Chabbat

14. Pose d’un plat (chehiya) sur la plaque chauffante à la veille du Chabbat : introduction

    Dans les règles exposées précédemment, nous avons appris les éléments de définition de la mélakha de cuisson, telle que la Torah l’interdit. Dans les paragraphes qui suivent, nous aborderons deux décrets des sages : a) ne pas placer sur le feu, à la veille de Chabbat, des aliments qui ne sont pas cuits ; b) ne pas faire, durant le Chabbat, des actes qui ressemblent au fait de cuire. Nous commencerons par le premier point.

Nous avons pour principe que les interdits du Chabbat ne s’appliquent qu’à partir de l’entrée de Chabbat. Aussi, selon la Torah, il serait permis de poser, avant l’entrée de Chabbat, des plats sur le feu, qui continueraient à cuire durant le Chabbat. Mais nos sages ont craint que, impatient de voir son plat parvenir à un bon degré de cuisson à l’approche du repas du soir de Chabbat, on n’en vienne à attiser le feu après l’entrée du saint jour, transgressant ainsi les interdits de hav’ara (allumage ou entretien du feu) et de bichoul (cuisson). Les sages ont donc interdit de placer sur le feu, à la veille de Chabbat, un aliment dont la cuisson n’est pas achevée ; et pour renforcer leur propos, ils ont décrété que, dans le cas où l’on enfreindrait leur défense, plaçant sur le feu un plat nécessitant un supplément de cuisson, il serait interdit d’en tirer profit pendant Chabbat.

Autrefois, on cuisait dans des fourneaux à la base desquels se trouvaient des braises ardentes. Nos sages craignaient que l’on n’en vînt à remuer les braises afin de hâter la cuisson. De même, de nos jours où nous utilisons le feu de cuisinières à gaz, ou des fours électriques, ou encore des réchauds électriques, il est à craindre qu’on ne veuille intensifier le feu, transgressant ainsi les interdits toraniques d’allumer et de cuire.

Même si l’on réglait le gaz ou la résistance électrique au niveau maximal de chaleur, de manière qu’il ne soit pas possible d’intensifier le feu, il resterait interdit d’y déposer des plats, car nos maîtres n’ont pas voulu soumettre leur décret à des différences casuistiques. De plus, il est à craindre qu’on ne baisse le feu, puis qu’on ne l’augmente de nouveau. En outre, tant que l’on dépose, sur un feu découvert, un aliment dont la cuisson n’est pas encore terminée, il faut craindre que l’on ne transgresse l’interdit de bichoul par des voies diverses, par exemple en remuant le contenu de la marmite, ou en la couvrant davantage afin d’accroître la chaleur[13].

C’est de deux façons qu’il est possible d’échapper à la crainte d’en venir à attiser le feu ; quand l’une de ces deux conditions est réalisée, il devient permis de placer le plat sur le feu ou dans le four, à la veille de Chabbat : a) quand le plat est déjà prêt à être consommé, de façon qu’il n’y aurait aucune motivation à profaner le Chabbat en attisant le feu ; b) quand le plat n’est pas prêt à être consommé, on peut autoriser à le placer sur le feu si l’on fait un acte limitant l’action du feu. À l’époque des sages du Talmud, cet acte consistait dans le ratissage des braises, que l’on sortait du four, ou dans le fait de recouvrir les braises avec de la cendre pour en diminuer la chaleur. De nos jours, on recouvre le feu. Pour cela, on se sert d’une plaque chauffante électrique non réglable à résistance couverte (plata). Dans les paragraphes suivants, nous expliquerons plus avant ces deux cas d’autorisation.


[13]. Le Har Tsvi, Ora’h ‘Haïm 1, 136 et le Yaskil ‘Avdi VII Ora’h ‘Haïm 28, 8 autorisent à poser un plat qui n’est pas entièrement cuit sur une plaque de cuisson électrique ou dans un four dont la chaleur ne peut être haussée. Le Or lé-Tsion II 17, 3 autorise à poser un plat sur un feu que l’on ne peut augmenter. Le Rav Kapah (sur Maïmonide, Chabbat chap. 3, 2, 12) permet même de placer le plat sur un feu au gaz que l’on peut augmenter : puisque le feu ne s’éteint pas de lui-même comme le font les braises, il n’est pas à craindre d’en venir à attiser la flamme. Le Guidoulé Tsion 9, 11 permet pour la même raison de placer un plat sur une plaque de cuisson électrique (cuisinière électrique) : parce que la chaleur électrique ne faiblit pas comme une braise. Le Tsits Eliézer VII 16, 3 cite cet ouvrage et tranche en ce sens.

 

Cependant, il est communément admis d’interdire de placer un plat sur un feu découvert ou sur des plaques de cuisson électriques non recouvertes. C’est la position du Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV, 74, Bichoul 25, de Rav Chelomo Zalman Auerbach et de Rav Yossef Chalom Elyachiv dans Chevout Yits’haq II 8, du Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 72, du Yabia’ Omer VI, 32, du Hilkhot Chabbat Béchabbat 5, 16. A posteriori, si l’on a agi selon l’opinion indulgente, on peut manger de ce plat (cf. Michna Beroura 318, 2).

15. Premier cas d’autorisation : le plat est cuit

Quand aucun motif n’est de nature à pousser l’homme à attiser le feu qui brûle sous le plat, il est permis, à la veille de Chabbat, de poser ce plat sur le feu, même si ce dernier est découvert. Les décisionnaires controversent quant au fait de savoir dans quelles conditions nous n’avons plus de motif d’attiser le feu. Selon le Rif et Maïmonide, ce n’est que lorsque le plat est entièrement cuit, et que toute cuisson supplémentaire aurait pour effet d’en altérer le goût. Dans la terminologie talmudique, ce cas est appelé mitstameq véra’ lo (« il réduit et cela lui est mauvais »). Mais si le supplément de cuisson est souhaitable aux yeux de l’auteur du plat, il est interdit de le poser sur le feu, puisque alors il y aurait encore un certain motif à augmenter le feu.

De l’avis des Guéonim et des maîtres de Tossephot, quand un plat est arrivé à un niveau de cuisson tel qu’il est déjà possible de le manger en cas de nécessité pressante (ce que le Talmud appelle maakhal ben-Drossaï[j]), il n’est plus à craindre d’en venir à transgresser le Chabbat en attisant la flamme. En revanche, quand, même en cas de nécessité pressante, le plat ne pourrait être consommé, il faut craindre que, inquiet de ne pouvoir le manger lors du repas de vendredi soir, on n’en vienne à attiser la flamme.

En pratique, il est permis de poser sur un feu découvert, la veille de Chabbat, des plats qui, en cas de nécessité pressante, sont propres à la consommation, car telle est la position de la majorité des Richonim et tel est l’usage dans la majorité des communautés juives. Toutefois, a priori, il convient de tenir compte de l’opinion rigoureuse, et donc de s’abstenir de mettre sur un feu découvert un plat qui, en poursuivant sa cuisson, s’améliorerait du point de vue gustatif. La solution, en un tel cas, est de recouvrir le feu, comme nous le verrons au prochain paragraphe[14].


[j].  Sur cette catégorie, cf. début de la note 1 et milieu de la note 14.

 

[14]. Les Tannaïm sont partagés sur cette question (Chabbat 36b). Selon la collectivité des sages (‘Hakhamim), ce n’est que si la cuisson de l’aliment est achevée et qu’un supplément de cuisson lui serait préjudiciable qu’il est permis de le poser sur un feu découvert. C’est en ce sens que tranchent le Rif et Maïmonide. Selon ‘Hanania, en revanche, il est permis de poser le mets sur le feu, même s’il n’est parvenu qu’au degré de maakhal Ben-Drossaï. C’est en ce dernier sens qu’ont tranché les Guéonim, Tossephot et de nombreux Richonim. Le Choul’han ‘Aroukh (253, 1) rapporte l’opinion rigoureuse en tant qu’opinion principale, et l’opinion indulgente au titre de yech omrim (« certains disent »). Le Rama suit le Roch, selon lequel, s’il est d’usage de suivre l’opinion indulgente, il est a priori préférable d’être rigoureux. C’est en ce sens que s’exprime le Béour Halakha ד »ה ונהגו. Même dans certaines communautés séfarades, on a l’usage d’être indulgent (Yalqout Yossef 253, 1). De nos jours où il est facile de recouvrir le feu d’une plaque de métal, on peut se rendre quitte aux yeux de tous les décisionnaires, comme on le verra au prochain paragraphe.

