Les Jours redoutables

04. Le Vidouï de Yom Kipour et ses règles

À l’époque du Temple, le Grand-prêtre (Cohen gadol) se confessait, le jour de Kipour, au nom de tout Israël, comme il est dit : « Aaron imposera ses deux mains sur la tête du bouc vivant, et il confessera sur lui toutes les fautes des enfants d’Israël, tous leurs péchés, selon tous leurs manquements » (Lv 16, 21). C’est en ces termes qu’il se confessait :

De grâce, Éternel (Ana, Hachem) ! Il a failli, fauté, péché devant Toi, ton peuple, la maison d’Israël. Par la grâce de ton Nom (Ana Bachem), expie les manquements, les fautes et les péchés que ton peuple, la maison d’Israël, a commis devant Toi, comme il est écrit dans la Torah de Moïse ton serviteur, au nom de ta majesté : « Car en ce jour, il sera fait expiation pour vous, afin de vous purifier de toutes vos fautes ; devant l’Éternel, vous vous purifierez » (cf. ci-après, chap. 10 § 15).

Trois catégories de fautes sont mentionnées ici : le ‘heth (plur. ‘hataïm) est la faute commise de façon non intentionnelle[i] ; le ‘avon (plur. ‘avonot) est une faute commise intentionnellement[j] ; le pécha’ (plur. pecha’im) est une faute commise par rébellion[k] (méred). Tel est l’ordre dans lequel il faut les mentionner, car il convient de prier d’abord pour l’expiation des infractions les plus légères (Yoma 36b ; Choul’han ‘Aroukh 621, 5).

Par ce Vidouï, le Grand-prêtre acquittait tout le peuple d’Israël de l’obligation de se confesser ; et bien que, d’évidence, il y eût une valeur à ce que chaque individu confessât aussi ses fautes, personnellement, une valeur particulière était attachée au Vidouï prononcé par le Grand-prêtre, car, par son biais, tous les Israélites s’unissaient en leur téchouva, grâce à quoi celle-ci était plus profonde et plus complète. Après la destruction du Temple, les sages décidèrent que chaque Juif réciterait lui-même un texte de confession générale, à l’intention de tout le peuple d’Israël, tout en portant également son intention, par cette confession, sur ses propres fautes (Yéréïm, Rav Saadia Gaon).

La version du Vidouï que l’on a l’obligation de réciter à Kipour est : Aval ana’hnou ‘hatanou, ‘avinou, pacha’nou (« mais nous avons failli, nous avons fauté, nous avons péché » (Yoma 87b ; Maïmonide, Téchouva 2, 8 ; Peri ‘Hadach, Michna Beroura 607, 12). On a coutume de réciter une version plus détaillée, suivant l’ordre alphabétique (version citée par Rav Amram Gaon) :

Nous nous sommes rendus coupables, nous avons trahi, volé, médit, avons été iniques, impies, avons fauté avec préméditation, avons agi avec violence, débité des mensonges, donné de mauvais conseils, menti, raillé, nous nous sommes rebellés, avons proféré des insultes, nous nous sommes dévoyés, avons fauté, péché, avons agi en oppresseurs, nous nous sommes entêtés, avons été méchants, nous avons détruit, abhorré…

On continue de détailler ses fautes en disant : ‘Al ‘heth ché’hatanou léfanékha… (« Pour les fautes[l] que nous avons commises devant toi… »), texte qui mentionne divers types de faute, de manière très détaillée. À cette version du Vidouï, sont venues s’ajouter d’autres versions diverses, chaque communauté suivant son rite[2].

De prime abord, il y a lieu de se demander comment un juste peut dire « nous nous sommes rebellés, avons proféré des insultes, nous nous sommes dévoyés, avons fauté », alors que, de manière évidente, il n’a pas commis de faute intentionnelle ni ne s’est révolté ? Et comment une personne qui se garde de porter atteinte à l’argent de son prochain peut-il dire « nous avons volé, avons agi avec violence[m] » ? Cependant, la mitsva du jour de Kipour consiste à ce que tout Israël fasse ensemble téchouva ; aussi les sages ont-ils prévu que chacun récite le Vidouï au pluriel, pour tout Israël, à la manière dont le Grand-prêtre se confessait, pour tout Israël.

De plus, il arrive que celui qui n’a pas fauté par lui-même ait une responsabilité à l’égard des fautes commises par les membres de sa famille et ses amis, parce qu’il aurait pu protester contre leurs fautes et s’en est abstenu, ou parce qu’il aurait pu les rapprocher de la téchouva et ne s’y est pas efforcé ; il se peut aussi que, s’il avait servi d’exemple et de modèle, ses proches se seraient élevés spirituellement et n’auraient point péché. De plus, tous les Juifs sont solidaires les uns des autres (kol Israël ‘arévim zé lazé), et tous sont comme un seul et même corps, comprenant de nombreux membres ; aussi chaque faute que commet un membre du peuple juif appartient à l’ensemble d’Israël. Aussi le Vidouï est-il également nécessaire aux justes, car, par son biais, ils s’amendent de la part qu’ils détiennent dans la faute d’autrui, et éveillent en cela tout Israël à la téchouva (Séfer ‘Hassidim 601, Rabbi Isaac Louria, Ben Ich ‘Haï, Ki tissa).

Le Vidouï doit être récité debout, et c’est ainsi que l’on se tient, jusqu’à la conclusion : ‘Al ‘hataïm ché-anou ‘hayavim ‘aléhem arba’ mitot beit-din (…) Mélekh mo’hel vé-soléa’h (« pour les fautes pour lesquelles nous sommes passibles des quatre types de peine capitale que peut prononcer le tribunal rabbinique… Roi qui pardonne et absout ») (Choul’han ‘Aroukh 607, 3 ; Michna Beroura 10). Il est bon d’incliner la tête ou de se prosterner quelque peu quand on récite le Vidouï, afin de se confesser avec soumission. Certains embellissent la mitsva en se prosternant véritablement, comme on le fait quand on récite la bénédiction Modim dans la ‘Amida (Chné Lou’hot Habrit). Certaines personnes souhaiteraient bien pratiquer cet embellissement, mais la prosternation prolongée leur est difficile ; en ce cas, il sera bon de se prosterner durant la récitation du passage Achamnou, bagadnou… (« Nous nous sommes rendus coupables, nous avons trahi… ») ; puis, pour le passage ‘Al ‘heth… (« Pour les fautes que nous avons commises devant toi… »), on se contentera de s’incliner légèrement. On a coutume de se battre la poitrine avec le poing, tandis qu’on récite le Vidouï, comme si l’on reconnaissait : « C’est mon cœur qui m’a conduit à la faute » (Michna Beroura 607, 11)[3].


[i]. Ce que nous traduisons ici par « manquement ».

[j]. Nous traduisons simplement ici par « faute ». Celui qui commet un ‘avon vise la jouissance qu’il en tire.

[k]. Nous traduisons ici par « péché ». Celui qui commet un pécha’ n’en tire pas de jouissance, mais vise la désobéissance en tant que telle.

[l]. Ici dans un sens général, incluant les différentes catégories de fautes.

[2]. Certains estiment que l’on ne s’acquitte pas de l’obligation du Vidouï en disant simplement ‘hatati, ‘aviti, pacha’ti (j’ai failli, j’ai fauté, j’ai péché) ; il faut encore déclarer le détail de ses fautes, et, à cette fin, réciter la version achamnou, bagadnou, gazalnou… (« nous nous sommes rendus coupables, nous avons trahi, volé, etc. ») (Chné Lou’hot Habrit, Pricha).

Bien que, dans cette version, on ne cite pas non plus tous les types de faute, on en cite néanmoins un plus grand nombre que dans la version courte, et on les énonce suivant l’ordre alphabétique dans son entier, de sorte que l’on considère que toutes les fautes y sont incluses, explicitement ou allusivement.

Il est juste de confesser également les fautes de ses ancêtres (Cha’aré Téchouva 1, 40) ; aussi le texte du Vidouï est-il ainsi introduit : « Mais nous et nos pères avons failli, fauté, péché » (Chné Lou’hot Habrit). Il y a en cela une idée profonde, car tout en observant la mitsva d’honorer ses parents, l’homme doit corriger les mauvaises habitudes qui se sont attachées à sa famille ; et lorsqu’il confesse les fautes de ses ancêtres, il s’en détache et peut les corriger. S’il ne les confessait pas, il serait à craindre que, sans y prêter garde, il ne répétât ces fautes. De cela aussi, on s’acquitte par la version générale du Vidouï (Achamnou, bagadnou, etc.) ; mais quand il y a à cela une utilité pour sa téchouva, il est préférable de citer explicitement ces fautes, comme nous le verrons ci-après, § 6.

