Pniné Halakha

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Chapitre 15 – Construire, détruire, un immeuble ou un objet

11. Ouverture de boîtes de conserve

Il est permis, le Chabbat, d’ouvrir des boîtes de conserve afin de manger de leur contenu. En effet, puisque ces boîtes sont destinées à un usage unique, elles n’ont pas l’importance qu’ont des ustensiles ; leur statut est donc semblable à celui des coquilles de noix. De même qu’il est permis de casser la coquille de la noix pour manger celle-ci, de même est-il permis d’ouvrir des boîtes de conserve pour en manger le contenu.

Dans le même sens, la Michna nous enseigne : « On brise le tonneau pour manger les figues sèches qu’il renferme, à condition de n’avoir pas l’intention de créer un ustensile » (Chabbat 146a). De nombreux commentateurs expliquent qu’il est ici question d’un tonneau de qualité médiocre (dit moustaqi, fait de morceaux collés de façon rudimentaire), et destiné à un usage unique ; puisqu’il n’est pas important, il est considéré comme subsidiaire par rapport à son contenu, de même qu’une coquille de noix n’est que l’accessoire de la noix ; aussi est-il permis de briser ce tonneau afin de manger des figues qui s’y trouvent. On ne brisait pas le tonneau d’une manière telle que les figues se fussent dispersées, mais on brisait le haut du fût, et les figues y restaient déposées de nombreux jours, jusqu’à ce que l’on eût terminé de les manger. Toutefois, nous l’avons vu, nos sages ont émis à cela une condition : « pourvu que l’on n’ait pas l’intention d’en faire un ustensile. » En effet, si l’on perce dans le fût une belle ouverture (péta’h yafé) et qu’on le rende apte au stockage d’autres denrées, ce perçage vise en définitive au  parachèvement de l’ustensile, si bien que l’on transgresse par là un interdit (Choul’han ‘Aroukh 314, 1).

La règle est la même s’agissant d’une boîte de conserve : il est permis de l’ouvrir, le Chabbat, dans le but d’en manger le contenu. Même si plusieurs jours passent avant que l’on ne termine de consommer tout ce qu’elle contient, la boîte n’est pas considérée comme importante, puisqu’on la jette immédiatement après en avoir terminé le contenu ; de sorte qu’il est permis de l’ouvrir le Chabbat. Mais si l’on a l’intention d’y mettre d’autres choses, il est interdit de l’ouvrir pendant Chabbat car, en l’ouvrant, on lui ferait une ouverture apte à recevoir d’autres denrées, la rendant propre à l’usage que l’on a l’intention d’en faire.

Certains décisionnaires sont toutefois rigoureux, et interdisent d’ouvrir une boîte de conserve, le Chabbat, même si l’on a l’intention de la jeter ensuite : selon eux, puisque en fait la boîte est en elle-même propre au stockage d’autres denrées, lui faire une ouverture la transformerait en ustensile (‘Hazon Ich 51, 11). Cependant, en pratique, la halakha suit l’opinion indulgente : puisqu’il s’agit de boîtes et de paquets destinés à un usage unique, leur ouverture n’est pas interdite. Si l’on souhaite être rigoureux, on ouvrira les emballages la veille de Chabbat, et si l’on a besoin de les ouvrir pendant Chabbat, on les videra de leur contenu immédiatement après les avoir ouverts[6].


[6]. À l’instar de la position indulgente que nous avons pu observer dans la michna citée plus haut, une baraïtha nous enseigne ceci (Chabbat 146a) : « Raban Chimon, fils de Gamliel, dit : “On apporte un tonneau de vin, et on lui tranche la tête avec une épée” » ; par cette formulation, on signifie que l’on n’a pas, dans ce cas, l’intention de pratiquer une belle ouverture, mais seulement d’en extraire le vin. C’est en ce sens que se prononce le Choul’han ‘Aroukh 314, 1 et 6.

