Chapitre 20 – Quelques règles relatives à la prière en minyan

11. La bénédiction sacerdotale (Birkat Cohanim)

La Torah fait obligation aux prêtres (Cohanim)[m] de bénir le peuple d’Israël, comme il est dit (Nb 6, 22-26) :

L’Eternel parla à Moïse en ces termes : Parle à Aaron et à ses fils et dis-leur : « Ainsi bénirez-vous les enfants d’Israël ; vous leur direz : “Que l’Eternel te bénisse et te garde ; que l’Eternel t’éclaire de Sa face et te prenne en grâce ; que l’Eternel porte Sa face vers toi et te donne la paix.” » Ils placeront Mon nom sur les enfants d’Israël et Je les bénirai.

À travers la Birkat Cohanim, nous apprenons à prêter attention à un fait essentiel : c’est le Saint béni soit-Il qui nous dispense la bénédiction ; et notre présence quotidienne pour recevoir la bénédiction sacerdotale enracine en nous la foi en ce principe (Guide des Egarés III, 44, Séfer Ha’hinoukh 378, Ha’aqéda 74). Aussi la bénédiction que le Saint béni soit-Il nous dispense est-elle liée à notre propre intervention ; ou, selon les termes de la Kabbale : « De l’éveil d’en bas dépend l’éveil d’en-haut. » En d’autres termes, par l’éveil de notre volonté de recevoir, durant la Birkat Cohanim, Sa bénédiction, s’éveille la volonté supérieure de déverser la bénédiction sur Israël.

À l’époque du Temple, les Cohanim récitaient la bénédiction sacerdotale après le service des sacrifices. C’est ce qu’enseigne la Torah au sujet du huitième jour de l’inauguration du Tabernacle, jour où les Cohanim commencèrent à servir dans le sanctuaire : « Après avoir offert l’expiratoire, l’holocauste et le rémunératoire,  Aaron étendit les bras en direction du peuple et le bénit, puis il descendit » (Lv 9, 22). On apprend donc que la bénédiction sacerdotale se faisait à la clôture du service des sacrifices.  La raison en est qu’après l’oblation des sacrifices, qui témoigne de notre disposition au renoncement et à l’abnégation en l’honneur de Dieu, béni soit-Il, nous devenons aptes à recevoir Sa bénédiction.

Nos sages ont décrété que, en-dehors du Temple, la Birkat Cohanim se réciterait durant la prière, car les sacrifices et la prière visent un but commun : se rapprocher de Dieu – et c’est la raison pour laquelle nos sages instituèrent les offices de prière en référence aux sacrifices journaliers. Et de même qu’après les sacrifices les Cohanim bénissaient le peuple, ainsi nos maîtres prescrivent-ils aux Cohanim de bénir le peuple à l’approche de la conclusion de la ‘Amida.


[m]. Cohen, plur. Cohanim: prêtre. Dans la suite du texte, nous utiliserons les termes Cohen et Cohanim, suivant l’usage de l’étude juive, sans les traduire systématiquement par prêtre(s).

12. Quelques règles relatives à la Birkat Cohanim

La bénédiction sacerdotale se dit en hébreu ; elle se récite à voix haute ; les Cohanim doivent se tenir debout ; ils doivent étendre leurs mains en direction du peuple. Si un Cohen ne peut appliquer quelqu’une de ces quatre règles, il ne prendra pas part à la Birkat cohanim (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 128, 14 ; La Prière d’Israël 20, 4).

Avant de procéder à la bénédiction, les Cohanim doivent se laver les mains. Une allusion à cela se trouve dans la Bible, comme il est dit : « Elevez les mains en état de sainteté, et bénissez l’Eternel » (Ps 134, 2). Un Cohen qui ne se serait pas lavé les mains ne pourrait prendre part à la bénédiction sacerdotale (Sota 39a).

Rabban Yo’hanan ben Zakaï a décrété que les Cohanim ne peuvent monter sur l’estrade d’où se récite la bénédiction s’ils portent des sandales ou des chaussures (La Prière d’Israël 20, 8)[n].

