comme temporaire, de sorte que l’on a le statut de Juif d’Erets Israël. Néanmoins, il est clair qu’il y a à cela une limite, et qu’il ne se peut pas qu’une personne ayant l’intention de rester en diaspora de nombreuses années continue à observer la coutume d’Erets Israël. Par conséquent, il semble que, tant que l’on a l’intention de revenir avant l’expiration des quatre années prochaines, on soit encore considéré comme un habitant temporaire ; en effet, nous voyons que les missions les plus longues, effectuées par des Israéliens à l’étranger, durent près de quatre ans. Mais si l’on a l’intention de s’installer en diaspora quatre ans ou davantage, quoiqu’on ait clairement l’intention de revenir en Erets Israël, on devra observer un second jour de Yom tov, pendant toutes les fêtes où l’on se trouvera en diaspora.

Il semble en pratique que, lorsqu’une personne quitte Israël dans un but qui n’est pas assorti d’un temps déterminé, il lui faille adopter le premier système ; même quand sa claire intention est de revenir en Israël, tant que l’on quitte le pays pour une période d’un an, on a, pendant la durée de ce séjour, le statut d’un habitant de diaspora. Si l’on a une famille, on n’est, durant cette année, considéré comme habitant de diaspora que dans le cas où sa famille a quitté Israël avec soi.

Mais si l’on part en diaspora dans un but clairement assorti d’un temps déterminé, on devra adopter le second système. Par conséquent, si l’on part en mission éducative, ou en mission commerciale pour une société israélienne, ou pour les besoins de ses études, ou pour quelque autre besoin défini, on sera, tant que l’on a l’intention de revenir en Israël dans les quatre ans, considéré encore comme un habitant de la terre d’Israël. Si l’on part pour quatre ans ou plus, on devra observer le second jour de Yom tov de diaspora. En ces matières, il y a de nombreux cas intermédiaires, dans lesquels il faut consulter un rabbin.

Il faut ajouter que, lorsqu’une personne appartient à une communauté ayant à sa tête un rabbin qui en est l’enseignant attitré, et que celui-ci donne publiquement pour directive de suivre le premier système, on devra se conformer à son enseignement, tout le temps qu’on se trouvera dans sa communauté[9].


[9]. Jadis, quand les chemins étaient difficiles, il n’était pas simple de déménager, explique le Radbaz (4145) ; si l’on déménageait avec sa femme et ses enfants pour s’installer en diaspora, quand bien même on avait l’intention de revenir, on prenait le statut d’habitant de diaspora, dès lors qu’il y avait un risque d’y rester. Ses propos sont rapportés en tant que halakha : Maguen Avraham 496, 7, Knesset Haguedola, Peri ‘Hadach 468, Elya Rabba 496, 6, Michna Beroura 13. Mais si, selon ce que l’on a programmé, il n’y a pas de risque de rester en diaspora, plusieurs A’haronim écrivent que, de l’avis même du Radbaz, on garde le statut d’habitant de la terre d’Israël, bien que l’on soit parti avec sa famille (Chelamé Tsibour 234, Peqoudat El’azar, Ora’h ‘Haïm 496). De nos jours, où les voyages sont devenus plus faciles, de nombreux auteurs estiment que le critère n’est plus le voyage de la famille, mais l’intention de la personne : même si elle déménage avec sa famille, elle gardera le statut d’habitant d’Erets Israël, dès lors qu’elle a la claire intention de revenir. Toutefois, il est évident que, si la personne a l’intention de rester en diaspora de longues années, elle aura le statut d’habitant de diaspora, même quand il est parfaitement certain qu’elle reviendra en Israël ; car son séjour prolongé à l’étranger fait déjà d’elle un habitant du lieu. La question qui se pose est de savoir pendant quelle durée on peut encore être considéré comme résident de la terre d’Israël, dispensé du second jour de Yom tov. Parmi les livres des décisionnaires, nous avons trouvé de nombreuses réponses à cette question, et il semble, de prime abord, que chaque décisionnaire ait sa propre opinion. Cependant, ce qui les différencie tient essentiellement au fait qu’ils répondaient à différentes questions qui leur étaient soumises ; et si l’on examine profondément leur pensée, il apparaît en vérité qu’il existe deux thèses principales :

Première thèse : l’année est la période de temps déterminante. Nous voyons en effet (Baba Batra 7b) que, après un an, une personne est considérée comme résidente du lieu et s’oblige à tous les paiements d’impôts. Aussi, quand bien même elle aurait l’intention de revenir en terre d’Israël, le fait qu’elle soit partie en diaspora pour un an implique que, pendant cette période, elle est considérée comme habitante du lieu. C’est ce qu’écrivent Avné Nézer, Ora’h ‘Haïm 424, 28, le ‘Aroukh Hachoul’han 496, 5, le Tsits Eliézer IX 30, le ‘Hazon ‘Ovadia, Yom Tov p. 121. C’est aussi en ce sens qu’inclinent de nombreux rabbins de diaspora.

Seconde thèse : ceux qui tranchent selon elle ne spécifient pas un nombre d’années, mais parlent de « quelques années », expression qui, d’après le contexte, signifie deux ou trois ans, ou un peu plus. L’idée est que c’est seulement après un séjour de quelques années que, même si l’on a certainement l’intention de revenir, on est considéré comme un des Juifs locaux. C’est dans un sens proche que se prononce le Michné Halakhot 4, 83 ; telle est l’opinion du Rav Yossef Chalom Elyachiv, telle que la rapporte le Yom Tov Chéni Kehilkhato p. 162, et du Or lé-Tsion III 23, 5. Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 74 écrit aussi cela en réponse à la question de personnes s’installant en Erets Israël pour un an ou deux.

Bien que de nombreux rabbins de diaspora tranchent selon la première thèse (des propos du ‘Hakham Tsvi 167, il semble que, même si l’on a pour intention de revenir en terre d’Israël, on doive observer deux jours), nous avons retenu en pratique, s’agissant de ceux qui partent en mission définie, la seconde thèse, parce que l’obligation du second jour de Yom tov est une norme fondamentalement rabbinique, et qu’en cas de doute portant sur une norme rabbinique on est indulgent ; c’est aussi ce qui nous apparaît au regard de la logique.

Par conséquent, quand une personne quitte Israël dans un but qui n’est pas nettement défini, et quoiqu’elle ait l’intention de revenir, il existe un certain risque qu’elle décide de rester en diaspora. Aussi, dans le cas où elle est partie pour une durée d’un an, elle aura le statut d’un Juif de diaspora, conformément à la première thèse. Mais si cette personne a un objectif défini, assorti d’une durée précise, comme dans le cas d’une mission d’éducation, d’une mission d’affaires ou d’un cursus d’études supérieures, et bien qu’elle ait quitté Israël pour quelques années, sa position à l’étranger n’est que temporaire, aussi bien à ses propres yeux qu’à ceux de l’entourage. Simplement, on est contraint de déterminer un temps limite à cet égard, afin que la halakha ne soit pas sujette à approximation. Or puisque la durée d’un séjour assorti d’objectifs précis, qu’ils soient éducatifs ou commerciaux, n’excède généralement pas quatre ans, telle est la limite temporaire. C’est aussi de cette façon que les gens le considèrent : une personne qui séjourne à l’étranger pour quatre ans ou davantage ne peut prétendre n’être pas semblable aux Juifs locaux.