[m].‘Hamasnou peut se traduire : nous avons pris de force [le bien d’autrui].

[3]. Il faut veiller à se tenir debout dès le commencement du Vidouï, c’est-à-dire depuis les mots אלוהינו ואלוהי אבותינו (« Notre Dieu et Dieu de nos pères ») [ou : אנא ה’ אלוהינו (« De grâce, Éternel notre Dieu »)], que l’on prononce en introduction à אשמנו, בגדנו (« Nous nous sommes rendus coupables, nous avons trahi… »), et jusqu’à la fin, על חטאים שאנו חייבים עליהם ארבע מיתות… מלך מוחל וסולח (« Pour les fautes pour lesquelles nous sommes passibles d’une des quatre peines capitales… Roi qui pardonne et absout »). Certes, selon ceux des rites qui n’obligent pas l’assemblée à réciter le Vidouï durant la répétition de la ‘Amida, il suffit de rester debout lorsque l’officiant dit la partie principale du Vidouï (אבל אנחנו ואבותינו חטאנו, « mais nous avons fauté, nous et nos pères ») (Choul’han ‘Aroukh 607, 8). Mais en pratique, tout le monde a l’usage de réciter le Vidouï pendant la répétition de la ‘Amida ; dès lors, il faut se tenir debout pendant toute sa durée (Michna Beroura 607, 10). Celui à qui il est difficile de rester debout tout ce temps, restera debout pendant la partie principale du Vidouï [c’est-à-dire l’introduction à Achamnou] ; s’il le peut, il est préférable qu’il reste également debout pendant la partie Achamnou, bagadnou…

Inclination du corps : nombre de personnes ont coutume de s’incliner un peu ou de pencher quelque peu la tête. D’autres ont coutume de se prosterner véritablement, comme on le fait pendant Modim (Chné Lou’hot Habrit). Celui à qui il est difficile de se prosterner, et qui souhaiterait pratiquer cette rigueur, se prosternera pendant la partie principale du Vidouï – comme on le fait durant Modim –, et, si on le peut, pendant le paragraphe Achamnou, bagadnou… également, tandis que l’on se contentera d’incliner légèrement la tête pendant le reste des confessions.

Les Ashkénazes et les Séfarades ont coutume de battre leur poitrine durant la récitation d’Achamnou, bagadnou… et de ‘Al ‘heth. Certes, à partir du passage על חטאים שאנו חייבים עליהם עולה (« Pour les fautes pour lesquelles nous sommes passibles d’un sacrifice de ‘ola »), nombreux sont ceux qui s’abstiennent de s’incliner et de battre leur poitrine, car le texte devient alors plus général, sans la mention ché’hatanou léfanékha (« que nous avons commises devant Toi »). Parmi les Yéménites, nombreux sont ceux qui n’ont point l’usage de se battre la poitrine durant le Vidouï.

05. Temps du Vidouï

Puisque le jour de Kipour est un temps de pardon et d’expiation, désigné pour l’accueil de la téchouva du peuple juif, et que la téchouva nécessite une confession, c’est une mitsva pour chacun que de se confesser au commencement de ce jour, c’est-à-dire lors de l’office d’Arvit, le soir. Simplement, nos sages ont craint qu’il n’arrive à l’homme quelque dérèglement lors du repas qui précède le jeûne – qu’il ne s’enivre et ne puisse plus se confesser à Arvit, ou qu’il ne s’étouffe pendant son repas et ne meure sans avoir accompli sa téchouva. Les sages ont donc institué une confession que chacun se doit de faire à l’office de Min’ha qui précède le repas. Et quoique l’on se soit déjà confessé à Min’ha, il faut le faire de nouveau à l’office d’Arvit, après l’entrée du jour de Kipour, car c’est alors que se situe le temps principal de l’expiation et de la confession. Et bien que l’on se soit déjà confessé à Arvit, on le refait à Cha’harit, à Moussaf et à Min’ha de Kipour, ainsi qu’à l’office final du jour, la Né’ila (Yoma 87b). En effet, tant que l’homme se tient devant Dieu, en prière le jour de Kipour, il est juste qu’il se confesse, car la mitsva du jour est la téchouva. Ce n’est pas le cas le reste de l’année car, bien que l’on ait coutume de se confesser chaque jour[n], on ne le fait pas durant la ‘Amida. On explique aussi la nécessité de réciter le Vidouï à chaque office par la crainte que quelque faute ne soit survenue après Arvit, de sorte qu’il faut répéter sa confession à Cha’harit ; de même, on peut craindre qu’une faute ne soit survenue après Cha’harit, ce qui justifie la répétition du Vidouï à Moussaf ; ainsi de Min’ha et de la Né’ila. Car le jour de Kipour apporte l’expiation jusqu’à son terme, à la tombée de la nuit (Levouch, Choul’han ‘Aroukh Harav 607, 1).

Durant la ‘Amida dite à voix basse, on récite le Vidouï entre l’achèvement des bénédictions, qui constituent la ‘Amida, et le début du passage Elo-haï, netsor (« Mon Dieu, préserve ma langue du mal… »). Dans la répétition de la ‘Amida, le Vidouï s’intercale à l’intérieur de la bénédiction centrale, qui est la bénédiction spécifique au jour. Si l’on s’en tient à la stricte règle, il n’est pas obligatoire que le particulier récite le Vidouï durant la répétition de l’officiant ; mais il doit rester debout (Choul’han ‘Aroukh 607, 3). Cependant, en pratique, les Richonim écrivent qu’il est juste que toute l’assemblée se confesse avec l’officiant (Ran, Rama). Cela, afin que chacun récite dix fois le Vidouï, ce qui correspond aux dix mentions du Nom ineffable par le Grand-prêtre (cf. ci-après, chap. 10 § 15-16).

Voici donc les dix occurrences du Vidouï : le premier se récite à l’office de Min’ha qui précède le jeûne ; le deuxième à Arvit, le soir de Kipour ; puis viennent les huit Vidouï réparties entre les quatre offices de la journée, Cha’harit, Moussaf, Min’ha et Né’ila : à chacun de ces quatre offices, un Vidouï se récite pendant la ‘Amida dite à voix basse, un autre pendant la répétition de l’officiant. Mais on ne compte pas le Vidouï qui se récite dans les Seli’hot qui suivent la ‘Amida d’Arvit de Kipour, puisque cela n’est pas récité pendant une ‘Amida (Tour 621, Michna Beroura 2).

Selon Na’hmanide, en plus des différents Vidouï que l’on récite le jour de Kipour, il conviendrait d’en réciter un après le repas d’interruption (sé’ouda mafséqet) qui précède l’entrée du jeûne, avant la tombée de la nuit, afin d’entrer dans le jour du Kipour en état de repentir ; mais les sages ont craint que certaines personnes ne puissent pas le dire correctement à ce moment-là, parce qu’elles se seraient enivrées pendant le repas, et c’est pourquoi ils décidèrent que le Vidouï se réciterait à l’office de Min’ha qui précède le repas ; l’essentiel étant d’entrer dans le jour de Kipour en ayant récité cette confession. Les A’haronim écrivent qu’il convient d’adopter la position rigoureuse de Na’hmanide (Chné Lou’hot Habrit). Mais on peut accomplir la mitsva du Vidouï en se contentant de dire : Aval ana’hnou ‘hatanou, ‘avinou, pacha’nou (« Mais nous avons failli, nous avons fauté, nous avons péché »). En pratique, les Ashkénazes ont coutume de réciter, avant l’entrée du jour, une prière intitulée Téphila zaka (« prière pure »), qui contient des confessions détaillées ; et les Séfarades ont coutume de réciter le poème liturgique Lekha E-li, téchouqati (« Vers toi, mon Dieu, va mon ardent désir »), où sont aussi incluses des confessions (Michna Beroura 607, 1). Selon une opinion, il faut dire ces textes en se tenant debout, car c’est ainsi que s’accomplit la mitsva du Vidouï (Peri ‘Hadach) ; mais la coutume est de les réciter assis, car, a posteriori, on s’acquitte également du Vidouï en étant assis.

Les femmes, ou les malades qui ne se rendent pas à la synagogue, n’ont pas l’obligation de réciter dix Vidouï. À chaque ‘Amida qu’ils réciteront, ils diront la version du Vidouï qui prend place au sein de la ‘Amida. S’ils ne récitent pas la ‘Amida, ils diront tout au moins un Vidouï, puisque c’est l’obligation du jour. Il est bon qu’ils récitent un Vidouï à l’entrée de Yom Kipour, et un autre au moment de la Né’ila (cf. ci-dessus, chap. 6, note 1).