 

Maakhal Ben-Drossaï (« aliment de Ben-Drossaï ») se dit en référence à un brigand qui fuyait les représentants de la loi, et qui avait pris l’habitude de se contenter d’un degré de cuisson minimal, afin de pouvoir manger rapidement et de poursuivre sa fuite. Selon Maïmonide, un aliment appartient à cette catégorie quand le temps nécessaire à la moitié de sa cuisson s’est écoulé. Pour Rachi, il suffit que s’écoule le temps nécessaire à une cuisson au tiers. Le Michna Beroura 253, 38 écrit qu’en cas de nécessité pressante on peut être indulgent et se contenter d’une cuisson au tiers.

 

Le Choul’han ‘Aroukh 254, 1 explique qu’il est permis de placer une casserole de viande crue sur un feu découvert, parce que la cuisson de la viande est longue [et que l’on ne sera de toute façon pas tenté d’attiser la flamme, puisqu’on ne pourra manger ce plat le soir même]. Mais de nos jours, où l’on utilise des cuisinières à gaz, qui dégagent une forte chaleur, cela n’est plus permis, comme nous l’expliquons plus au long dans les Har’havot.

 

Il importe de signaler que le décret rabbinique tenant compte du risque d’attiser la flamme ne s’applique qu’aux aliments. En revanche, s’agissant de l’utilisation de poêles ou de radiateurs de chauffage domestique, on n’a pas de telle crainte. (Toutefois, s’il s’agit d’un réchaud à bois, il faut que le feu saisisse bien le bois avant l’entrée de Chabbat, comme l’explique le Choul’han ‘Aroukh 255).

16. Second cas d’autorisation : couvrir le feu

Comme nous l’avons vu, si l’aliment n’est pas encore cuit comme il convient (chaque décisionnaire selon sa définition), il est interdit de le placer sur le feu avant l’entrée de Chabbat, de crainte que l’on n’en vienne à attiser le feu pendant Chabbat. Mais il est une façon de le permettre : en recouvrant le feu. En effet, par cette opération, qui a pour résultat d’affaiblir l’intensité du feu, on se rappellera de ne pas augmenter le feu par la suite. Et quand bien même nous serions oublieux, et nous voudrions attiser la flamme, nous nous souviendrions, en voyant que le feu est recouvert, qu’aujourd’hui est jour de Chabbat, et nous n’aurions garde de hausser la flamme. Il est par conséquent permis (la veille de Chabbat) de placer des plats dont la cuisson n’est pas achevée sur une plata (plaque chauffante électrique non réglable), puisque la résistance chauffante en est couverte.

De même, il est permis de recouvrir d’une plaque de cuivre les feux de la gazinière, et de déposer sur cette plaque les plats dont la cuisson n’est pas achevée : en recouvrant les feux, on aura établi un signe clair qui rappellera que l’on est Chabbat, grâce à quoi on fera attention de ne pas augmenter le feu. A priori, il est bon de recouvrir également les boutons de la gazinière[15].

Bien qu’il soit permis, le vendredi, de déposer sur une plaque de cuivre ou sur une plata un plat dont la cuisson n’est pas achevée, il est préférable a priori que tous les aliments soient entièrement cuits avant l’entrée de Chabbat. En effet, tant qu’ils ne sont pas entièrement cuits, tout acte de nature à augmenter leur chaleur est interdit par la Torah. Par exemple, si l’on ouvre une marmite dont le contenu n’est pas entièrement cuit, il sera interdit de la refermer. De même, il est interdit, pendant Chabbat, de déplacer une marmite vers un endroit plus chaud de la plata, comme nous l’avons vu au paragraphe 3. Aussi est-il bon de ne placer sur la plata que des plats dont la cuisson est achevée (Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 72).


[15]. À l’époque de nos sages, de mémoire bénie, on cuisait et l’on réchauffait dans des fourneaux à bois. Nos sages décrétèrent que, si l’on déblayait les braises, ou si l’on recouvrait celles-ci de cendre, il serait permis, le vendredi, de placer dans le fourneau un plat qui n’est pas encore bon à consommer.

 

De nos jours, nous ne cuisinons plus sur des braises mais sur des becs de gaz ou des plaques électriques, et il est impossible de trouver un acte qui soit le pendant exact du déblayage des braises. Mais il est en revanche possible de faire un acte qui ressemble au fait de couvrir des braises : couvrir le feu. En effet, le recouvrement du feu par de la cendre avait pour effet de couvrir les braises et d’atténuer leur chaleur, sans pour autant les éteindre. De cette façon, on pouvait continuer de cuisiner au-dessus d’elles, le vendredi ; et, le Chabbat venu, on ne craignait pas d’en venir à oublier le saint jour et à attiser la flamme, car le recouvrement des braises rappelait que l’on était Chabbat : grâce à ce signe, on s’abstenait de remuer les braises. De même, recouvrir une cuisinière à gaz d’une plaque de cuivre est assimilé au recouvrement des braises et permet de se souvenir que l’on est Chabbat. Grâce à cela, il n’est pas à craindre d’augmenter le feu. Aussi n’est-il pas besoin de recouvrir les boutons de réglage du feu. C’est la position de : Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, note 218 (d’après Michna Beroura 253, 14), Or lé-Tsion II 17, 2, Chevout Yits’haq II p. 21 au nom du Rav Yossef Chalom Elyachiv, et Rav Chelomo Zalman Auerbach, comme le rapporte le Méor Hachabbat II p. 628.

 

Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm I 93 écrit que l’essentiel est de recouvrir le feu, mais qu’a priori il faut aussi recouvrir les boutons. Le Chévet Halévi estime, lui, que l’essentiel est de recouvrir les boutons, afin d’empêcher toute possibilité d’augmenter le feu, mais qu’il faut aussi recouvrir le feu. Selon le Menou’hat Ahava I 3, 1, il suffit de recouvrir soit le feu, soit les boutons. Cf. note 13, où il est dit que certains avis sont plus indulgents, mais que nous n’avons pas coutume de les suivre.

17. Placer un plat dans un four électrique ; cuisiner au moyen d’une minuterie de Chabbat

    Si, à la veille de Chabbat, on souhaite placer dans un four électrique un plat qui n’est pas encore bien cuit, il faut accomplir un acte propre à se souvenir du Chabbat, celui-ci venu, afin que l’on n’en vienne pas à augmenter le feu. Une possibilité consiste à placer une plaque de métal ou une feuille de papier aluminium épais sous la marmite, afin d’établir une séparation supplémentaire entre les éléments chauffants et la casserole. Grâce à cet acte, qui a pour effet d’atténuer la chaleur parvenant au plat, le Chabbat se rappellera à notre souvenir, et l’on s’abstiendra d’augmenter la chaleur du four. La deuxième possibilité est de recouvrir les boutons qui commandent l’intensité de la chaleur du four[16].

Cependant, le cas du four présente un autre problème : s’il est à thermostat, certains estiment qu’il est interdit d’en ouvrir la porte pendant Chabbat, de crainte que l’ouverture n’active le chauffage (cf. infra chapitre 17 § 8, note 8). Afin que l’utilisation du four soit permise aux yeux de tous, on a équipé de nombreux fours d’un bouton spécial que l’on peut régler sur position Chabbat, qui fait fonctionner le four à température basse et constante, de manière que l’ouverture de la porte n’ait pas d’influence sur son fonctionnement.