Si l’on est parti pour l’étranger dans une intention définie pour une période de deux ans, et que l’on décide ensuite d’y rester encore deux années supplémentaires, on devra, dès le moment où l’on a pris cette décision d’ajouter deux années à son séjour, adopter les usages des Juifs locaux. Même si l’on se rend en Israël chaque année, ou tous les six mois, dès lors que l’on a l’intention de résider quatre ans en diaspora, on aura, tout le temps que l’on sera en diaspora, le statut de Juif local. Simplement, durant ses visites en Israël, on reprendra temporairement le statut de Juif d’Erets Israël, puisque l’on a un lien profond avec la terre d’Israël, comme nous l’expliquons au paragraphe suivant, d’après le Maharitats 52.

Il se peut qu’un autre motif s’associe aux précédents, aux yeux des rabbins de diaspora, pour pencher en faveur des décisionnaires selon qui l’année est le temps limite. Ils se seront en effet aperçu que, lorsque des Juifs ayant quitté Israël et vivant parmi les membres de leur communauté pour une longue durée n’observent pas le second jour de Yom tov, ils heurtent et affaiblissent le reste de la communauté dans son observance de la fête, et peut-être même dans celle d’autres mitsvot. Autrefois, il n’existait pas de cas où un Juif résidant en diaspora un an avec sa famille gardait le statut d’habitant d’Erets Israël, comme nous l’avons appris du Radbaz ; et nous trouvons des cas où les sages déclarent qu’il est interdit de se conduire différemment de la communauté, même si l’on ne réside qu’un jour en diaspora, cela pour éviter la controverse (Pessa’him 50a, Choul’han ‘Aroukh 496, 3). On peut élargir la portée de leur propos en disant que, lorsqu’une personne a l’intention de rester un an en diaspora, il ne suffit plus qu’elle se conduise extérieurement comme les membres de la communauté locale ; puisque cette personne est mêlée aux membres de la communauté, ceux-ci sauront et sentiront certainement qu’elle n’observe pas le second jour ; aussi, afin de ne pas contredire la coutume de la diaspora, elle devra se conduire entièrement comme les autres, en toutes leurs règles. On voit, dans ce sens, que nos sages ont ordonné de pratiquer un second jour de Yom tov pour toutes les fêtes, même celles où les émissaires arrivaient à temps devant le beit-din, cela afin de ne pas faire de différence entre les fêtes (Roch Hachana 21a, cf. ci-dessus § 2). Nos sages ont aussi prescrit de réciter, le second jour de Yom tov, les bénédictions de la fête, parce que, si on ne les récitait pas, le second jour de Yom tov en viendrait à être annulé de fait (Chabbat 23a, cf. ci-dessus § 5). C’est pourquoi nous écrivons que, si l’on se trouve dans une communauté dotée d’un chef, qui soit son rabbin attitré, on devra se conduire selon ses prescriptions.

08 – Si l’on se rend en Israël pour une visite ou pour y séjourner

Certains disent qu’un habitant de diaspora qui est en visite en Israël a, tout le temps qu’il s’y trouve, le statut d’un habitant d’Israël (‘Hakham Tsvi 167). Mais de l’avis de la majorité des décisionnaires, puisque cette personne a pour lieu d’habitation un pays de diaspora, elle garde le statut d’habitant de la diaspora, même quand elle visite Israël ; et tel est l’usage en pratique (Birké Yossef 496, 7, Michna Beroura 13).

Toutefois, quand apparaît un doute supplémentaire, par exemple quand une personne a l’intention de rester longtemps en Israël, ou quand elle a le projet de faire son alya, ou encore quand ses enfants habitent Israël, on associe l’opinion des auteurs selon lesquels il lui faut toujours observer un seul jour au fait que, dans les dernières générations, les chances que les Juifs visitant Israël décident de s’y établir se sont accrues ; on dit alors à cette personne qu’il lui faut se conduire selon la coutume d’Erets Israël.

Par conséquent, si une personne s’installe en Israël pour une année d’étude, elle aura même statut que les habitants d’Israël. Quand bien même elle a pour claire intention de retourner s’établir en diaspora, que ses parents y résident, et qu’elle y voyage au cours de l’année pour leur rendre visite, le fait d’habiter de manière prolongée en Erets Israël la transforme en Juif de la terre d’Israël, pendant le temps qu’elle y séjourne. De plus, il existe toujours une chance quelconque pour que cette personne décide de faire son alya, car c’est une mitsva de la Torah que de s’établir en Erets Israël.

Mais celui qui vient en simple visite en Israël, même s’il vient pour six mois, garde, tant qu’il a pour projet de retourner vivre en diaspora, le statut d’habitant de la diaspora. Si l’on fait de fréquentes visites en Israël, au point que le cumul de ces visites est égal à un an, il s’avère que l’on est déjà, dans une certaine mesure, un habitant d’Israël ; de plus, il y a une certaine probabilité que l’on fasse son alya ; dès lors, pendant les fêtes où l’on sera en Israël, on observera un seul jour de Yom tov.

Si l’on vient en Israël pour une visite, et que l’on ait pour projet de faire son alya quand la chose sera possible, on se conduira, durant son séjour en Israël, comme un Juif d’Israël, même si la visite est courte en elle-même, et même si des années doivent encore passer avant qu’on ne puisse réaliser son projet.

Si la personne en visite en Israël a des enfants ou des parents installés dans le pays, et quoiqu’elle n’ait pas l’intention de faire son alya, elle aura, durant son séjour, même statut que les Juifs d’Israël, puisqu’elle a un lien familial profond avec Erets Israël, et que, dès lors, il y a une certaine chance qu’elle fasse son alya.

De même, si l’on a acheté un appartement en Israël afin d’y habiter pendant ses séjours, on aura même statut que les habitants d’Israël durant lesdits séjours.

Dans le même sens, celui qui a quitté Israël pour s’établir en diaspora, même s’il y réside des décennies durant, se conduira, pendant ses visites en Israël, comme un habitant d’Israël, tant qu’il existe une chance quelconque qu’il revienne s’établir en Israël, puisqu’il y a habité pendant des années.

Cependant, tous ceux-là, parce qu’ils n’ont pas encore, en pratique, fait leur alya, devront, quand ils se trouveront physiquement en diaspora, observer le second Yom tov de diaspora[10].