[n]. Sauf certains jours, où les Ta’hanounim ne se récitent pas (cf. La Prière d’Israël 21, 7-8).

06. Détailler ses fautes, dans le Vidouï

Quand celui qui se confesse détaille son péché, il accomplit la mitsva à un plus haut degré d’élévation ; car grâce à cela, il éprouve davantage de regret, et se renforce dans son repentir. Telle est l’opinion de Rabbi Yehouda ben Baba, qui se fonde sur la confession prononcée par Moïse notre maître après la faute du veau d’or, comme il est dit : « Moïse revint vers l’Éternel et dit : “De grâce ! ce peuple a commis une grande faute, ils se sont fait un dieu d’or” » (Ex 32, 31). D’un autre côté, citer le détail de sa faute porte atteinte, dans une certaine mesure, à l’honneur dû au Ciel, car la téchouva tend à amoindrir l’importance de la faute, tandis que le fait d’en parler lui donne de l’importance. De plus, la honte que l’on éprouve d’avoir fauté fait partie des principes de la téchouva, comme l’enseignent nos sages : « Quiconque commet une faute et en éprouve de la honte, on lui pardonne toutes ses fautes » (Berakhot 12b) ; or celui qui cite sa faute en détail risque de paraître n’en avoir pas honte. Telle est l’opinion de Rabbi Aqiba, selon qui celui qui se confesse n’a pas besoin de mentionner le détail de sa faute, comme il est dit : « Heureux celui dont le péché est remis, la faute recouverte » (Ps 32, 1).

En pratique, on peut se rendre quitte du Vidouï en disant simplement ‘Hatati, ‘aviti, pacha’ti (« J’ai failli, j’ai fauté, j’ai péché »), sans mentionner en quoi ont consisté ses fautes. À plus forte raison peut-on accomplir son obligation en récitant le texte du Vidouï que nous disons dans le cadre de l’office : Achamnou, bagadnou, etc. (« Nous nous sommes rendu coupables, nous avons trahi… »). Celui qui sait que la mention explicite de sa faute aura pour effet d’approfondir sa téchouva, fera bien de la mentionner à voix basse. Par exemple, si la faute a consisté à manger de la nourriture tarèfe (non cachère), on dire : « J’ai mangé du tarèfe » (Choul’han ‘Aroukh 607, 2 ; Gaon de Vilna ad loc. ; Cha’ar Hatsioun 3)[4].

Dans le même ordre d’idées, au traité Yoma 86b, les sages discutent le point que voici : certains disent qu’il ne convient pas de se confesser à nouveau de fautes que l’on avait déjà confessées au précédent jour de Kipour ; à celui qui se confesse d’elles à nouveau, s’applique le verset : « Comme le chien revient à sa vomissure, ainsi le sot répète sa folie » (Pr 26, 11). Mais selon Rabbi Eliézer ben Yaaqov, « à plus forte raison est-ce digne d’éloge, parce qu’il est dit : “Car je reconnais mes péchés, et ma faute est face à moi toujours” » (Ps 51, 5). C’est en ce sens qu’est tranchée la halakha : il est permis de se confesser à nouveau devant Dieu pour des transgressions que l’on a déjà confessées au précédent jour de Kipour (Choul’han ‘Aroukh 607, 4).

On peut dire que, tant que l’homme ressent que sa téchouva n’est pas complète, et qu’il n’a pas encore réussi à effacer entièrement sa faute de son cœur, il est préférable de la confesser à nouveau. Mais si l’on sent que sa téchouva est entière, et que la faute est effacée de son cœur, il ne convient pas d’y revenir, car, ce faisant, on manifesterait que l’on n’a pas foi dans la force de la téchouva.

Il arrive qu’une personne ait le mérite d’accomplir une entière téchouva, de sorte que sa faute est effacée de son cœur ; mais que, plusieurs années après, elle se la rappelle subitement, et s’en afflige. La raison en est que, par le passé, lorsqu’on se trouvait à son précédent niveau spirituel, la téchouva accomplie suffisait à ce qu’aucune trace de la faute passée ne fût reconnaissable ; tandis qu’à présent, alors que l’on a accédé à un plus haut niveau, où la lumière est plus forte et abondante, la téchouva précédente ne suffit plus à nettoyer la personne de toute empreinte de la faute. Aussi faut-il se confesser à nouveau, afin d’effacer la légère empreinte qui demeure encore de sa faute (Tsidqat Hatsadiq 134, 67).


[4]. Le Beit Yossef écrit que, si l’on se réfère aux propos du Rif et du Roch, il semble que la halakha soit conforme à l’opinion de Rabbi Aqiba : celui qui se confesse n’a pas besoin d’indiquer en quoi a consisté sa faute. C’est aussi l’opinion du ‘Itour, de Rabbi Yecha’ya A’haron zal, du Méïri et du Tour. Selon Maïmonide (Téchouva 2, 3), il faut dire en quoi a consisté la faute ; c’est ce que pensent aussi le Séfer Mitsvot Gadol, le Raavia, le Roqéa’h et le Séfer ‘Hassidim. Quant aux propos de Rabbi Aqiba, on peut les interpréter en disant que mentionner le détail de sa faute est chose interdite (c’est l’opinion du Peri ‘Hadach), ou que ce n’est simplement pas obligatoire, mais qu’il est permis de le faire à voix basse, et que cela présente parfois un avantage (Beit Yossef). Il semble que Rabbi Aqiba considère lui-même qu’il y a à cela deux facettes : d’un côté, mentionner sa faute est l’expression d’un regret profond ; de l’autre, cela peut porter atteinte à l’honneur dû au Ciel, et cela exprime un manque de honte. C’est pourquoi Rabbi Aqiba soutient qu’il n’est pas nécessaire de citer le détail de sa faute ; mais de son propre point de vue, lorsque cela présente une utilité pour la téchouva, il est préférable de mentionner cela à voix basse. Dans le même ordre d’idées, le Choul’han ‘Aroukh 607, 2 décide que la halakha est conforme à l’opinion de Rabbi Aqiba – il n’est pas nécessaire de mentionner le détail de sa faute – mais ajoute que, à voix basse, il est juste de faire cette mention.

De prime abord, il y a lieu de demander : comment pouvons-nous adopter le point de vue du Choul’han ‘Aroukh, selon lequel il n’est pas nécessaire de mentionner explicitement sa faute, alors que plusieurs Richonim estiment cela nécessaire ? Il y a lieu de répondre que, dans la mesure où tout le monde récite une version détaillée du Vidouï (Achamnou, bagadnou…), on se rend ainsi quitte d’après les deux opinions. D’un côté, ce texte détaille abondamment les diverses catégories de fautes, ce par quoi on s’acquitte de la mitsva du Vidouï aux yeux de Rabbi Yéhouda ben Baba (Tossephot Yechanim, Yoma 76b) ; de l’autre, puisque c’est le texte que récite tout le peuple juif, celui qui le récite est considéré comme un dont la faute est recouverte [selon l’expression de Ps 32, 1] et qui a honte de son péché (Darké Moché et Rama 607, 2). Aussi écrivons-nous dans le corps de texte qu’il n’est pas nécessaire de détailler ses fautes personnelles, mais que, si cela présente une utilité pour sa téchouva, il sera bon d’en citer le détail de façon individuelle. Cf. Har’havot.

07. Le Vidouï en public

Une autre question importante se pose, quant aux lois du Vidouï : convient-il que le pécheur se confesse de sa faute en public (Yoma 86b). D’un côté, nous avons vu qu’il est préférable que le pécheur ait honte de ses fautes, et ne les confesse pas devant d’autres personnes, comme il est dit : « Heureux celui dont le péché est remis, la faute recouverte » (Ps 32, 1). À l’inverse, nous apprenons que le pécheur n’a pas à cacher ses fautes, mais qu’il est juste de s’en confesser publiquement, ainsi qu’il est dit : « Celui qui cache ses péchés ne réussira pas, mais celui qui les reconnaît et les abandonne sera pris en miséricorde » (Pr 28, 13).

