Zmanim

06. Excursions, piscine, détente à l’hôtel

Selon certains, il faut s’abstenir d’excursions et de bains de mer ou de piscine, durant les trois semaines, afin de restreindre les plaisirs pendant la période de bein hametsarim (entre les détresses). De plus, ces jours sont susceptibles d’adversités, et il faut donc s’abstenir de choses qui risquent de nous mettre en danger.

Toutefois, si l’on s’en tient à la règle halakhique, il n’y a pas là d’interdit, car, lorsque nos sages, de mémoire bénie, ont prescrit d’amoindrir les marques de joie, cela ne s’appliquait qu’à partir de Roch ‘hodech du mois d’av. Avant cela, il n’y a pas d’interdit de faire des choses comportant une part de plaisir et de délice, et ce n’est que d’occasions de joie particulières qu’il faut s’abstenir, telles que des fêtes, des concerts et des danses. Par conséquent, il est permis de faire des excursions, de nager et de prendre des vacances à l’hôtel, jusqu’à la fin du mois de tamouz. S’agissant de la crainte de choses pouvant présenter un danger : il n’est pas question d’une telle crainte qu’elle modifierait fondamentalement les règles de prudence exigées tout au long de l’année. Il est donc permis de faire des excursions et autres activités de ce genre durant les trois semaines ; il faut simplement avoir soin d’observer, en redoublant de prudence, les règles de sûreté qu’il faut respecter toute l’année.

Quand commence le mois d’av, on diminue les expressions de joie. Aussi faut-il s’abstenir d’excursions et de divertissements qui visent essentiellement au plaisir et à la joie. Mais il est permis d’accomplir, durant les neuf jours, une promenade ou un séjour de vacances visant essentiellement aux besoins éducatifs ou de santé. De même, s’agissant de nager dans une piscine ou à la mer : si le propos est de se divertir, c’est interdit ; mais celui à qui on a recommandé de nager pour des raisons médicales pourra le faire, même durant ces neuf jours (cf. § 21)[4].


[4]. Selon le Yessod Vechorech Ha’avoda, il convient de s’abstenir de se réjouir fortement pendant les trois semaines. Rabbi ‘Haïm Palaggi (dans son Massa ‘Haïm) écrit que, dans sa région, les rabbins avaient décrété de ne pas faire de promenades dans des jardins, au bord de la mer ou de la rivière, durant ces jours (citation faite par le Sdé ‘Hémed, Ma’arékhet bein hametsarim 1, 10). Toutefois, les autres A’haronim n’écrivent pas cela ; ce n’est que dans les ouvrages de notre génération que l’on mentionne cette position sévère (‘Am Kelavi p. 170, Nit’é Gavriel 23, 3 au nom de certains avis mentionnés comme alternatifs, Miqraé Qodech du Rav Harari 5, 1). Il semble s’agir de l’usage adopté par ceux qui s’astreignent à une particulière piété (minhag ‘hassidout) ; et c’est pour cette raison, semble-t-il, que la majorité des ouvrages écrits par les A’haronim ne le mentionnent pas.

La position essentielle, en halakha, est que seuls les neuf premiers jours d’av sont visés par la nécessité de restreindre les choses délectables et plaisantes, qui apportent de la joie, de même que, en matière de consommation de viande et de vin, ou d’achat de choses réjouissantes, l’interdit ne commence qu’à Roch ‘hodech av. Il n’y a pas lieu d’interdire, par seule crainte du danger, des excursions. En effet, le fait même de se prémunir contre le danger est une mitsva de la Torah, et ce qui est requis pendant ces trois semaines consiste simplement en un redoublement de prudence ; mais il n’a pas été fixé d’autres principes de prudence (cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 3, 21, où il est écrit que nombreux sont ceux qui s’abstiennent d’excursion par crainte du danger, mais que, si l’on s’en tient à la stricte règle, il n’y a pas là d’interdit. Cf. Hilkhot ‘Haguim 25, 14-15).

La règle est la même en matière de nage, en mer ou en rivière, ce qui ressemble au cas de l’excursion, tant du point de vue du plaisir que du danger. Un décisionnaire, il est vrai, est rigoureux sur ce point (Meqor ‘Haïm de l’auteur du ‘Havat Yaïr, 551, 4). Mais nombreux sont ceux qui le permettent. Nous voyons ainsi, dans le Teroumat Hadéchen 150, que les gens avaient l’habitude, jadis, de se baigner dans les fleuves durant les neuf jours, or les sages n’avaient point protesté. Le Choul’han Gavoha, fin du chap. 551, précise que la coutume de Salonique était de nager dans la mer, même la veille du 9 av. C’est aussi ce qu’écrit le Ye’havé Da’at I 38, pour qui il est permis de nager à la piscine et à la mer, même dans la semaine où tombe le 9 av. Bien que, à ce dernier sujet, il semble juste d’être rigoureux durant les neuf jours, s’il s’agit de baignage de plaisir, la raison d’être rigoureux ne réside pas dans les dangers de la nage, mais dans la nécessité de réduire les expressions de joie, comme nous le verrons par la suite. Quoi qu’il en soit, on peut déduire de cette source que, a fortiori, il sera permis de se baigner pendant les trois semaines [c’est-à-dire, ici, la partie des trois semaines qui précède Roch ‘hodech av], à la piscine ou à la mer, et d’excursionner.

Il est vrai que, s’il s’agit d’une excursion à laquelle participent de nombreuses personnes, ou d’un camp d’été, il est préférable, a priori, de ne pas l’organiser pendant les trois semaines, car c’est une occasion particulière de joie, et le cas ressemble quelque peu à celui des danses. Mais a posteriori, quand il est très difficile de l’organiser à une autre date, il est permis de le faire jusqu’à Roch ‘hodech. On considérera que le cas n’est pas semblable à celui des danses, car ces dernières ont pour propos principal la joie, tandis que l’excursion vise surtout à connaître un site nouveau et à profiter de l’ambiance de groupe.

Il eût convenu de modifier les dates de l’année scolaire, et de prévoir des études pendant les trois semaines ; ainsi, on aurait nécessairement moins excursionné ou nagé pendant ces jours. Mais de nos jours, où les centres aérés pour enfants et les vacances scolaires annuelles ont précisément lieu pendant cette période, il n’y a pas lieu d’être plus rigoureux que ne l’impose la règle, et l’on n’interdit donc pas les excursions ni la nage, ce jusqu’à Roch ‘hodech av.