La bénédiction se fait suivant ce cérémonial : l’officiant ou l’administrateur de la synagogue (le gabaï) annonce : « Cohanim ! », comme il est dit : « Tu leur diras » (Nb 6, 23). Si un seul Cohen se présente sur l’estrade, on ne fait pas cette annonce, puisqu’il est dit : « Tu leur diras », au pluriel, ce qui laisse entendre que c’est seulement dans le cas où il y a deux Cohanim ou davantage que l’on annonce « Cohanim ! » (Choul’han ‘Aroukh 128, 10). Les Cohanim ne disent pas non plus la bénédiction sacerdotale de leur propre mouvement : l’officiant leur énonce les versets mot à mot, et les Cohanim répètent après lui. Quant aux fidèles, ils répondent amen à la fin de chaque verset.


[n]. L’auteur donne différentes raisons à cette disposition, notamment l’honneur dû à l’assemblée, qui impose de ne pas porter, au moment de la bénédiction, des chaussures qui ont peut-être été promenées dans la boue ; de plus, le service des prêtres dans le Temple se faisait pieds nus, en raison de la sainteté du lieu.

13. Règles relatives à ceux qui reçoivent la bénédiction

Le Séfer ‘Harédim (12, 18) nous apprend que ce ne sont pas seulement les Cohanim qui accomplissent un commandement de la Torah en procédant à la bénédiction sacerdotale ; mais les Israélites eux-mêmes, qui se tiennent face à eux en silence, recueillis, et qui répondent amen à leur suite, sont associés aux prêtres dans l’accomplissement du commandement toranique.

Lorsque les Cohanim procèdent à la bénédiction, les fidèles doivent se tenir face à eux, comme il est écrit : (Nb 6, 23) : « Ainsi bénirez-vous les enfants d’Israël : vous leur direz… » ; nos sages, de mémoire bénie, apprennent de ce verset que la bénédiction des Cohanim doit se faire à l’exemple de la conversation de l’homme avec son prochain : il faut parler face à face et à haute voix, de façon que tous les destinataires de la bénédiction puissent entendre.

Bien que, si l’on s’en tient à la  stricte obligation, les destinataires de la bénédiction soient autorisés à rester assis, tout le monde a pris l’usage de se lever au moment de la Birkat Cohanim. Mais une personne malade ou faible, à qui il est difficile de se tenir debout, peut rester assise au moment de la bénédiction (Michna Beroura 128, 51 ; Tsits Eliézer 14, 18).

Si, en raison d’une contrainte, un homme ne peut se rendre à la synagogue – par exemple s’il doit se rendre à son travail –, on est néanmoins inclus dans la bénédiction. De même, les femmes et les enfants, qui ne sont pas tenus d’aller à la synagogue, sont inclus dans la bénédiction. En revanche, les hommes qui pourraient venir se tenir devant les Cohanim et négligent de le faire ne sont pas inclus dans la bénédiction.

Si l’on se rend à la synagogue, et que l’on se tienne derrière les Cohanim durant la bénédiction, on n’est pas inclus dans celle-ci ; mais si l’on se tient véritablement à leur côté, on tournera la tête en leur direction, et l’on sera inclus dans la bénédiction. Ceux qui s’assoient aux premières rangées de la synagogue doivent évaluer leur situation à l’égard des Cohanim : s’ils leur font face, ou font même véritablement face à leur côté, ils peuvent rester à leur place en orientant leur visage en leur direction. Mais si leur place est située derrière les Cohanim, ils doivent changer de place à l’approche de la bénédiction. La règle est la même pour les femmes qui se trouveraient dans les galeries féminines latérales de la synagogue (Choul’han ‘Aroukh 128, 24).

Toute personne qui, à la synagogue, se tient face aux Cohanim, est incluse dans la bénédiction. Même si des gens de haute taille se tiennent devant soi, qui font écran entre les Cohanim et soi-même, ou s’il se trouve un pilier devant sa place qui fait ainsi écran, on reste inclus dans la bénédiction, dans la mesure où l’on se trouve face aux Cohanim. En revanche, si l’on tourne le dos aux Cohanim, même si l’on se trouve devant eux, on n’est pas inclus dans la bénédiction.

Si l’on récite la ‘Amida lorsque les Cohanim commencent leur bénédiction, on s’interrompra quelque peu pour écouter la Birkat Cohanim, qui est un commandement toranique, puis on reprendra sa prière. Mais on prendra soin de ne pas répondre amen après les versets de la bénédiction, afin de ne pas s’interrompre par des paroles au cours de sa ‘Amida (La Prière d’Israël 20, note 2).

