Zmanim

16. Construction et plantation durant les neuf jours

Puisque l’on restreint l’expression de la joie durant les neuf jours, il est interdit de faire, durant cette période, une construction concourant à la joie, par exemple d’agrandir sa maison ou sa terrasse, sans qu’il y ait à cela une nécessité vitale. De même, il est interdit, durant ces jours, de blanchir à la chaux ou de repeindre les murs de sa maison, car on considère cela comme des superfluités réjouissantes. On peut en effet vivre chez soi sans cela (Choul’han ‘Aroukh 551, 2). De même, il est interdit de faire, pendant cette période de neuf jours, des réparations destinées à l’agrément visuel ou à quelque superfluité : changer ses volets, armoires, rideaux, etc., ou d’installer des objets précieux et réjouissants, qui ne sont pas d’une indispensable nécessité[12].

Mais si l’on habite, sa famille et soi-même, dans un appartement à l’étroit, il sera permis de construire une pièce supplémentaire pendant les neuf jours. De même, il est permis de faire tout travail de construction destiné à empêcher un dommage. Par exemple, si l’on a un mur qui menace de tomber, quoique l’on n’ait pas besoin de la pièce où il se trouve, et que cela ne présente pas de danger, il sera permis de le démolir selon la méthode habituelle et de le reconstruire, car de cette façon on s’évite une danger.

De même, il est permis de construire, de blanchir à la chaux ou de repeindre pour les nécessités d’une mitsva : par exemple de construire une synagogue ou une école (Michna Beroura 551, 12, Kaf Ha’haïm 25). Selon le ‘Aroukh Hachoul’han (551, 7), toute chose qui est  faite pour les besoins du public est considérée comme répondant aux nécessités d’une mitsva, et est permise.

Il est également interdit, durant ces jours, de faire une plantation contribuant à la joie, c’est-à-dire de planter des végétaux destinés à l’agrément visuel, tels que des arbres ornementaux, des myrtes, des roses et autres fleurs (Choul’han ‘Aroukh 551, 2). Mais il est permis d’entretenir les jardins d’agrément, de les arroser, de tondre le gazon et de poursuivre l’entretien courant.

En revanche, toute plantation réellement utilitaire est permise ; par conséquent, il est permis de planter des arbres fruitiers durant les neuf jours. De même, il est permis à celui qui tire sa subsistance de la culture d’arbustes décoratifs et de fleurs de les planter dans sa serre afin de les vendre.


[12]. Des volets ou des armoires non indispensables sont considérés comme une installation contribuant à la joie, comme l’écrit le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 82 au sujet d’une armoire. Il semble juste d’interdire aussi le collage de papier peint destiné à l’agrément visuel, comme l’écrit le Betsel Ha’hakhamim 4, 54 (et contrairement à Igrot Moché ibid.). Il y a également lieu d’interdire l’installation de rideaux destinés à l’agrément visuel, comme l’écrit le Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 4. Mais quand le but essentiel des rideaux est d’assurer la discrétion de la vie domestique, il semble juste d’autoriser la pose de volets ou de rideaux. L’exemple classique de construction contribuant à la joie est donné par le traité Ta’anit 14b : la construction d’une maison qu’un père destine à son fils à l’occasion de son mariage. Mais de nos jours, cela n’a plus guère cours ; aussi ne l’avons-nous pas mentionné dans le corps de texte.

17. Règles de la construction durant les neuf jours

Il est permis à un entrepreneur et à des ouvriers juifs de continuer de construire des lieux d’habitation, durant les neuf jours, aux fins de les vendre, car ces constructions sont destinées à être habitées et non à des superfluités. De plus, c’est leur source de revenus ; et en terre d’Israël, c’est une mitsva que de construire des maisons. En revanche, il faut reporter le blanchiment à la chaux et la peinture à une date ultérieure aux neuf jours ; mais si le fait de retarder le blanchiment ou la peinture doit entraîner une grande perte financière, il devient permis de faire l’opération durant les neuf jours.

A priori, si l’on prévoit de construire ou d’installer chez soi des choses qui ne sont pas indispensables, il faut convenir avec l’entrepreneur de ne pas accomplir le travail durant les neuf jours. Mais si, par erreur, on n’a pas stipulé ainsi, on demandera à l’entrepreneur de cesser son travail pendant les neuf jours ; toutefois, si l’entrepreneur proteste de son droit de continuer l’ouvrage, il n’est pas nécessaire d’annuler le contrat qui vous lie à lui (Michna Beroura 551, 12, Kaf Ha’haïm 24).

Un ouvrier juif qui fait des travaux de peinture ou de blanchiment à la chaux doit interrompre son labeur pendant les neuf jours. Mais il lui est permis de travailler, même pendant les neuf jours, dans la maison d’un non-Juif. S’il s’est engagé à terminer tel ouvrage de peinture dans la maison d’un Juif, qu’il ait pensé avoir le temps de l’achever avant les neuf jours, et qu’il n’en ait pas eu le temps : il demandera au commanditaire de le dispenser de travailler pendant les neuf jours, et lui proposera même un petit dédommagement à cet effet. Mais si ce commanditaire juif ne transige pas, et que l’ouvrier craigne une grande perte financière dans le cas où il cesserait sa besogne – par exemple dans le cas où il devrait payer un dédommagement –, il pourra continuer son travail pendant les neuf jours[13].

On a coutume de recommander de ne point emménager dans un nouveau domicile, qu’il soit acheté ou loué, durant les neuf jours. Mais si le retard de l’emménagement doit entraîner une grande perte financière, il sera permis d’emménager.