En ce qui concerne la nage quotidienne en piscine, considérée non comme un passe-temps mais comme un élément d’un mode de vie sain, cf. ci-après § 21, où l’on voit que, selon la coutume séfarade, il est bon d’être rigoureux durant la semaine où tombe le 9 av, et, selon la coutume ashkénaze, on commence à être rigoureux dès Roch ‘hodech av. (Cf. Rav Pe’alim IV 29, selon qui, si l’on a commencé l’apprentissage de la nage avant la période des trois semaines, et quoique il convienne d’être rigoureux durant les neuf jours, il n’y aura pas lieu de protester devant ceux qui adopteraient l’usage indulgent et continueraient ledit apprentissage pendant les neuf jours ou pendant la semaine même du 9 av [à l’exception bien sûr du 9 av lui-même]. Certains auteurs écrivent, au nom du ‘Hazon Ich, que, pour les besoins de la santé, il est permis de se baigner durant les neuf jours. Cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 3, 21).

07. Bénédiction Chéhé’héyanou durant les trois semaines

Certains des grands Richonim s’abstenaient de manger un fruit nouveau et d’acheter un vêtement neuf, durant les trois semaines, afin de ne pas avoir à prononcer la bénédiction Chéhé’héyanou. « Comment, disaient-ils, pourrions-nous prononcer les mots Chéhé’héyanou véqiyemanou véhigui’anou lazman hazé (“Béni sois-Tu… qui nous as fait vivre, nous a maintenus et nous as fait parvenir à cette époque”), en un temps d’adversité ? » (Séfer ‘Hassidim 840). On compte, il est vrai, certains grands décisionnaires qui pensaient qu’il n’était point nécessaire de prendre garde à cela (Touré Zahav, Gaon de Vilna). Mais au fil des générations, la coutume s’est répandue d’être rigoureux à cet égard, et de ne pas dire Chéhé’héyanou pendant la période de bein hametsarim. Par conséquent, on prend soin de ne pas manger de fruit nouveau pour lequel on devrait dire Chéhé’héyanou, et l’on n’achète pas non plus de vêtement neuf justifiant de réciter ladite bénédiction.

En revanche, il est permis d’acheter des choses sur lesquelles cette bénédiction ne se récite pas, cela jusqu’à la fin du mois de tamouz. Par exemple, il est permis d’acheter des chaussettes ou des tricots de peau : puisque ces sous-vêtements ne sont pas tellement importants, ils ne requièrent pas la bénédiction Chéhé’héyanou. De même, il est permis à ceux qui n’ont pas coutume de dire cette bénédiction pour des chaussures neuves d’en acheter (Choul’han ‘Aroukh et Rama, Ora’h ‘Haïm 223, 6 ; cf. Pniné Halakha, Les Bénédictions[e] 17, note 4).

De même, il est permis à un couple d’acheter un meuble ; en effet, puisque les époux sont associés dans cet achat, la bénédiction d’usage est Hatov véhamétiv (« Béni sois-Tu… qui est bon est fait du bien »). Par contre, une personne seule doit s’abstenir d’acheter un meuble, car dans ce cas, la bénédiction est Chéhé’héyanou (Choul’han ‘Aroukh 223, 5, Pniné Halakha, Lois des bénédictions 17, 3).

De même, il est permis d’acheter un vêtement important qui nécessite une retouche afin de pouvoir le porter après le 9 av : puisque, au moment de l’achat, il est encore impossible de le porter, on ne saurait réciter la bénédiction Chéhé’héyanou à ce moment (Michna Beroura 223, 17). Pour ceux qui ont coutume de réciter cette bénédiction au moment où ils portent le vêtement pour la première fois (et tel est l’usage le plus courant), il est même permis d’acheter un vêtement neuf pendant les trois semaines, à condition de ne le porter qu’après le 9 av. Ce n’est qu’alors que l’on récitera Chéhé’héyanou sur ce vêtement. Mais à partir de l’entrée du mois d’av, on restreint les achats ; et même quand il n’y aurait pas lieu de dire Chéhé’héyanou sur la chose achetée, il est juste de s’en abstenir (cf. ci-après § 18).


[e]. Titre original : Pniné Halakha, Berakhot. Encore inédit en français à cette date (2017).

08. Dans quels cas il est permis de dire la bénédiction Chéhé’héyanou

Celui auquel s’offre l’occasion d’une mitsva, mitsva sur laquelle il est de règle de réciter Chéhé’héyanou – par exemple une circoncision ou le rachat d’un premier-né –, récitera cette bénédiction. En effet, ce n’est pas lui qui a déterminé la date de la bénédiction, mais c’est le Ciel qui lui a donné l’occasion d’accomplir cette mitsva, sur laquelle se dit la bénédiction, pendant les trois semaines (Choul’han ‘Aroukh 551, 17).

De même, si l’on revoit un être cher après trente jours d’absence, et que l’on en éprouve de la joie, on dira la bénédiction Chéhé’héyanou car, si on ne le faisait pas immédiatement, on perdrait la possibilité de la dire. Autre cas : celui à qui une fille est née pendant cette période. Lorsqu’il la verra pour la première fois, il récitera Chéhé’héyanou car, s’il ne le faisait immédiatement, il perdrait la possibilité de la dire (d’après Choul’han ‘Aroukh 225, 1, Michna Beroura 223, 2).

Durant les Chabbats de la période des trois semaines, il est permis, selon la majorité des décisionnaires, de prononcer la bénédiction Chéhé’héyanou. Bien que certains décisionnaires (qui se fondent sur Rabbi Isaac Louria) soient rigoureux en la matière, il est d’usage, halakhiquement, d’être indulgent, et de dire cette bénédiction pour un fruit nouveau, même lors du Chabbat ‘Hazon, Chabbat qui précède le 9 av. Par conséquent, si l’on a l’occasion d’avoir un fruit nouveau pendant les jours de semaine, on en reportera la consommation au Chabbat, et l’on dira la bénédiction Chéhé’héyanou. Si l’on n’a pas la possibilité d’en reporter la consommation – par exemple si l’on ne dispose pas d’un réfrigérateur, et qu’il soit à craindre que le fruit ne pourrisse d’ici au Chabbat –, on le mangera tout de suite, et l’on dira la bénédiction Chéhé’héyanou (Rama 551, 17, Michna Beroura 551, 98). De même, s’agissant des vêtements neufs, on pourra réciter la bénédiction Chéhé’héyanou les Chabbats qui précèdent Roch ‘hodech du mois d’av. Mais le Chabbat qui suit Roch ‘hodech, il faut être rigoureux, en s’abstenant de mettre un habit neuf et de dire Chéhé’héyanou (Michna Beroura 551, 98, Torat Hamo’adim 5, 7).