14. Aptitudes et inaptitudes à la bénédiction sacerdotale

Les Cohanim sont tenus de bénir l’assemblée ; toutefois la bénédiction vient de Dieu seul, et ne dépend pas de la piété des Cohanim. Par conséquent, même un Cohen qui fauterait en mangeant des aliments interdits, en ayant des relations charnelles interdites, ou en commettant quelque autre faute, n’en serait pas moins tenu de monter sur l’estrade. Et s’il s’abstenait de prendre part à la bénédiction, il ne ferait qu’ajouter une faute supplémentaire au nombre de ses péchés. Comme l’écrit Maïmonide (Hilkhot Téphila 15, 6) : « On ne dit pas à un homme impie : “Ajoute encore une impiété en t’abstenant d’accomplir les mitsvot.” »

En revanche, si un Cohen a commis des fautes entachant sa prêtrise, par exemple s’il a épousé une femme divorcée, ou s’il s’est rendu impur au contact de morts, nos sages le sanctionnent en lui interdisant de procéder à la bénédiction. De même un Cohen qui a pris part à un culte idolâtre, ou qui transgresse le Chabbat publiquement dans le but de provoquer les autres, est disqualifié pour la bénédiction sacerdotale. Mais si un Cohen qui aurait commis l’une de ces fautes se repent d’un entier repentir, il pourra de nouveau prendre part à la bénédiction (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 128, paragraphes 37, 40, 41 ; La Prière d’Israël 20 § 10).

Un Cohen qui a tué une personne ne peut prendre part à la Birkat Cohanim, comme il est dit (Is 1, 15) : « Lorsque vous étendez les mains, je détourne les yeux de vous… vos mains sont pleines de sang » (Berakhot 32b). Le rôle du Cohen est d’ajouter à la bonté et à la vie, comme le faisait Aaron le grand-prêtre, qui aimait la paix et poursuivait la paix ; tandis qu’un Cohen qui a tué a porté atteinte au fondement de sa prêtrise. De même, si un Cohen a, de façon involontaire, écrasé mortellement une personne en voiture, il est disqualifié à l’égard de la Birkat Cohanim. Les décisionnaires sont partagés sur la question de savoir si, après s’être repenti à l’aide de jeûnes, de dons et de résolutions pour l’avenir, un tel Cohen pourrait prendre de nouveau part à la bénédiction. En pratique, un Cohen qui aurait été l’acteur d’un événement aussi grave doit aller consulter son rabbin afin de recueillir ses directives personnelles sur la conduite à tenir (cf. La Prière d’Israël 20, 11).

15. L’institution de la lecture de la Torah

Une institution ancienne, du temps de Moïse notre maître, veut que le peuple d’Israël lise, le jour de Chabbat, le lundi et le jeudi, une portion du rouleau consacré de la Torah (séfer-Torah), écrit à l’encre sur parchemin, afin que ne passent pas plus de trois jours sans que l’on n’étudie la Torah. Nos sages racontent que ce décret fut pris après l’épisode rapporté dans l’Exode : « Ils marchèrent trois jours dans le désert et ne trouvèrent pas d’eau » (Ex 15, 22). Moïse notre maître et ses disciples, les anciens et les prophètes, comprirent que la soif provenait du fait que, durant trois jours consécutifs, Israël ne s’était point appliqué publiquement à l’étude de la Torah (Baba Qama 82a). La Torah est comparée à l’eau ; car, de même que l’eau vivifie tout être vivant et toute végétation de par le monde, ainsi la Torah vivifie l’âme. Et dès lors que les enfants d’Israël se furent quelque peu détachés de la Torah, les sources d’eau cessèrent, elles aussi, de jaillir. Certes, on peut supposer que les sages de la génération continuèrent d’étudier pendant ces trois jours ; mais ce qui est visé ici est le fait que, durant trois jours, le peuple d’Israël ne s’adonna pas à la Torah en tant que collectivité. Aussi fut-il décidé d’instituer une lecture publique de la Torah chaque lundi, chaque jeudi et chaque Chabbat, de façon que jamais plus de trois jours ne passent sans qu’Israël n’entende la lecture publique de la Torah.