L’utilisation d’une bouilloire électrique de Chabbat est permise, mais il est bon de veiller à ce que l’eau parvienne à ébullition avant Chabbat, et il est recommandé de se servir d’une bouilloire sans thermostat. Quand la bouilloire est sur thermostat, il convient de se servir en eau au moment où l’élément chauffant fonctionne (cf. chap. 17, note 8). Il est interdit de se servir d’une bouilloire dans laquelle, au moment où l’on se sert en eau chaude, de l’eau froide vient la remplacer, qui cuit (cf. infra § 24)[17].

Si l’on s’en tient à la stricte règle, il est permis d’enfourner un plat cru avant l’entrée de Chabbat, et de régler une minuterie de Chabbat qui provoquera l’allumage du four une heure avant le repas, de manière que le plat cuise à l’approche du repas ; cela, à condition que l’on recouvre préalablement les boutons commandant le fonctionnement du four. De même, il est permis de mettre de la farine, de l’eau et d’autres ingrédients dans une machine à pain, avant Chabbat, et de régler cette machine pour qu’elle commence à pétrir et à cuire au matin de Chabbat, afin que la cuisson s’achève à l’approche du repas matinal ; cela, à condition que l’on en recouvre les boutons. En pratique, certains décisionnaires tranchent en ce sens. Face à eux, d’autres interdisent cela formellement, de crainte que l’on n’en vienne à cuire véritablement pendant Chabbat[18].


[16]. Les fours (tanour) de l’époque de la Michna étaient très chauds, et il n’était pas autorisé d’y déposer des plats qui ne fussent convenablement cuits. Mais dans les réchauds (kira), moins chauds, nos maîtres le permettaient, à condition de ratisser ou de recouvrir préalablement les braises (Chabbat 38b). Quant aux fours domestiques d’aujourd’hui, qu’ils soient grands ou petits, leur niveau de chaleur n’est pas si élevé, et on les assimile aux réchauds d’autrefois (Rama 253, 1 ; Michna Beroura 28). Toutefois, il reste à craindre que l’on n’en vienne à « remuer les braises », c’est-à-dire à augmenter la chaleur. La solution, s’agissant de braises, nous est donnée par la Michna (36b) : les recouvrir avec de la cendre, de manière à atténuer leur chaleur. Dans un four électrique, on fera l’équivalent en installant une boîte métallique à l’intérieur du four, ou en tapissant intérieurement le four de papier aluminium épais, qui fera écran entre les résistances chauffantes et l’ustensile [en plus de l’écran constitué par le plateau ou la grille où sont ordinairement posés les ustensiles]. C’est ce qu’écrit le Chevout Yits’haq II 7, 3 au nom du Rav Yossef Chalom Elyachiv. Selon le Az Nidberou VIII 16 et le Or lé-Tsion II 17, 4, il suffit de placer un élément de séparation [tôle ou papier aluminium épais] entre la base du four [c’est-à-dire entre le plateau ou la grille employés ordinairement] et la casserole ; et l’on peut s’appuyer sur leur avis (en l’associant à l’opinion indulgente mentionnée en note 13).

 

La seconde méthode consiste à recouvrir les boutons. Bien que cet acte ne ressemble pas au recouvrement des braises, cela joue en pratique le même rôle de rappel de ne point augmenter le feu. (S’agissant d’un four, on peut se fier davantage au recouvrement des boutons, car de toute façon, le feu en tant que tel est caché et couvert.) C’est ce qui ressort de : Har Tsvi, Ora’h ‘Haïm 1, 136, Yabia’ Omer X 26, 1, Chémech Oumaguen II 62 ; c’est aussi ce qu’écrit le Menou’hat Ahava I 3, 7 et telle est la position du Rav Halperin. Le Or’hot Chabbat 2, 15 permet cela dans le cas où l’on a fixé les boutons de manière à ne pas pouvoir les tourner. Nous avons vu en note 13 que certaines opinions sont plus indulgentes, dans la mesure où il n’est pas à craindre que le feu s’atténue, mais on n’a pas coutume de les suivre en cela.

[17]. La nécessité que l’eau bouille à la veille de Chabbat répond à deux préoccupations. La première : certains estiment que la bouilloire électrique de Chabbat est considérée comme un feu dont les braises ne sont ni ratissées ni recouvertes ; par suite, l’interdit de chehiya (placer des aliments dont la cuisson n’est pas achevée) s’y applique (Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 46 ; Hilkhot Chabbat Béchabbat 5, 26, Or’hot Chabbat 2, 32. Toutefois, s’il est impossible d’augmenter le degré de chauffage, l’interdit est levé, selon le Min’hat Yits’haq V 91 et le Chévet Halévi V 30. De même, si l’on recouvre le bouton qui règle la chaleur, l’interdit de chehiya ne s’applique pas, de l’avis de nombreux auteurs – cf. cas parallèle en note 16. Même quand il est possible d’augmenter la chaleur, certains auteurs sont indulgents, comme on le voit en note 13).

 

La deuxième préoccupation : si, pendant Chabbat, on se sert avant que l’eau n’ait jamais bouilli, on hâtera par cela la cuisson de l’eau restante (Hilkhot Chabbat ad loc. ; Or’hot Chabbat 2, note 39).

 

Si le robinet de la bouilloire électrique se trouve vraiment dans sa partie inférieure, il est interdit de s’en servir car on craint que, une fois la réserve d’eau épuisée, on n’en vienne à y mettre de l’eau froide (de peur que la bouilloire ne se détériore), comme le rapporte le Michna Beroura 318, 68. Le ‘Hout Chani 26, 5 et le Avné Yachfé 5, 50 interdisent l’utilisation d’une telle bouilloire, même quand le robinet est placé plus haut, de crainte que l’on ne provoque, en la penchant, l’épuisement de l’eau, ou encore que l’eau ne s’évapore. Mais les autres décisionnaires que nous avons mentionnés ne tiennent pas compte de cette crainte.

[18]. Le Tsits Eliézer II 6 et le Min’hat Yits’haq IV 26 interdisent de poser, à la veille de Chabbat, un plat sur une plata éteinte [et réglée sur minuterie pour s’allumer pendant Chabbat], même si ce plat est entièrement cuit, de crainte que l’on n’en vienne, durant Chabbat, à poser sur une telle plata un aliment qui n’est pas cuit, transgressant ainsi un interdit toranique. Les responsa Melamed Leho’il 58 et le Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 32 permettent de poser sur une plata éteinte, la veille de Chabbat, un plat dont la cuisson est terminée, mais interdisent d’y poser un plat dont la cuisson n’est pas terminée, de crainte que l’on ne pose un tel plat sur une plata pendant Chabbat.

 

Ceux qui autorisent à poser sur une plata éteinte, à la veille de Chabbat, un plat dont la cuisson n’est pas achevée sont : le Rav Chelomo Zalman Auerbach (Min’hat Chelomo 2, 34), le Or lé-Tsion (II 30, 18) et le Rav Ovadia Yossef (Yabia’ Omer X 26, lequel mentionne d’autres A’haronim qui pensent de même). La question de la machine à pain se présente de la même façon. Cf. Har’havot.

 

18. Poser un plat pendant Chabbat (hana’ha) ; ne rien faire qui ressemble à un acte de cuisson

Après avoir abordé la question du dépôt (chehiya) d’un plat à la veille de Chabbat, nous étudierons à présent celle de la pose (hana’ha) d’un plat, pendant Chabbat, en un lieu où il puisse se réchauffer. Comme nous l’avons vu (§ 3), le principe est que la cuisson d’aliments est interdite pendant le Chabbat, mais que réchauffer des aliments est permis : puisque ces aliments ont déjà cuit à la veille de Chabbat, aucun interdit ne s’y applique plus, puisqu’il n’y a pas de cuisson après cuisson. Il est donc permis, pendant Chabbat, de sortir du réfrigérateur des aliments froids mais entièrement cuits, tels qu’une escalope froide, du kougel (gâteau de pâtes) ou des borékas[k], et de les réchauffer. S’agissant des plats liquides, les décisionnaires sont partagés (comme nous l’expliquons aux paragraphes 5 et 6). Toutefois, même quand on réchauffe des aliments cuits, les sages interdisent de le faire d’une manière qui ressemble à une cuisson, de crainte qu’en faisant des actes ressemblant à une cuisson, on n’en vienne à oublier le Chabbat et à attiser le feu, transgressant ainsi un interdit toranique. Il est donc interdit, le Chabbat, de réchauffer sur un feu découvert l’aliment cuit, car tel est le mode habituel de cuisson.