09. Fiançailles et mariage

On a pris la coutume, dans la majorité des communautés juives, de ne pas se marier durant les trois semaines. Il est vrai que, si l’on s’en tient à la stricte règle, l’interdit de se marier durant les jours de deuil en souvenir de la destruction du Temple ne s’applique qu’aux mariages dits facultatifs (nissoué rechout), c’est-à-dire aux mariages de ceux qui ont déjà accompli la mitsva d’enfanter, et ont au moins un fils et une fille ; tandis que, si l’on n’a pas encore accompli cette mitsva, on pourrait théoriquement se marier, même durant les neuf jours. Mais en pratique, puisque ces jours sont des jours d’adversité, on a coutume de n’y organiser aucun mariage ; car il convient que les noces se déroulent sous de bons auspices et une constellation favorable, or ces jours-là, ces éléments font défaut. Mais certaines communautés séfarades ont coutume de ne s’abstenir de mariage que durant les neuf jours (comme nous le verrons dans la prochaine note).

S’agissant d’une fête de fiançailles, fête marquant l’accord des deux fiancés en vue de leur mariage, si elle a lieu à la maison, dans la discrétion : puisque cette fête se rattache à une mitsva, il est permis de la programmer jusqu’à Roch ‘hodech du mois d’av (cf. ci-dessus, chap. 3, note 7, où l’on voit s’il est permis d’y diffuser de la musique). Mais il est interdit d’organiser une grande fête de fiançailles pendant les trois semaines. Durant les neuf jours, où l’on doit diminuer les expressions de joie, il est même interdit d’organiser une fête de fiançailles domestique et discrète. En revanche, il est permis aux parents des promis de se rencontrer, et de fixer les conditions du mariage, à l’occasion de quoi on sert une collation. Et bien qu’en cela aussi la joie soit présente, il est permis de faire une telle réunion, même pendant les neuf jours, parce que, grâce à elle, le lien unissant les membres du couple deviendra un fait accompli, ce qui constituera une avancée vers la mitsva du mariage. De même, il est permis à des célibataires de se rencontrer, pendant les neuf jours, dans un intérêt matrimonial[5].


[5]. Le Beit Yossef et le Michna Beroura 551, 14 expliquent que l’on n’organise pas de mariage, même « d’obligation » [nissoué mitsva, c’est-à-dire le mariage d’un homme n’ayant pas encore accompli la mitsva d’enfanter au moins un fils et une fille], durant ces jours, car la chose ne serait pas bon signe. Le Gaon de Vilna 551, 69 explique que, du point de vue même du deuil pour la destruction du Temple, il n’y a pas lieu de se marier durant ces jours, comme on le voit au traité Baba Batra, fin du chapitre 3 : le traité enseigne que, suite à la destruction du Temple, il eût convenu de ne plus se marier du tout, en signe de deuil, mais qu’il est impossible d’agir ainsi ; alors, tout au moins, pendant les trois semaines, il convient de s’en abstenir.

Coutume séfarade et yéménite : la coutume yéménite est de ne pas se marier, depuis le 17 tamouz. Le Knesset Haguedola (ouvrage rapportant les coutumes de Turquie) pousse la rigueur jusqu’à interdire les fiançailles durant l’ensemble des trois semaines ; tel est aussi la coutume marocaine. Le Ben Ich ‘Haï, Devarim 4, interdit le mariage et, quant aux fiançailles, il écrit qu’il convient d’être rigoureux comme l’est le Knesset Haguedola. Le Kaf Ha’haïm 551, 44 cite ces sources. C’est aussi l’opinion du Rav Mordekhaï Elyahou, Hilkhot ‘Haguim 25, 3. Mais le Choul’han ‘Aroukh 551, 2 n’interdit les mariages que durant les neuf jours, et le Yabia’ Omer VI 44 appuie ces propos, ajoutant qu’il ne convient pas d’aller dans le sens de la rigueur, lorsque cela a pour effet d’empêcher l’accomplissement d’une mitsva, et que cela est particulièrement vrai dans notre génération.

Il était permis d’organiser pendant les neuf jours, et même le 9 av, ce que la Torah appelle iroussin, à savoir la première phase du mariage, avant le dais nuptial, afin de ne pas risquer d’être supplanté par un autre homme. Cela, à condition de ne pas organiser de repas de noces pendant les neuf jours. De nos jours, les iroussin et les nissouïn (entrée de l’épousée sous le dais nuptial) se tiennent le même jour. Mais de cette autorisation de principe des iroussin, nous apprenons qu’il est permis aux parents des deux promis de se rencontrer au cours des neuf jours, afin de convenir des modalités du mariage, et qu’il est permis de servir, à cette occasion, une collation. C’est ce qu’écrit le Michna Beroura 551, 16.

10. Se faire couper les cheveux

Nos sages ont décrété de ne pas se faire couper les cheveux, ni de lessiver des vêtements dans la semaine où tombe le 9 av (Ta’anit 26b). Le Choul’han ‘Aroukh (Ora’h ‘Haïm 551, 3) statue dans le même sens : depuis le début de la semaine où tombe le 9 av, on ne se fait pas couper les cheveux ; et tel est l’usage de nombreux Séfarades. Il est également interdit de couper les cheveux à des enfants parvenus à l’âge de l’éducation (guil ‘hinoukh), afin de les éduquer à prendre le deuil pour la destruction du Temple. On a l’usage de ne pas même couper les cheveux aux enfants qui ne sont pas encore arrivés à l’âge de l’éducation, afin d’exprimer l’affliction de ces jours (Choul’han ‘Aroukh 551, 14).