Ezra le scribe décréta à son tour une lecture publique de la Torah à l’office de Min’ha de Chabbat, à l’intention des yochevé qeranot, littéralement « ceux qui sont assis aux coins des rues » (Baba Qama 82a). Selon certains, « ceux qui sont assis (installés) aux coins des rues » sont les commerçants et travailleurs qui ne peuvent pas entendre la lecture des lundis et jeudis ; on a donc décrété une forme de rattrapage à leur intention à Min’ha de Chabbat. D’autres disent que ceux qui sont assis aux coins des rues sont les gens frivoles : on a craint que, après avoir terminé la prière du matin de Chabbat, ils ne se livrassent à la boisson et à de vaines occupations, et c’est pourquoi on a institué une lecture de la Torah à Min’ha (cf. Pniné Halakha, Chabbat 5, 8). Nos sages ont encore décrété une lecture de la Torah chaque jour de fête ou de néoménie, lecture choisie pour ses rapports avec la thématique du jour.

Le lundi et le jeudi, on fait monter trois appelés au séfer-Torah ; les jours de néoménie (Roch ‘hodech) et les jours intermédiaires de Pessa’h et de Soukot (‘Hol hamo’ed), quatre appelés ; les jours de fête chômée (Yom tov), cinq appelés ; le matin de Kippour, six appelés ; le matin de Chabbat, sept appelés (Méguila 21a). Autrefois, chaque appelé avait coutume de procéder lui-même à la lecture du rouleau, puis, au fil du temps, dans la plupart des communautés, on prit l’usage de nommer un lecteur, chargé de lire pour l’ensemble des appelés, afin de ne pas vexer ceux qui ne savent pas bien exécuter cette lecture, mais aussi afin que celle-ci soit plus précise et plus belle (Pniné Halakha, Liqoutim II).

Si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est permis, le Chabbat, de faire monter plus que sept appelés au séfer-Torah, à condition qu’il soit au moins lu pour chacun trois versets. Mais, pour différentes raisons, il est préférable de ne pas ajouter au nombre des appelés ; ce n’est que s’il y a une nécessité urgente – par exemple si, parmi les fidèles, se trouve un nouveau marié dans la semaine de ses noces (sim’hat ‘hatan), et que des proches parents ou amis soient venus qui, s’ils n’étaient pas appelés, seraient vexés –, qu’il est permis d’ajouter au nombre de sept appelés (Choul’han ‘Aroukh 282, 1-2 ; Michna Beroura 4-5 ; cf. Pniné Halakha, Chabbat 5, 6). 

La lecture doit se faire dans un rouleau valide, c’est-à-dire écrit à l’encre, sur parchemin, avec l’intention de servir Dieu, comme l’a été le premier séfer-Torah, écrit par Moïse notre maître sous la dictée divine. La lecture doit s’accomplir en minyan, car elle compte parmi les paroles consacrées (cf. supra chap. 2 § 10, où il est dit que les femmes sont dispensées de la lecture de la Torah, et ci-après, chap. 22 § 4-6 sur la lecture de la Torah le Chabbat ; cf. encore Pniné Halakha, Liqoutim I, chap. 4 et La Prière d’Israël 22).

16. L’officiant

L’officiant (‘hazan) conduit la prière. À certains moments, toute l’assemblée récite avec lui la prière, tandis que lui fixe le rythme ; à d’autres moments, il est seul à prononcer la prière, les fidèles répondant amen, comme dans la répétition de la ‘Amida ou les différentes mentions du Qaddich. Aussi l’officiant doit-il être convenable, de bon renom, modeste, agréé par ses pairs, posséder une voix agréable et être habitué à lire la Torah écrite : Pentateuque, Prophètes et Hagiographes (Ta’anit 16b ; Choul’han ‘Aroukh 53, 4). Il faut particulièrement insister sur lesdites conditions durant les jours redoutables (de Roch Hachana à Yom Kippour) et les jours de jeûne, car alors nous prions et implorons le Saint béni soit-Il de nous pardonner nos fautes, de nous épargner toute souffrance et de hâter notre Délivrance ; or si l’officiant pâtit d’un défaut, la prière de l’assemblée risque de ne pas s’élever convenablement vers Dieu (Rama, Ora’h ‘Haïm 581, 1).