 

Cependant, les Richonim débattent quant au fait de savoir quel type de tonneau les sages ont permis de briser. Selon Tossephot et le Roch, il s’agit d’un tonneau branlant (moustaqi), qui était brisé, et dont on a recollé les morceaux à la poix. Selon le Ran, les sages ont permis de briser même un tonneau normal, pour les besoins de la nourriture qui y est contenue. Il semble que ce soit aussi l’opinion de Maïmonide (23, 2). Le Choul’han ‘Aroukh 314, 1 est rigoureux, conformément à l’avis de Tossephot et du Roch. En tout état de cause, de l’avis même des tenants de l’opinion rigoureuse, les boîtes de conserve de notre temps n’ont pas un statut supérieur à celui des ustensiles branlants ; en effet, les « ustensiles branlants » (kélim re’ou’im) sont des ustensiles destinés à un usage unique. Par exemple, un tonneau fait de morceaux sommairement assemblés et dont on brise la tête de fût n’est plus apte à un nouvel usage : si l’on voulait y entreposer de nouveau des figues sèches ou du vin, on devrait recoller une nouvelle fois la partie brisée.

 

Le ‘Hazon Ich (51, 11) craint, pour sa part, que la boîte de conserve ne devienne un ustensile par le fait même de son ouverture ; dans ces conditions, l’ouverture ne s’analyse plus comme une brisure, mais comme un arrangement (tiqoun) car, par elle, l’ustensile devient susceptible d’une nouvelle utilisation. Toutefois, de l’avis de nombreux décisionnaires, la boîte était un ustensile dès avant son ouverture, puisque l’on s’en servait bien pour y conserver les aliments qui s’y trouvaient (Téhila lé-David 314, 12) ; et le fait d’ouvrir ne fait que l’abîmer, puisque l’on ne s’en servira plus. Il est vrai que, il y a soixante ans, de nombreuses personnes utilisaient des boîtes de conserve pour y ranger des clous ou d’autres objets ; mais aujourd’hui, presque personne ne fait cela (Or lé-Tsion I 24). Sont également indulgents le Rav Chelomo Zalman Auerbach (Chemirat Chabbat Kehilkhata 9, 3, Choul’han Chelomo 314, 5), Min’hat Yits’haq IV 82, le Rav Ovadia Yossef dans Halikhot ‘Olam (4, p. 250) et le Rav Mordekhaï Elyahou.

 

Simplement, pour sortir du doute exprimé par le ‘Hazon Ich, certains conseillent de percer un trou dans la boîte, du côté opposé à l’ouverture, avant de l’ouvrir ; de cette manière, aucun ustensile n’est créé par l’effet de l’ouverture, puisqu’il y a un trou à la base de la boîte (Chemirat Chabbat Kehilkhata 9, 3). Toutefois, pour de nombreux auteurs qui partagent les vues du ‘Hazon Ich, il est également interdit de percer le premier trou lui-même (Min’hat Ich 17, 3). De plus, pour les tenants de l’opinion indulgente eux-mêmes, il ne faut pas percer d’orifice préalablement à l’ouverture de la boîte de conserve, car ce serait un acte d’endommagement (qilqoul) interdit par les sages, et qui tombe, parfois, dans le champ de l’interdit de trier. Il est donc préférable d’ouvrir la boîte normalement ; et si l’on veut tenir compte de l’opinion rigoureuse, on ouvrira les boîtes avant Chabbat, ou, au moins, on les videra après ouverture.

12. Ouverture des sachets de lait et de sucre

Il est permis d’ouvrir la capsule qui est collée aux pots de produits laitiers (yaourts, petits suisses, etc.). De même, il est permis de déchirer les emballages de gaufrettes ou de chocolat. En effet, le papier qui enveloppe ces aliments est destiné à un usage unique ; aussi est-il l’accessoire de l’aliment qu’il contient, de la même façon qu’une peau d’orange est subsidiaire à l’orange, et qu’il est permis de la sectionner et de l’éplucher afin de manger l’orange.

Il est de même permis de percer un trou dans un sachet de lait afin de verser le lait. Il est également permis d’ouvrir un sachet de sucre en papier, en décollant l’ouverture qui se trouve en haut du sachet. Dans le même sens, il est permis d’ouvrir un sachet contenant des bonbons ou d’autres aliments.