[13]. C’est ce qu’écrivent le Kaf Ha’haïm 551, 28 et le Torat Hamo’adim 5, 19 ; cf. aussi 5, 20. Quant au fait de savoir s’il est permis de blanchir à la chaux ou de peindre des maisons à vendre, ou encore de construire des villas de standing destinées à la vente, la question mérite d’être approfondie. Il semble que l’on puisse être indulgent pour éviter une perte. En effet, seule la construction de choses dispensables (motarot) pour les besoins d’un Juif déterminé est interdite, car une telle construction engendre de la joie. Préparer des maisons afin de les vendre, en revanche, n’est qu’un travail destiné à procurer des revenus. C’est en ce sens que nous nous sommes prononcé dans le corps de texte.

18. Règles applicables à l’achat et à la vente pendant les neuf jours

Durant les neuf jours, on restreint les échanges commerciaux contribuant à la joie. En d’autres termes, on n’achète pas de choses dispensables, telles que des bijoux, des vêtements, de beaux ustensiles, des meubles neufs, une voiture familiale. Certes, c’est durant toute la période des trois semaines qu’il est interdit d’acheter une chose sur laquelle on aurait à prononcer la bénédiction Chéhé’héyanou ; toutefois, pendant les trois semaines, il reste permis d’acheter, jusqu’à Roch ‘hodech du mois d’av, des choses sur lesquelles on n’a pas à réciter cette bénédiction, telles qu’un vêtement qui nécessite encore une retouche, ou un meuble acquis par deux personnes ou plus (comme nous l’avons vu en § 7). En revanche, pendant les neuf jours, c’est interdit, car il faut alors s’abstenir d’actes d’achat et de vente portant sur des choses engendrant de la joie. Aussi est-il interdit de commander un vêtement neuf à un tailleur. La règle est la même s’agissant des autres choses réjouissantes : si elles donnent lieu à la bénédiction Chéhé’héyanou, on s’abstient de les acheter pendant toute la période des trois semaines ; et si elles ne donnent pas lieu à cette bénédiction, ce n’est que durant les neuf jours que l’on s’abstient d’en faire l’objet de nos transactions.

Certes, si l’occasion se présente d’acheter une chose réjouissante, à un prix spécial, et qu’il soit à craindre que, si l’on attendait que passe le 9 av, l’occasion ne soit perdue, on sera autorisé à l’acheter durant les neuf jours. Il sera bon, en ce cas, de ne l’introduire chez soi, ou de n’en commencer l’usage qu’après le 9 av.

Il est bon de se restreindre également quant aux actes d’achat et de vente ordinaires, portant sur des choses qui n’engendrent pas de joie particulière. Par exemple, si l’on a l’habitude, une fois par quelques semaines, de faire de grandes courses de produits alimentaires et d’autres produits nécessaires à la maison, il sera bon, a priori, de faire ces courses avant ou après les neuf jours (d’après Choul’han ‘Aroukh 551, 2 ; Michna Beroura 11, 13).

En revanche, pour les nécessités d’une mitsva, il est permis d’acheter même des choses concourant à la joie. Par conséquent, il est permis d’acheter, durant ces jours, des téphilines, puisqu’elles sont nécessaires à la pratique d’une mitsva. De même, il est permis d’acheter des livres de Torah, puisqu’ils servent à la pratique d’une mitsva et que nombreux sont ceux qui n’ont pas l’usage de réciter, à l’occasion de leur achat, la bénédiction Chéhé’héyanou. Mais si l’on tire une grande joie de leur achat, il faut réciter Chéhé’héyanou (cf. Pniné Halakha, Les bénédictions, chap. 17 § 9), de sorte qu’il est interdit, en ce cas, de les acheter. Si l’on n’a pas de chaussures de toile ou à semelle de caoutchouc pour le 9 av, on sera autorisé, a posteriori, à en acheter durant les neuf jours (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 80).

Il est permis à des commerçants qui vendent des articles superflus et réjouissants, tels que des bijoux ou des vêtements, de continuer à les vendre pendant les neuf jours, afin qu’ils ne pâtissent pas d’un grand manque à gagner en perdant leur clientèle. Ils s’efforceront de s’occuper principalement des préparatifs commerciaux qu’appellent les jours qui suivront les neuf jours. Si l’on peut fermer son magasin sans que cela n’entraîne de perte significative, on devra le fermer pendant les neuf jours[14].


[14]. Le Beit Yossef explique qu’il y a deux sortes d’interdit : d’une part, comme le rapporte Tossephot sur Méguila 5b, on ne commercialise pas de choses superflues et réjouissantes ; d’autre part, Tossephot sur Yevamot 43a rapporte l’opinion selon laquelle il faut restreindre tous types de transactions commerciales. Des termes du Choul’han ‘Aroukh, il ressort qu’il faut prendre en compte les deux opinions, lesquelles ne se contredisent pas l’une l’autre. Au chapitre 551, 2, l’auteur parle principalement des achats et ventes entraînant de la joie, tandis qu’à partir du chapitre 554, 22, il ressort de ses propos qu’il faut restreindre toutes sortes de transactions commerciales. Toutefois, le Michna Beroura 551, 11 écrit que l’on a coutume d’être indulgent en matière de transactions ordinaires, en raison des difficultés liées à la subsistance. Aussi avons-nous mentionné, comme objet essentiel de l’interdit, les choses réjouissantes, et avons-nous ajouté que, a priori, il faut restreindre les transactions commerciales de toute sorte. Cf. Torat Hamo’adim 5, 16, qui est entièrement indulgent quant aux transactions autres que réjouissantes, et qui considère même l’achat d’une armoire ou d’ustensiles comme une chose non spécialement réjouissante. Cependant, le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 82 écrit qu’une bibliothèque est une chose réjouissante, et qu’il faut s’abstenir de l’acheter durant les neuf jours.