[10]. Le ‘Hakham Tsvi (167) écrit que, dans tous les cas, celui qui vient de diaspora en Israël doit faire un seul jour de Yom tov. En effet, l’obligation coutumière de continuer à observer les rigueurs de l’endroit d’où l’on vient (‘houmré maqom chéyatsa micham) ne vaut qu’à la condition que l’on poursuive perpétuellement dans cette rigueur. Mais en cette matière, celui qui fait son alya cessera d’observer deux jours de Yom tov, puisque la coutume du second jour ne vise que la diaspora ; aussi, tout le temps que l’on séjournera en Erets Israël, il sera interdit de faire un second jour de Yom tov. C’est aussi l’opinion du Choul’han ‘Aroukh Harav 496, 11. Cependant, pour la majorité des décisionnaires, un habitant de diaspora qui vient en Erets Israël doit observer deux jours. Telle est la position du Avqat Rokhel 26, du Guinat Vradim, du Birké Yossef 496, 7, du Cha’aré Techouva 5, du Michna Beroura 13 et de nombreux autres décisionnaires. Le Rav Chemouel Salant tendait à faire sienne l’opinion du ‘Hakham Tsvi, mais, parce qu’il ne voulait pas contrer l’usage, il donna pour consigne, s’agissant d’un cas de doute, d’observer la rigueur d’un « jour et demi », c’est-à-dire de s’abstenir des travaux interdits, mais, en revanche, de ne pas réciter les prières et les bénédictions qui ne se disent pas en Erets Israël (‘Ir Haqodech Véhamiqdach III p. 254). C’est aussi en ce sens qu’inclinait le Rav Kook.

De prime abord, suivant les principes de la halakha, nous devrions donner pour consigne de suivre le ‘Hakham Tsvi, puisque le second jour de Yom tov est une institution rabbinique, et que l’on est indulgent en cas de doute portant sur une norme rabbinique. De plus, en cas de doute portant sur une bénédiction, on a pour principe de s’abstenir, alors que, le second jour de Yom tov, on est rigoureux et l’on ajoute des bénédictions. Mais les habitants de la diaspora ont coutume de marquer le second jour de Yom tov y compris quand ils se trouvent en terre d’Israël ; or quand il existe une coutume, le principe d’après lequel on est indulgent en cas de doute portant sur une norme rabbinique ne s’applique pas, non plus que le principe selon lequel on s’abstient en cas de doute portant sur une bénédiction.

Cependant, quand un doute supplémentaire se joint au précédent, il se peut que les décisionnaires rigoureux eux-mêmes s’accorderaient à dire qu’il faut se conduire comme les habitants d’Erets Israël, comme en témoigna le ‘Hida dans ‘Haïm Chaal I 55 : les rabbins d’Erets Israël donnèrent aux élèves venus y étudier, dès lors qu’il y avait une chance quelconque qu’ils s’y établissent, le statut d’habitants d’Erets Israël pendant le temps de leur séjour. Or le ‘Hida fait partie de ceux qui font obligation aux visiteurs d’accomplir un second jour de Yom tov en terre d’Israël. Et même si l’on dit que, dans le cas même où il existerait un doute supplémentaire, la majorité des décisionnaires continueraient de penser qu’il faut observer deux jours (comme l’écrit le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 74), il n’y a déjà plus de coutume contraignante à l’égard d’un tel cas ; par conséquent, on peut revenir alors aux principes généraux de la halakha : en cas de doute portant sur une norme rabbinique, on est indulgent, et il n’y a pas lieu d’obliger ceux qui séjournent en Erets Israël à marquer un second jour de Yom tov ; à plus forte raison n’y a-t-il pas lieu de prendre le risque que soient prononcées des bénédictions vaines.

Un autre élément important s’est ajouté à cela dans les dernières générations : le peuple d’Israël a commencé à se rassembler sur sa terre ; celle-ci donne ses récoltes, et il est beaucoup plus facile d’accomplir, de nos jours, la mitsva de l’alya (cf. Michna Beroura 496, 12, qui cite les propos de décisionnaires d’après lesquels l’un des critères centraux, en cette matière, est la chance que la personne décide de rester à l’endroit où elle s’est provisoirement établie). Aussi écrivons-nous que, si l’on a l’intention de faire son alya, bien que l’on ne sache pas quand ce sera, et que de nombreuses années puissent encore passer avant que l’on réussisse, concrètement, à accomplir ce rêve, on témoigne par ce projet même d’un lien significatif avec la terre d’Israël ; en ce cas, dès la première visite, on se conformera à la coutume de la terre d’Israël.

Il faut savoir qu’un même homme peut avoir une double appartenance : quand il se trouvera en Erets Israël, il observera un jour, tandis qu’en diaspora il fera deux jours, comme l’écrit le Maharitats dans ses responsa (52) au sujet d’un homme habitant un an en terre d’Israël et un an en diaspora : quand il se trouve sur la terre d’Israël, son statut est celui d’un habitant du pays, et quand il se trouve en diaspora, son statut est celui d’un habitant de la diaspora. C’est aussi ce qu’écrit le ‘Assé Lekha Rav 7, 33. Par conséquent, quiconque vient en Israël pour une simple visite devra observer deux jours. Mais si l’on vient pour une année d’étude, on sera quelque peu comparable à un habitant du pays, puisqu’on s’y trouvera pour une période prolongée. C’est ainsi que notre maître, le primat de Sion, Rav Mordekhaï Elyahou – que la mémoire du juste soit bénie – donnait pour instruction à des jeunes gens venus en Israël pour une période d’étude de se conduire comme des habitants d’Israël ; puis, quand ils voulaient repartir en diaspora, ils devaient venir demander si cela leur était permis. Cette position se fonde sur les propos du ‘Hida, cités plus haut. C’est aussi ce qu’écrit notre maître le Rav Goren dans la revue Tchumin n°24, p. 333.

Il semble que ceux-là même dont les séjours en Israël, cumulés, atteignent la durée d’un an, sont déjà considérés dans une certaine mesure comme des habitants du pays ; et il existe toujours une certaine chance qu’ils fassent leur alya, aussi se conduiront-ils comme des habitants du pays. De même, celui qui a des parents ou des enfants ayant fait leur alya, ainsi que celui qui acheté un appartement afin d’y habiter lors de ses séjours – avant même que ses séjours cumulés n’atteignent la durée d’un an – se conduiront, quand ils se trouveront en Israël, comme des habitants du pays.

09 – Coutume des habitants de diaspora qui séjournent en Israël

Comme nous l’avons vu, les habitants de diaspora qui se rendent en Israël pour y faire visite, et qui n’ont pas l’intention de faire leur alya, doivent observer le second jour de Yom tov de diaspora. En d’autres termes, ils devront s’abstenir des travaux interdits le Yom tov, réciter la prière de Yom tov, réciter le Qidouch sur une coupe de vin et prendre les repas (sé’oudot) de fête. De prime abord, il eût certes convenu de prier discrètement, car nos sages disent de celui qui arrive en un lieu où l’on suit un autre usage qu’il ne devra exciper publiquement en rien aux usages locaux, cela afin de n’avoir pas l’air de contredire lesdits usages. Mais les rabbins d’Erets Israël ont déjà exprimé leur accord pour que ceux qui viennent en visite organisent pour eux-mêmes un minyan afin d’y prier selon le rituel de la fête, le second jour de Yom tov ; dès lors, il n’y a pas là d’atteinte portée à la coutume d’Erets Israël (Avqat Rokhel 26, Kaf Ha’haïm 496, 38).