Nous voyons, dans le même ordre d’idées, que les sages permettent de découper, le Chabbat, des ‘hotelot, c’est-à-dire de petites enveloppes tressées, faites à partir de branches de palmier, et destinées à la conservation des dattes jusqu’à ce qu’elles mûrissent. Puisque ces enveloppes sont des ustensiles qui ne présentent pas d’importance par eux-mêmes, elles sont entièrement subsidiaires à la nourriture qu’elles contiennent. De même qu’il est permis de découper la peau d’un fruit, de même est-il permis de découper l’enveloppe de conservation afin d’extraire les dattes qui s’y trouvent (Chabbat 146a, Kolbo, Choul’han ‘Aroukh 314, 8).

Certains sont rigoureux, et interdisent de faire une ouverture dans des sachets ou des paquets dans lesquels la nourriture reste un certain temps, comme les sachets de lait ou de sucre. En effet, si l’on a l’intention d’y pratiquer une « belle ouverture », par laquelle on pourra verser le lait ou le sucre, l’ouverture du sachet ne constituera pas une détérioration, mais au contraire un arrangement apporté à l’ustensile (‘Hazon Ich 51, 10). D’après ces auteurs, la seule manière d’ouvrir ces sachets est de les déchirer entièrement et d’en transférer le contenu dans un autre récipient.

En pratique, la halakha suit l’opinion indulgente ; en effet, ces sachets ne présentent pas d’importance particulière, puisqu’on les jette quand il n’y reste plus de nourriture ; il est donc permis d’y faire une ouverture propre à en extraire le contenu, et de les utiliser jusqu’à ce qu’il n’y reste plus de nourriture[7].

Précisons encore que, au moment où l’on déchire le sachet, il faut s’efforcer de ne pas déchirer de lettres. Toutefois, en cas de nécessité, il est permis d’ouvrir le sachet, même s’il est certain que des lettres se déchireront à cause de cela (comme expliqué plus loin, chap. 18 § 3).

De même, il est permis de déchirer des emballages contenant d’autres produits, dont on a besoin pour le Chabbat, tels que des mouchoirs en papier, ou un paquet de couches. Cependant, puisque l’on prévoit d’utiliser ces emballages pendant plusieurs jours encore, il est bon de faire une ouverture plus grossière que ce qu’il est courant de faire en semaine. Selon les tenants de l’opinion rigoureuse, il faut déchirer de tels paquets complètement, de façon qu’ils ne puissent plus contenir ce qui s’y trouvait. La halakha est conforme à l’opinion indulgente[8].


[7]. La permission de déchirer les petites enveloppes de palme tressée, bien fermées, que sont les ‘hotelot (Chabbat 146a), n’est pas limitée : même si l’ouverture est telle que l’extraction des dattes est aisée, il n’y a pas là d’interdit. S’agissant même d’un tonneau fait de douves sommairement assemblées (moustaqi, cf. Chabbat 146a, Beitsa 33b), il est permis de faire une ouverture propre à extraire son contenu plusieurs jours durant, à la condition qu’il ne soit pas à craindre de pratiquer une « belle ouverture », qui rendrait l’ustensile propre à être utilisé plusieurs fois, en y mettant d’autres aliments et en les en sortant. Aussi nos maîtres permettent-ils, dans la Michna (Chabbat 146a) de percer l’ouverture dans le fond supérieur du tonneau, bien que l’orifice soit destiné à verser le vin. En revanche, si l’on perce « sur le côté » du tonneau (dans les douves reliant le fond supérieur au fond inférieur), il sera manifeste que l’on fait une ouverture destinée à de multiples usages ; c’est donc interdit. C’est en ce sens que le Choul’han ‘Aroukh 314, 6 tranche.