Rav, maître de la Guémara, explique que, si la faute a été commise en secret, il est préférable de la confesser en secret, car la confession publique porterait atteinte à l’honneur dû au Ciel, et informerait le grand nombre qu’il y a des gens qui osent transgresser les commandements de la Torah. Mais si la faute a été commise publiquement, puisque c’est en public que l’on aura profané le nom divin, on devra réparer cela en confessant sa faute publiquement, afin que le grand nombre sache que l’on s’en est repenti, et que le nom divin soit ainsi sanctifié (Cha’aré Téchouva 1, 18).

Rav Na’hman, quant à lui, explique que, s’agissant des fautes commises envers son prochain, il est préférable de les confesser publiquement, afin que tout le monde voie que l’honneur de son prochain importe aux yeux du pécheur ; grâce à cela, le prochain sera davantage apaisé. Mais celui qui, s’enorgueillissant, porterait publiquement atteinte à son prochain, et qui lui demanderait pardon en secret, sa téchouva ne serait pas convenable. En revanche, quand il s’agit de fautes commises envers le Ciel, il est généralement préférable que la confession se dise secrètement, afin de ne pas augmenter la profanation du Nom divin.

En pratique, il y a lieu de prendre en compte les deux éléments : 1) l’honneur dû au Ciel ; 2) l’honneur dû à son prochain, et la nécessité de l’apaiser. En général, pour ce qui concerne les mitsvot gouvernant les relations de l’homme à Dieu, il est préférable que la confession se dise en secret ; mais quand la faute a été commise publiquement, d’une manière telle que cela a entraîné la profanation du Nom divin, il vaut mieux se confesser publiquement, car c’est précisément ainsi que l’on exaltera l’honneur divin. En ce qui concerne les mitsvot gouvernant les relations de l’homme à son prochain, il est généralement préférable que la confession se fasse publiquement, ce grâce à quoi l’on apaisera davantage son prochain ; mais dans les cas où la confession publique vexerait au contraire son prochain – par exemple dans le cas où l’offense était personnelle et restait inconnue des tiers, ou dans le cas où le récit de l’offense ferait honte à l’offensé –, il sera bien entendu interdit au pécheur de confesser sa faute en public[5].


[5]. Certains pensent que Rav et Rav Na’hman ne sont pas d’accord (Lé’hem Michné, qui comprend cela de sa lecture de Maïmonide, Téchouva 2, 5). D’autres estiment que ce n’est que dans des cas rares qu’ils sont en désaccord (Kessef Michné). D’autres encore pensent que leurs propos se complètent les uns les autres (Cha’aré Téchouva 1, 18, et c’est aussi ce qui ressort du Raavad). Puisque chacune des deux conceptions a sa valeur, et que c’est aussi ce que laissent entendre les décisionnaires, nous les présentons, dans le corps de texte, d’une manière telle qu’elles se complètent l’une l’autre.

De plus, pour ceux-là même qui estiment que Rav et Rav Na’hman sont en désaccord, ils seraient d’accord dans la majorité des cas. Par exemple, même s’ils ne s’accordaient pas quant à une faute commise envers Dieu (bein adam la-Maqom) en présence de tiers – car pour Rav, il est alors préférable de se confesser publiquement, tandis que pour Rav Na’hman il vaut mieux le faire discrètement (selon l’interprétation du Kessef Michné) –, Rav Nah’man reconnaîtrait que, lorsque la faute entraîne une profanation du Nom divin (‘hiloul Hachem), il est préférable que la confession ait lieu en public. Et pour ceux-là même qui estiment que Rav et Rav Na’hman sont en désaccord dans le cas où la faute a été commise envers son prochain et dans le secret – cas dans lequel Rav pense préférable de la confesser discrètement, tandis que, pour Rav Na’hman, il faudrait le faire en public –, il est certain que Rav Na’hman reconnaîtrait que la confession ne doit pas être publique quand il est à craindre que cela ne soit offensant pour la personne lésée. Aussi rapportons-nous ci-dessus les cas consensuels ; quant aux cas sur lesquels peut exister un désaccord, le pécheur évaluera suivant les deux critères quelle est, dans son cas, la manière convenable de se confesser.

Nos sages enseignent (Sota 7b) que celui qui raconte à d’autres personnes la faute qu’il a commise dans le secret est appelé effronté, car par cela il profane le nom divin. À la question de savoir comment Ruben a pu reconnaître la faute qu’il commit en dérangeant la couche paternelle, ils répondent que, lorsqu’il est à craindre que, en ne reconnaissant pas sa faute publiquement, d’autres ne soient suspectés, on devra reconnaître sa faute. C’est de là que les A’haronim apprennent que, dans le cas où il y a à cela une utilité, on peut révéler sa faute publiquement (Peri ‘Hadach, Choul’han ‘Aroukh 607, 2).

08. Heures d’entrée et d’issue de Kipour

En toute matière ayant trait à la Torah, la nuit précède le jour ; aussi, le jour de Kipour commence au début de la nuit et se termine à la fin de la journée. Simplement, un doute se présente quant au moment précis où s’achève le jour et où commence la nuit. Est-ce au moment où le soleil se couche et disparaît de notre vue, ou bien au moment où il fait sombre, et où trois étoiles de taille moyenne s’aperçoivent dans le ciel ?

En Israël, il y a un délai d’environ vingt minutes entre le coucher du soleil (cheqi’at ha’hama) et l’apparition des étoiles (tset hakokhavim) ; ce délai diminue quelque peu ou s’allonge selon les saisons et l’altitude locale par rapport à la mer. Le temps qui sépare le coucher du soleil de l’apparition des étoiles s’appelle bein hachmachot (crépuscule, litt. « entre les soleils »). Puisque les mitsvot que sont le Chabbat et les fêtes sont de rang toranique, il faut être rigoureux pendant toute cette période crépusculaire, conformément au principe bien connu : « En cas de doute portant sur une norme toranique, on est rigoureux. » Par conséquent, pour tous les Chabbats et fêtes, on considère que l’entrée du jour a lieu au coucher du soleil, et que l’issue du jour a lieu lors de la tombée de la nuit (l’apparition des étoiles).

En plus de cela, c’est une mitsva que d’ajouter une part de temps profane au temps saint, c’est-à-dire de recevoir la sainteté du jour un peu avant qu’il ne commence de lui-même, et de s’en séparer un peu après qu’il ne s’achève de lui-même. Et puisque, si l’on s’en tient à la stricte règle, le jour commence au coucher du soleil, c’est une mitsva que d’en prendre sur soi la sainteté quelques minutes avant le coucher du soleil. De même, puisque, à s’en tenir à la stricte règle, le jour s’achève quand apparaissent les étoiles, la mitsva consistera à s’en séparer quelques minutes après l’apparition des étoiles – la coutume étant d’attendre environ dix minutes après l’apparition des étoiles (Choul’han ‘Aroukh 608, 1 ; Pniné Halakha – Les Lois de Chabbat I 3, 1-2). Par l’ajout (tosséfet) apporté au jour saint, nous manifestons que ce jour nous est très cher et très précieux, et que, pour cette raison, nous nous efforçons de le recevoir avant l’heure, et d’en prolonger la sainteté après l’heure. De plus, en prélevant une part de temps profane pour l’ajouter au temps saint, nous montrons qu’il existe un lien entre le profane et le saint, puisque des minutes profanes deviennent saintes. Grâce à cela, la sainteté du jour s’épanchera sur tous les jours profanes et les élèvera[6].

C’est une mitsva que d’accueillir la sainteté du jour par le biais de paroles. Les femmes ont coutume de prendre sur elles la sainteté de Kipour au moment où elles allument les veilleuses et où elles prononcent la bénédiction relative à cet allumage, bénédiction dans laquelle on mentionne ce jour (comme nous le verrons au paragraphe suivant) ; les hommes prennent sur eux la sainteté de Kipour en récitant la bénédiction Chéhé’héyanou, ou par une déclaration explicite (comme nous le verrons au paragraphe 10).

Si l’on a terminé son repas alors qu’il faisait encore grand jour, on est autorisé à manger et à boire jusqu’à ce que l’on prenne sur soi la sainteté du jour. Si, par négligence, on n’a pas accompli la mitsva d’ajouter du temps profane au temps saint, on devra, dès le coucher du soleil, se garder de tous les interdits de Yom Kipour (Choul’han ‘Aroukh 608, 1-3). Le temps le plus précoce, à partir duquel on peut déjà recevoir la sainteté du jour, est le plag hamin’ha, c’est-à-dire environ une heure solaire et quart avant le coucher du soleil (Michna Beroura 608, 14 ; Pniné Halakha – Les Lois de Chabbat 3 § 2, note 2).