Les Ashkénazes, ainsi qu’une partie des Séfarades, parmi lesquels les originaires du Maroc, de Djerba, et ceux qui se conduisent d’après les enseignements de Rabbi Isaac Louria, ont l’usage d’être rigoureux à l’égard de l’interdit de se faire couper les cheveux, en s’en abstenant durant l’ensemble des trois semaines (Rama 551, 4, Kaf Ha’haïm 80, Qitsour Choul’han ‘Aroukh du Rav Toledano 387, 8, Berit Kehouna 2, 12. La coutume de Tunis et d’Alger est de s’abstenir de se faire couper les cheveux à partir de Roch ‘hodech, conformément à l’enseignement du Rav Yehouda Ayache).

S’agissant des enfants, les décisionnaires sont partagés quant au fait de savoir si l’on étend la rigueur à l’ensemble des trois semaines, ou si on l’applique seulement à la semaine où tombe le 9 av. En cas de nécessité, on pourra être indulgent pour les enfants, et leur couper les cheveux jusqu’au commencement de la semaine où tombe le 9 av (Michna Beroura 551, 82).

Ce ne sont pas seulement les cheveux et la barbe qui sont inclus dans cette défense : il est interdit de couper tout poil du corps ; ce n’est que si la moustache gêne la consommation de la nourriture qu’il sera permis de la tailler (Choul’han ‘Aroukh 551, 12-13).

Il est permis à une femme de raccourcir ceux de ses cheveux qui, en raison de leur longueur, commencent à sortir du couvre-chef ; de même, il lui est permis de retirer de son visage et de son corps des poils disgracieux (Michna Beroura 79, Kaf Ha’haïm 47)[6].

En l’honneur d’une circoncision, il est permis au père de l’enfant, ainsi qu’au sandaq (celui qui tient l’enfant sur ses genoux) et au mohel (le circonciseur), de se faire couper les cheveux, ce jusqu’à la semaine du 9 av non incluse (cf. ci-après § 19, en matière de vêtements).

Il convient au jeune homme arrivant à l’âge de la bar-mitsva de ne pas se faire couper les cheveux durant ces jours, puisqu’il peut le faire avant le 17 tamouz. Mais son père, s’il a l’habitude de se raser chaque jour, pourra le faire à l’approche du repas de bar-mitsva de son fils, jusqu’à la semaine où tombe le 9 av (cf. Kaf Ha’haïm 551, 10, Pisqé Techouvot 551, 6).

Il est permis de se peigner, même durant la semaine où tombe le 9 av (Michna Beroura 551, 20, Kaf Ha’haïm 46). Les A’haronim sont partagés quant au fait de savoir s’il est permis de se couper les ongles pendant les neuf jours. Cependant, pour l’honneur de Chabbat, c’est permis (Michna Beroura 551, 20, Kaf Ha’haïm 48).


[6]. Certains auteurs, indulgents, estiment que l’interdit de se couper les cheveux ne s’applique pas à la femme, à la manière de la position du Choul’han ‘Aroukh en matière de deuil après les sept premiers jours (Yoré Dé’a 390, 5). C’est la position du Panim Méïrot II 37 et du Torat Hamo’adim 5, 26.

11. Se raser la barbe

Comme nous l’avons vu, la coutume ashkénaze et d’une partie des communautés séfarades est de ne pas se faire couper les cheveux, pendant toute la durée des trois semaines. Cependant, s’agissant du rasage de la barbe, une question se pose.

Selon de nombreux décisionnaires, il n’y a pas de différence entre la coupe de cheveux et le rasage : les deux sont interdits durant l’ensemble des trois semaines (Kaf Ha’haïm 551, 66 et 493, 19). Et tel est l’usage des étudiants de yéchiva dans leur majorité, et de ceux qui sont pointilleux dans la pratique des mitsvot.

Toutefois, d’autres estiment que, a priori, il convient de se raser à chaque veille de Chabbat, pour ceux des Chabbats qui précèdent Roch ‘hodech av (Maguen Avraham, Peri Mégadim). D’autres autorisent même à se raser chaque jour, jusqu’à Roch ‘hodech av, puisqu’il n’y a pas là d’expression de joie, et que la coutume consistant à s’abstenir de se faire couper les cheveux ne vise que la coiffure : en effet, il y a un certain côté festif à avoir une nouvelle coiffure, ce qui n’est pas le cas du rasage. Ce dernier n’a rien de festif, et vise seulement à ôter ce qui est disgracieux. Si l’on veut être indulgent à cet égard, on a sur qui s’appuyer, et il n’y a pas lieu de protester contre cet usage, en particulier de nos jours, où vivent en Israël des gens originaires de toutes sortes de communautés, et où nombre de Séfarades sont indulgents en ce domaine. Par ailleurs, quand un doute se présente quant à la coutume ashkénaze, on peut prendre en considération la coutume séfarade. En pratique, il est juste que chacun poursuive l’usage de son père, que celui-ci incline à l’indulgence où à la rigueur, faute de quoi on porterait atteinte à son honneur.

Toutefois, à partir de Roch ‘hodech, et même à l’approche du Chabbat ‘Hazon (qui précède le 9 av), il est certain que, suivant la coutume ashkénaze et d’une partie des communautés séfarades, il ne faut plus se raser.

Pendant la semaine où tombe le 9 av, il est interdit, suivant toutes les opinions et toutes les coutumes, de se couper les cheveux, et il n’y a aucune autorisation de se raser[7].


[7]. S’agissant du rasage durant les trois semaines : pour l’usage ashkénaze, cf. Maguen Avraham 551, 14, qui écrit au nom du Hagahot Achri qu’il n’est pas autorisé de se faire couper les cheveux, même avant Chabbat, puisque l’on n’a pas l’habitude de se faire couper les cheveux chaque semaine ; ce qui laisse entendre que ceux qui ont l’habitude de se raser peuvent le faire en l’honneur du Chabbat. Le Peri Mégadim, Echel Avraham 14, écrit ainsi que, avant Roch ‘hodech av, il est permis de se faire couper les cheveux en l’honneur de Chabbat. Certes, le Maté Yehouda 4 est rigoureux à cet égard ; mais en matière de rasage, puisque l’on aurait l’air négligé pendant Chabbat si l’on ne se rasait pas la veille, l’avis du Peri Mégadim semble plus convaincant. Cf. encore Béour Halakha 551, 3, où l’on voit qu’il ressort des propos du Talmud de Jérusalem que cela est permis, en l’honneur du Chabbat, même durant les neuf jours ; et tel est l’avis de Rabbi Aqiba Eiger.