De même, il semble qu’il faille s’abstenir de toute transaction portant sur une chose réjouissante, à moins qu’une perte soit à craindre : dans une telle éventualité, les sages le permettent, comme dans le cas où l’on construit un mur ayant pour effet de réjouir, en un lieu où un risque de dommage est présent (Michna Beroura 551, 13). Aussi écrivons-nous ci-dessus que les commerçants, même quand leur commerce porte sur des choses réjouissantes, sont autorisés à poursuivre leur travail, car, s’ils ne travaillaient pas, ils risqueraient de perdre de l’argent. C’est en ce sens que se prononcent plusieurs A’haronim ; cf. Cha’ar Hatsioun 13.

(En se livrant à leur activité, les commerçants ne contribuent pas à ce que d’autres commettent un interdit. Il se peut en effet que leurs clients achètent pour les besoins d’une mitsva et ne puissent pas repousser leur achat. S’agissant même de ceux qui achètent de façon interdite, et dans la mesure où ils pourraient acheter chez d’autres vendeurs, certains décisionnaires estiment que l’interdit de provoquer la faute d’autrui – « Tu ne placeras pas d’obstacle devant l’aveugle », Lv 19, 14 – n’est pas constitué, car cet interdit n’existe pas en matière de défenses rabbiniques.)

Lorsque l’achat de meubles et de vêtements en vue d’un mariage est indispensable, au point qu’y renoncer empêcherait le mariage de se tenir, un tel achat répond aux nécessités dudit mariage, si bien qu’il devient permis d’acheter ces choses durant les neuf jours, à condition que le fiancé n’ait encore jamais accompli la mitsva d’enfanter (Rama 551, 2, Michna Beroura 14). De nos jours, retarder les achats n’a pas pour effet de retarder le mariage, puisque l’on réserve une salle et que l’on envoie les invitations environ deux mois à l’avance ; on peut donc tout acheter avant ou après les neuf jours, si bien que la question des achats n’est en aucun cas susceptible de causer l’annulation du mariage. Ce n’est que dans des cas rares, lorsque la famille est en proie à une grande tension à la perspective de l’achat des vêtements, que l’on peut le lui permettre, tout comme on permet un achat dans le cas d’une grande nécessité. Concernant l’achat de livres d’étude toranique dont on se réjouit beaucoup, et dont nous avons écrit, en pratique, qu’il justifiait de dire la bénédiction Chéhé’héyanou (Pniné Halakha, Bénédictions, chap. 17 § 9), on peut les acheter pendant les trois semaines. On s’abstiendra simplement de les ranger dans sa bibliothèque ; puis, le Chabbat, on commencera d’y étudier, et l’on prononcera alors la bénédiction Chéhé’héyanou (cf. ci-dessus § 8) ; on les rangera dans sa bibliothèque à l’issue de Chabbat.

19. L’interdit du lessivage

Nos sages interdisent de lessiver le linge pendant la semaine où tombe le 9 av (Ta’anit 26b). C’est l’une des expressions du deuil que de cesser de se choyer et de se dorloter, en raison de la peine que l’on éprouve, et parce que l’on se sent concerné par la perte d’un défunt, ou par la destruction du Temple. Au titre de cet interdit figurent aussi le repassage des vêtements et leur nettoyage à sec.

Même s’il s’agit de laver des vêtements afin de les porter après le 9 av, cela reste interdit, car celui qui se livre à une activité de lessivage paraît détourner son esprit du deuil pour la destruction du Temple. Il est de même interdit de confier des vêtements à un blanchisseur non juif afin de les porter après le 9 av (Choul’han ‘Aroukh et Rama 551, 3, Michna Beroura 34).

De même qu’il est interdit de laver, il est interdit de porter, durant ces jours, un vêtement lessivé. De même, il est interdit de changer les draps d’un lit pour y mettre des draps lessivés, ou d’étendre une nappe lessivée sur une table. Dans le même sens, il est interdit de commencer l’usage de serviettes de toilette ou de serviettes de table lessivées.

Les Séfarades on coutume de respecter tous les interdits de lessivage exposés par la Michna, c’est-à-dire durant la semaine où tombe le 9 av uniquement. Les Ashkénazes, en revanche, sont plus rigoureux en la matière, et observent tous ces interdits depuis Roch ‘hodech du mois d’av. Toutefois, en l’honneur du Chabbat ‘Hazon, les Ashkénazes, eux aussi, ont l’usage de porter des vêtements de Chabbat lessivés (Gaon de Vilna, cf. Michna Beroura 551, 6).

Puisque l’interdit de porter des vêtements lessivés se poursuit quelques jours, on a coutume de préparer, pour la période de l’interdit, quelques vêtements déjà portés. On procède ainsi : on met, avant la période d’interdit, tour à tour plusieurs vêtements, chacun pendant une heure au moins ; de cette manière, ces vêtements ne seront plus considérés comme lessivés mais comme portés, et il sera donc permis de les mettre pendant la période d’interdit. Si l’on ne s’est pas préparé de vêtements avant la période d’interdit, on pourra prendre un vêtement lessivé, le jeter à terre, et même marcher dessus : il ne sera plus, dès lors, considéré comme lessivé, et l’on pourra donc le porter.

Il est permis de porter, durant ces jours, des sous-vêtements ou des chaussettes lessivés, et de remplacer les essuie-mains salis. En effet, puisque, de nos jours, on a l’habitude de les remplacer souvent, leur remplacement ne participe d’aucune volupté mais vise seulement à ôter ce qui est repoussant. Puisque l’on ne sait pas exactement quand ce linge usagé devient repoussant au point qu’il soit permis de le changer, il est bon, en cas de doute, de poser le linge lessivé sur le sol avant de l’enfiler. En cas de nécessité, lorsqu’il ne reste plus de sous-vêtements propres, il est permis d’en lessiver, même pour les besoins d’adultes ; en ce cas, quand c’est possible, il est bon de les ajouter à une machine où sont lavés des vêtements d’enfants[15].