À l’époque talmudique, il était interdit d’écrire des recueils de prière, car seule la Torah écrite, c’est-à-dire la Bible, était autorisée à la copie, tandis qu’il était interdit de porter à l’écrit la tradition orale, au sein de laquelle on trouve les prières et les bénédictions instituées par les sages (Temoura 14b). Dès lors, le rôle de l’officiant était très important, car il devait connaître toute la prière par cœur et la réciter à voix haute, afin d’acquitter les fidèles de leur obligation. On choisissait alors un officiant permanent pour remplir cette haute fonction ; et toutes les conditions énoncées par les sages pour le choix d’un officiant les jours de jeûne étaient valables pour le choix d’un officiant permanent. A priori, il fallait nommer un officiant qui convînt à chaque membre de la communauté, car celui-ci était destiné à acquitter chacun de son obligation.

Cependant, après la destruction du Deuxième Temple, nos sages ont considéré que l’on était contraint de permettre la mise à l’écrit des enseignements de la Torah orale afin qu’elle ne fût pas oubliée par le peuple juif ; parmi lesdits enseignements, il devint permis de porter à l’écrit les prières. Au fil du temps, les livres de prière se répandirent, au point qu’il ne fut plus nécessaire que l’officiant acquittât les fidèles de leur obligation, car tous priaient à l’aide de leur livre. Dès lors, il n’est plus nécessaire d’être aussi pointilleux dans le choix de l’officiant, et l’on ne désigne plus d’officiant permanent pour toute l’année : chaque jour, une autre personne se tient au pupitre (Choul’han ‘Aroukh 53, 19 ; Michna Beroura 53, 53).

Malgré cela, les responsables de la communauté (gabaïm) doivent faire en sorte que les officiants qui se présentent au pupitre soient convenables, observent la Torah et les commandements, et que le public accepte qu’ils soient leurs délégués pour le temps de la prière, car les officiants ont la responsabilité de dire, par délégation de l’assemblée, la répétition de la ‘Amida et le Qaddich (cf. Kaf Ha’haïm 53, 86). Et pour ce qui concerne les offices de Chabbat et de fêtes, durant lesquels il est d’usage que les officiants entonnent de véritables chants et cantiques pendant certains passages de la prière, on devra faire en sorte que les officiants possèdent un talent musical et une belle voix.

17. Une ‘hazanout (cantillation synagogale) désintéressée

Les officiants doivent avoir pour intention de faire, par leur chant, honneur au Ciel. Mais de ceux qui prolongent leurs vocalises dans le seul but de s’enorgueillir de leur belle voix, le verset dit : « Elle a donné de la voix contre moi, aussi l’ai-je prise en haine » (Jr 12, 8). En effet, ceux-là font de la prière sainte un outil au service de leur vanité. Même celui dont la seule intention est de chanter pour l’honneur du Ciel ne devra pas prolonger son chant à l’excès, afin de ne pas importuner l’assemblée (Rachba, Choul’han ‘Aroukh 53, 11).

Il est interdit aux officiants de redoubler des mots, que ce soit dans les bénédictions ou dans le Qaddich, car cela modifierait la forme fixée par les sages. Et dans les cas où le redoublement des mots entraînerait une altération du sens de la bénédiction, ces mots supplémentaires seraient considérés comme une interruption, ce qui obligerait l’officiant à reprendre la bénédiction à son début. En revanche, si le redoublement de mots n’entraîne pas d’altération du sens, l’officiant n’a pas, a posteriori, à répéter la bénédiction, puisque celle-ci n’a pas été interrompue par quelque autre sujet (voir Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm II, 22, Yabia’ Omer 6, 7).

Les décisionnaires sont partagés sur la question suivante : est-il permis d’utiliser, dans la prière et les chants liturgiques, des mélodies empruntées à des chants vulgaires ? En pratique, lorsque les paroles du chant vulgaire ne sont pas connues de l’assemblée, on a l’usage d’être indulgent, et l’on modifie ça et là la mélodie d’origine afin de l’adapter aux paroles de la prière. Mais si le chant est connu de l’assemblée, on ne peut utiliser sa mélodie pour les besoins de la prière car, au moment où elle serait chantée, les fidèles se souviendraient  de son contenu vulgaire, et la concentration en serait affectée (La Prière d’Israël 4, note 1). Il est interdit de désigner comme officiant un chanteur habitué à interpréter des chansons dont le contenu est vulgaire (Rama, Ora’h ‘Haïm 53, 25).