En revanche, quand il est clair que le mode de réchauffage choisi n’est pas un mode normal de cuisson, il est permis de réchauffer. Il est ainsi permis de déposer une casserole, qui contient un aliment cuit, sur une autre casserole ou sur une bouilloire, elles-mêmes placées sur le feu, car ce n’est pas un mode habituel de cuisson.

Toutefois, les décisionnaires sont partagés quant au fait de placer directement le plat cuit sur la plata ou sur la plaque de cuivre dont on recouvre les feux.

Beaucoup estiment qu’il est interdit de poser sur une plata ou sur une plaque de cuivre, le Chabbat, un plat dont la cuisson est achevée, car placer un aliment sur une source de chaleur ressemble à un acte de cuisson. En revanche, si l’on place, sur la plata ou sur la plaque de cuivre, une marmite ou une assiette renversée, il sera permis de poser sur elle un aliment cuit, car ce n’est pas un mode normal de cuisson que de placer une séparation entre la source de chaleur et l’aliment. En pratique, on peut même se contenter d’un couvercle comportant une petite cavité (tel le couvercle d’une boîte soluble), qui servira de séparation entre la plata et l’aliment. Un simple papier aluminium ne constitue pas une séparation, car il ne ménage pas d’espace entre la plata et le mets ; il est donc interdit, suivant cette opinion rigoureuse, d’y déposer un aliment cuit.

D’autres sont indulgents : puisque l’on n’a pas l’habitude de cuisiner sur une plata ou sur une plaque de cuivre mais seulement sur un feu découvert, le fait de poser un plat sur la plata ou sur la plaque de cuivre ne ressemble pas à un acte de cuisson. Aussi est-il permis d’y poser, pendant Chabbat, de la nourriture cuite. Certains sont indulgents en ce qui concerne la plata, qui n’est destinée qu’au réchauffage, mais sont rigoureux s’agissant de la plaque de cuivre, dont la chaleur est grande, et où il est possible de cuire[19].

En pratique, puisque de nombreux décisionnaires sont rigoureux, il est bon de l’être en s’abstenant de poser directement  sur la plata ou sur la plaque de cuivre une marmite contenant un mets cuit. Ceux qui souhaitent être indulgents y sont autorisés, puisque cette règle est de rang rabbinique, que plusieurs décisionnaires importants sont indulgents en cette matière et que leur thèse se tient. Si l’on vient d’une famille où l’on avait en la matière un usage précis, il est recommandé de poursuivre cet usage.

Quand il est clair qu’il n’est pas d’usage de cuire sur telle source de chaleur, par exemple sur un radiateur, et quoiqu’il puisse être très chaud, il est permis d’y placer un aliment entièrement cuit, puisque l’y placer ne ressemble pas à un fait de cuisson (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 74, chap. Bichoul 34). De même, il est permis de déposer sur un poêle à pétrole ou à gaz destiné au chauffage domestique un plat dont la cuisson est achevée, à condition qu’un élément fasse écran entre la source de chaleur et les aliments, et que l’on n’ait pas l’habitude, les jours de semaine, d’y mettre des aliments ni une bouilloire pour la boisson. En revanche, si l’on a l’usage d’y mettre une bouilloire ou une casserole pendant la semaine, le statut de cette source de chaleur est assimilé au feu d’un gaz domestique : selon la majorité des décisionnaires, il faut d’abord y mettre un moule renversé, sur lequel on pourra faire réchauffer le plat. Selon l’opinion indulgente, il suffit d’y placer une plaque de cuivre, puis l’aliment sur celle-ci.


[k]. Poches salées, fourrées d’épinards, de pomme de terre, de saucisses etc.

[19]. L’opinion rigoureuse est celle de : Rav Chelomo Zalman Auerbach, Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 30 et notes 63 et 83, Or lé-Tsion II 17, 1, Chévet Halévi I 91, le Rav Mazouz (cf. Menou’hat Ahava II 10, 28). Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm I 93 s’exprime dans le même sens en ce qui concerne une plaque de métal [recouvrant un feu] sur laquelle il serait possible de cuisiner. C’est aussi l’avis du Kaf Ha’haïm 253, 11 concernant la plaque de métal. Selon eux, le statut de la plata est semblable à celui d’un réchaud dont les braises sont recouvertes, où il est interdit de déposer des plats pendant Chabbat sans séparation supplémentaire : en effet, le recouvrement des braises est efficace pour lever la crainte d’en venir à attiser le feu, mais poser un plat sur un tel réchaud, pendant Chabbat, ressemblerait à un acte de cuisson (niré kimevachel).

 

Le ‘Hazon Ich (37, 9, 11) est plus rigoureux encore, que le dépôt sur la plaque soit fait avant ou pendant Chabbat. Selon lui, la plaque [de tôle] ne doit pas être considérée comme un feu couvert, car elle est une source de chaleur que rien d’autre ne recouvre, si bien qu’il est à craindre que l’on n’augmente le feu. C’est aussi l’avis du Rav Mordekhaï Elyahou en matière de plata électrique ; de plus, selon le Choul’han ‘Aroukh 253, 1, il est interdit de déposer sur des braises un plat dont la cuisson est achevée, cela au titre de l’interdit d’enfouir les aliments pour qu’ils gardent leur chaleur (hatmana). Selon le Rav Elyahou, même quand la base de la marmite est posée sur un élément qui ajoute à sa chaleur [comme c’est le cas, ici, de la surface chaude de la plata], cela s’assimile à l’enfouissement interdit. Pour permettre l’utilisation de la plata, il faut encore ajouter une plaque de métal afin de créer un espace supplémentaire entre la source de chaleur et la marmite. (Le Or lé-Tsion II 17, 1 repousse cette thèse car, selon lui, le Choul’han ‘Aroukh n’est rigoureux que dans le cas où la marmite est enfoncée dans les braises, mais non dans le cas où l’on pose le plat sur un corps chaud solide.) Le Rav Kapah, dans son commentaire sur Maïmonide, Chabbat 3, 12, est rigoureux dans le cas où le dépôt se fait pendant Chabbat, mais non dans le cas où il se fait avant Chabbat.

 

L’opinion indulgente est représentée par le Ye’havé Da’at (II 45), au nom de plusieurs A’haronim, et le Menou’hat Ahava II 10, 28. Le Tsits Eliézer VIII 26, 5 penche en ce sens, et écrit que telle était l’opinion du Ravi Tsvi Pessa’h Frank. Selon eux, le fait de poser un plat sur la plata ne ressemble pas à un fait de cuisson, car la plata est assimilable au réchaud dont les braises sont couvertes, puisqu’elle est en elle-même dotée d’une couverture supplémentaire. Certains auteurs ne sont indulgents qu’en matière de plata électrique [et non de plaque de métal], car la plata ne prête pas à ressemblance avec l’acte de cuisson, dans la mesure où elle est précisément conçue pour le réchauffage et non pour la cuisson. Son statut est assimilable à l’endroit qui jouxtait le feu, à l’époque du Talmud [endroit où il est possible de chauffer, mais où il est impossible de cuire] (Igrot Moché, Ora’h ‘Haï IV 74, chap. Bichoul 35 ; Rav Dov Lior).

 

Quand nous disions que, selon l’usage rigoureux, on peut déposer une assiette renversée qui fasse écran entre la plata (ou la plaque de métal) et le plat, nous nous appuyions sur le Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 44, note 126, au nom du Michna Beroura 253, 81. (Toutefois, pour le ‘Hazon Ich, le dépôt n’est autorisé pendant Chabbat qu’au-dessus d’une marmite contenant elle-même de la nourriture. En revanche, il est interdit selon lui de placer un plat au-dessus d’une marmite vide, elle-même posée sur la plata : ce dispositif serait assimilé à deux plaques de tôle placées sur le feu, système inefficace pour faire disparaître la ressemblance avec un acte de cuisson.)