Si sa chemise s’est salie, que la tache soit telle qu’il ne conviendrait pas de paraître ainsi devant les gens, et que l’on n’ait pas d’autre vêtement que l’on pourrait porter à la place, on pourra, pour l’honneur dû aux créatures, rincer la tache à l’eau. Si la tache n’est pas partie par l’effet de l’eau, on pourra s’aider de savon[16].

On ne porte pas de vêtements de Chabbat durant ces jours, même si ces vêtements ne sont pas lessivés. L’interdit s’applique, pour les Séfarades, à la semaine où tombe le 9 av, et, pour les Ashkénazes, à la période débutant le 2 av. De même, à l’issue de Chabbat ‘Hazon, il faut retirer ses vêtements de Chabbat.

Mais à l’approche d’une cérémonie de circoncision, le père, la mère, le mohel (circonciseur) et le sandaq (celui qui tient l’enfant sur ses genoux) se lavent et mettent des vêtements de Chabbat ; en cas de nécessité, on peut aussi se raser et se faire couper les cheveux pour une telle occasion. Ceux qui ont une proximité de premier degré à l’égard des parents du bébé (tels que leurs parents, frères et sœurs) sont autorisés à porter des vêtements sabbatiques, mais ne doivent pas se faire couper les cheveux. Les autres invités portent des vêtements honorables, mais non des vêtements spécifiquement sabbatiques (cf. Rama 551, 1, Cha’aré Techouva 3, Michna Beroura 3, Halikhot Chelomo 14, 9).


[15]. La coutume ashkénaze est de porter, pendant Chabbat ‘Hazon, des vêtements lessivés, conformément aux propos du Gaon de Vilna cités par le Michna Beroura 551, 6. En revanche, il n’y a pas lieu de changer les accessoires de literie [draps, taies d’oreiller, couettes…], car ce n’est pas une nécessité, comme l’écrit le Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 26. La parade consistant à jeter à terre des vêtements lessivés est citée par le Min’hat Yits’haq X 44 au nom du Kerem Chelomo. S’agissant des sous-vêtements et des chaussettes : dans les générations précédentes, l’usage était d’interdire d’en porter de lessivés, comme le laissent entendre le Michna Beroura 551, 6 et le Kaf Ha’haïm 91 au nom du Ben Ich ‘Haï. Mais de nos jours, nous sommes plus sensibles, et nous souffrons beaucoup de l’odeur que peuvent receler les sous-vêtements ou chaussettes ; aussi la position essentielle, parmi les décisionnaires, est-elle d’autoriser l’utilisation de sous-vêtements et de chaussettes lessivés. C’est l’opinion rapportée par le Pisqé Techouvot 551, 17. Cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 27, qui écrit qu’on les laisse à terre pendant un moment. Le Ben Ich ‘Haï, Devarim 6, autorise à lessiver des foulards, parce que l’on serait dégoûté de les porter autrement. La règle est la même s’agissant des sous-vêtements d’adultes : en cas de nécessité, il est permis de les lessiver pendant les neuf jours, de la même façon que les vêtements d’enfants, dont il sera question au paragraphe suivant.

Cirer des chaussures : pour la majorité des décisionnaires, ce n’est pas assimilé au lessivage, et il est donc permis de le faire durant la semaine où tombe le 9 av. C’est la position du Yabia’ Omer, Ora’h ‘Haïm III 31 et du Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 23. Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 80 ne le permet que si l’on s’abstient de les polir. Selon le Igrot Moché (III 79), le nettoyage à sec est interdit, au même titre que les autres lessivages. Signalons que, selon le Berit Kehouna, qui rapporte les coutumes de Djerba, et dans certaines communautés marocaines, on a coutume d’interdire le lessivage depuis Roch ‘hodech.

[16]. Il semble qu’un nettoyage circonscrit à une partie du vêtement, et fait à l’eau, ne s’inscrive pas dans le champ de l’interdit du lessivage ; c’est ce qu’estime le Guécher Ha’haïm 21, 10-11 au sujet des sept jours de deuil : selon lui, il est permis de laver, durant cette période, une tache avec de l’eau. C’est aussi l’opinion du Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 14. Si l’on ne peut sortir avec le vêtement sans qu’il soit nettoyé avec un peu de savon, on utilisera le savon, car on peut soutenir que le fait de gratter une tache tandis que l’on porte encore le vêtement sur soi ne peut être considéré comme un lessivage interdit ; de plus, l’honneur dû aux créatures est une grande chose, qui est même susceptible de repousser un interdit toranique.

20. Vêtements d’enfants ; hôpitaux

Les vêtements de bébés, que ceux-ci ont l’habitude de souiller, ne font pas partie de l’interdit. De même, il est permis de lessiver des draps et des couvertures d’enfants quand ceux-ci ont mouillé leur lit la nuit. Nombreux sont ceux qui ont coutume d’être indulgents, en cas de nécessité, en permettant de laver des vêtements de grands enfants, car eux aussi salissent leurs vêtements, et le fait de lessiver ne comporte, à leur égard, aucun élément de joie (Rama 551, 14). Jusqu’au Chabbat ‘Hazon, les Ashkénazes sont fondés à être indulgents, en cela, a priori (Michna Beroura 551, 82 d’après le ‘Hayé Adam). Après Chabbat ‘Hazon, en cas de grande nécessité, c’est-à-dire dans le cas où tous les vêtements se sont salis, au point qu’il serait laid d’en vêtir les enfants, on pourra être indulgent et permettre de les lessiver[17].