Autre argument en faveur de la permission : à ceux qui ont l’habitude de se raser, ne pas se raser pendant plusieurs jours est un grand désagrément. Or la chose est peut-être comparable au fait de tailler sa moustache quand elle gêne l’alimentation, ou à la permission de s’oindre, le 9 av, si l’on a des boutons sur la tête (Choul’han ‘Aroukh 554, 15), ou encore à la permission, qui nous a été rapportée, de couper ceux des cheveux qui causeraient des plaies ou des maux de tête. Dans son Néfech Harav p. 191, le Rav Schachter écrit au nom du Rav Soloveitchik que la coutume des trois semaines est semblable à celle de l’année de deuil [une fois passé le premier mois], où il est d’usage de se raser ; la coutume des neuf jours, quant à elle, est comparable à celle du mois de deuil, où il est interdit de se raser ; le 9 av, enfin, la coutume se compare à celle des sept jours de deuil. D’après cela, l’auteur permet de se raser chaque jour, jusqu’à Roch ‘hodech av, parce qu’il serait disgracieux de sortir non rasé. Cf. Tsohar, t. 3 p. 39, où des objections à cette opinion sont exprimées, objections que l’on peut repousser. Cf. responsa Ner Ezra II p. 155-158, qui conclut en permettant de se raser à l’approche de Chabbat, et écrit qu’il s’agit de la position du Rav Min-Hahar et du Rav Lichtenstein.

De nombreux auteurs, il est vrai, n’autorisent pas du tout à se raser. C’est la position du Kaf Ha’haïm 551, 66 ; mais en 493, 19, il écrit, se fondant sur des A’haronim, que l’on peut se raser pour éviter une perte dans sa subsistance. Tel est l’usage de la majorité de ceux qui sont pointilleux dans la pratique des mitsvot. Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 102, lui aussi, permet de se raser pour éviter une perte financière seulement.

À notre humble avis, si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est juste – même si l’on suit l’usage ashkénaze – de se raser à chaque veille de Chabbat, jusqu’à Roch ‘hodech av. En revanche, les jours de semaine, quand il n’y a pas à cela de difficulté, il est bon d’être rigoureux ; mais si l’on veut être indulgent, on a sur qui s’appuyer. De même, pour les besoins de sa subsistance, on peut être indulgent. Mais à partir de Roch ‘hodech av, il convient d’être rigoureux, aussi bien en semaine que le vendredi. De prime abord, on peut certes alléguer qu’il faut se raser en l’honneur de Chabbat, et que c’est bien ce que laissent entendre le Talmud de Jérusalem et Rabbi Aqiba Eiger, cités par le Béour Halakha 551, 3. Mais nous trouvons dans les écrits des Richonim (Colbo cité par Beit Yossef 551, 4) qu’il était de coutume de ne point se raser avant le Chabbat ‘Hazon, afin d’arriver au 9 av avec l’apparence du deuil. Nous voyons aussi que la coutume la plus répandue dans les pays germaniques était de ne pas porter de vêtements sabbatiques pendant le Chabbat ‘Hazon, comme le rapporte le Rama 551, 2. Et bien que cela ne soit plus en usage de nos jours, on peut déduire de cela que la coutume ashkénaze est de ne pas être tellement pointilleux quant à l’honneur du Chabbat ‘Hazon. Aussi est-il plus juste, durant les neuf jours, de ne pas se raser à l’approche de Chabbat.

À notre humble avis, il faut également suggérer aux Séfarades de ne pas se raser durant les neuf jours. Premièrement, telle est la règle pour ceux qui sont rigoureux quant au fait de se couper les cheveux pendant toutes les trois semaines (coutume du Maroc, de Djerba, et de ceux qui se conforment aux usages de Rabbi Isaac Louria ; quant à la Tunisie et à l’Algérie, la coutume y était de ne pas se faire couper les cheveux à partir de Roch ‘hodech). De plus, on voit que telle était la coutume séfarade, ainsi que le rapporte le Colbo (de Rabbi Aharon de Lunel, en Provence), que de parvenir au 9 av avec une apparence peu apprêtée. Or, de nous jours, le signe de deuil le plus courant est de n’être pas rasé. À l’inverse, le fait d’être rasé exprime de façon tangible qu’il n’y a pas de deuil. Aussi est-il juste de montrer ce signe de deuil, durant les neuf jours et le 9 av.

En outre, il convient, quand c’est possible, d’amoindrir la controverse. À cet égard, plusieurs auteurs de notre génération écrivent qu’il est bon que les Séfarades étudiant dans des yéchivot ashkénazes soient rigoureux comme les Ashkénazes (Ye’havé Da’at IV 36). Il est vrai que les yéchivot de notre milieu [dati-léoumi] ne se définissent pas, de nos jours, comme ashkénazes, mais comme celles d’étudiants de toutes origines. Mais quand cela est possible, il est préférable de ne pas multiplier les différences de coutumes. Aussi, s’agissant de se raser à l’approche du Chabbat qui précède Roch ‘hodech, il est préférable de suivre la coutume de la majorité des Séfarades, qui se rasent pendant les trois semaines, tandis que, s’agissant du rasage pendant les neuf jours, il vaut mieux suivre la coutume ashkénaze et d’une partie des communautés séfarades, de ne point se raser. Toutefois, il n’y a pas lieu de protester face à ceux qui s’appuient sur le raisonnement du Béour Halakha et sur la coutume d’une partie des Séfarades, qui permettent de se raser à l’approche du Chabbat ‘Hazon. Mais dans la semaine même où tombe le 9 av, selon toutes les coutumes il est interdit de se raser.

En pratique, une bonne directive nous a été transmise par le Rav Rabinowitz, directeur spirituel de la yéchiva de Maalé Adoumim : « Que chaque homme se conduise à la façon de son père, afin que l’on ne se trouve pas dans le cas où le père serait rasé et le fils ne le serait pas, ou l’inverse ; en effet, une telle situation serait susceptible d’atteindre à l’honneur du père. » Il convient d’ajouter que, lorsque le père a l’usage d’être rigoureux, il est à craindre que, en se rasant, le fils ne semble être indulgent pour des raisons de confort, et non pour l’honneur du Chabbat, ce qui porterait atteinte à l’honneur du Ciel. De plus, on ne peut se dissimuler le fait que celui qui ne se rase pas pendant trois semaines montre que l’observance des coutumes importe beaucoup à ses yeux ; et il y a là un élément de qidouch Hachem, sanctification du nom divin. Cf. ci-dessus chap. 3 § 7, note 9.