La raison de toutes ces autorisations, c’est que, dans la mesure où il s’agit d’un emballage à usage unique, cet emballage n’est qu’accessoire par rapport à l’aliment qu’il contient, et son statut est assimilé à celui de l’écorce d’un fruit, qu’il est permis de retirer sans condition, sur le mode de l’épluchage. Même dans le cas d’un grand emballage, dont on aura fini d’utiliser le contenu longtemps après, comme c’est le cas d’un sachet de lait, d’un carton de lait ou d’un sachet de sucre, il n’y a pas d’interdit. En effet, s’agissant même d’un tonneau de vin ou d’un panier de palme, que nos sages permettent d’ouvrir, on ne vide pas immédiatement tout le contenu (c’est également ce que laisse entendre la Michna, traité Kelim 16, 5, selon le commentaire du Rach, Rabbi Samson de Sens). Ce n’est que lorsqu’on essaie de pratiquer une « belle ouverture » dans l’emballage, pour les besoins d’une utilisation prolongée, dans l’intention, une fois terminé tout le contenu, d’y mettre d’autres choses, que l’interdit s’applique. Or, il ne viendrait à l’esprit de personne de consacrer à un nouvel usage des sachets de lait, de sucre ou de denrées du même genre, si bien que l’interdit de construire ou de déchirer ne s’applique en rien au fait de les ouvrir.

 

Les tenants de l’opinion rigoureuse, quant à eux, estiment que la permission de pratiquer une ouverture ne s’applique qu’à une chose qui ne fait pas partie de l’emballage lui-même, mais qui est collée à lui, comme un bouchon ou un couvercle ; en revanche, quand on perce dans l’emballage lui-même une ouverture efficace pour verser le lait ou le sucre, cela s’assimile à la fabrication d’un ustensile. Toutefois, l’interdit est seulement rabbinique, puisque l’ouverture n’est destinée qu’à verser (‘Hazon Ich 51, 10 ; cf. Or’hot Chabbat 12, 6). Ces avis rigoureux craignent également d’enfreindre l’interdit de déchirer en ouvrant un sachet de sucre, car, si le fait de déchirer apporte un arrangement (tiqoun) au sachet, la chose est interdite aux yeux de nombreux auteurs.

 

Cependant, nous avons vu que le statut des emballages alimentaires est semblable à celui des ‘hotelot, enveloppes de palme auxquelles l’interdit de déchirer ne s’applique pas du tout. Certains partisans de l’opinion indulgente écrivent néanmoins qu’il est bon, a priori, de tenir compte de l’opinion rigoureuse, et d’ouvrir ces emballages avant Chabbat, et que, si l’on doit ouvrir un sachet de lait pendant Chabbat, il sera bon, a priori, de faire en sorte que cette ouverture soit plus petite qu’il n’est d’usage en semaine, ou encore de la faire avec ses dents. De cette manière, il sera manifeste que l’on n’a pas l’intention d’y pratiquer une « belle ouverture » ; en ce cas, une partie des tenants de la position rigoureuse reconnaîtraient eux-mêmes que la chose est permise.

[8]. Pour l’ouverture d’un emballage de vêtement ou d’autres objets du même ordre, la règle est la même que celle qui s’applique à l’emballage d’un aliment (Rav Chelomo Zalman Auerbach, Choul’han Chelomo 314, 7, 6). De même qu’il est permis d’utiliser un emballage alimentaire jusqu’à expiration de son contenu, de même pour les paquets de mouchoirs en papier ou de couches. Ceux qui suivent l’opinion rigoureuse doivent détériorer complètement le sachet (Min’hat Ich 17, 22 ; Or’hot Chabbat 12, 23).

 

Le Yalqout Yossef (Chabbat II 314, note 22) indique qu’il ne faut pas, le Chabbat, déchirer le papier-cadeau d’un livre, d’un tableau etc., car lorsque les sages permettent d’ouvrir un emballage, c’est véritablement pour les besoins du Chabbat, or ces objets ne sont pas réellement nécessaires. Cependant, il semble en pratique que, si le cadeau répond à un réel besoin pour le Chabbat, cela soit permis. Il est vrai que le Michna Beroura 340, 41 et le Béour Halakha ד »ה הניר sont rigoureux, interdisant d’ouvrir l’enveloppe d’une lettre, même pour une grande nécessité. Mais le Maharil, le Maguen Avraham 519, 4 et le Taz 5 le permettent. Puisque l’interdit est rabbinique, en cas de besoin, on peut être indulgent.