Quand on lave des vêtements d’enfants à la machine, il n’est pas permis d’y ajouter de vêtements de grandes personnes. S’agissant même des vêtements d’enfants, il est bon, quand c’est possible, de les faire sécher discrètement, à l’intérieur de la maison, afin de ne pas sembler s’abstenir de prendre le deuil.

Dans les hôpitaux, il est permis de changer les draps et de lessiver les vêtements des malades, comme on en a l’usage tout au long de l’année, car le propos est ici de conserver l’hygiène et d’empêcher des contaminations, et non d’augmenter le plaisir et le bien-être. Dans les auberges, les hôtels, il est permis de changer les draps en vue de l’arrivée des prochains pensionnaires, car les gens sont dégoûtés à l’idée de dormir dans les draps d’autrui (Tsits Eliézer XIII 61). A priori, il est bon, avant d’utiliser les draps et accessoires de literie nouveaux, que le pensionnaire les piétine quelque peu, afin qu’ils ne soient pas considérés comme lessivés ; de plus, il demandera au personnel de ne pas lui changer davantage ses draps et accessoires de literie, ce jusqu’à l’expiration du 9 av[18].


[17]. Selon le Rama 551, 14, il n’est pas d’usage de s’abstenir de lessiver les vêtements des petits, et la coutume veut que l’on soit indulgent jusqu’à l’âge de l’éducation, six ans. Et en cas de nécessité on étend le champ de l’indulgence. Le Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 16 écrit au nom du Rav Elyachiv que « l’on a coutume de considérer les enfants de huit ans comme des petits ». Il semble que, lorsqu’il s’agit d’enfants qui se salissent beaucoup, et quoiqu’ils soient plus grands, on les considère comme petits.[18]. Il est interdit à un Juif, durant la semaine où tombe le 9 av, de faire de la lessive pour des non-Juifs. Les Ashkénazes eux-mêmes ne sont rigoureux, en cela, que durant la semaine où tombe le 9 av (Michna Beroura 551, 43). L’interdit a pour cause la crainte de paraître faire de la lessive pour un Juif [marit ‘ayin : prise en considération de l’apparence]. Toutefois, s’il est manifeste que les vêtements sont ceux de non-Juifs, il sera permis de les lessiver. Un blanchisseur juif, qui n’aurait pas de quoi manger s’il n’exerçait pas son métier, pourra nettoyer les vêtements des non-Juifs durant ces jours (Michna Beroura 551, 42). Si l’on tire sa subsistance d’une blanchisserie, on est autorisé, même si l’on est ashkénaze, à être indulgent, et à faire fonctionner ladite blanchisserie jusqu’à Chabbat ‘Hazon. En effet, pour les Séfarades, il est encore permis de lessiver jusqu’alors, et, pour les Ashkénazes eux-mêmes, on a coutume d’être indulgent à l’égard de ceux qui n’ont qu’une tenue, ou en l’honneur du Chabbat. (Cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 20, qui permet de travailler dans une blanchisserie, même dans la semaine du 9 av, si l’on risque d’être congédié. Tout cela mérite approfondissement ; cf. aussi op. cit. 4, 28.)

21. Se laver

Bien que, si l’on s’en tient au décret des sages, l’interdit de se laver ne s’applique qu’au 9 av lui-même, les Richonim ont pris l’usage d’être rigoureux, et d’interdire également de se laver durant les jours qui précèdent le 9 av. En Espagne, nombreux ont pris l’usage de ne pas se laver à l’eau chaude durant la semaine où tombe le 9 av ; en Allemagne, la coutume était de ne pas se laver du tout, durant les neuf jours, même à l’eau froide ; ce n’est qu’à l’approche du Chabbat ‘Hazon que l’on se lavait un peu à l’eau froide (Choul’han ‘Aroukh 551, 16, Michna Beroura ad loc., Kaf Ha’haïm 186).

Mais de nos jours les habitudes de propreté et de toilette ont entièrement changé. Jadis on ne disposait pas de l’eau courante dans les maisons ; aussi le bain était considéré comme un événement particulier, participant du plaisir et du bien-être, de sorte que s’abstenir de se laver ne causait pratiquement aucune souffrance. De nos jours, en revanche, où tout le monde a l’habitude de se laver, le bain est devenu une activité routinière, et nombreux sont ceux qui ont l’habitude de se laver chaque jour au savon, si bien que, s’ils ne se lavaient pas un seul jour, ils en souffriraient ; certains même auraient du mal à s’endormir à cause de cela.

Par conséquent, quiconque souffre de ne point s’être lavé sera autorisé à se laver à l’eau tiède, afin que cette ablution ne soit pas source de jouissance, mais que tout son propos soit la propreté exclusivement. Il est même permis de se servir de savon afin d’ôter la mauvaise odeur. De même, il est permis de se faire un shampooing, si le fait de s’en abstenir devait causer de la souffrance. Telle est la règle, suivant la coutume ashkénaze, durant toute la période des neuf jours, et suivant la coutume séfarade durant la semaine même du 9 av ; avant le commencement de ladite semaine, il est permis aux Séfarades de se laver à l’eau chaude pour le plaisir.

Si l’odeur de sa transpiration est perceptible autour de soi, en raison du fait que l’on ne s’est pas lavé, et quoique l’on n’en souffre pas soi-même, il est préférable de se laver, pendant les neuf jours ainsi que durant la semaine même du 9 av, afin de faire disparaître cette mauvaise odeur ; car grand est l’honneur dû aux créatures. De nos jours, de nombreuses personnes sont sensibles aux mauvaises odeurs, et, si l’on ne se lavait pas, ce serait profaner l’honneur du Ciel.