S’agissant de la mitsva de la souka : si la personne venue de diaspora est invitée chez un habitant d’Israël, elle ne mangera pas dans la souka à Chemini ‘atséret. Mais si elle dispose d’un appartement indépendant, ou si elle est à l’hôtel, elle mangera dans la souka à Chemini ‘atséret[11].

Pour les besoins d’une mitsva, ou pour quelque autre grande nécessité, il est permis à un habitant de diaspora de demander à des habitants d’Israël de faire, pour lui, une mélakha, puisqu’il s’agit d’un cas de chevout de-chevout[b]. En effet, la coutume du second jour de Yom tov est, dans son fondement, rabbinique, et le fait même de demander l’exécution d’une mélakha n’est interdit que rabbiniquement. Mais s’il n’y a pas à cela de nécessité pour une mitsva, ni d’autre grande nécessité, c’est interdit[12].


[11]. Selon le Michna Beroura 496, 13, on priera discrètement, conformément au principe de base selon lequel on ne doit pas se distinguer de l’usage local, afin de prévenir la controverse. Cependant, l’auteur du Avqat Rokhel (26) écrit que cette attention prêtée au fait de ne pas se distinguer pour éviter la controverse vise les actes que les gens du pays ont coutume de s’interdire ; en ce cas, si les invités sont indulgents, les gens du pays risquent de s’autoriser, sous leur influence, des indulgences. Aussi n’y a-t-il pas d’interdit à organiser ouvertement un minyan de fête, car il n’est pas à craindre que les gens de la ville apprennent de cela une quelconque indulgence. Tel est l’usage en pratique, comme l’expliquent le Kaf Ha’haïm 496, 38, le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm V 37, 6, le Yom Tov Chéni Kehilkhato 2, 2.

S’agissant de la souka : certains estiment qu’un Juif de diaspora devra résider dans la souka à Chemini ‘atséret, même s’il est invité chez un habitant d’Israël (Or lé-Tsion III 23, 11, Yom Tov Chéni Kehilkhato 2, note 48 au nom du Rav Elyachiv et du Rav Wozner). D’autres pensent qu’on ne résidera pas dans la souka, car on paraîtrait contredire le fait que ce jour est Chemini ‘atséret [lequel suit les sept jours de Soukot]. De plus, il y aurait à cela quelque déconsidération envers la coutume d’Erets Israël (Rav Tikochinsky, Loua’h Erets Israël ; Min’hat Chelomo I 19, 1 ; Min’hat Yits’haq IX 54). Il semble que le visiteur invité chez un Juif d’Israël ne devra pas résider dans la souka ; mais que, s’il est indépendant, ou à l’hôtel, il sera préférable qu’il réside dans la souka. Toutefois, si cela lui est difficile, il sera autorisé à s’appuyer sur les opinions indulgentes. S’agissant du sommeil, on a coutume, même en diaspora, de ne pas dormir dans la souka à Chemini ‘atséret (Michna Beroura 668, 6).

[b]. Sur cette notion, cf. ci-dessus chap. 7 § 2, et Les Lois de Chabbat I 9, 11.

[12]. Selon le Cha’aré Techouva 496, 4, de même qu’il est interdit à un habitant de diaspora de faire une mélakha, de même lui est-il interdit de demander à un Juif d’Erets Israël de faire une mélakha pour lui, bien qu’il soit permis au Juif d’Erets Israël lui-même d’exécuter toutes les mélakhot. C’est aussi l’opinion du Peat Hachoul’han, Hilkhot Erets Israël 2, 15, du Min’hat Yits’haq VII 34 et du Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 105. Le Min’hat Chelomo I 19, 3 tend à l’indulgence – de même qu’il est permis à une personne ayant pris sur elle la tosséfet Chabbat [sur cette notion, cf. Les Lois de Chabbat I 3, 2] de demander à une autre, qui ne l’a point prise sur elle encore, d’accomplir pour elle un travail (Choul’han ‘Aroukh 263, 17). En pratique, il y a lieu d’être rigoureux ; simplement, le statut d’un tel interdit est celui de chevout de-chevout, puisque l’observance d’un second jour de Yom tov est en soi de rang rabbinique, et que le fait de demander à un non-Juif ou à un Juif d’accomplir un travail est également un interdit rabbinique. Par conséquent, pour les besoins d’une mitsva ou quelque autre grande nécessité, c’est permis.

01 – ‘Hol hamo’ed

Le fête de Pessa’h et celle de Soukot commencent par un Yom tov et s’achèvent par un Yom tov. Dans l’intervalle, se trouvent les jours de ‘Hol hamo’ed. La fête de Pessa’h dure sept jours, dont cinq sont de ‘Hol hamo’ed. La fête de Soukot, si l’on y ajoute Chemini ‘atséret, dure huit jours, dont six de ‘Hol hamo’ed. C’est à ce propos qu’il est dit, s’agissant de Pessa’h : « Et le quinzième jour de ce mois sera la fête des azymes en l’honneur de l’Éternel ; sept jours durant, vous mangerez des azymes. Le premier jour sera pour vous une convocation sainte ; vous ne ferez aucun ouvrage servile. Vous présenterez un sacrifice consumé par le feu en l’honneur de l’Éternel, pendant sept jours ; le septième jour sera une convocation sainte, vous ne ferez aucun ouvrage servile » (Lv 23, 6-8). De même, il est dit de Soukot : « Parle aux enfants d’Israël en ces termes : “Le quinzième jour de ce septième mois sera la fête des tentes, pendant sept jours, en l’honneur de l’Éternel. Le premier jour sera convocation sainte ; vous ne ferez aucun ouvrage servile. Sept jours durant, vous présenterez un sacrifice consumé par le feu en l’honneur de l’Éternel ; le huitième jour sera pour vous convocation sainte, et vous présenterez un sacrifice consumé par le feu en l’honneur de l’Éternel ; c’est une fête de clôture : vous ne ferez aucun ouvrage servile » (ibid. 23, 34-36).

Les jours de ‘Hol hamo’ed ont un statut intermédiaire, profane (‘hol) d’un côté, et appartenant à la fête (mo’ed) de l’autre. C’est pourquoi ils sont appelés ‘Hol hamo’ed, « le profane de la fête ». D’un côté, ils sont inclus dans les jours de la fête, et c’est une mitsva de la Torah que de s’y réjouir ; on y offre, de même qu’à Yom tov, des sacrifices propres à la fête ; et ce n’est qu’en associant ces jours que la fête de Pessa’h et celle de Soukot font sept jours. De plus, à Pessa’h, il est interdit d’y manger du ‘hamets ; à Soukot, c’est une mitsva que d’y résider dans la souka, comme au premier jour de Yom tov. Les jours de ‘Hol hamo’ed sont, eux aussi, inclus dans la fête, puisqu’ils sont nommés miqraé qodech (convocations saintes), comme il est dit : « Voici les fêtes de l’Éternel, que vous proclamerez, convocations saintes, où vous présenterez un sacrifice consumé par le feu en l’honneur de l’Éternel, holocauste et offrande, victime et libations, chaque chose en son jour » (Lv 23, 37). Aussi, lors de la prière de Moussaf, on dit en ces jours : et yom miqra qodech hazé (« ce jour de convocation sainte ») (Choul’han ‘Aroukh 490, 3, Michna Beroura 6).