[6]. Cette règle, d’après laquelle il faut ajouter une part de temps profane au temps saint, s’apprend précisément du jour de Kipour, comme il est dit : « Ce sera pour vous un Chabbat solennel, et vous mortifierez vos personnes, le 9 du mois au soir, d’un soir l’autre, vous observerez votre Chabbat » (Lv 23, 32) [le mot Chabbat est ici pris dans le sens de jour chômé]. Nos sages enseignent (Roch Hachana 9a) : d’un côté, il n’est pas vraisemblable que nous devions jeûner dans la journée du 9, puisqu’il est dit : « au soir… vous observerez votre Chabbat » ; de l’autre, il n’est pas vraisemblable que le jeûne ne commence qu’au soir [lequel marque le commencement du 10], puisqu’il est dit : « vous mortifierez vos personnes, le 9 du mois… » Ce qui est enseigné ici, c’est donc qu’il faut ajouter une part de temps profane au temps sacré, et accueillir le jour de Kipour alors qu’il fait encore jour. De même, à l’issue du jour, il faut ajouter du temps profane au temps saint, puisqu’il est écrit : « d’un soir l’autre, vous observerez votre Chabbat », ce qui nous indique qu’il faut prolonger la sainteté de ce jour jusqu’au soir. Et puisqu’il est écrit « vous observerez votre Chabbat », nous apprenons que, chaque jour chômé [Chabbat signifiant cessation], qu’il s’agisse du Chabbat ou d’un Yom tov, on doit se conduire ainsi.

09. Allumage des veilleuses

C’est une mitsva que d’allumer des veilleuses en l’honneur du jour de Kipour, comme on le fait en l’honneur du Chabbat. Certes, la raison essentielle de l’allumage sabbatique est d’éclairer le repas du vendredi soir – car les lumières honorent le repas et ajoutent à la délectation éprouvée par les convives – ; et c’est pourquoi l’emplacement des veilleuses doit être le lieu du repas. Mais l’allumage des veilleuses à Kipour, bien qu’il soit alors interdit de manger, confère lui aussi de l’honneur au jour, et contribue lui aussi à la paix du foyer – puisque les membres de la maisonnée peuvent ainsi voir les meubles et les divers objets, et n’y trébuchent pas.

Certes, autrefois, il y avait des lieux où il n’était pas d’usage d’allumer des veilleuses à l’approche de Kipour, de crainte qu’on n’en vienne à enfreindre l’interdit pesant ce jour-là sur les relations conjugales ; en effet, dans la mesure où l’on revêt de beaux habits en l’honneur du jour, ce désir pourrait naître si la pièce était illuminée comme un Chabbat. D’autres estimaient qu’au contraire, il est préférable d’allumer des veilleuses, car la halakha interdit de s’accoupler en un endroit illuminé ; grâce à la présence de veilleuses, les époux se gardent de la transgression. Or nos sages enseignent que la coutume locale est déterminante ; par conséquent, en un lieu où il n’est pas de coutume d’allumer des veilleuses, on s’en abstient, et en un lieu où l’on a coutume d’en allumer, on procède à cet allumage (Pessa’him 53b ; Choul’han ‘Aroukh 610, 1). Nos sages ajoutent que la coutume consistant à allumer des veilleuses est plus digne de louange ; aussi, dans de nouveaux lieux[o], il sera préférable de prendre la coutume d’allumer (Talmud de Jérusalem, Pessa’him 4, 4). Depuis de nombreuses générations, la coutume en usage dans toutes les communautés est d’allumer des veilleuses ; et toutes les règles gouvernant l’allumage de Chabbat s’appliquent également à l’allumage de Kipour. La bénédiction de cet allumage est : Baroukh Ata Ado-naï, Elo-hénou, Mélekh ha’olam, acher qidechanou bémitsvotav, vétsivanou lehadliq ner chel Yom hakipourim (« Bénis sois-Tu, Éternel, notre Dieu, Roi de l’univers, qui nous a sanctifiés par tes commandements et nous a ordonné d’allumer la veilleuse du jour de Kipour »). Si Kipour tombe un Chabbat, la bénédiction s’achève ainsi : lehadliq ner chel Chabbat véchel Yom hakipourim (« d’allumer la veilleuse de Chabbat et du jour de Kipour »)[7].

Les femmes ont coutume d’accueillir la sainteté du jour par l’allumage des veilleuses. Aussi, celles qui ont coutume de prononcer la bénédiction de l’allumage après avoir accompli celui-ci, diront, immédiatement après, la bénédiction Chéhé’héyanou. Quant à celles qui récitent la bénédiction avant que d’allumer, elles diront Chéhé’héyanou après avoir terminé d’allumer les veilleuses, car, dès lors qu’elles auront prononcé cette dernière bénédiction, il leur sera interdit d’allumer quelque veilleuse, ou d’accomplir quelque autre travail interdit à Kipour.

Une femme qui voudrait se rendre en voiture (ou dans un quelconque moyen de transport) à la synagogue après avoir allumé les veilleuses, devra former l’intention de ne pas accueillir la sainteté du jour par le biais de son allumage ; elle l’accueillera – et récitera la bénédiction Chéhé’héyanou – en même temps que les hommes, à la synagogue (Pniné Halakha – Les Lois de Chabbat I 3, 3 ; Chemirat Chabbat Kehilkhata 44, 14)[8].


[o]. Où la coutume n’est pas établie.

[7]. Certains auteurs disent, il est vrai, que, si nos sages ont prescrit d’allumer des veilleuses à l’approche de Chabbat, c’est pour les besoins du repas ; et que, puisque c’est au titre de la coutume que l’on allume des veilleuses pour Kipour, et qu’il y a des lieux où il n’est pas de coutume d’en allumer, on ne récitera pas la bénédiction pour l’allumage de Kipour (Mordekhi, Maharil, Peri ‘Hadach, Gaon de Vilna). Mais en pratique, on a coutume de réciter la bénédiction, car allumer des veilleuses en l’honneur du jour et de la paix domestique participe, à Kipour également, d’une mitsva (Roch sur Yoma, chap. 8, chiffres 9 et 27). Simplement, malgré cette mitsva, il y avait des lieux où il n’était pas d’usage d’allumer de veilleuses en l’honneur de Kipour, de crainte que l’on n’en vienne à enfreindre l’interdit des relations conjugales. Mais en un lieu où l’on n’a point cette crainte, la règle revient à son état premier : c’est une mitsva que d’allumer des veilleuses et de prononcer la bénédiction. Et telle est la coutume en pratique (Rama 610, 2, Levouch, Baït ‘Hadach, Choul’han ‘Aroukh Harav, Ben Ich ‘Haï sur Vayélekh 9, ‘Hazon Ovadia, p. 256, Chemirat Chabbat Kehilkhata 43, 13).

De prime abord, puisque la coutume d’allumer a aussi pour motif de prévenir les relations charnelles, il faudrait également allumer une veilleuse dans la chambre où dormiront les époux (Rama 610, 1). Il semblerait nécessaire, d’après cela, que la veilleuse brûlât toute la nuit ; mais nous ne voyons pas, en pratique, qu’une telle prudence soit observée (Choul’han Gavoha 610, 1). On peut expliquer que, jadis, on dînait et l’on dormait dans une même pièce ; c’est pourquoi les auteurs qui ont coutume d’allumer répondent aux auteurs rigoureux que, bien au contraire, grâce aux veilleuses, on pourra prévenir toute relation intime : que l’on ajoute de l’huile dès l’abord, grâce à quoi les veilleuses brûleront jusqu’après le coucher. Pour autant, le propos n’est pas de dire que le but essentiel de l’allumage est de prévenir les relations intimes ; la preuve en est que l’on récite une bénédiction sur cet allumage, ce qui laisse entendre que celui-ci possède une valeur propre, et a pour objet d’honorer le saint jour. Aussi, même après que, dans les dernières générations, les maisons furent devenues plus grandes et que l’on eut pris l’usage de dormir dans une chambre séparée, les décisionnaires ne prescrivirent pas d’allumer une veilleuse supplémentaire dans la chambre à coucher. Or, s’ils avaient estimé que la veilleuse allumée dans le salon était susceptible de conduire les époux à avoir des relations charnelles dans leur chambre, ils auraient exprimé leur mise en garde ; mais en pratique, ils n’ont pas vu que cela était à craindre.