12. « Quand commence le mois d’av, on réduit les manifestations de joie »

Nos sages enseignent dans la Michna : « Quand commence le mois d’av, on réduit les manifestations de joie[f] » (Ta’anit 26b). Car ces jours sont des jours de deuil pour la destruction du Temple. Par conséquent, il ne faut pas y organiser d’événements réjouissants, tels que des excursions, un séjour de vacances à l’hôtel, ni même de petites fêtes, comme une soirée entre amis ou une soirée donnée à l’occasion de l’entrée sous les drapeaux. Il est seulement permis d’organiser des événements dont le but essentiel est éducatif ou social. De même, si l’on a besoin de repos pour raison de santé, on pourra partir en vacances à l’hôtel ou en maison de repos, durant ces jours (cf. ci-dessus § 6).

On a coutume de ne pas ourdir les fils de chaîne d’un vêtement, pendant les neuf jours. En effet, à pareille époque, il fut porté atteinte au statut de la pierre d’assise du Temple, qui était le soubassement du monde ; aussi s’abstient-on de disposer les fils de chaîne, qui forment la base du vêtement. De même, il est interdit de coudre des vêtements neufs, durant les neuf jours. Il ne faut pas non plus tricoter des vêtements ou des kipas, pendant ces jours (Choul’han ‘Aroukh 551, 7-8). En revanche, il est permis de repriser des vêtements anciens. Celui qui tire ses revenus de la couture ou de la préparation d’étoffes, et pour qui ce travail, pendant les neuf jours, est nécessaire, consultera son rabbin.

Il est préférable d’annuler les cours de couture, pendant les neuf jours. En cas de nécessité, on pourra les maintenir, à condition de ne pas se livrer à la couture de vêtements neufs, mais de repriser des vêtements anciens, ou de faire des exercices de couture sur des étoffes qui ne présentent pas d’utilité.

Nos sages ont prescrit de limiter, durant ces jours, les achats de choses réjouissantes, et il convient de limiter tous les types de transaction commerciale. De même, on s’abstient, pendant cette période, d’effectuer des plantations ou de construire des édifices (maisons, etc…) qui apportent de la joie ; ces règles seront exposées plus loin (§ 18). Puisque l’on restreint, durant ces jours, les expressions de joie, on a coutume de ne pas manger alors de viande, ni de boire du vin, car cela réjouit (comme nous le verrons ci-après, § 13-15).

Puisqu’il s’agit de jours d’adversité, nos sages recommandent à ceux qui ont un différend judiciaire avec un non-Juif de tenter de s’y dérober au mois d’av, car alors Israël n’est pas chanceux, et l’on risque de perdre son procès (Choul’han ‘Aroukh 551, 1)[8].


[f]. Plus littéralement : « On diminue la joie. »

[8]. De prime abord, il faut comprendre que cette recommandation porte sur les neuf premiers jours d’av, où l’on essaie d’esquiver le règlement d’un différend avec un non-Juif ; ensuite, on pourra s’opposer à lui, comme dans le reste de l’année. C’est ce qu’écrit le Qorban Netanel au nom du Zohar. Toutefois le Maguen Avraham écrit, au nom de Rabbénou Yerou’ham, qu’il est souhaitable d’esquiver le règlement dudit différend pendant tout le mois d’av. Cf. Michna Beroura 551, 2, Cha’ar Hatsioun 2.

13. Viande et vin

Les Richonim avaient coutume de s’abstenir de manger de la viande et de boire du vin pendant les jours de deuil portant sur la destruction du Temple. Certains étaient rigoureux à cet égard, en étendant l’abstention à tous les jours profanes des trois semaines. D’autres s’abstenaient seulement durant la semaine même du 9 av. Mais selon la majorité des Richonim, la juste coutume est de s’abstenir de viande et de vin pendant les neuf jours.

Certes, si l’on s’en tient aux termes de la Michna, ce n’est qu’au repas précédant le jeûne du 9 av (sé’ouda mafséqet) qu’il est interdit de manger de la viande et de boire du vin (Ta’anit 26b). Mais les Richonim ont pris l’usage d’être rigoureux pour leur propre compte, en s’abstenant de consommer viande et vin durant ces jours, car la viande et le vin sont connus pour être des aliments concourant à la joie, or les sages du Talmud ont bien dit : « Quand commence le mois d’av, on réduit les manifestations de joie. » De plus, après la destruction du Temple, on ne peut plus présenter la chair des sacrifices sur l’autel, et l’on n’y fait plus de libations de vin. Il eût donc convenu, à la suite de la destruction du Temple, que nous aussi nous abstenions totalement de manger de la viande et de boire du vin, jusqu’à la reconstruction du Temple. Mais nous n’aurions pu tenir devant un tel décret (Baba Batra 60b). Toutefois, durant les jours fixés pour le deuil du Temple, il y a lieu d’être rigoureux en cela.

En pratique, la coutume ashkénaze est de ne consommer ni viande ni vin durant l’ensemble des neuf jours, y compris à Roch ‘hodech av ; et telle est aussi la coutume de Rabbi Isaac Louria. Suivant la coutume séfarade majoritaire, il est permis de manger de la viande et de boire du vin à Roch ‘hodech, puis, dès la fin de la journée de Roch ‘hodech, l’interdit prend effet (Michna Beroura 551, 58, Kaf Ha’haïm 125). Même le 10 av, jour où fut incendié le Temple, on est rigoureux, et l’on s’abstient de viande et de vin. Les Ashkénazes étendent cette rigueur jusqu’au midi solaire (‘hatsot hayom) du 10, et la majorité des Séfarades jusqu’à la fin du 10 (Choul’han ‘Aroukh et Rama 558, 1, Kaf Ha’haïm 10).

Suivant la coutume des Juifs yéménites, on n’est point rigoureux en la matière : on mange de la viande, on boit du vin, et ce n’est que lors du repas de clôture avant le jeûne du 9 av que l’on s’abstient de consommer viande et vin, selon les termes mêmes de la Michna.