 

Il semble qu’un simple couvercle de café soluble suffise pour éloigner la ressemblance avec un acte de cuisson. De plus, on peut tenir compte de l’opinion des décisionnaires indulgents pour l’associer à la position rigoureuse.

19. Remettre, pendant Chabbat, un aliment sur la plaque d’où on l’avait ôté (ha‘hzara)

Le Chabbat, il arrive que l’on ôte une casserole de la plata afin d’en extraire des aliments, puis que l’on veuille la remettre sur la plata afin qu’elle continue de chauffer. C’est ce que l’on appelle ha’hzara (« retour » ou « replacement »). Sur cette question aussi, les opinions sont diverses :

Selon les décisionnaires indulgents, qui estiment que placer un aliment cuit sur la plata ou sur une plaque de métal ne ressemble pas à un acte de cuisson (comme nous l’avons vu au précédent paragraphe), il est évident qu’il est également permis d’y remettre un plat qui s’y trouvait déjà ; cela à deux conditions : que l’aliment soit entièrement cuit, faute de quoi, en le remettant sur la plaque on transgresserait l’interdit toranique de cuire ; et que le feu soit couvert, car alors il n’est plus à craindre qu’on en vienne à l’augmenter.

Pour ceux qui interdisent de poser des plats cuits sur la plata, au motif que cela ressemble à leur sens à un acte de cuisson, la question de la ha‘hzara se présente différemment. En effet, dans la mesure où l’aliment était déjà placé sur la plata depuis la veille de Chabbat, son retour sur cette plata ne ressemble pas à un fait de cuisson. Par conséquent, s’il s’agit de façon certaine d’un acte de ha’hzara, il est permis de replacer la casserole sur la plata même. Et pour qu’il soit manifeste qu’il s’agit d’une ha’hzara et non d’une nouvelle hana’ha (cf. paragraphe précédent), on doit veiller à ce que trois conditions soient remplies : 1) ne pas poser entre-temps la marmite par terre ; 2) que celui qui prend la marmite ait l’intention de la remettre sur la plata ; 3) qu’il continue à tenir la marmite en main, jusqu’au moment où il la remettra sur la plata. Ce sont là les conditions a priori. Mais a posteriori, s’il y a une grande nécessité à remettre le plat précisément sur la plata – parce que c’est de cette seule façon qu’il pourra être chaud pour le repas –, on pourra l’y remettre, même si ces trois conditions ne sont pas réalisées, dans la mesure où, en pratique, il s’agit d’un retour (ha’hzara) et non d’une nouvelle pose (hana’ha)[20].


[20]. Les règles de la ha’hzara sont exposées par le Talmud au sujet du réchaud (kira). Les sages sont indulgents, à condition que, au moment de remettre la casserole, on la place sur le réchaud, et non à l’intérieur de celui-ci. (S’il s’agit d’une hana’ha, pose d’un aliment qui n’était pas placé sur le réchaud depuis la veille de Chabbat, il faut, de plus, qu’une marmite fasse écran entre le réchaud et la casserole.)

 

Ceux-là même qui interdisent la hana’ha sur une plata, au motif que cela ressemble à un acte de cuisson, ont lieu de permettre la ha’hzara, car le statut de la ha’hzara est assimilable au fait de poser l’aliment sur un réchaud, et non dans un réchaud. Toutefois, il faut veiller à certaines conditions. Le Choul’han ‘Aroukh 253, 2 ne mentionne que la première : ne pas poser la casserole par terre. Certains disent que poser la casserole sur le plan de travail de la cuisine est assimilé au fait de la poser par terre, car le plan de travail est attaché au sol (Or lé-Tsion II 17, 6 ; Menou’hat Ahava 3, 5). D’autres pensent que le statut du plan de travail n’est pas comparable à celui du sol, car on a l’habitude d’y placer une marmite pour un instant, puis de remettre celle-ci immédiatement après sur la cuisinière (Az Nidberou VIII 17). L’usage est d’être indulgent. Si l’on veut être rigoureux, on placera une serviette entre le plan de travail et la marmite (cf. Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, note 61).

 

Les deux conditions supplémentaires sont mentionnées par le Rama. Si l’on pose la marmite sur un banc, le Rama estime qu’il suffit de la tenir en main ; on pourra ensuite faire la ha’hzara. Mais si l’on pose la marmite à terre, il ne sert à rien de la tenir : il faut la soulever d’un côté (Chevout Yits’haq II p. 161, d’après Maharam Shik 117). Selon le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 74, Bichoul 33, même si l’on pose la marmite sur le sol, le fait de la tenir d’une main est efficace.

 

Quoi qu’il en soit, a posteriori, quand ces conditions ne sont pas réalisées, le Rama est plus indulgent que le Choul’han ‘Aroukh. En effet, selon le Choul’han ‘Aroukh, la première condition est indispensable : si l’on a posé la casserole à terre, on ne peut plus la remettre à chauffer ; tandis que, pour le Rama, on peut a posteriori la remettre.

Nous n’avons pas mentionné, dans le corps de texte, l’opinion du Choul’han ‘Aroukh car, de toute façon, certains décisionnaires sont entièrement indulgents, même quand il s’agit d’une parfaite hana’ha sur une plata électrique ou sur une plaque de métal ; si bien que ceux qui sont rigoureux eux-mêmes peuvent être indulgents sur ce point, conformément à l’opinion du Rama.

Tout ce que nous venons de dire vaut bien sûr dans le cas où la ha’hzara ne contrevient pas à l’interdit de cuisson lui-même.

 

En matière de plat liquide, cf. supra § 5-6, où l’on voit qu’aux yeux du Choul’han ‘Aroukh il n’est permis d’en faire la ha’hzara que si sa chaleur s’élève encore au degré de yad solédet bo, tandis que le Rama 318, 16 estime que, tant que le plat garde de sa chaleur, il est permis de faire la ha’hzara. Certains sont, il est vrai, plus rigoureux, et interdisent de remettre la casserole sur la plata elle-même, car ils considèrent la plata comme un réchaud dont les braises ne sont pas couvertes. C’est l’opinion du ‘Hazon Ich (Ora’h ‘Haïm 37, 9, 10) et du Rav Kapah. Cependant, dans la mesure où cette règle est de rang rabbinique et que la grande majorité des décisionnaires sont indulgents, nous n’avons pas mentionné ces opinions ci-dessus.

 

20. Hana’ha et ha‘hzara sur la plaque électrique de Chabbat : précisions

Comme nous l’avons vu au précédent paragraphe, si l’aliment a été placé sur la plata avant l’entrée de Chabbat, il sera permis, même de l’avis des décisionnaires rigoureux, de l’en retirer et de l’y remettre. Par conséquent, si l’aliment était placé à la périphérie de la plata, il sera permis de le faire passer au centre de celle-ci pour qu’il chauffe mieux : puisque l’aliment se trouvait déjà sur la plata, cela n’est pas considéré comme un nouveau placement (hana’ha). Tout cela, bien sûr, à condition que l’aliment soit entièrement cuit, faute de quoi tout acte de nature à augmenter sa chaleur aurait pour effet de le cuire, ce qui est interdit par la Torah.

De même, si l’on a deux platas[l] de Chabbat, on peut faire passer une marmite chaude de l’une à l’autre, à la condition que le mets soit entièrement cuit. Dans le cas même où l’on avait déposé le mets sur une plaque de cuivre, et où le feu que cette plaque couvrait s’est éteint, on peut faire passer ce mets sur une plata, du moment qu’il est cuit. Car tant que le mets reste chaud, il est manifeste qu’il mijotait sur une plata depuis la veille de Chabbat ; son passage vers une seconde plata est donc considéré comme une ha’hzara [21].