13. Ouverture de bouteilles

Une controverse est apparue, en ce qui concerne l’ouverture des bouteilles de vin dont le bouchon est en métal. Certains interdisent de déboucher une telle bouteille, car, avant qu’on ne l’ouvre, le bouchon sert uniquement à recouvrir le vin, tandis qu’après l’ouverture et la séparation entre le bouchon et la bague métallique restée sur la bouteille, le bouchon devient un ustensile : un bouchon à vis, avec lequel on pourra refermer la bouteille et la rouvrir (Rav Chelomo Zalman Auerbach).

Mais pour la majorité des décisionnaires, il est permis d’ouvrir sans crainte une bouteille à bouchon métallique car, dès avant son ouverture, ce dernier est considéré comme un bouchon, et le débouchage ne créera pas en lui de chose nouvelle. Quant au fait de le séparer de l’anneau métallique, cela s’assimile à la rupture de la coque d’une noix, faite dans le but d’en manger le contenu. De plus, dans la mesure où l’on n’a pas l’intention de créer un bouchon mais seulement d’ouvrir la bouteille, et quoiqu’on puisse soutenir qu’un bouchon à vis se crée incidemment, cela n’est pas interdit.

Bien que ceux qui souhaitent être indulgents y soient autorisés, et que de nombreuses personnes procèdent ainsi, il est bon, a priori, de tenir compte de l’opinion rigoureuse et d’ouvrir les bouteilles à la veille de Chabbat. Solution supplémentaire au problème : conserver de vieux bouchons pour les besoins des bouteilles que l’on ouvre pendant Chabbat, et jeter à la poubelle les bouchons desdites bouteilles : puisque, en pratique, on n’aura pas l’intention d’utiliser les bouchons des bouteilles ouvertes pendant Chabbat, les tenants de l’opinion rigoureuse eux-mêmes reconnaîtront que cette ouverture n’est pas interdite.

Dans le cas où l’on n’a pas conservé de bouchons, et où l’on n’a pas non plus ouvert les bouteilles de vin ou de jus de raisin avant Chabbat, ceux qui tiennent compte de l’opinion rigoureuse ont l’usage de percer un trou dans le bouchon, préalablement à l’ouverture. De cette façon, après que la bouteille sera débouchée, le bouchon ne pourra être considéré comme un ustensile, puisqu’il ne pourra plus servir de bouchon de bonne qualité (Chemirat Chabbat Kehilkhata 9, 18). Pour les tenants de l’opinion indulgente, il est préférable de décapsuler la bouteille sans percer le bouchon.

En ce qui concerne les bouchons de plastique, la majorité des tenants de l’opinion rigoureuse reconnaissent eux-mêmes qu’il n’est pas interdit d’ouvrir les bouteilles qui en sont pourvues. En effet, dès avant la première ouverture de la bouteille, ils sont considérés comme bouchons, halakhiquement parlant, si bien que l’ouverture de la bouteille ne les transforme pas en ustensiles (Chemirat Chabbat Kehilkhata 9, 21). Et tel est l’usage. De même, il est permis d’ouvrir les bouteilles dont les bouchons sont de liège à l’aide d’un tire-bouchon[9].