De l’autre côté, lorsque la Torah traite de ces jours de manière plus détaillée, elle insiste sur le fait que le premier et le dernier jours sont miqraé qodech, et qu’il est interdit d’y accomplir aucun ouvrage servile. On voit donc que les jours de ‘Hol hamo’ed ne sont pas appelés, à l’égard de l’interdit du travail, miqraé qodech. Aussi est-il permis d’y faire des mélakhot pour les besoins de la fête, ou pour éviter une perte. Et puisque ces jours présentent, par un côté, un aspect profane, on récite une Havdala entre le Yom tov et ‘Hol hamo’ed ; et l’on dit, dans le texte de cette Havdala : « Béni sois-Tu… qui distingues le saint du profane » (cf. ci-dessus, chap. 2 § 11).

Dans ce chapitre, nous traiterons de la mitsva de ‘Hol hamo’ed, et dans les deux suivants nous expliquerons largement les lois relatives au travail pendant ces jours : dans l’un, nous exposerons les règles applicables à tout homme, dans sa vie personnelle ; dans l’autre, des cas dans lesquels il est permis de travailler à ‘Hol hamo’ed.

02 – Prières

Puisque les jours de ‘Hol hamo’ed se caractérisent par un mélange de saint et de profane, ces deux aspects se mêlent aussi dans les prières de cette période. Aux offices de Cha’harit, Min’ha et Arvit, on récite la ‘Amida des jours ouvrables, et l’on y ajoute le passage Ya’alé véyavo (« que notre souvenir et celui de nos ancêtres… s’élève et parvienne devant Toi… ») dans la bénédiction Retsé (« Agrée, Éternel notre Dieu, ton peuple Israël… »), afin d’y mentionner la fête (« en ce jour de la fête des azymes / des tentes… »). Si l’on oublie de réciter ce passage, dans quelqu’une de ces prières, on devra, tant que l’on n’a pas achevé la ‘Amida, revenir au début de la bénédiction Retsé, où l’on inclura cette fois Ya’alé véyavo ; de là, on poursuivra dans la continuité du texte, jusqu’à la fin de la ‘Amida. Si l’on a terminé la ‘Amida, même si l’on n’a pas encore reculé de trois pas, on devra répéter la ‘Amida du début, afin d’y réciter Ya’alé véyavo (Choul’han ‘Aroukh 490, 2).

Tout de suite après l’achèvement de la ‘Amida de Cha’harit, on récite le Hallel. À ‘Hol hamo’ed Soukot, c’est le Hallel complet que l’on récite ; à ‘Hol hamo’ed Pessa’h, le Hallel abrégé, comme expliqué ci-dessus (chap. 2 § 7).

Les sages ont institué, à ‘Hol hamo’ed, une lecture de la Torah, dont le thème est lié à celui de la fête. À Pessa’h, on lit chaque jour l’un des paragraphes où il est fait mention de cette fête ; à Soukot, on lit chaque jour le passage relatif aux sacrifices de la fête, dans la paracha Pin’has. On appelle à la Torah quatre personnes, ce qui reflète, là encore, le statut du jour. En effet, les jours ordinaires, on appelle trois personnes à la Torah, à ‘Hol hamo’ed quatre, et un jour de Yom tov cinq (Méguila 21a).

De même que, le Yom tov, on récite une ‘Amida de Moussaf, ainsi à ‘Hol hamo’ed ; car la prière de Moussaf correspond aux sacrifices additionnels que l’on apportait aux jours de fêtes. À cet égard, ‘Hol hamo’ed est semblable à Yom tov.

Lorsqu’un jour de ‘Hol hamo’ed coïncide avec un Chabbat, on récite, à Arvit, Cha’harit et Min’ha, la ‘Amida de Chabbat, à laquelle on ajoute Ya’alé véyavo dans la bénédiction Retsé. Le texte de Moussaf est celui de la fête, auquel on joint la mention du Chabbat ; le Chabbat y est cité avant la fête, car la sainteté du Chabbat a préséance sur celle de la fête ; et l’on conclut : Baroukh… meqadech ha-Chabbat vé-Israël véhazemanim (« Béni sois-Tu… qui sanctifies le Chabbat, Israël et les fêtes »).

Les Richonim sont partagés quant au port des téphilines à ‘Hol hamo’ed. Comme on le sait, le Chabbat et le Yom tov, il est interdit de mettre les téphilines, car celles-ci constituent un signe (ot) du lien unissant le Saint béni soit-Il et Israël ; or, puisque le Chabbat et le Yom tov sont eux-mêmes des signes de ce lien, quiconque y met les téphilines déconsidère objectivement le signe que constituent ces jours saints. S’agissant de ‘Hol hamo’ed, certains disent que, puisqu’une partie des travaux (mélakhot) y sont autorisés, ces jours ne sont pas considérés comme un signe, et l’on a donc l’obligation d’y mettre les téphilines (Roch, Rama). Tel était l’usage dans les pays de langue germanique. D’autres estiment que l’interdit du ‘hamets (pâte levée) à ‘Hol hamo’ed Pessa’h, et la mitsva de résider dans la souka à ‘Hol hamo’ed Soukot, constituent le signe du lien unissant le Saint béni soit-Il à Israël ; et afin de ne pas déconsidérer le signe des fêtes, il est interdit, à ‘Hol hamo’ed également, de mettre les téphilines (Rachba, Choul’han ‘Aroukh 32, 2). Telle est la coutume d’Espagne, et telle est aussi celle d’une partie des Ashkénazes. En pratique, en diaspora, il est juste que chaque communauté continue de se conformer à sa coutume ; mais en terre d’Israël, puisque la coutume courante, parmi les originaires de toutes les communautés, est de ne pas mettre les téphilines, tous ceux qui viennent s’installer en Israël doivent adopter la coutume d’Erets Israël[1].


[1]. Parmi les Ashkénazes qui ont pour coutume de mettre les téphilines à ‘Hol hamo’ed, certains ont l’usage de réciter la bénédiction (Roch) ; d’autres, de ne pas la dire (Maharil) ; d’autres encore ont l’usage de la dire à voix basse, afin d’éviter la controverse (Rama) ; et d’autres pensent qu’il ne faut pas du tout mettre les téphilines (Gaon de Vilna). Nombreux sont les décisionnaires qui s’accordent à dire qu’il est préférable de les mettre, sans prononcer la bénédiction, afin d’échapper à un cas de doute portant sur une bénédiction (Touré Zahav, Peri Mégadim, Ma’hatsit Hachéqel, Dérekh Ha’haïm, ‘Hayé Adam, Michna Beroura 32, 8).