Il n’est pas convenable de convoiter un rôle d’officiant ; aussi, quand l’administrateur de la synagogue vient demander à un fidèle d’officier, c’est une marque de politesse que de signifier un léger refus ; toutefois, on ne refusera pas plus qu’il ne faut (cf. Choul’han ‘Aroukh 53, 16 ; La Prière d’Israël 4, 3). Si l’on sait conduire la prière et que l’on refuse d’officier, on attente par là à l’honneur dû à la prière et à l’honneur dû au Ciel. En particulier, celui que Dieu a gratifié d’un don musical et d’une voix agréable ne devra point refuser sa participation les jours de Chabbat et de fêtes, jours durant lesquels les prières sont ornées de chants liturgiques et de cantiques. S’il refuse malgré tout d’officier, par entêtement ou par paresse, et néglige donc de louer Dieu par sa voix, le Séfer ‘Hassidim (768) dit de lui qu’il aurait « mieux valu pour lui ne pas naître ». À ce sujet, les sages racontent que Navot de Jezréel était pourvu d’une voix agréable et belle ; or celui-ci se rendait au Temple de Jérusalem à l’occasion des fêtes de pèlerinage, et tout Israël se rassemblait pour l’entendre. Un jour, il manqua de se rendre au Temple, car il voulait surveiller sa vigne. Il fut puni pour cette faute : des vauriens témoignèrent contre lui, prétendant qu’il s’était révolté contre le roi, causant ainsi sa perte (Psiqta Rabbati 25).

18. Prière des endeuillés et récitation du Qaddich des orphelins

Quand on a perdu l’un de ses deux parents, on doit réciter le Qaddich à l’office, durant la première année. Il y a à cela une grande utilité pour l’âme du défunt, celle de lui épargner la rigueur du Guéhinom[o] car, dès lors que le fils qu’il laisse en ce monde sanctifie publiquement le nom divin, il apparaît que sa vie était dotée d’une valeur éternelle de sainteté. Si le fils du défunt sait conduire l’office et que l’assemblée y consente, il est bon qu’il soit aussi officiant durant les jours ouvrables, car il y a dans le fait d’être officiant plus d’utilité encore pour l’âme du défunt. Le jour du jahrzeit (anniversaire du décès), chaque année, les endeuillés disent également le Qaddich et s’efforcent d’officier. Quand il y a plusieurs endeuillés à la synagogue, l’usage est que tous récitent le Qaddich ensemble. Quant à officier, il existe un ordre de priorité : par exemple, l’endeuillé qui se trouve dans les trente jours après le décès de son parent a priorité sur celui qui se trouve dans l’année (cet ordre de priorité est exposé plus en détail dans La Prière d’Israël 4, 5-7).

Si un homme ou une femme décède en ne laissant après soi qu’un fils mineur, ce fils dira le Qaddich en son souvenir, bien qu’il ne soit pas arrivé à l’âge où l’on est tenu d’accomplir les commandements (bar-mitsva). C’est d’ailleurs à cette fin qu’a été institué le Qaddich de l’orphelin. En effet, pour un endeuillé majeur, il est encore plus indiqué pour l’élévation de l’âme de ses parents de conduire l’office ; tandis que pour le mineur, qui ne peut être officiant, on a institué ce Qaddich (Rama, Yoré Dé’a 376, 4). Même si le mineur n’est pas encore arrivé à l’âge de l’éducation aux mitsvot (autour de six ans), on lui lit le Qaddich à haute voix, et lui, l’endeuillé mineur, répète mot à mot, tandis que l’assemblée répond amen à sa suite.

Il est bon qu’un fils adopté récite le Qaddich pour ses parents adoptifs. À plus forte raison s’ils ne laissent pas d’autre fils, ce sera une mitsva pour lui de dire le Qaddich pour ses parents adoptifs (Yalqout Yossef VII 23, 13). Il est bon qu’un homme converti au judaïsme récite le Qaddich pour ses parents non Juifs (réf. cit. 14, Pisqé Techouva 132, 20, Zeqan Aharon, Yoré Dé’a 87).