Il faut encore expliquer, au sujet de la coutume consistant à ne pas allumer de veilleuses en l’honneur de Kipour, que l’on accomplissait alors, chaque Chabbat et chaque Yom tov, la mitsvat ‘ona (mitsva de l’union intime), et les veilleuses, ainsi que les vêtements festifs, éclairés par elles dans le salon, pouvaient éveiller un tel désir. Mais dans les dernières générations, quand on constata que, en pratique, les veilleuses ne contribuent pas à éveiller ce désir, il ne fut plus nécessaire d’en allumer aussi dans la chambre à coucher, de même que cela n’est pas nécessaire, tout au long de l’année, quand la femme est nida. Quoi qu’il en soit, a priori, il est bon d’allumer aussi une veilleuse ou une petite ampoule électrique dans la chambre à coucher, comme l’ont écrit de nombreux A’haronim, afin de rappeler aux époux l’interdit de l’union intime.

[8]. De nombreuses femmes ont coutume, à chaque fête, de dire Chéhé’héyanou sur la sainteté du jour au moment de l’allumage des veilleuses ; et bien que le moment le plus approprié pour réciter cette bénédiction soit le Qidouch, celles qui souhaitent la dire au moment de l’allumage y sont autorisées (Pniné Halakha – Mo’adim, Fêtes et solennités juives II, chap. 2 § 2). Certes, à Kipour, où il n’y a pas de Qidouch, la coutume consiste, pour les femmes, à réciter la bénédiction Chéhé’héyanou au moment de l’allumage, puisque la coutume des femmes est d’accueillir la sainteté du jour lors de l’allumage (Ben Ich ‘Haï, Vayélekh 9). Cependant, celle qui souhaiterait voyager vers la synagogue, après l’allumage, comme à chaque Chabbat, pourra formuler la condition d’après laquelle elle n’accueille pas encore le jour de Kipour par son allumage (Pniné Halakha – Les Lois de Chabbat I 3, 3) ; elle récitera alors la bénédiction Chéhé’héyanou à la synagogue ; car si elle la récitait à la maison, après l’allumage, elle serait tenue d’observer tous les interdits du jour dès après l’avoir récitée, sans qu’il soit possible d’émettre à cet égard quelque condition (Michna Beroura 619, 4, Ben Ich ‘Haï, Vayélekh 9, Chemirat Chabbat Kehilkhata 44, 14).

Comme nous l’expliquons dans Les Lois de Chabbat I 4, 4, les femmes ashkénazes et une partie des femmes séfarades ont coutume de dire la bénédiction sur les veilleuses après les avoir allumées, de crainte que, par leur bénédiction même, elles ne reçoivent le Chabbat, et qu’il ne leur soit interdit d’allumer les veilleuses après cela. Dès lors, à Kipour, elles devront, après la bénédiction des veilleuses, réciter Chéhé’héyanou, et bien se garder de tous les interdits de Kipour. De nombreuses femmes séfarades disent la bénédiction des veilleuses avant d’allumer celles-ci, car elles n’ont pas l’intention d’accueillir le Chabbat dès le moment de cette bénédiction, mais après l’allumage. Mais puisque, par la bénédiction Chéhé’héyanou dite à Kipour, on accueille la sainteté du jour, elles ne diront Chéhé’héyanou qu’après l’allumage (‘Hazon ‘Ovadia p. 257).

10. Temps de Kol nidré; accueil de Kipour par les hommes

Comme nous l’avons vu (§ 5), c’est une mitsva que d’ajouter une part de temps profane au temps saint, et d’accueillir la sainteté du jour avant le coucher du soleil ; de plus, l’accueil du jour doit se faire par le biais de paroles. Il y a à cet égard deux coutumes, qui sont liées au moment où se récite le texte de Kol nidré.

Certains ont coutume de terminer la récitation de Kol nidré dès avant le coucher du soleil et l’accueil de la sainteté du jour, car la halakha veut que l’on ne délie pas des vœux, le Chabbat[p], à moins que ce ne soit pour les besoins du Chabbat même (Chabbat 157a). De l’avis même de ceux qui estiment que Kol nidré est destiné à annoncer son intention pour l’avenir – intention que toutes les résolutions que nous prendrons sur nous soient bli néder, non constitutives de vœux formels (cf. ci-dessus, chap. 5 § 12) –, il n’y a pas lieu de dire Kol nidré après l’entrée du jour, puisque cette cérémonie ressemble à une annulation de vœux (hatarat nédarim) (Rama 619, 1 ; Michna Beroura 5).

Mais nombreux sont ceux qui ont coutume de terminer la lecture de Kol nidré après le coucher du soleil ; certains, même, commencent cette lecture après le coucher du soleil. Et bien que, selon la halakha, on ne se délie pas de ses vœux le Chabbat, cela devient permis quand cette annulation de vœux répond aux besoins du Chabbat. Or, puisque la récitation de Kol nidré a pour but de se laver de la faute des vœux que l’on prononce à tort, elle répond bien aux besoins de Yom Kipour (cf. Chabbat 157a ; Choul’han ‘Aroukh 341, 1).

En pratique, ceux qui ont coutume de terminer la récitation de Kol nidré quelques minutes avant le coucher du soleil feront bien de prendre sur eux la sainteté du jour au moment de réciter la bénédiction Chéhé’héyanou ; en effet, cette bénédiction exprime notre reconnaissance pour le fait d’être arrivé à ce jour ; dès lors, il est juste d’accueillir, par elle, la sainteté du jour. Certes, lors des autres fêtes, on dit Chéhé’héyanou au moment du Qidouch que l’on fait sur une coupe de vin ; mais à Kipour, on l’on ne fait de Qidouch sur le vin, on dit Chéhé’héyanou à l’entrée du jour (‘Erouvin 40b, Choul’han ‘Aroukh 619, 1).

Cependant, dans la majorité des communautés, on termine le Kol nidré après le coucher du soleil ; aussi faut-il accueillir la sainteté du jour avant cela. Il est en effet certain que la mitsva d’ajouter du temps profane au temps sacré importe davantage que le supplément de perfection consistant à dire Kol nidré avant l’entrée du jour, puisque, si l’on s’en tient à la stricte règle, il est permis de dire Kol nidré après le coucher du soleil. Par conséquent, afin que l’assemblée n’oublie pas d’accomplir la mitsva, il est juste que l’administrateur de la synagogue (le gabaï) proclame à haute voix : « Nous prenons sur nous la sainteté de Yom Hakipourim. » Parfois, l’officiant estime qu’il aura le temps de parvenir à la bénédiction Chéhé’héyanou avant le coucher du soleil, puis, tout en récitant Kol nidré, il s’aperçoit qu’il n’y parviendra pas. Il doit alors s’interrompre afin de proclamer, avant le coucher du soleil, la réception du jour. Ensuite, il poursuivra la lecture de Kol nidré[9].


[p]. Or le jour de Kipour est appelé Chabbat.

[9]. Selon Rabbénou Tam, la récitation de Kol nidré est destinée à déclarer son intention [d’annuler ses vœux] pour l’avenir ; mais on ne saurait se délier de ses vœux formulés au cours de l’année écoulée sans en indiquer le détail. Selon le Roch, par le Kol nidré, on se délie de ses vœux de l’année écoulée, mais il n’y a pas lieu de déclarer son intention quant aux vœux de l’an suivant, afin que l’on ne déconsidère pas les vœux. En pratique, on a coutume, durant la cérémonie de Kol nidré, de se délier de ses vœux passés et de déclarer également son intention pour l’avenir, comme nous l’expliquions au chap. 5 § 11-12. On fait cela pendant le crépuscule, ainsi qu’après la tombée de la nuit, puisque l’annulation des vœux répond aux besoins de Yom Kipour, afin de nous laver du péché consistant à avoir formulé des vœux inconsidérément ; cf. Rivach 394, Kaf Ha’haïm 619, 25, Ye’havé Da’at I 59.  Outre le fait que cette annulation répond aux besoins de Kipour, nous apprenons par ailleurs que, après l’accueil du jour, nos sages ont permis d’enfreindre, pour les besoins d’une mitsva, certains de leurs propres interdits (Pniné Halakha – Les Lois de Chabbat I 3, 4). Or certains auteurs estiment que la règle est la même après que l’assemblée a pris sur elle la sainteté du jour (ibid. note 4). Et puisque l’interdit d’annuler des vœux le Chabbat est rabbinique, et que la présente annulation répond aux besoins d’une mitsva, c’est permis.