La coutume de tous les Séfarades est de ne pas mettre les téphilines à ‘Hol hamo’ed, comme l’écrivent le Halakhot Guedolot, le Raavad, Na’hmanide et le Rachba. C’est aussi ce qu’écrit, d’après le Zohar, le Beit Yossef, Ora’h ‘Haïm 32, 2. Tel est aussi l’usage de Rabbi Yits’haq Louria, et c’est cet usage que suivaient de nombreux ‘Hassidim en Europe de l’est.

Cette règle n’est pas dépendante de la controverse sur le fait de savoir si l’interdit d’exécuter des mélakhot à ‘Hol hamo’ed est toranique ou rabbinique. En effet, selon le Halakhot Guedolot, cet interdit est rabbinique ; or le même auteur interdit de mettre les téphilines ; à l’inverse, pour le Ritva, l’interdit des mélakhot est toranique, tandis qu’il faut mettre les téphilines à ‘Hol hamo’ed (Mo’ed Qatan 19a ; cf. ‘Hazon Ovadia pp. 160-161).

En Erets Israël, les membres de toutes les communautés ont coutume de ne pas mettre les téphilines, car les immigrants des pays ashkénazes eux-mêmes se conformaient à l’avis de Rabbi Isaac Louria et du Gaon de Vilna. Et puisqu’on a soin de ne pas suivre deux usages différents dans une même synagogue (Artsot Ha’haïm, Michna Beroura 32, 8), il faut donner pour directive à tous ceux qui viennent à la synagogue de s’abstenir de mettre les téphilines à ‘Hol hamo’ed).

03 – Joie, repas et vêtements

C’est une mitsva pour chacun que de se réjouir avec les membres de sa famille et tous ceux qui l’accompagnent, aux jours de ‘Hol hamo’ed, comme il est dit : « Tu te réjouiras en ta fête, toi, ton fils, ta fille, ton serviteur, ta servante, le lévite, le prosélyte, l’orphelin et la veuve qui sont en tes portes » (Dt 16, 14 ; Maïmonide, Yom tov 6, 17).

La mitsva de la joie doit s’exprimer par le biais des repas et des vêtements, car ce sont là des choses dont les gens ont l’habitude de se réjouir. De plus, d’un certain point de vue, ‘Hol hamo’ed est, lui aussi, considéré comme « convocation sainte » ; aussi est-ce une mitsva que de le sanctifier « par la nourriture, par la boisson et par une tunique propre » (Sifra, Emor 12, 4).

Par conséquent, c’est une mitsva que de fixer, chaque jour de ‘Hol hamo’ed, deux repas : l’un, le soir, l’autre le jour. C’est une mitsva que de manger, à chacun de ces repas, du pain et des mets réjouissants ; et c’est une mitsva que d’y boire un vin réjouissant, dans la mesure d’un revi’it (75 ml). Par quelque autre boisson alcoolisée, on accomplit également la mitsva, mais la façon la meilleure d’accomplir celle-ci est de boire du vin, lequel est la plus importante des boissons. Celui que la consommation de viande réjouit, il est préférable qu’il mange, lors des repas de ‘Hol hamo’ed, de la viande ou du poulet. Quiconque accomplit la mitsva avec perfection et honore les fêtes, impartissant des dépenses à l’achat de nourritures et de boissons délectables pour l’honneur du Ciel, sera grandement récompensé (Rabbi Yits’haq Louria). Ceux qui se sentiraient alourdis par la consommation de deux repas carnés par jour prendront, à l’un des deux repas, d’autres mets propres à réjouir leur cœur. On a coutume de recouvrir la table d’une nappe, tous les jours de ‘Hol hamo’ed, comme à Yom tov (‘Aroukh Hachoul’han 530, 4).

Cependant, les jours de ‘Hol hamo’ed ne sont pas aussi importants que ceux de Yom tov ; par conséquent, s’il est vrai qu’y faire des repas importants accompagnés de pain est constitutif d’une mitsva, ce n’est pas une obligation (‘hova). Si l’on n’a pas le désir de manger du pain à ces repas, on est autorisé à s’en abstenir. De même, si l’on ne souhaite pas manger de nombreux plats, ni boire du vin, on peut s’en abstenir. Cela, à condition que ses repas de ‘Hol hamo’ed soient meilleurs que ceux des jours ordinaires. Rendre son alimentation de ‘Hol hamo’ed semblable à celle des jours ordinaires, ce serait mépriser la fête ; or nos sages ont enseigné : « Celui qui méprise les fêtes n’a point part au monde futur » (Maximes des pères 3, 11 ; Rachi et Bartenora).

Puisqu’il n’est pas obligatoire de manger du pain aux repas de ‘Hol hamo’ed, celui qui, ayant mangé du pain, a oublié de réciter dans le Birkat hamazon le passage Ya’alé véyavo ne se reprendra pas. Le principe est en effet que, pour un repas où il n’est pas obligatoire de manger du pain, l’oubli de mentionner le jour n’oblige pas à recommencer le Birkat hamazon (Choul’han ‘Aroukh 188, 7 ; cf. ci-dessus, chap. 2 § 6).

C’est une mitsva que de porter de beaux et réjouissants habits, à ‘Hol hamo’ed. Ceux qui apportent à la mitsva un supplément de perfection ont coutume de porter, à ‘Hol hamo’ed, des habits aussi beaux que ceux de Chabbat. Mais cela n’est pas obligatoire ; ce qui est obligatoire, c’est qu’une certaine différence soit perceptible entre ses vêtements de ‘Hol hamo’ed et ceux des jours ordinaires[2].

Au titre de la mitsva de la joie s’inscrit le fait d’accomplir des choses qui réjouissent le cœur, comme de chanter, de danser, de se promener, chacun suivant ce qui le réjouit (cf. ci-dessus, chap. 1 § 13).


[2]. La mitsva de la joie s’applique à ‘Hol hamo’ed aussi bien qu’aux jours de Yom tov, comme l’enseigne Maïmonide, Yom tov 6, 17. Selon le Choul’han ‘Aroukh Harav 529, 5, il n’y a pas de mitsva d’honorer ces jours ni d’en faire une source de délice, puisqu’ils ne sont pas appelés « convocations saintes » (miqra qodech). Toutefois, nous trouvons dans la Mékhilta de Rabbi Ichmaël, Bo 9, que ‘Hol hamo’ed est, lui aussi, appelé miqra qodech ; aussi est-ce une mitsva que de le sanctifier « par le vêtement, par la boisson et par une tunique propre ». Le Cha’ar Hatsioun 530, 4 explique que ces jours se situent à un degré intermédiaire : d’un côté, il n’est pas interdit – comme à Yom tov – d’y accomplir des mélakhot ; aussi n’est-il pas obligatoire d’y manger du pain, et, si l’on a oublié de dire Ya’alé véyavo dans le Birkat hamazon, on ne se reprend pas (Choul’han ‘Aroukh 188, 7) ; de l’autre, puisqu’il y a en ces jours un aspect de miqra qodech, c’est une mitsva que d’y manger du pain et d’honorer ces jours par de beaux vêtements. Cf. encore Les Lois de Pessa’h 12, 1, où l’on voit que, selon certains auteurs, c’est une mitsva que de manger de la matsa chaque jour de la fête, aux deux repas. D’après certains décisionnaires, cités par Michna Beroura 639, 24, il faut en inférer qu’on doit prendre deux repas accompagnés de pain les jours de ‘Hol hamo’ed Soukot.