[o]. Séjour des morts, et plus spécialement ici, lieu de l’expiation des fautes.

19. Quand un défunt n’a pas laissé de fils pour réciter le Qaddich à sa mémoire

Si un homme ou une femme décède sans avoir la chance de laisser après soi un fils, ou encore dans le cas où des parents laissent un fils mais que celui-ci ne craigne pas le Ciel, et ne se rende pas à la synagogue pour dire le Qaddich des orphelins en leur souvenir : s’ils laissent un petit-fils craignant Dieu, ce petit-fils dira le Qaddich durant toute l’année. Le petit-fils issu du fils a préséance sur le petit-fils issu de la fille. Si aucun petit-fils n’est encore né à la date de leur mort, mais qu’ils laissent un gendre, le gendre dira le Qaddich. Cependant, si le petit-fils ou le gendre a ses deux parents en vie, il ne pourra réciter le Qaddich à la mémoire de l’un de ses grands-parents ou de ses beaux-parents sans avoir reçu l’autorisation de ses parents. Lorsque le défunt n’a pas non plus de gendre mais qu’il laisse un père, le père dira le Qaddich pour son fils. Et lorsque son père est mort lui aussi, le frère ou le neveu récitera pour lui le Qaddich.

Lorsqu’aucun de ces proches parents ne peut réciter le Qaddich en l’honneur du défunt, on louera, avec l’argent de sa succession, les services d’un homme craignant Dieu, qui dira pour lui le Qaddich. Il est bon d’appointer un homme qui se livre à l’étude de la Torah. Si, dans la famille, se trouve un homme qui se consacre à l’étude de la Torah, celui-ci a préséance sur un homme étranger à la famille. Il importe, en pareil cas, de fixer un paiement pour la récitation du Qaddich, afin de garantir l’accomplissement effectif de sa récitation. De plus, si l’on paie une personne dont l’occupation est l’étude de la Torah, ou un pauvre ayant des enfants à charge, un mérite supplémentaire s’ajoutera, par ce fait, au bénéfice du défunt.

Signalons que, dans certaines communautés ashkénazes, il était de coutume, dans le cas où le défunt ne laissait pas de fils mais laissait une fille, de rassembler un minyan au domicile familial, et que la fille récitât le Qaddich. En certains endroits, l’usage était que les filles petites (de moins de douze ans), vinssent à la synagogue pour y réciter le Qaddich. Toutefois, dans leur majorité, les décisionnaires ne s’accordent pas avec cet usage, pour différentes raisons dont la principale est la crainte de la modification des coutumes (‘Havat Yaïr 222). Et telle est, de nos jours, la consigne ordinairement répandue. Cependant, il n’y a pas lieu de protester à l’égard de celle qui dirait, à son domicile, le Qaddich à la mémoire de ses parents, à la condition que cela se fasse avec l’accord d’un rabbin important, versé dans la halakha et les règles régissant la collectivité, et en accord avec le rabbin du lieu. Dans les communautés où cela s’avère nécessaire, et où il n’est pas à craindre que cela n’affaiblisse les coutumes – soit parce que celles-ci sont déjà affaiblies, soit parce que les fidèles y craignent Dieu et sont pointilleux dans la pratique des mitsvot – ni que cela n’entraîne de controverse, le rabbin local est autorisé à donner pour consigne que les filles disent Qaddich pour leur père depuis la galerie des dames, dans les conditions qu’il fixera. Nous l’avons dit en effet, cet usage existait dans certaines villes, autrefois. Dans cette halakha et d’autres, du même ordre, nous voyons l’importance de la fonction de rabbin local ou de rabbin de communauté, auquel incombe la responsabilité d’enseigner la Torah, ses mitsvot et ses valeurs. Aussi importe-t-il que chaque communauté ait un rabbin attitré, qui comprenne la sensibilité de ses membres ; de même, il importe que les membres de la communauté consolident la position du rabbin, et se gardent de susciter des controverses à son encontre quand il tranche dans un sens ou dans un autre.

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