Quand on veut réchauffer, la veille de Chabbat, de nombreux plats, on peut disposer sur la plata deux étages de marmites. Le soir de Chabbat, on pourra prendre les marmites de l’étage inférieur pour les besoins du repas, et poser les marmites de l’étage supérieur sur la base de la plata, à condition que leur contenu soit entièrement cuit. Cela n’est pas considéré comme un nouveau dépôt, puisque la température de ces marmites est supérieure ou égale à yad solédet bo, et que l’on avait dès l’abord l’intention de les déposer par la suite sur la plata même[22].

Quand on veut réchauffer un aliment dont la cuisson est achevée, et que l’on est en présence d’un feu découvert, il est permis de recouvrir ce feu d’une plaque de métal, de déposer une assiette sur la plaque (conformément à l’avis d’une majorité de décisionnaires, cf. § 18), puis de placer sur ladite assiette le récipient contenant l’aliment à réchauffer. Bien que, en posant cette plaque de métal, on modifie la forme de la flamme, cela n’est pas interdit, car la puissance du feu n’en est pas modifiée (Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, note 66).


[l]. Ce mot hébreu requerrait le pluriel platot, mais son affinité avec le français plat et sa fréquente utilisation dans le quotidien des familles justifient qu’il soit traité comme un mot français.

[21]. Certains auteurs, il est vrai, sont rigoureux : puisque le feu qui était sous elle s’est éteint, la marmite est désormais considérée comme posée sur le sol, et, si l’on voulait la faire passer vers une autre plaque, cela constituerait un nouveau dépôt (hana’ha) interdit, sauf à placer la marmite sur une assiette renversée. C’est ce qu’écrit le Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 27 ; en revanche, en note 79, l’auteur rapporte l’opinion indulgente de Rav Chelomo Zalman Auerbach. Cette opinion indulgente est encore celle du Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 74, Bichoul 38, ainsi que du Rav Wozner et du Rav Elyachiv, comme le rapporte le Otsrot Chabbat p. 89-90.

 

Tout ce débat n’a lieu d’être que si l’on s’en tient à l’opinion rigoureuse, qui interdit de poser un plat froid sur la plata, comme nous l’avons vu au paragraphe 18 et en note 19. Mais pour l’opinion indulgente, il est permis de poser un plat froid sur une plata électrique, du moment que ce plat est entièrement cuit (Ye’havé Da’at et Igrot Moché). À plus forte raison les auteurs indulgents le sont-ils dans notre cas.

 

[22]. Certains sont, il est vrai, rigoureux : puisque les marmites supérieures n’étaient pas posées véritablement sur la plata, ce serait une forme de nouveau dépôt (hana’ha) que de les y placer ; or cette hana’ha est interdite aux yeux de ceux qui tiennent pour l’opinion rigoureuse dans la controverse présentée au paragraphe 18. C’est ce qu’écrivent le Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 44 d’après le ‘Hazon Ich 37, 11, et le Chévet Halévi I 91. (Le ‘Hazon Ich étend l’interdiction jusqu’au fait de poser le plat au-dessus d’une marmite vide, comme l’explique le Az Nidberou III 14). Le Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, note 125 mentionne, au nom du Rav Chelomo Zalman Auerbach, un motif d’indulgence, en s’appuyant sur l’opinion du Ran. Or, puisque nous avons vu au paragraphe 18 que, selon certains auteurs, il est permis a priori de poser sur la plata un plat froid, pourvu qu’il soit entièrement cuit, on peut être a priori indulgent dans notre cas, où, même si l’on s’en tient à l’opinion rigoureuse, il existe un motif d’indulgence.

 

Les décisionnaires discutent encore, en matière de ha’hzara, s’il est permis de verser le contenu d’une grande marmite, qui se tenait sur un réchaud dont les braises sont couvertes, dans une autre marmite, plus petite, et de poser cette dernière sur le réchaud. Selon le Maguen Avraham 253, 20, c’est interdit ; pour le Cha’ar Hatsioun 253, 47, c’est permis. Aussi, le Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, note 49 et le Berit ‘Olam, chap. Chehiya véhatmana 17 soutiennent-ils qu’il y a lieu a priori d’être rigoureux, mais que l’on peut être indulgent en cas de nécessité. Mais il semble que l’on puisse être indulgent a priori en cette matière, en associant à la position du Cha’ar Hatsioun l’opinion de ceux qui autorisent un nouveau dépôt sur la plata (supra § 18).

 

Nous avons vu en note 12 que, selon certains, le Choul’han ‘Aroukh 253, 4 estime qu’il est interdit de replacer un plat liquide sur la plata, de crainte de provoquer la cuisson. Selon le Rama, ainsi que d’autres décisionnaires se plaçant du point de vue du Choul’han ‘Aroukh, cela est permis en cas de nécessité [à condition que le plat n’ait pas perdu toute chaleur].

 

21. S’il est permis de remettre des plats dans un four

Si l’on a sorti un plat du four chaud où il se trouvait, afin de se servir, il est interdit de l’y remettre, cela pour deux raisons. Premièrement, aucun élément spécifique n’a été placé pour réduire la température du four[m] ; il est donc à craindre qu’en remettant le plat, on n’oublie que c’est Chabbat, et que l’on n’en vienne à augmenter la chaleur. Deuxièmement, cet acte ressemble à un acte de cuisson (niré kimevachel). En revanche, si, avant Chabbat, on a déposé dans le four une boîte à quatre côtés, il sera permis de remettre le plat dans la boîte car, de cette manière, il n’est pas à craindre d’augmenter la chaleur ; cela ne ressemble pas non plus au fait de cuire, puisqu’il n’est pas habituel de cuire dans une telle boîte. Il semble que l’on puisse être également indulgent dans le cas où l’on pose, sur la base intérieure du four, une assiette renversée ou un moule renversé[n] au-dessus duquel on remettra le plat à chauffer ; ou bien encore dans le cas où l’on recouvre les boutons du four[23].

Tout ce que nous venons de dire doit être associé aux conditions de la ha’hzara, que nous avons vues au paragraphe 19. En effet, dans la mesure où le plat est au four et qu’on l’en sort pour l’y remettre ensuite, la procédure ne ressemble pas au fait de cuire. En revanche, il est interdit de prendre un plat froid et de le mettre dans un four chaud (hana’ha), car cela ressemble à un fait de cuisson.

Si le four est mis en marche par une minuterie sabbatique, il est permis d’y placer des plats entièrement cuits, tandis que le four est froid, afin qu’ils puissent se réchauffer lorsque le four se mettra en marche. On ne considère pas que cela ressemble au fait de cuire, car c’est au moment où le four est froid que l’on y met les plats. Pour lever la crainte d’en venir à augmenter la chaleur, il faut cacher les boutons, ou déposer le plat sur un moule renversé. Certains décisionnaires, il est vrai, interdisent cela car, à leur avis, même quand le four est froid, y mettre un plat dans le but qu’il chauffe ressemble à un acte de cuisson. Toutefois, en pratique, on peut s’appuyer sur l’opinion indulgente, puisque cette règle est de rang rabbinique[24].

Certains disposent autour de la plata un encadrement métallique, afin de maintenir sa chaleur. À l’intérieur de ce cadre, il est permis de remettre des plats que l’on a ôtés de la plata. Cela ne ressemble pas à un acte de cuisson, car on n’a pas l’habitude de cuire dans un tel cadre, qui n’est conçu que pour aider à la conservation de la chaleur d’aliments cuits, placés sur la plata (Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 79). Ceux qui ont l’usage de poser sur la plata des plats froids dont la cuisson est achevée (comme nous l’avons vu au paragraphe 18) sont également autorisés à les poser sur une telle plata ; ceux qui suivent l’opinion rigoureuse sont autorisés à poser ces plats au-dessus d’une assiette renversée. Poser des plats à l’intérieur d’un tel cadre n’enfreint pas l’interdit d’enfouissement (hatmana), car ce dernier ne s’applique que lorsqu’il y a contact complet entre la marmite et l’élément dans lequel elle est enfouie ; or dans notre cas, la marmite ne touche pas de tout côté les parois du cadre métallique.