À l’approche de Chabbat ‘Hazon, tout le monde se lave. Simplement, les Ashkénazes ont coutume de le faire à l’eau tiède. Ceux qui ont coutume de s’immerger au miqvé (bain rituel) peuvent le faire jusqu’à la veille du 9 av, conformément à leur habitude. On s’efforce, en ce cas, de s’immerger dans de l’eau tiède et non chaude[19].

Si l’on veut nager à la piscine : dans le cas où le but poursuivi est le divertissement, cette activité est interdite depuis Roch ‘hodech, puisqu’il faut diminuer les expressions de joie dès le 1er av. Dans le cas où l’on veut nager pour raison de santé – c’est le cas des personnes qui ont l’habitude de nager chaque jour une demi-heure en piscine – : suivant la coutume séfarade, c’est permis jusqu’au Chabbat ‘Hazon ; après Chabbat ‘Hazon, il convient d’être rigoureux ; suivant la coutume ashkénaze, c’est interdit durant toute la période des neuf jours ; mais si l’on a besoin de nager pour un motif médical, on y est autorisé jusqu’à la veille du 9 av (cf. ci-dessus, § 6).


[19]. Le Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 613, 1 explique, quant au jour de Kippour, que, si l’on a les mains sales, ou le corps sale, il est permis de se laver la partie sale, car nos sages n’ont interdit qu’une ablution de plaisir. Le Michna Beroura 613, 2 ajoute que l’on peut déduire des termes employés par le Choul’han ‘Aroukh que, si l’on a beaucoup transpiré, et que l’on veuille se laver pour faire disparaître la sueur, cela est permis, puisqu’il ne s’agit pas d’une ablution de plaisir. Toutefois, l’auteur ne permet cela qu’à une personne sensible (histénis). Or, si nos maîtres autorisent cela le jour de Kippour, qui est d’obligation toranique – et où l’interdiction de se laver est, selon plusieurs Richonim, de rang toranique –, à plus forte raison sera-ce permis durant les neuf jours, où l’interdit de se laver est plus léger, et se fonde sur un usage propre aux Richonim.

De nos jours, chacun, presque, est considéré comme sensible, quant aux mauvaises odeurs ; car non seulement nous possédons des robinets d’eau courante pour nous laver, mais encore des tuyaux d’écoulement pour évacuer les excréments et les urines. Jadis, en revanche, les excréments et les urines s’écoulaient dans des fossés de drainage creusés entre les maisons, ou enfouis à proximité des lieux d’habitation, de sorte que les mauvaises odeurs étaient plus présentes. Il est vraisemblable que toutes les règles relatives aux mauvaises odeurs doivent être comprises en fonction de ce qui est admis à chaque époque ; par conséquent, de nos jours, on est plus rigoureux qu’autrefois (cf. La Prière d’Israël 3, 10). Les habitudes de toilette ont aussi changé entièrement, et nous nous lavons, de nos jours, beaucoup plus qu’autrefois ; en cela, nous sommes sensibles, si bien qu’il nous est permis de nous laver au titre de la propreté.

Simplement, afin de ne pas en tirer jouissance, il faut se laver à l’eau tiède. Il n’y a pas lieu de pousser le scrupule jusqu’à se laver seulement à l’eau froide ; en effet, dans leur majorité, les gens se sont habitués à se dorloter en se lavant à l’eau chaude, de sorte que se laver à l’eau froide leur causerait une grande souffrance. Aussi y a-t-il lieu de se laver à l’eau tiède, d’une tiédeur telle qu’elle n’engendrerait ni souffrance ni jouissance.

Il convient encore de signaler ceci : il est vraisemblable que la différence entre les coutumes ashkénaze et séfarade provienne également des différences climatiques. Dans les pays du sud, chauds, la nécessité de se laver est plus grande que dans les pays froids du nord. De plus, parmi les peuples germaniques, il y avait une croyance répandue selon laquelle se laver était préjudiciable à la santé : on ne se lavait qu’une fois en plusieurs mois, et les Juifs eux-mêmes, qui vivaient parmi eux, étaient quelque peu influencés par eux. Aussi était-on plus rigoureux à cet égard durant les jours de bein hametsarim (entre le 17 tamouz et le 9 av). Mais de nos jours, en terre d’Israël, ne point se laver fait grandement souffrir ; dans ces conditions, on n’a pas l’usage d’être rigoureux. (Cf. Pisqé Techouvot 551, 48-49 et Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 56-61, qui explique longuement la rigueur de l’usage ashkénaze et passe plus rapidement sur le cas de la personne sensible. Cf. aussi Avélout Ha’hourban p. 155.)

22. Chabbat ‘Hazon

Chabbat ‘Hazon est le Chabbat qui précède le 9 av. C’est durant ce Chabbat que nous lisons la haftara ‘Hazon Yechayahou (« Vision d’Isaïe », Is 1, 1-27), où sont écrites des remontrances qui furent proférées avant la destruction du Temple. Selon la coutume séfarade, les usages de deuil, telles que l’interdit de lessiver et de se laver, commencent essentiellement à l’issue de ce Chabbat, car c’est alors que débute la semaine où tombe le 9 av. Par conséquent, d’après la coutume de la majorité des Séfarades, aucune trace de deuil n’est perceptible pendant Chabbat ‘Hazon. En revanche, selon la coutume ashkénaze, plusieurs usages de deuil sont observés dès Roch ‘hodech du mois d’av, de sorte que Chabbat ‘Hazon fait partie des jours de deuil. Aussi, nombre d’Ashkénazes ont l’usage de ne pas se laver à l’eau chaude à l’approche de Chabbat ‘Hazon, ni de porter des vêtements sabbatiques durant ce Chabbat. C’est en ce sens que se prononce le Rama (551, 1, 16).