04 – L’interdit de se marier, en raison de la joie propre à la fête

Il est interdit de se marier à ‘Hol hamo’ed, car il ne faut pas mélanger une joie avec une autre. Il nous a été ordonné de nous réjouir pendant la fête, comme il est dit : « Tu te réjouiras en ta fête » (Dt 16, 14) ; il ne faut donc pas mélanger, avec la joie de la fête, une autre joie importante. Or celui qui se marie, tout à la joie qu’il éprouve à l’égard de son épouse, délaisse la joie de la fête pour se livrer à celle que son épouse lui donne. De plus, l’effort que requiert l’organisation d’un mariage, avec tout ce qui lui est nécessaire – maison, meubles –, risque de porter atteinte à la joie de la fête. Les sages ont également craint que, s’il était permis de se marier pendant la fête, on en vînt à ajourner la mitsva de procréer ; certains couples, en effet, qui pourraient se marier pendant les mois précédents, repousseraient leurs noces à la fête, afin que davantage de monde se joigne à leur joie, et afin d’économiser de l’argent, car ils pourraient alors faire du repas de fête et du repas de mariage un seul et même repas (Mo’ed Qatan 8b).

Ce n’est pas seulement le premier mariage qu’il est interdit de célébrer pendant la fête : la règle vaut aussi pour de secondes noces, car la joie est grande aussi en une telle circonstance. Toutefois, des époux qui avaient divorcé, et qui ont décidé de se remarier, sont autorisés à le faire pendant la fête, car leurs noces ne sont pas caractérisées par une joie si grande (Choul’han ‘Aroukh 546, 1-2).

Il est permis de se marier la veille d’une fête, et de fixer les repas de chéva’ berakhot (sept bénédictions) pendant la fête, car, de cette manière, la joie de la fête est principale, et la joie des chéva’ berakhot ne porte pas atteinte à celle de la fête, mais s’ajoute à elle (Choul’han ‘Aroukh 546, 3).

Il est permis d’organiser, pendant la fête, un repas de berit mila (circoncision) ou de pidyon haben (rachat du premier né), car la joie associée à de tels repas n’est pas grande au point qu’il soit à craindre de faire de l’ombre à la joie de la fête (Choul’han ‘Aroukh 546, 4).

Il est permis d’organiser une fête de fiançailles (messibat chidoukhin, improprement appelée de nos jours éroussin). Toutefois, certains auteurs n’autorisent cela qu’à la condition de se contenter d’offrir un buffet, et non un repas complet (Touré Zahav 546, 2) ; mais ceux qui voudraient être indulgents en cela, et servir un véritable repas, ont sur qui s’appuyer (Michna Beroura 546, 2).

05 – Occupations attristantes

Quand une personne meurt pendant la fête, on s’occupe de tout ce qui est nécessaire à son enterrement ; s’il le faut, on coud son linceul et l’on creuse sa tombe (Choul’han ‘Aroukh 547, 10 ; cf. ci-après chap. 12 § 11).

Mais on ne prononce pas d’éloge funèbre en son honneur, en raison de la joie propre à la fête, qui est une mitsva toranique ; aussi faut-il avoir soin de ne pas multiplier les pleurs et les manifestations de deuil (Mo’ed Qatan 27a, Choul’han ‘Aroukh 547,1).

Si le défunt était un érudit, on prononce un éloge funèbre lors de son enterrement, car l’honneur dû à la Torah repousse la joie de la fête (Mo’ed Qatan 27b, Choul’han ‘Aroukh, Yoré Dé’a 401, 5). Certains estiment que, de nos jours, il n’est plus d’érudit qui soit versé dans toute la Torah, aussi ne faut-il plus prononcer d’éloge funèbre pendant une fête (Maguen Avraham, Michna Beroura 547, 12). En pratique, on a coutume de faire un éloge funèbre en l’honneur d’un grand érudit, connu pour avoir propagé l’étude de la Torah, ou avoir enseigné la loi au grand nombre ; mais il est d’usage d’être quelque peu concis dans cet hommage.

Même à ‘Hol hamo’ed, les proches du défunt, qui ont l’obligation de prendre le deuil pour lui, déchirent leur vêtement au moment de l’enterrement (Choul’han ‘Aroukh 547, 6). De nombreux Ashkénazes et Séfarades ont coutume de ne déchirer leur vêtement, pendant la fête, que pour leurs parents, et non pour leurs autres proches (Rama ad loc., Kaf Ha’haïm 30).

Après l’enterrement, on remet ses vêtements de fête, et l’on n’observe pas les usages de deuil, car la joie de la fête a préséance sur le deuil. C’est après la fête que les proches s’assiéront et observeront les sept jours de deuil (chiv’a). Bien que l’on n’observe pas les coutumes des sept jours de deuil pendant la fête, les amis proches de l’endeuillé viennent lui rendre visite et le consoler (Choul’han ‘Aroukh 548,6).

Les sages ont décrété que les cohanim (prêtres) n’examineraient pas les plaies de tsara’at (« lèpre ») pendant la fête, de crainte que la plaie ne soit trouvée impure, ce qui transformerait en affliction la fête de la personne atteinte. On repousse donc l’examen de la plaie après la fête (Mo’ed Qatan 7a, Maïmonide, Yom tov 7, 16).

Il est interdit de jeûner pendant la fête ; même un jeûne visant à l’expiation de ses fautes est alors interdit (Choul’han ‘Aroukh Harav 288, 3, Michna Beroura 529, 1).

S’il faut s’abstenir d’accomplir une mitsva entraînant de la tristesse, telle qu’un éloge funèbre ou l’examen de plaies, à combien plus forte raison chacun doit-il prendre soin de ne pas s’entretenir de sujets susceptibles de causer de la tristesse – par exemple d’évoquer ses chers disparus – ou de sujets qui provoquent de la colère (Roua’h ‘Haïm 529, 4).

06 – Étude de la Torah

C’est une mitsva que d’étudier la Torah, à ‘Hol hamo’ed, car c’est à cette fin que le Saint béni soit-Il a donné les fêtes aux enfants d’Israël : afin qu’ils y étudiassent la Torah dans la joie et la tranquillité. C’est la raison pour laquelle il est interdit de travailler, à ‘Hol hamo’ed, comme le note le Séfer Ha’hinoukh (mitsva 323) : « Les jours de ‘Hol hamo’ed ont été fixés, non pour se livrer au travail, mais pour se réjouir devant Dieu, ce qui signifie se rassembler dans les maisons d’étude et écouter d’agréables et livresques paroles. » Nos sages ont dit : « Quiconque pourrait s’adonner à l’étude de la Torah et ne s’y adonne pas [entre dans la catégorie de ceux dont le verset dit :] “Car il a méprisé la parole de l’Éternel, et a violé son commandement” (Nb 15, 31) » (Sanhédrin 99a).