[m]. Quand, dans un feu traditionnel, on recouvre les braises, on en atténue la chaleur ; cet acte, accompli la veille de Chabbat, est destiné à servir de rappel visuel pendant Chabbat, afin de ne pas en venir à attiser le feu. Dans les fours contemporains, aucune structure spécifique n’est prévue, qui puisse ainsi servir de rappel visuel.

 

[n]. Cet élément est destiné à constituer un écran supplémentaire entre les résistances chauffantes et le plat à réchauffer.

 

[23]. Il est interdit de remettre un plat cuit dans un four chaud, cela pour deux raisons : on craint d’en venir à « remuer les braises » (augmenter le feu), et l’acte ressemble à une cuisson. C’est ce qu’écrivent le Chemirat Chabbat Kehikhata 1, 19 et le Min’hat Yits’haq III 28. Mais si l’on dépose une boîte dans le four, et que l’on remette l’aliment à chauffer dans cette boîte, le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 74, Bichoul 27, l’autorise. En effet, après avoir fait un acte de nature à atténuer la chaleur, il n’est plus à craindre d’oublier le Chabbat et d’augmenter la chaleur. Cela ne ressemble pas non plus à un acte de cuisson. C’est l’opinion du Hilkhot Chabbat 5 (ha’hzara 25) au nom du Rav Yossef Chalom Elyachiv. Le Chabbat Kahalakha I 9, 36 permet même de remettre le plat à chauffer si l’on a déposé un moule renversé, car, de cette façon, on atténue la chaleur (ce qui revient à « couvrir les braises »), et l’on manifeste aussi que l’on n’a pas l’intention de cuire. Selon le ‘Aroukh Hachoul’han 253, 17, quoi qu’il en soit, il n’est pas à craindre, de nos jours, que le fait de remettre un plat à chauffer dans un four ressemble à un acte de cuisson.

 

Lorsque nous disions qu’il était toujours interdit de remettre un plat cuit dans un réchaud (kira), c’est parce qu’autrefois on avait l’habitude de cuire à l’intérieur du réchaud, tandis que, lorsqu’on voulait réchauffer un plat, on le déposait sur le réchaud. Aussi, remettre un plat à l’intérieur du réchaud ressemble-t-il à un acte de cuisson. Cependant, nos fours modernes ne sont pas conçus pour que l’on dépose des plats au-dessus d’eux ; dès lors, c’est à l’intérieur que l’on y met les plats, même pour les simples besoins d’un réchauffage. Par conséquent, le fait d’introduire un plat à l’intérieur d’un four n’est pas nécessairement un acte de cuisson. C’est ce qu’écrivent le Chévet Halévi III 48 et le Menou’hat Ahava I 3, 8. Toutefois, il reste à faire un acte correspondant au traditionnel couvrement des braises, afin de nous rappeler de ne point augmenter le feu. À cette fin, le Chévet Halévi prescrit de déposer un moule qui fasse écran entre les résistances chauffantes, placées à la base du four, et le plat ; le Menou’hat Ahava prescrit de recouvrir les boutons. Le Yalqout Yossef 253, 8 autorise à remettre le plat à chauffer, même sans moule renversé ni recouvrement des boutons car, de son point de vue, les résistances chauffantes non apparentes sont considérées comme déjà recouvertes, et il n’est pas à craindre d’en venir à augmenter la chaleur ; cela, à condition de respecter les conditions de la ha’hzara.

 

[24]. Dans son livre Cacheroute et Chabbat dans la cuisine moderne, le Rav Lévi Yits’haq Halperin autorise cela car, quand le dépôt du plat dans le four se fait au moment où le four est froid, cela ne ressemble pas à un acte de cuisson. Quant à la crainte d’en venir à augmenter le feu, on doit la supprimer en recouvrant les boutons, ou en les retirant. A priori, il est préférable de faire fonctionner le four à feu plus bas que la température généralement admise pour cuire, comme le rapporte Pniné Horaa p. 113. C’est également la position du Rav Dov Lior. Dans une certaine mesure, le Yabia’ Omer X 26 est plus indulgent encore. Le ‘Hazon Ich 38, 2, en revanche, interdit cela ; cette position rigoureuse est partagée par Min’hat Yits’haq IV 26, 10, Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 32, Or’hot Chabbat 2, 68, Hilkhot Chabbat Béchabbat p. 251, Chevout Yits’haq II 9, 1-2. Cf. Har’havot sur § 17.

22. Règles de la hatmana (enfouissement)

Puisqu’il est interdit d’allumer un feu pendant Chabbat, il ne va pas de soi de conserver la chaleur des plats. De nos jours, nous utilisons la plata électrique, qui résout le problème ; mais à l’époque de nos sages, de mémoire bénie, il était plus difficile de conserver la chaleur des mets. L’une des techniques utilisées était de placer la casserole contenant des aliments cuits dans un réchaud ou dans un four (cf. § 14-15). La seconde méthode était d’enfouir la casserole dans de la laine ou une autre matière propre à en conserver la chaleur.

Cependant, nos sages ont décrété deux interdits en matière d’enfouissement (hatmana) : l’un concerne la veille de Chabbat, l’autre le Chabbat lui-même. En premier lieu, il est interdit d’enfouir le plat dans une chose qui « ajoute à la vapeur » (mossif hével), c’est-à-dire qui ajoute à la chaleur. Cet interdit s’applique même avant l’entrée de Chabbat. En second lieu, il est interdit d’enfouir, pendant Chabbat, des aliments chauds, même dans une chose qui n’ajoute pas à la chaleur.

Précisons davantage. Certaines matières se caractérisent par une effervescence interne et produisent de la chaleur : ainsi des résidus d’olive, ou de la paille. Les sages ont donc craint que, si l’on enfouissait des plats, la veille du Chabbat, dans de telles matières qui ajoutent à la chaleur, certaines personnes ne se trompent, et n’enfouissent aussi leurs plats, la veille de Chabbat, dans des braises ; puis ils en viendraient à remuer les braises, ce qui est interdit au titre de l’allumage du feu (mav’ir). Aussi nos sages ont-ils interdit d’enfouir les plats, la veille de Chabbat, dans des matières qui ajoutent à la chaleur.

S’agissant de matières qui n’ajoutent pas à la chaleur, mais se bornent à conserver la chaleur, telles que les vêtements, serviettes et couvertures, il est permis d’y enfouir des plats, à la condition que l’opération se fasse avant l’entrée de Chabbat. En revanche, le Chabbat, nos sages interdisent d’enfouir un plat chaud, même dans des matières qui n’ajoutent pas à la chaleur. En effet, s’il était permis d’enfouir un plat pendant Chabbat, il serait à craindre que certaines personnes n’en vinssent à réchauffer préalablement le plat sur le feu, et ne transgressassent l’interdit d’allumage et de cuisson (Choul’han ‘Aroukh 257, 1-3).

Quand une marmite a été enfouie, la veille de Chabbat, dans une matière qui n’ajoute pas à la chaleur, il est permis d’améliorer l’enfouissement en ajoutant d’autres couvertures pendant Chabbat. De même, il est permis de changer les couvertures dans lesquelles le plat est enfoui. Si la couverture dans laquelle la marmite était enfouie est tombée, il est permis de l’y remettre : puisque la marmite y était enfouie à l’entrée de Chabbat, il n’est pas interdit d’en améliorer l’enfouissement (Choul’han ‘Aroukh 257, 4).

Il est permis de remplir d’eau chaude, pendant Chabbat, une bouteille Thermos : cela n’est pas considéré comme un acte de hatmana exécuté pendant Chabbat. En effet, introduire un corps chaud dans un récipient n’est pas considéré comme un acte de hatmana. De même il est permis, à la veille de Chabbat, de mettre dans une marmite de cholent ou de tafina un sachet de riz ou de quelque autre aliment que l’on ne veut pas voir se mélanger aux autres ingrédients du plat chaud. En effet, enfouir un aliment dans un autre aliment n’est pas considéré comme un acte de hatmana[25].