Mais plusieurs décisionnaires ashkénazes, parmi les plus grands, ne s’accordent pas avec cet usage, car, soutiennent-ils, il ne faut pas montrer de signes de deuil pendant Chabbat. De nos jours, l’usage répandu, parmi les Ashkénazes, est de se laver à l’eau tiède, à l’approche de Chabbat ‘Hazon, en utilisant du savon et du shampooing ; de même, on porte des vêtements sabbatiques lessivés. Certains, toutefois, sont rigoureux : ils retirent de leur tenue l’un des vêtements sabbatiques, ou le remplacent par un vêtement plus ordinaire, afin d’exprimer de la souffrance quant à la destruction du Temple (Michna Beroura 551, 6)[20].

Lorsqu’un jeune homme fêtant sa bar-mitsva monte à la Torah pendant Chabbat ‘Hazon, on organise en son honneur un Qidouch, comme le veut l’usage pour tout autre Chabbat. Il n’y a pas lieu, en effet, de montrer des signes de deuil pendant Chabbat. De même, si un Chabbat ‘hatan[h] tombe à pareille date, on maintient le repas et le Qidouch conformément à l’usage. Dans le même sens, quand un petit garçon est né, ceux qui ont coutume d’organiser une fête de Chalom zakhar[i] peuvent le faire comme à l’habitude. [La règle applicable au 9 av tombant le Chabbat ou le dimanche sera expliquée plus loin, chap. 9 § 4.]


[20]. Les Ashkénazes ont l’usage de lire, le Chabbat ‘Hazon (même quand celui-ci ne tombe pas à la date du 9 av), de nombreux versets de la Haftara, ainsi qu’un verset de la paracha Devarim, sur la mélodie du livre des Lamentations (Eikha). Nombreux sont ceux qui, parmi les originaires d’Afrique du nord, ont l’usage de lire les trois haftarot annonciatrices d’adversité – qu’on lit pendant les trois semaines – suivant une mélodie proche de celle des Lamentations. Mais la majorité des Séfarades s’abstiennent de cela, afin de ne pas donner expression au deuil pendant Chabbat.

[h]. Chabbat précédant (chez les Ashkénazes) ou suivant (chez les Séfarades) un mariage, où il est de coutume de faire monter le fiancé à la Torah.

[i]. Repas organisé la nuit de Chabbat suivant la naissance d’un garçon ; on bénit les parents à cette occasion.

23. « Semaine du 9 av », lorsque le jeûne est repoussé au dimanche

La notion de chavoua’ ché-‘hal bo (semaine durant laquelle tombe le 9 av) concerne la coutume séfarade : selon celle-ci, on ne se coupe pas les cheveux et l’on ne fait pas de lessive pendant la semaine où tombe le 9 av, conformément aux propos de la Michna (Ta’anit 26b). Cependant, les Ashkénazes ont coutume de pousser plus loin la rigueur, et de s’abstenir de lessiver depuis Roch ‘hodech du mois d’av (cf. ci-dessus § 19) ; quant au fait de se couper les cheveux, les Ashkénazes, ainsi qu’une partie des Séfarades, ont coutume d’être rigoureux pendant toute la période des trois semaines (cf. ci-dessus § 10).

Quand le 9 av tombe le dimanche, il n’y a pas, cette année-là, de chavoua’ ché-‘hal bo, puisque, dès l’issue de Chabbat, commence le jeûne du 9 av. Puis, après que s’achèvent toutes les coutumes de deuil du 10 av, s’achèvent aussi toutes les coutumes de deuil propres aux trois semaines.

Il arrive que le 9 av tombe le Chabbat. Dans un tel cas, le jeûne est repoussé au dimanche. Or, puisque la date même du 9 av coïncide avec le Chabbat, certains estiment que toute la semaine qui précède doit être considérée comme chavoua’ ché-‘hal bo, semaine du 9 av (Séfer Mitsvot Gadol). Mais selon la majorité des décisionnaires, les lois de chavoua’ ché-‘hal bo ne s’appliquent pas une telle année, puisque, en pratique, le jeûne est repoussé au dimanche (Roch, Ran) ; et tel est l’usage de la majorité des Séfarades (cf. Choul’han ‘Aroukh 551, 4). En conséquence, on peut faire de la lessive durant toute la semaine qui précède le Chabbat ‘Hazon. Néanmoins, en matière de rasage, il convient que les Séfarades eux-mêmes soient rigoureux, et ne se rasent pas durant la semaine précédant le 9 av, afin que le signe du deuil soit reconnaissable sur leur visage quand ils entreront dans la journée de jeûne (comme nous l’avons vu en note 7) ; ceux qui sont indulgents, toutefois, ont sur qui s’appuyer.

01. Repas de séparation (sé’ouda mafséqet)

La veille du 9 av, au repas de séparation (sé’ouda mafséqet) qui précède le jeûne, on s’abstient de consommer plus d’un plat (comme l’indique la Michna, Ta’anit 26b), car à cet instant le deuil, pour la destruction du Temple, s’amplifie, et il ne convient pas que l’homme, par son comportement, traduise l’importance qu’il voue à sa propre personne, et se délecte en mangeant de deux plats différents. En revanche, en mangeant d’un seul mets, il n’y a pas de délectation particulière. De même, on ne mangera pas de viande, ni ne boira de vin (Ta’anit ibid.), car ces aliments sont importants et réjouissent. Certes, de nos jours, la coutume du peuple juif est de s’abstenir de viande et de vin dès le Roch ‘hodech (la néoménie) du mois d’av (comme nous l’avons vu au chap. 8 § 13). Simplement, jusqu’au repas de séparation, l’interdit de manger de la viande et de boire du vin est une coutume datant des Richonim (au Moyen Âge), tandis que, durant ledit repas, l’interdit est fixé par les sages du Talmud. Aussi, un malade, ou une accouchée, auxquels la viande pourrait donner de la force, sont autorisés à en manger pendant les « neuf jours[a] », mais cela leur est interdit au repas d’interruption[1].