11. Prière d’Arvit et nuit de Yom Kipour

Le rituel des prières de Yom Kipour débute par la sortie de deux rouleaux de la Torah (séfer-Torah, plur. sifré-Tora). Deux des membres les plus éminents de l’assemblée les portent dans leurs mains, et marchent ainsi vers la tribune centrale (bima). L’officiant se tient entre eux deux et dit : « Avec la permission de Dieu, et avec la permission de la congrégation, dans l’assemblée d’en haut, et dans l’assemblée d’en bas, nous autorisons à prier avec les délinquants (‘avarianim). » Certains ont coutume de sortir un seul séfer-Torah, d’autres en sortent plus que deux ; certains récitent une version quelque peu différente de ce texte. Chaque communauté poursuivra selon sa coutume (Choul’han ‘Aroukh 619, 1 et commentateurs).

Cette introduction reflète la thématique de Kipour, où se révèle l’âme sainte, présente en chaque membre du peuple d’Israël. Aussi, même ceux qui, au cours de l’année, se conduisent comme des délinquants, et qui, à ce titre, sont réprouvés et repoussés dans les cieux et sur la terre, de sorte qu’il ne convient pas de prier avec eux, sont invités, le jour de Kipour, à prier avec toute l’assemblée. Et de même que nous jugeons les pécheurs sous l’angle du mérite (lé-kaf zekhout) et posons sur eux un regard empreint de bonté et d’amour, ainsi mériterons-nous que l’Éternel révèle à notre égard sa bonté et son amour.

Nos sages enseignent : « Tout jeûne auquel ne se joignent pas des pécheurs d’Israël, n’est pas considéré comme un jeûne. Voici : le labdanum (lévona) a une mauvaise odeur, or le verset le compte parmi les ingrédients de l’encens sacré » (Keritout 6b). Cela nous apprend que, lorsque celui qui n’est pas habitué à accomplir les mitsvot se joint à la prière de Yom Kipour, il y a là une grande sanctification du nom divin. Cela n’est pas tout : en tout Juif, brille une étincelle qui lui est particulière ; lorsque celle-ci manque, c’est à tout Israël qu’il manque quelque chose. Aussi, quand les délinquants se joignent à la prière, tous les Juifs s’unissent et leur établissement dans le pays s’affermit bien, comme il est dit : « Son assemblée (agouda), Il l’a établie dans le pays[q] » (Amos 9, 6).

Après cela, on récite le Kol nidré, et l’on se nettoie et se purifie ainsi de toute attache d’avec les vœux et engagements que l’on n’a pas réussi à accomplir, afin qu’ils ne fassent pas obstacle à la téchouva de Yom Kipour[10].

On récite des versets exprimant la demande du pardon, afin de donner expression à la thématique du jour, puis on prononce la bénédiction Chéhé’héyanou, et l’on rapporte les rouleaux de la Torah dans l’arche.

Quand on porte les rouleaux vers la bima, puis qu’on les rapporte vers l’arche, nombreux sont ceux qui ont coutume d’embrasser les rouleaux, en signe d’affection, avec l’intention de demander pardon pour toutes les atteintes qu’ils ont portées à l’honneur de la Torah, à sa sainteté et à l’accomplissement de ses mitsvot.

Dans de nombreuses communautés, il est d’usage que le rabbin prononce, avant la prière d’Arvit, des paroles de morale (moussar) et d’éveil, liées aux thèmes du jour, notamment à la téchouva (Maté Ephraïm 619, 9).

Il est de coutume que quiconque a l’habitude de s’envelopper d’un talith pendant l’office de Cha’harit, le fasse également pour l’office du soir de Kipour ; on forme l’intention de se rappeler, par le biais des tsitsit, toutes les mitsvot, et, grâce à cela, de voir sa vitalité, son esprit et son âme[r] préservés des extériorités, Dieu étendant sur nous l’abri de sa paix. On s’enveloppe de son talith avant le coucher du soleil, afin d’en pouvoir dire la bénédiction. Ceux qui s’enveloppent de leur talith après le coucher du soleil, le feront sans réciter la bénédiction (Choul’han ‘Aroukh et Rama 18, 1 ; Michna Beroura 7).

Il est bon de se livrer à l’étude de la Torah, après l’office d’Arvit ; car, s’il y a une mitsva particulière d’étudier la Torah chaque jour saint, à combien plus forte raison est-ce vrai le jour de Kipour : il faut s’efforcer, autant qu’il est possible, de fixer des temps pour l’étude toranique. Or, dans la mesure où la presque totalité du jour est consacrée à la prière, le moment qui convient le mieux à l’étude de la Torah est le soir, après l’office d’Arvit (cf. Mo’adim, Fêtes et solennités juives II, chap. 1 § 5-6 ; Michna Beroura 619, 16).

Ci-après, nous poursuivrons notre étude des lois et des coutumes qui expriment la signification de la fête, sans donner le détail des lois et des textes de prière qui sont déjà expliqués dans les rituels de Yom Kipour (les ma’hzorim), chaque communauté suivant sa tradition.


[q]. Traduction un peu libre, qui suit la leçon des sages. Une traduction plus littérale serait : « Sa muraille [allusion aux montagnes entourant la plaine], Il l’a établie sur la terre » (d’après Da’at Miqra ad loc.).

[10]. La téchouva est liée à la liberté ; aussi, se libérer de tous les vœux et des entraves que l’homme s’est imposées à lui-même fait partie de la thématique du jour. Nous voyons, dans le même sens, que, au jour de Kipour de l’année jubilaire (le Yovel), tous les esclaves sont libérés, et les terrains reviennent à leurs propriétaires initiaux (cf. ci-dessus, chap. 6 § 11).

[r]. Néfech, roua’h, néchama : trois niveaux de l’âme humaine.

12. Baroukh Chem kevod malkhouto

La mitsva d’accueillir le joug de la royauté du Ciel se réalise principalement par la récitation du verset Chéma Israël : « Écoute, Israël, l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est Un » (Dt 6, 4). Immédiatement après, on dit à voix basse : Baroukh Chem kevod malkhouto lé’olam va’ed (« Béni soit le nom de Celui dont la royauté glorieuse est éternelle »). Bien que cette phrase n’apparaisse pas dans le paragraphe Chéma Israël, nos sages en ont institué la récitation à voix basse (Pniné Halakha – La Prière d’Israël 15, 7, note 1). Le fondement de cette règle se trouve dans un récit talmudique :

Avant la mort de Jacob notre père, tous ses fils se rassemblèrent autour de lui. Il voulut alors leur révéler les événements de la fin des temps, mais la Chékhina (la Présence divine) se retira de lui. Il dit à ses fils : « Se pourrait-il qu’il y ait quelqu’un, parmi vous, qui ne soit pas convenable, comme dans la descendance d’Abraham, dont est issu Ismaël, ou dans celle de mon père Isaac, dont est issu Ésaü, ce qui expliquerait pourquoi je ne puis vous révéler la fin des temps ? » Ils s’exclamèrent tous : « Écoute, Israël[s], l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel est Un : de même qu’il n’est qu’un Dieu en ton cœur, de même n’en est-il qu’un dans le nôtre. » À ce moment-là, Jacob dit cette parole : « Béni soit le nom de Celui dont la royauté glorieuse est éternelle. » Les sages dirent : « Quant à nous, que ferons-nous ? Dirons-nous cette phrase ? Mais elle n’apparaît pas dans le paragraphe du Chéma ! Ne la dirons-nous pas ? Mais Jacob notre père, que la paix soit sur lui, l’a dite ! » C’est pourquoi ils décidèrent qu’elle serait récitée à voix basse. Parabole de la fille d’un roi, qui respirait les fumets d’une marmite. Si tu disais qu’elle désire manger de  ce plat, ce lui serait un déshonneur ; si tu disais qu’elle n’en a pas le désir, ce lui serait une souffrance. Ses serviteurs commencèrent donc à le lui apporter en secret » (Pessa’him 56a).

Nos sages disent encore, dans une autre source, que Moïse notre maître fut celui qui institua la récitation de cette phrase :

Au moment où il monta dans les hauteurs célestes, il entendit les anges de service qui louaient Dieu en ces termes : Béni soit le nom de Celui dont la royauté glorieuse est éternelle. Quand il redescendit, il prescrivit aux Israélites de la réciter à voix basse. On demanda : pourquoi n’a-t-il point prescrit de la dire à haute voix ? Et l’on répondit : à quoi cela ressemble-t-il ? À l’ami bien-aimé d’un roi, qui avait volé une très belle tunique dans l’armoire royale pour l’offrir à sa femme. Il lui dit : « Ne mets pas cette tunique en public, mais seulement à l’intérieur de ta maison. » Dans le même ordre d’idées, ce n’est que le jour de Kipour, où les Israélites sont purs comme les anges de service, qu’ils prononcent à haute voix cette phrase (Dt Rabba 2, 36).