14. Règles d’interdiction de la viande et du vin

Au titre de l’interdit de la viande durant les neuf jours, sont incluses toutes les sortes de viande, de bétail comme de volaille, viande fraîche comme viande congelée et salée. En revanche, le poisson est permis.

On a coutume d’être également rigoureux quant à un plat cuisiné dans lequel de la viande aurait cuit. Par exemple, si l’on a cuit des pommes de terre avec de la viande, il ne faut pas, pendant les neuf jours, manger les pommes de terre, même prises séparément, parce que le goût de la viande y sera perceptible. Mais il est permis de cuire les aliments dans des marmites servant à la nourriture carnée, à condition que le goût de la viande ne soit pas perceptible dans les aliments (Michna Beroura 551, 63, Kaf Ha’haïm 142).

Au titre de l’interdit du vin est également inclus le jus de raisin. En revanche, les boissons alcoolisées telles que le whiskey ou la bière sont permises. Il est de même permis de relever les plats avec du vinaigre de vin.

Durant les neuf jours, il est permis de manger des pâtisseries dont la pâte contient du vin, car le goût du vin n’y est pas perceptible ; mais a priori, il ne faut pas mêler de vin la pâte durant les neuf jours[9].

Un malade, même s’il ne l’est que légèrement, à qui la consommation de viande ou de vin est profitable, a le droit d’en consommer (Michna Beroura 551, 61). De même, il est permis à une accouchée, dans les trente jours suivant son accouchement, de manger de la viande pour se renforcer. Il est également permis à une femme qui allaite, si elle en a besoin, de manger de la viande pour accroître son lait.

À l’issue du Chabbat ‘Hazon, il est permis à celui qui a récité la Havdala[g] de boire le vin ayant servi à la bénédiction. Telle est la coutume séfarade et d’une partie des communautés ashkénazes. On peut, dès lors, boire tout le vin qui se trouve en la coupe. Il est préférable de faire la Havdala sur du jus de raisin, car cette boisson ne réjouit pas. Dans d’autres communautés ashkénazes, s’il se trouve un enfant mineur qui soit arrivé à l’âge où l’on s’éduque aux bénédictions de jouissance, mais non encore à l’âge où l’on comprend la notion du deuil pour Jérusalem (c’est-à-dire, généralement, un enfant entre six et neuf ans), il est de coutume que celui qui récite la Havdala forme l’intention, quand il dit la bénédiction sur le vin (Hagafen ou Haguéfen), de la dire pour l’enfant. Celui-ci boira ensuite le vin. Mais quand il n’y a pas d’enfant de cet âge, celui qui récite la Havdala boira le vin[10].


[9]. Cf. Cha’aré Techouva 551, 9. S’agissant d’un plat auquel est mêlé du vin ou de la viande, cf. Pisqé Techouvot 551, 39-40 et Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 49. Concernant une liqueur faite de vin et d’autres ingrédients, certains auteurs sont indulgents, d’autres l’interdisent ; cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 48 ; le Pisqé Techouvot 551, 42 ne rapporte que les avis indulgents, car à son sens les ingrédients autres que le vin ont fait perdre à celui-ci son statut (panim ‘hadachot baou le-kan). Selon de nombreux décisionnaires, il est permis de manger, pendant les neuf jours, de la viande qui reste du Chabbat ‘Hazon ou d’avant Roch ‘hodech, car, si on ne la mangeait pas, elle s’abîmerait. C’est l’avis du Torat Hamo’adim 5, 46. D’autres A’haronim sont rigoureux à ce sujet, comme le rapporte le Pisqé Techouvot 551, 34. Il semble que, de nos jours, où l’on peut congeler la viande restante, et où le gâchis n’est plus à craindre, on ne puisse plus permettre de manger la viande restante du repas de Chabbat ou d’avant Roch ‘hodech.

S’agissant du repas de Melavé malka (repas pris à l’issue du Chabbat) : le Kaf Ha’haïm 551, 144 rapporte l’opinion d’A’haronim qui autorisent d’y manger des restes de Chabbat, à condition de ne pas acheter, pour le Chabbat, plus que d’habitude. Selon le Pisqé Techouvot ad loc., certains auteurs permettent, dans le cas où l’on a l’habitude de manger de la viande à chaque issue de Chabbat au titre de la Melavé malka, d’en manger aussi à l’issue de Chabbat ‘Hazon ; mais d’autres auteurs l’interdisent.

[g]. Ensemble de quatre bénédictions récitées sur une coupe de vin, par lesquelles on marque la séparation entre le Chabbat qui s’achève et la semaine qui commence.

[10]. Le Choul’han ‘Aroukh 551, 10 autorise une personne majeure à boire le vin de la Havdala ; le Rama et le Michna Beroura 70 écrivent que l’on donne le vin à un enfant. Le Darké Moché 9, au nom du Maharil, rapporte qu’un majeur peut a priori boire le vin de la Havdala, et à plus forte raison d’un repas donné à l’occasion d’une mitsva. D’autres Richonim et A’haronim des pays de langue germanique avaient aussi cet usage ; cf. Pisqé Techouvot 551, 35 et Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, note 74. Il est préférable de faire la Havdala sur du jus de raisin car, bien que celui-ci soit interdit au même titre que le vin pendant les neuf jours, il ne contribue pas à la réjouissance. C’est ce que le Rav Harari rapporte au nom du Rav Mordekhaï Elyahou en Miqraé Qodech 1, 14. Selon le Hilkhot ‘Hag Be’hag, il se peut que, si la bénédiction est dite sur du jus de raisin, la personne majeure puisse le boire a priori. Dans ses responsa Zekhor Le-Avraham 50, le Rav Avraham ben Avigdor écrit que l’on peut boire tout le vin (cité par Yalqout Yossef p. 574).

L’âge de l’éducation aux bénédictions est d’environ six ans. Quant à l’âge de l’éducation au deuil pour le Temple : le Echel Avraham de Rabbi A. Botchatch explique qu’il correspond au moment où l’enfant comprend la signification de la destruction du Temple, et comprend que l’on s’abstient de manger de la viande parce que l’on n’a plus la possibilité d’offrir de sacrifices. En pratique, de l’avis de nombreux décisionnaires, cela correspond à l’âge de neuf ou dix ans ; d’autres disent treize ans (cf. Pisqé Techouvot 551, 35, note 180).