[9]. L’opinion, rigoureuse, du Rav Chelomo Zalman Auerbach est citée par Choul’han Chelomo 314, 9 (4-5). C’est aussi la position du Chemirat Chabbat Kehilkhata 9, 18 et du Or’hot Chabbat 12, 17. L’auteur des responsa Dvar Yehochoua’ (2, 45) n’est pas d’accord avec le Rav Auerbach, et fonde ses propos sur le Maguid Michné (12, 2), lequel explique que, dès lors que l’on ne forme pas l’intention de réparer un ustensile, on n’est pas en présence d’un psiq reicha [cf. chap. 9 § 5]. C’est pour cette même raison qu’il est permis de verser beaucoup d’eau froide dans une bouilloire vide fumante, car, dès lors que l’on n’a pas l’intention de tremper l’ustensile [c’est-à-dire de consolider ou de préserver sa structure par l’effet de la trempe], et même si, en pratique, on le consolide, il n’y a pas d’interdit. C’est en ce sens que se prononcent le Maguen Avraham 318, 36, le Gaon de Vilna 314, 11, le Michna Beroura 318, 80. De même ici, l’intention est d’ouvrir les bouteilles, et non de créer un bouchon. À l’inverse, le Rav Auerbach estime que, bien que l’intention essentielle consiste dans l’ouverture de la bouteille, on souhaite également faire un bouchon. Toutefois, de l’avis de nombreux auteurs, le bouchon était déjà considéré comme existant avant cela, et seule son adhésion à l’anneau de métal entourant le goulot de la bouteille empêchait son utilisation. C’est l’opinion du Tsits Eliézer XIV 45, 1, du Ye’havé Da’at II 42 et du Or lé-Tsion II 27, 8. C’est aussi ce qu’a enseigné le Rav Mordekhaï Elyahou.

 

Si l’on avait l’intention de jeter le bouchon, le Rav Auerbach lui-même reconnaîtrait que l’ouverture est permise (comme l’explique le Dvar Yehochoua’ ad loc.). Dans le cas où l’on a besoin du bouchon, pour peu que l’on y fasse un trou, il sera permis d’ouvrir la bouteille, de l’avis même du Rav Auerbach, puisque le bouchon ne pourra plus servir comme bouchon de bonne qualité. Pour les tenants de l’avis indulgent, en revanche, puisqu’il n’y a pas là de nécessité, il est douteux qu’il soit permis de pratiquer un trou dans le bouchon ; en effet, si celui-ci est déjà considéré comme un ustensile, il est rabbiniquement interdit de l’endommager ; mais s’il est considéré comme un ustensile branlant (moustaqi), il se peut qu’il soit permis de l’endommager (même quand il n’y a pas à cela de nécessité). Quant à ceux qui tiennent compte de l’opinion du Rav Auerbach et des décisionnaires qui partagent son avis, ils préfèrent se préserver de l’éventualité d’une transgression à l’égard d’une norme toranique.

 

Selon le Rav Auerbach, il est permis de détacher les restes d’anneau qui restent suspendus au bouchon de métal ou de plastique, puisque le bouchon est déjà constitué sans ces résidus. D’autres l’interdisent au titre de la mélakha de « frapper avec un marteau », c’est-à-dire exécuter un travail de finition (maké bépatich) ; le Rav Yossef Chalom Elyachiv l’interdit au titre de la mélakha de découper (Or’hot Chabbat 12, 19-20). Il semble que, aux yeux mêmes de ceux qui l’interdisent, l’interdit soit de rang rabbinique.

14. Ouverture des canettes, séparation des pots

Certains auteurs interdisent d’ouvrir les canettes métalliques de boisson en en tirant la languette (l’anneau d’ouverture), car ils craignent que l’on n’enfreigne en cela l’interdit de construire. En effet, en tirant la languette, on pratique dans la canette une « belle ouverture », par laquelle on peut boire. De même, ils craignent que l’on n’enfreigne l’interdit de découper car, quand on tire la languette, celle-ci se coupe suivant des lignes précises.

Toutefois, de nombreux auteurs le permettent, car la canette est destinée à un usage unique ; dès lors, l’extraction de la languette n’est pas considérée comme la création d’un ustensile, mais comme le fait de briser un tonneau pour en extraire le vin. Quant à l’interdit de découper, il ne s’applique pas non plus ; en effet, c’est seulement lorsqu’on a besoin de découper suivant des mesures régulières que cet interdit s’applique ; tandis que, lorsque l’endroit de la coupe est indifférent, et que le seul but poursuivi est de créer une ouverture pour extraire la boisson, il est permis d’ouvrir de la façon la plus simple, c’est-à-dire en tirant la languette.

Si l’on veut être indulgent, on y est autorisé ; et si l’on veut être rigoureux, on ne boira pas par l’ouverture créée par l’extraction de la languette, mais on versera dans un verre la boisson contenue dans la canette : ainsi, il sera manifeste que l’on n’est pas intéressé par le percement de l’ouverture spécialement pratiquée dans la canette. Si l’on veut être plus strict, on veillera à ouvrir la canette moins largement que ce qu’il est d’usage de faire en semaine : de cette façon, le découpage ne sera pas achevé, et la canette elle-même ne sera pas apte à un usage commode[10].

