La teqi’a est un son prolongé et continu, dont la durée doit être équivalente à tout le moins à celle des sonneries médianes. Toutefois, il existe trois modèles de sonneries médianes : a) chevarim-terou’a ; b) chevarim ; c) terou’a. Or la halakha veut que, pour chaque série, la teqi’a soit d’une durée équivalente à la durée des sonneries médianes de cette même série[13].
Par conséquent, dans la série tachrat, la teqi’a doit avoir une durée d’environ dix-huit troumitin, puisque les chevarim valent environ neuf troumitin, et la terou’a neuf également. Même si l’on a prolongé sa terou’a, et que l’on y ait ajouté des sons, on ne sera pas tenu de prolonger la teqi’a au-delà des dix-huit troumitin, puisque telle est la durée des sonneries médianes, par laquelle on s’acquitte de son obligation d’après toutes les opinions.
Dans les séries tachat et tarat, la teqi’a doit équivaloir à neuf troumitin, puisque telle est la durée des chevarim, d’une part, de la terou’a d’autre part.
Le troumit (singulier de troumitin) est le son le plus bref que le sonneur tire de son chofar, et c’est l’addition de ces sons brefs qui forme la terou’a. Cette mesure de base change selon le sonneur et le chofar : les sonneurs les plus rapides produisent neuf troumitin en une seconde et quart, les plus lents en deux secondes et demie. La halakha veut que chaque sonneur prolonge sa teqi’a et ses chevarim en fonction de la durée de ses propres troumitin. Si l’on veut être quitte selon toutes les opinions, on fera, pour la série tachrat, des teqi’ot de cinq secondes chacune ; et, pour les séries tachat et tarat, des teqi’ot de deux secondes et demie chacune[14].
Dans le cas où la teqi’a est bien continue, mais où sa sonorité a changé en cours de route, soit que d’aigue elle soit devenue grave, soit l’inverse, soit que de lisse elle soit devenue rauque, soit l’inverse, elle n’en reste pas moins valide. Même si de tels changements se sont produits plusieurs fois au cours d’une même teqi’a, tant que le son se prolonge continument, la teqi’a reste valide ; car tous les types de sonorités sont valables, en matière de chofar. Ceux qui veulent apporter à leur pratique un supplément de perfection s’efforcent de produire une teqi’a non seulement continue, mais homogène, sans montées dans les aigus ni descente dans les graves, et sans changements[15].
[14]. Choul’han ‘Aroukh 590, 3 : « Des valeurs rythmiques minimales, c’est ce que l’on appelle troumitin » ; ce sont les valeurs dont se composent la terou’a, comme l’auteur l’indique. Simplement, les sonneurs chevronnés peuvent produire 9 troumitin en une seconde et quart, tandis que les plus lents les jouent en deux secondes et demie environ. Or la teqi’a doit toujours être de longueur équivalente à celle des sonneries intermédiaires ; de même les chevarim doivent être de durée semblable à celle de la terou’a. Quoi qu’il en soit, même pour les sonneurs lents, on est a posteriori quitte, dans la série tachrat, avec un teqi’a de deux secondes et demie. En effet, a posteriori, on est quitte de la terou’a avec 3 troumitin, et des chevarim avec 6 troumitin. Quant aux séries tachat et tarat, on est quitte, a posteriori, avec une teqi’a d’une seconde et demie.
[15]. Tous les types de sonorité sont valides (Roch Hachana 27b ; Choul’han ‘Aroukh 586, 6). Ce principe inclut aussi les cas où, au milieu de la teqi’a, le son se modifie : tant qu’il reste continu, il est valide. Certains auteurs ont inféré des propos du Ritva qu’il était interdit de modifier la sonorité du chofar en cours de route. Tout le propos du Ritva était pourtant de dire qu’il ne faut pas, intentionnellement, émettre une forme de brisure en fin de teqi’a. Cependant, certains apportent à leur sonnerie ce supplément de perfection : ils veillent à ce que le son de la teqi’a ne se brise pas au milieu (Rav Harlap) ; mais si l’on s’en tient à la stricte règle, une telle variation n’invalide pas la sonnerie (c’est l’opinion de tous les décisionnaires, et c’est ce qu’écrit notamment le Rav Chelomo Zalman Auerbach, Halikhot Chelomo II 9). Toutefois, il semble que si le son de la teqi’a s’est véritablement brisé, ou ait varié plusieurs fois de hauteur au point qu’il ait l’apparence de chevarim, il soit juste de reprendre.
Les Yéménites ont coutume, a priori, de produire une sorte de glissando ascendant à la fin de la teqi’a. Si l’on y prête attention, on comprend que, selon eux, cette ascension exprime, dans la teqi’a, le sommet de la joie, et dans la terou’a le sommet de la peine. Il faut dire encore que, selon la coutume yéménite, il faut avoir soin de bien distinguer le teqi’a de la terou’a : le son de la teqi’a doit être très stable, celui de la terou’a vraiment vibrant. Dans le cas où le son varierait au milieu de la teqi’a, le sonneur doit encore avoir soin, suivant la coutume yéménite, qu’elle ne prenne pas l’allure d’une terou’a.