Pour comprendre la question, il faut commencer par expliquer les deux degrés de la foi (émouna) en l’unité divine. Le premier verset, Chéma Israël, reflète la dimension supérieure, totale et unitaire, appelée yi’houd ‘e-lion (« unification supérieure »). Dans cette dimension, toutes les nuances sont incluses et réunies dans la révélation divine. La seconde phrase exprime la dimension édifiée après la Création, dimension appelée yi’houd ta’hton (« unification inférieure »), par quoi nous accueillons le joug de la royauté céleste suivant la foi qui se révèle en ce monde-ci, monde dans lequel toutes les créatures et toutes les nuances de l’existence sont dotées d’un lieu concret, leur appartenant ; et l’Éternel, béni soit-Il, les fait vivre, et règne sur elles selon leurs œuvres. C’est ce qui est visé, lorsqu’on dit que son nom et sa royauté se dévoilent dans le monde. En d’autres termes : ce n’est pas l’être même de Dieu qui se dévoile, mais son nom et la gloire de son règne ; car si c’était son être même qui se donnait à connaître, toutes les créatures seraient réduites à néant et se dissoudraient face à sa grande lumière (cf. Tanya, Cha’ar hayi’houd vé-haémouna).

Puisque la foi, dans son degré supérieur, est très élevée et ne se révèle qu’à la racine de l’âme, et en des temps de sacrifice de soi (messirout néfech), il ne nous est prescrit de nous lier à elle que deux fois par jour, au moment où l’on récite le Chéma’ Israël. Toutefois, conjointement avec cette unification supérieure, les sages nous ont prescrit d’accomplir l’unification inférieure, c’est-à-dire que nous exprimions également le degré de la foi qui se dévoile en ce monde-ci, dans la profusion de ses nuances (cf. Néfech Ha’haïm, troisième partie). Ce degré est très cher aux yeux de Dieu, car le but même de la création du monde, c’est que la foi se révèle à l’intérieur de ce monde matériel, dans toute sa beauté et son éclat, ses couleurs et ses sons, ses penchants et ses inclinations. Aussi, les anges de service glorifient-ils l’Éternel par cette merveilleuse louange : « Béni soit le nom de Celui dont la royauté glorieuse est éternelle. » Cependant, il ne convient pas de la prononcer à haute voix, car, à côté des hauts avantages que recèle la révélation de la Présence divine en ce monde-ci, il y a aussi à cela des aspects négatifs : des penchants mauvais risquent, à cette occasion, d’entraîner l’homme à la faute. Aussi l’homme doit-il d’abord se relier à l’unification supérieure[t], puis dire à voix basse cette louange, propre à l’unification inférieure, afin de n’être pas entraîné à l’excès par ce bas monde.

Ce n’est qu’à Yom Kipour, lorsque nous jeûnons et nous dessaisissons de tout soin porté aux besoins corporels – au point que nous sommes comparés aux anges de service, qui ne subissent pas l’influence du penchant au mal – que nous pouvons réciter cette louange à voix haute, tout en étant conscients qu’en effet, nous avons le privilège de sanctifier le nom de Dieu dans ce monde-ci. Et bien que nous tombions parfois dans la faute, il apparaît à Yom Kipour que, en fin de compte, nous avons le mérite d’attirer la lumière divine à l’intérieur de ce monde-ci, en tous ses chemins et sentiers ; par cela, l’Éternel juge Israël avec amour et miséricorde (cf. Dérekh Hachem IV chap. 4, 6-7).


[s]. Israël est l’autre nom de Jacob.

[t]. Par la récitation du premier verset du Chéma.

13. Lecture de la Torah ; dons de tsédaqa

Après la prière de Cha’harit, on sort deux rouleaux de la Torah. Dans le premier, six appelés lisent un extrait de la section A’haré mot, extrait relatif au service du Grand-prêtre à Kipour (Lv 16). Le nombre des appelés reflète le statut de Yom Kipour : durant les fêtes où il est permis d’accomplir des ouvrages nécessaires à l’alimentation, on fait monter cinq appelés ; à Kipour, où tous les travaux sont interdits, on en fait monter six ; et le Chabbat, où la peine à laquelle s’expose celui qui accomplit un travail est plus lourde, on appelle sept fidèles. Si Yom Kipour tombe un Chabbat, on fait également monter sept fidèles à la Torah (Méguila 21a, 22b ; Choul’han ‘Aroukh 621, 1)[11].

Dans le second rouleau de la Torah, on lit, pour le maftir[u], un extrait de la paracha Pin’has, relatif aux sacrifices de Moussaf propres au jour de Kipour (Nb 29, 7-11). La Haftara est prise dans le livre d’Isaïe : « Et l’on dira : “Nivelez, nivelez, déblayez la route, ôtez tout obstacle de la voie de mon peuple. Car ainsi parle Celui qui est très haut et suprême… » (57, 14 à 58, 14). Dans ce passage, en effet, le prophète nous éveille au repentir ; de plus, on y trouve d’importants versets traitant de la cessation sabbatique et du jour de Kipour.

À l’office de Min’ha, nos sages ont prescrit d’appeler trois fidèles à la Torah, et la lecture a pour thème les relations charnelles interdites (Lv 18, 1-30). Cela, afin d’inciter le peuple à se repentir de ces graves fautes, à l’égard desquelles le penchant au mal est très fort, et qui portent atteinte à la sainteté d’Israël. Comme Haftara, on lit le livre de Jonas, où il est question de la providence divine – rien n’est caché aux yeux de Dieu –, et de la force de la téchouva : quand même elle ne serait pas parfaite, elle serait encore utile, car Dieu ne désire point punir les fauteurs (Méguila 31a ; Choul’han ‘Aroukh 621, 1).

On a coutume, le jour de Kipour, d’offrir un don volontaire de tsédaqa en faveur des pauvres et des étudiants de Torah, pour l’élévation de l’âme de parents ou de membres décédés de sa famille ; en effet, il y a, pour les morts aussi, une expiation à Kipour, quand on offre de la tsédaqa en leur honneur (Mordekhi, Choul’han ‘Aroukh et Rama 622, 4). C’est pourquoi ce jour est appelé Kipourim – expiations, au pluriel –, car il apporte l’expiation aux vivants et aux défunts. De prime abord, puisqu’ils sont déjà morts, il y aurait lieu de dire que leur arrêt est définitif ; comment donc la tsédaqa peut-elle leur être utile ? La réponse est que, puisque leurs enfants et les membres de leur famille prennent sur eux d’offrir de la tsédaqa et de faire de bonnes actions pour l’élévation de leur âme, il apparaît que leur bonne influence dans le monde se poursuit encore ; dès lors, il faut les rejuger, pour les mérites qui se sont ajoutés en leur faveur[12].


[11]. Celui qui fait un travail intentionnellement est, le jour de Kipour, passible de karet (retranchement), tandis que, le Chabbat, il est passible de seqila (lapidation) prononcée par le tribunal du Sanhédrin. La peine témoigne de ce que, par un côté, le Chabbat est supérieur à Kipour. D’un autre point de vue, c’est Kipour qui est supérieur, puisque, lorsque Kipour tombe un Chabbat, on jeûne, bien que l’on soit Chabbat, comme nous l’avons vu ci-dessus, chap. 6, note 2.

[u]. L’appelé qui lira la Haftara.

[12]. De plus, on dit, dans le tribunal d’en haut : « S’ils avaient été vivants, ils auraient donné, eux aussi, de la tsédaqa. » Les Ashkénazes ont coutume de mentionner les âmes des défunts, à Kipour et à chacune des trois fêtes. Bien que ce texte commémoratif ait été fixé, en principe, pour être dit en public, on peut aussi le réciter seul (Guécher Ha’haïm I 32, 1). L’usage est que le bedeau annonce « Yizkor », avant le début de cette commémoration ; alors, celui qui a toujours son père et sa mère sort de la synagogue. Plusieurs raisons sont données à cela ; la principale est qu’il n’est pas convenable qu’une partie des fidèles prient pour les âmes de leurs proches disparus et fassent mention de leur âme, tandis que les autres se taisent. Certains craignent aussi le mauvais œil. Nombreux sont ceux qui ont coutume, la première année suivant le décès du premier parent disparu, de ne pas en mentionner le souvenir, de crainte que, par la grande peine éprouvée, on n’en vienne à faire échec à la mitsva de se réjouir durant la fête (cf. Mo’adim – Fêtes et solennités juives II 2, 8, Pisqé Techouvot 621, 7).

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