Selon le Maguen Avraham et le ‘Hayé Adam, il est a priori permis de donner de la viande et du vin à des enfants qui ne sont pas encore parvenus à l’âge de l’éducation. Pour le Michna Beroura 551, 70, qui se fonde sur le Elya Rabba, le Dagoul Mirevava et le Dérekh Ha’haïm, la viande et le vin ne leur sont permis qu’au moment de la Havdala, ou s’ils se sentent faibles.

15. Viande et vin pendant le Chabbat ‘Hazon, ou lors d’une sé’oudat mitsva

Le Chabbat qui précède le 9 av (appelé Chabbat ‘Hazon), on mange de la viande et l’on boit du vin, comme tous les Chabbats de l’année. En effet, même lorsque c’est le 9 av qui tombe un Chabbat, et que le jeûne est repoussé pour cette raison au dimanche, on mange de la viande et l’on boit du vin ce Chabbat, et l’on dresse même la table de façon festive, « comme aux repas du roi Salomon à son heure », car il n’y a point de deuil le Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 552, 10).

De même, il est permis de goûter les plats carnés que l’on prépare en l’honneur du Chabbat ‘Hazon, afin de vérifier s’il y faut ajouter quelque saveur. En effet, on ne goûte pas alors pour en jouir, mais pour les besoins de la mitsva de se délecter du Chabbat (‘oneg Chabbat).

Il est de même permis de manger de la viande et de boire du vin lors d’un repas donné en l’honneur d’une mitsva (sé’oudat mitsva), par exemple un repas donné à l’occasion d’une circoncision, du rachat d’un premier-né, ou de la clôture de l’étude d’un traité talmudique. De même, il est permis de consommer de la viande et du vin à un repas de bar-mitsva, à condition que ce repas soit donné le jour même où l’adolescent parvient à l’âge des mitsvot (cf. ci-dessus, § 3).

Cependant les coutumes divergent quant à la question suivante : combien de personnes peut-on inviter à de tels repas ? Selon certains, durant toute la durée des neuf jours, il faut se limiter, et n’inviter que les personnes directement parties prenantes à cette occasion joyeuse, auxquelles on ajoutera le quorum de dix personnes. Selon d’autres, toutes les personnes que l’on aurait invitées au repas, si celui-ci avait eu lieu en un autre moment, pourront être invitées au repas donné à l’occasion de la mitsva durant les neuf jours. Selon le Rama, durant la partie des neuf jours qui va jusqu’au Chabbat ‘Hazon, on invitera tous ceux que l’on aurait invité en d’autres temps, mais durant la semaine où tombe le 9 av, on n’invitera, en plus de ceux qui sont partie prenante à la mitsva, qu’un minyan restreint. La directive à donner en pratique dépend de chaque situation et du degré de nécessité.

Les A’haronim écrivent encore qu’il ne faut pas programmer spécifiquement la clôture de traités talmudiques durant les neuf jours, dans le but de rendre par-là permise la consommation de viande et de vin. En effet, procéder ainsi revient à annuler intentionnellement le deuil pour la destruction du Temple. Ce n’est que si, dans le cours de son étude, il apparaît que l’on achèvera l’étude d’un traité talmudique durant les neuf jours, et que l’on ait l’habitude constante d’offrir un repas en une telle occasion, que l’on pourra organiser un semblable repas de clôture y compris durant les neuf jours (Michna Beroura 551, 73)[11].

Même ceux qui ont l’habitude, tout au long de l’année, de réciter le Birkat hamazon sur une coupe de vin, le réciteront sans coupe de vin pendant les neuf jours (Rama 551, 10, Kaf Ha’haïm 152).

Certains ont coutume de donner un repas le soir qui précède une circoncision. Mais ce n’est pas là ce qu’on appelle une sé’oudat mitsva ; il sera donc interdit d’y consommer de la viande et du vin.


[11]. En ce qui concerne le nombre d’invités, cf. Torat Hamo’adim 5, 49, qui résume les trois méthodes, et a tendance à l’indulgence. Le Michna Beroura 77 et le Kaf Ha’haïm 165 distinguent deux méthodes, s’agissant d’invitation et de restriction : selon le Levouch, on invite un minyan en plus de ceux qui sont parties prenantes à cette occasion joyeuse (les ba’alé ha-sim’ha) et de ceux dont le degré de proximité familiale invaliderait le témoignage en cas de procès. Tel est l’usage à suivre, selon le Levouch, durant toute la période des neuf jours. Face à cet avis, le Rama n’est rigoureux qu’à l’égard de la semaine durant laquelle tombe le 9 av : durant ladite semaine, le Rama est même plus rigoureux, puisque, en plus des ba’alé ha-sim’ha eux-mêmes, il ne permet qu’un minyan restreint, qui comprend également les proches.

Le Kaf Ha’haïm ibid. écrit encore, au nom du Ben Ich ‘Haï, que certains ont l’usage de ne pas manger de viande ni de boire du vin, même lors d’un repas donné à l’occasion d’une mitsva (sé’oudat mitsva) : on mange du poisson, on boit d’autres boissons, afin de ne pas entrer dans un cas douteux quant aux personnes qu’il est permis d’inviter. Mais à l’issue du Birkat hamazon récité à l’occasion d’une sé’oudat mitsva, on dit évidemment la bénédiction sur le vin. Certains ont coutume d’achever l’étude de traités talmudiques précisément pendant les neuf jours (c’est le cas des ‘Hassidim de Loubavitch) ; on invite alors au repas de clôture autant de monde que possible, et l’on estime qu’il y a un tiqoun (une réparation spirituelle) dans le fait d’accroître la joie et l’amour entre amis. Toutefois, cet avis n’a pas été adopté par les décisionnaires. Cf. Pisqé Techouvot 551, 38, Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 53 et Torat Hamo’adim 5, 52.

En pratique, la fin de la session d’été, dans les yéchivot, est le 9 av. L’étude du traité de ladite session s’achève donc, en principe, durant les neuf jours, ce qui ne suffit pas à annuler le deuil. Aussi sera-t-il permis d’organiser un repas honorable, comme il convient à la clôture d’un traité que l’on a étudié durant toute une session.

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