Un autre doute est apparu, quant au fait de savoir s’il est permis de séparer les pots en plastique de produits laitiers, qui sont attachés les uns aux autres de façon lâche, de sorte que, par une pression légère, on peut les séparer.

Certains disent que, puisqu’on veut les séparer à l’endroit prévu à cette fin, s’applique l’interdit toranique de découper. De plus, il est à craindre d’enfreindre l’interdit de frapper avec un marteau, c’est-à-dire exécuter un travail de finition (maké bépatich) car, en séparant les pots, on les rend propres à l’usage.

D’autres sont indulgents : selon eux, c’est seulement dans le cas où l’on a un intérêt particulier à ce qu’une découpe précise soit exécutée, suivant des mesures déterminées, que s’applique l’interdit de découper. Ici, en revanche, le but est simplement de séparer les pots les uns des autres, et peu importe l’endroit précis où la coupure se fera. De plus, il n’y a pas là d’interdit de frapper avec un marteau, car les pots sont déjà prêts et achevés avant qu’on ne les sépare, et la séparation ne vise qu’à lever une gêne extérieure.

En pratique, si l’on veut être indulgent, on aura sur qui s’appuyer ; et celui qui est rigoureux sera béni pour cela. Le mieux est de séparer les pots avant l’entrée de Chabbat[11].


[10]. Le Or’hot Chabbat 11, 43 et 12, 5 rapporte longuement l’opinion de Rav Yossef Chalom Elyachiv, qui interdit d’ouvrir des canettes, et celle de Rav Chelomo Zalman Auerbach qui le permet. Le Rav Mazouz et le Menou’hat Ahava (III 24, 5) le permettent, à condition que l’on verse la boisson dans un verre. C’est aussi la position du Echmera Chabbat (I 1, 17). Le Or lé-Tsion II 27, 6 le permet, à condition de ne pas tirer complètement la languette, de façon que la canette ne puisse être apte à un usage correct. De cette manière, les tenants de l’opinion rigoureuse eux-mêmes reconnaîtraient qu’aucune mélakha complète n’a été réalisée. Le Yalqout Yossef (II 314, 23) écrit au nom de son père que, si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est permis d’ôter la languette, mais qu’il est bon d’être rigoureux en ne l’ôtant pas entièrement.

 

[11]. Parmi ceux qui l’autorisent : Rav Chelomo Zalman Auerbach (Choul’han Chelomo 314, 13, 3), Or lé-Tsion (II 27, note 7), Halikhot ‘Olam (IV p. 254), Binyan Chabbat (11, 3). Parmi ceux qui l’interdisent : Rav Yossef Chalom Elyachiv (cité par Or’hot Chabbat 12, note 22), ‘Hout Hachani (I p. 128-129), Rav Mordekhaï Elyahou, Menou’hat Ahava (III 16, 14). Bien que certains aient écrit que l’interdit est toranique, il semble ressortir des propos de Maïmonide (Yom tov 4, 8) que, s’il y a là un interdit, celui-ci n’est que rabbinique. Aussi avons-nous écrit que ceux qui veulent être indulgents ont sur qui s’appuyer.

 

Les décisionnaires débattent encore du fait de déchirer les petits sachets de papier contenant la mesure d’une cuillerée de sucre, et où un pré-découpage a été prévu afin de déchirer selon son tracé. Selon le Rav Auerbach, il est permis de déchirer suivant le tracé prédécoupé, car on n’est pas pointilleux sur l’endroit où l’on se propose de couper : l’utilité de la prédécoupe est seulement de faciliter la déchirure. Pour le Rav Elyachiv, en revanche, l’interdit de découper s’applique à ce cas, car il s’agit de couper avec précision, selon le tracé prédécoupé ; il faut donc déchirer le papier à un autre endroit (Or’hot Chabbat 11, 41).

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