Nous l’avons vu (chap. 1 § 5-6), il faut partager le temps des Chabbats et des fêtes en consacrant « la moitié à l’Éternel et la moitié à soi-même », c’est-à-dire : « une moitié aux repas et à la boisson, l’autre à la maison d’étude » (Pessa’him 68b). Si telle est la règle le Yom tov, où c’est une mitsva que de faire de grands repas, qui durent longtemps, à combien plus forte raison doit-on, à ‘Hol hamo’ed, consacrer à tout le moins la moitié de la journée à l’étude de la Torah. Aussi les sages ont-ils décidé, ces jours-là, d’interdire le commerce – bien que cette activité n’entraîne pas nécessairement l’accomplissement de pleines mélakhot –, car le commerce risque d’importuner et de causer de l’inquiétude, portant atteinte à la joie de la fête et à l’étude de la Torah (‘Aroukh Hachoul’han 539, 4).

Comme nous l’avons vu (ci-dessus, chap. 1 § 6, note 2), suivant le compte horaire de la journée, il faut, pour en consacrer la moitié à l’Éternel, consacrer environ neuf heures à l’étude de la Torah et à la prière, le Chabbat et les jours de fête, ce qui inclut à tout le moins six heures d’étude de la Torah. Dès lors, à ‘Hol hamo’ed, où les offices durent moins longtemps, il faut consacrer à la Torah plus de six heures, afin de parvenir aux neuf heures consacrées à l’Éternel.

Le Talmud de Jérusalem rapporte :

Rabbi Aba, fils de Mamal, a dit : « Si j’avais avec qui atteindre la majorité nécessaire pour fixer la halakha, j’aurais permis de travailler à ‘Hol hamo’ed ! Le seul motif pour lequel le travail a été interdit, c’est pour que l’on pût manger, boire, se réjouir et étudier assidument la Torah ; or aujourd’hui les gens mangent, boivent et s’adonnent à la désinvolture ! » (Mo’ed Qatan 2, 3).

Nous apprenons par-là que l’interdit de dépenser vainement le temps imparti à l’étude de la Torah à ‘Hol hamo’ed est plus sévère que celui de travailler (Colbo 60).

De même, nos sages enseignent :

« Ce sont là mes fêtes » (Lv 23, 2) : lorsque vous accomplissez les mitsvot et sanctifiez les fêtes, en vous rassemblant dans les synagogues pour vous y adonner à l’étude de la Torah, alors le Saint béni soit-Il dit : « Ce sont là mes fêtes. » Sinon, le Saint béni soit-Il dit : « Ce ne sont pas là mes fêtes, mais vos fêtes. »

De même, à un apostat qui lui objectait : « Comment pouvez-vous célébrer les fêtes ? Il est dit en effet : “vos néoménies et vos fêtes, mon âme les a en haine !” (Is 1, 14) », Rabbi Aqiba fit cette réponse : « Quand nous sommes orientés vers la jouissance de notre corps, alors ce ne sont pas les fêtes de l’Éternel, mais les nôtres ; c’est à ce propos qu’il est dit : “mon âme les a en haine !” Par contre, si les fêtes sont mises à profit pour le service de Dieu et l’étude de la Torah, elles ne sont point haïes, mais aimées et chéries » (midrach cité par le Chné Lou’hot Habrit, Soukot, Ner mitsva 31).

Rabbi Moché ben Makhir, dans son ouvrage Séder Hayom (au chapitre consacré à ‘Hol hamo’ed), écrit :

Que l’on ne dise pas : « Puisque je ne peux pas travailler ces jours-là, je vais manger, boire, me promener et me réjouir. » Car telle n’est pas le propos des fêtes, Dieu nous garde de croire cela. En vérité, les jours de Yom tov ne furent donnés aux enfants d’Israël que pour qu’ils fussent libérés de leurs affaires et de leurs travaux, et qu’ils s’adonnassent à l’étude de la Torah sans être dérangés. Ce sont là des jours propices, où l’étude est couronnée de succès. Aussi ne faut-il pas les perdre en nourriture, boisson, sommeil et promenade ; chacun se tiendra en son lieu particulier et se livrera à l’étude dont Dieu lui a fait grâce : ceux qui savent lire la Torah écrite la liront, ceux qui savent étudier la Torah orale l’étudieront, ceux qui savent étudier le Talmud l’étudieront. On mangera aussi de bons et savoureux plats, on boira comme il convient et l’on dormira quelque peu : tout cela constitue le délice du corps ; après quoi, le reste de la journée, on délectera son âme malheureuse, qui reste pareille à une captive en exil, et dont personne ne se soucie – ni d’elle ni de ce qui lui est profitable. Car tous se tournent vers les désirs du penchant au mal, du corps meurtri… Or tous ces jours sont marqués par un supplément de sainteté… et il n’est pas concevable que cette sainteté ait été conférée à ces jours pour y manger, boire et s’y conduire comme les jours profanes. Celui, donc, qui se comporterait alors de telle façon, ce serait folie de sa part ; il devra rendre des comptes à ce propos ; il profane la sainteté et l’élévation de ces jours.

Certes, la promenade ou les excursions ont aussi leur place durant les fêtes. Nous voyons en effet que les sages permettent de déplacer des objets, le Yom tov, pour les besoins d’une promenade dans le domaine public (cf. ci-dessus, chap. 6 § 2). Dans le même sens, les sages ont autorisé ceux qui voudraient monter à cheval, pour se promener à ‘Hol hamo’ed, à tailler les sabots du cheval, ou à réparer sa selle et sa bride en accomplissant des actes ne requérant pas les compétences d’un spécialiste (Choul’han ‘Aroukh 536, 1 ; cf. ci-après, chap. 11 § 15). Mais ce que visent les textes, ce sont des promenades courtes, qui s’adjoignent à la joie de la fête, sans fatiguer ni requérir de grand effort. Il est évident qu’elles ne doivent pas se faire au détriment de la demi-journée qu’il faut consacrer à la Torah.

Pour se rendre à Jérusalem, ville de la sainteté et du Temple, ou pour rendre visite à son maître, il est permis de faire un long voyage (cf. ci-dessus, chap. 1 § 16-17), même si, ce jour-là, on ne parvient pas à consacrer pleinement la demi-journée à l’étude toranique. En effet, il semble que le fait de se livrer à ces mitsvot inclut en lui les deux aspects ensemble : le voyage accomplit une part du ‘hetsio lakhem (« moitié pour vous »), et les mitsvot elles-mêmes constituent une part du ‘hetsio l’Hachem (« moitié pour Dieu ») ; car séjourner dans les parvis de l’Éternel et rendre visite à son maître constituent une grande et importante préparation à l’étude de la Torah.

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