[25]. C’est l’opinion du Rav Chelomo Zalman Auerbach (Chemirat Chabbat Kehilkhata 2, 42, note 242), du Or lé-Tsion (II 18, 3) et du Rav Ovadia Yossef (Halikhot ‘Olam 4, Bo 13). Certes, le Chemirat Chabbat Kehilkhata lui-même est rigoureux (42, 63), ainsi que le Menou’hat Ahava (I 3, 27) et le Chévet Halévi (III 47). Mais les arguments en faveur de l’autorisation sont convaincants, et en cas de doute portant sur une règle rabbinique, on est indulgent. En ce qui concerne le fait de remplir d’eau chaude une bouteille Thermos, il faut ajouter un argument en faveur de l’autorisation : l’interdit d’enfouissement ne s’applique pas à un keli chéni (Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 83).

23. Enfouissement effectué sur une plata; mijoteuse

Il est interdit d’envelopper dans une serviette ou une couverture les marmites qui sont posées sur la plata, même la veille de Chabbat. Certes, la serviette ou la couverture ne produit pas de chaleur de manière intrinsèque. Mais dans la mesure où la marmite est placée sur la plata, de la chaleur s’y accumule en provenance de ladite plata. Aussi, le statut applicable à la serviette ou à la couverture est-il assimilable au statut d’une hatmana faite au moyen d’une chose qui ajoute à la chaleur, enfouissement interdit dès la veille de Chabbat.

L’interdit de hatmana ne s’applique que lorsqu’on enfouit l’ustensile de tous côtés. En revanche, quand on n’enfouit pas l’ustensile de toutes parts, il n’y a pas d’interdit. Par conséquent, il est permis d’envelopper d’une serviette ou d’une couverture la majorité d’une marmite posée sur la plata, car tant que la marmite n’est pas entièrement enveloppée, l’interdit de hatmana n’est pas constitué, et il est même permis de faire cela durant Chabbat (Rama)[o]. Si l’on pose sur la marmite un large plateau, on pourra placer sur ce plateau une serviette qui entourera la marmite de tous côtés ; en effet, tant que ce qui tient lieu de couverture ne touche pas les parois de la marmite, cela n’est pas considéré comme une hatmana (Choul’han ‘Aroukh 257, 8). Il faut avoir soin de ne pas poser une serviette humide sur la marmite : en la séchant au contact de la chaleur, on enfreindrait l’interdit de liboun (nettoyage, cf. chap. 13 § 3)[26].

Certains décisionnaires interdisent de se servir d’une marmite à cuisson lente (mijoteuse, Crock-Pot®), au titre de l’interdit de hatmana, car la mijoteuse est enfouie au sein des éléments chauffants. Si le mets qui s’y trouve n’est pas cuit, cela est également interdit, selon eux, au titre de la chehiya[p] sur un feu découvert. Face à eux, d’autres estiment que l’interdit de hatmana n’est pas constitué en ce cas, puisque la partie supérieure de la mijoteuse est à découvert[q]. Quant à l’interdit de chehiya, pour ne pas le transgresser dans le cas où le mets n’est pas encore entièrement cuit, il faut recouvrir les boutons qui servent à régler la température. Telle est la halakha[27].


[o]. A condition, bien sûr, que le contenu de la marmite soit entièrement cuit.

 

[26]. Le Choul’han ‘Aroukh (253, 1 ; 257, 8) est rigoureux dans deux cas, en matière de hatmana. a) Même quand on enfouit une marmite dans une chose qui n’ajoute pas à la chaleur, par exemple dans un vêtement, dès lors que cette chose est posée sur une autre qui, elle, ajoute à la chaleur – c’est le cas d’une plata –, on considère que la marmite est, pour ainsi dire, enfouie dans la chose qui ajoute à la chaleur. b) La hatmana dans une chose qui ajoute à la chaleur est interdite, même si cette hatmana est partielle (comme l’est un enfouissement sous des braises).

 

Aussi est-il interdit, d’après le Choul’han ‘Aroukh, de recouvrir d’une serviette la marmite qui est posée sur la plata, même si le recouvrement ne se fait que d’un côté, ou seulement d’en haut, et même la veille de Chabbat, puisque cet acte est qualifié de hatmana dans une chose qui ajoute à la chaleur. C’est ce qui ressort du Menou’hat Ahava I 3, 19-20.

 

Face à cela, le Yabia’ Omer VI 33 autorise à envelopper d’une couverture, avant Chabbat, une marmite posée sur la plata, de tous côtés. En effet, selon Na’hmanide, dès lors qu’un espace sépare la source de chaleur de la casserole enfouie, celle-ci n’est pas considérée comme enfouie dans une chose qui ajoute à la chaleur. Selon le Yabia’ Omer, la plata offre un tel espace [car la partie extérieure de la plata fait écran entre la résistance chauffante et la casserole], si bien que la plata, d’une part, et la couverture, de l’autre, ne peuvent être considérées comme associées. C’est aussi l’opinion du Rav Chalom Messas (Chémech Oumaguen III, Ora’h ‘Haïm 50).

 

Le Rama présente une opinion médiane : s’il y a une source de chaleur provenant d’en bas, et même si les couvertures, par en haut, n’ajoutent pas à la chaleur, celles-ci sont considérées comme une chose ajoutant à la chaleur. En revanche, si les couvertures n’enveloppent pas la marmite de toutes parts, il n’y a pas d’interdit, car l’interdit de hatmana ne s’applique que lorsque le recouvrement est intégral, de tous les côtés de la marmite. C’est en ce sens que tranchent les décisionnaires ashkénazes, et telle est la position du Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 77.

 

Le Or lé-Tsion II 17, 10 est indulgent, se fondant sur l’usage, comme le Yabia’ Omer ; il précise qu’il est bon de ne pas recouvrir la marmite entièrement (ce qui revient à l’usage ashkénaze) et que, si c’est possible, il est bon d’être rigoureux comme l’est le Choul’han ‘Aroukh. Nous avons retenu ci-dessus l’opinion du Rama, qui représente la voie médiane.

 

[p]. Pose d’un plat sur un feu à la veille de Chabbat ; cf. supra § 14 s.

 

[q]. Il n’y a pas de résistance qui chauffe.

 

[27]. Ceux qui interdisent cela estiment que, si la majorité de la mijoteuse est enfouie, et à plus forte raison si elle est enfouie de toutes parts à l’exception de sa partie supérieure, il faut la considérer comme enfouie dans une chose qui ajoute à la chaleur. Aussi est-il interdit de l’actionner, même à la veille de Chabbat. Telle est l’opinion du Rav Chelomo Zalman Auerbach (Min’hat Chelomo II 34, 5) et du Or’hot Chabbat au nom du Rav Yossef Chalom Elyachiv (2, note 149). Ce n’est que si l’on place un élément qui hisse et éloigne la mijoteuse de son support chauffant, que tombe l’interdit, du point de vue de la hatmana.

 

Des décisionnaires ont encore craint que ne se pose ici la question de la chehiya. En effet, la chaleur de la mijoteuse est réglable ; il est donc à craindre que l’on n’en vienne à augmenter la chaleur, et ce n’est que si l’on recouvre les résistances chauffantes par un élément propre à en diminuer la chaleur, ou bien si le plat est entièrement cuit, que l’utilisation d’une telle mijoteuse sera permis, du point de vue de la chehiya.

 

L’opinion indulgente consiste à dire que, puisque l’ustensile n’est pas entièrement enfoui, l’interdit de hatmana ne s’applique pas (Rama 253, 1 ; Michna Beroura 48). Si le plat n’est pas entièrement cuit, il faut recouvrir les boutons. De cette façon, le feu sera considéré comme couvert, comme nous l’avons vu au sujet du four (supra § 17). C’est l’opinion du ‘Hazon ‘Ovadia, Chabbat I p. 64 et du Chévet Halévi IX 52. Or, puisqu’il s’agit d’une règle de rang rabbinique, la halakha est conforme à l’opinion indulgente. De plus, cette opinion est convaincante. Cf. Har’havot.

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