Qu’est-ce que le repas de séparation ? C’est le repas que l’on prend après le midi solaire (‘hatsot hayom), le dernier repas avant le jeûne. Toutefois, celui qui prend son dernier repas avant le midi solaire est autorisé à y prendre deux mets. L’usage couramment adopté consiste à prendre, en milieu de journée, un repas normal, avec plusieurs mets, puis, à l’approche du jeûne, à faire le repas de séparation, qui ne comprendra qu’un seul mets. On ne rusera pas en prenant, à l’approche du jeûne, un repas comprenant plusieurs plats, suivi du Birkat hamazon (actions de grâce), d’une petite pause, puis, tout de suite après, d’un autre repas, afin que ce dernier soit considéré comme « repas d’interruption ».

Toutefois, a posteriori, si l’on n’a pas eu le temps de prendre un repas complet en milieu de journée, que l’on se soit mis en retard, et que l’on craigne que le jeûne ne soit pénible dans le cas où l’on s’abstiendrait de manger de plusieurs plats, on pourra prendre un repas complet, après quoi l’on ira à la synagogue pour y faire la prière de Min’ha, puis on reviendra chez soi pour prendre le repas de séparation. On aura soin, lors du premier repas, de ne pas manger des quantités telles que l’on n’aurait plus d’appétit pour le repas de séparation (Choul’han ‘Aroukh et Rama 552, 9, Michna Beroura 22).


[a]. Entendre : les neuf premiers jours, à l’exception du 9 lui-même.

[1]. Quand un malade est dispensé de jeûner le 9 av, il doit cependant manger des aliments simples. Aussi ne mangera-t-il pas, à la sé’ouda mafséqet, de viande, et il ne prendra pas non plus deux mets. Cf. ci-après, chap. 10 § 3, et Hilkhot ‘Hag Be’hag 6, 4. Ce n’est que s’il y a une prescription médicale explicite à son endroit, de manger de la viande et de boire du vin, que le malade pourra en consommer.

Il faut signaler que, si l’on s’en tient aux termes de la Guémara Ta’anit 30a, il est permis de consommer, à la sé’ouda mafséqet, une salaison de viande (bassar malia’h), ou du vin qui n’a pas encore fermenté (yayin miguito), car ces aliments n’ont pas la propriété de réjouir. Mais puisque l’on a coutume de s’en abstenir depuis Roch ‘hodech du mois d’av, il est évident que, à la sé’ouda mafséqet, il est également interdit d’en consommer.

02. Aliments interdits

Il est permis de manger, au repas d’interruption, des aliments crus, tels que des fruits et des légumes, sans limitation. Mais si on les a cuits, ils sont considérés comme des « mets », bien qu’ils soient aussi comestibles crus.

Le fromage, le petit lait, le beurre et l’ensemble des produits laitiers ayant subi une pasteurisation ne sont pas pour autant considérés comme cuits, car on ne les chauffe que pour des motifs de santé, et non pour améliorer leur goût (Choul’han ‘Aroukh 552, 4, Béer Heitev 5, Kaf Ha’haïm 13).

Si l’on a fait cuire ensemble des carottes avec des pommes de terre, il est interdit de manger des deux, car il faut les considérer comme deux mets différents. On mangera donc soit des carottes, soit des pommes de terre. De même, si l’on a cuit des pâtes avec du fromage, ou des lentilles avec des œufs, on est en présence de deux mets, joints l’un à l’autre, et qu’il est interdit de manger ensemble. Même si l’on a cuit ensemble deux mets de même sorte, mais que la texture de l’un soit tendre et l’autre épaisse, on considère que ce sont deux mets. De même, un œuf dur et un œuf à la coque sont considérés comme deux mets différents. Toutefois, un mets dans lequel on a généralement l’usage de mêler deux aliments, l’un principal et l’autre pour y ajouter du goût – par exemple du riz accompagné d’un peu d’oignon –, est considéré comme un seul mets (Choul’han ‘Aroukh 552, 3).

Quand, dans une communauté, on a l’usage de consommer un plat particulier aux endeuillés, par exemple des lentilles aux œufs, ce plat est considéré comme un seul et même mets, qu’il est permis de manger, bien qu’il contienne deux aliments différents (Choul’han ‘Aroukh 552, 5).

L’interdit s’applique aux aliments pochés ou grillés ; mais non à la pâtisserie, pain ou gâteaux, car ces aliments sont essentiellement destinés à procurer la satiété (Echel Avraham de Rabbi Avraham Botchatch). Certains s’abstiennent, toutefois, de consommer des gâteaux, afin de ne pas tirer grande jouissance du repas de séparation. La pizza est pleinement considérée comme un mets, en raison du fromage qui s’y trouve.

Il est juste de s’abstenir de chocolat, d’amuse-gueule et de bonbons, à la sé’ouda mafséqet, car leur propos est de flatter le goût et non de rassasier (cf. Rama 552, 1). Mais quand il n’y a rien d’autre pour se rassasier, il est permis d’en manger.

S’agissant de salaisons, tels que les cornichons au vinaigre, certains disent qu’il convient de n’en pas manger, afin de ne pas tirer de grande jouissance du repas d’interruption ; de plus, il faut peut-être considérer ces aliments comme cuits (Cheyaré Knesset Haguedola, Kaf Ha’haïm 552, 26). D’autres le permettent (‘Aroukh Hachoul’han 552, 7).

Il est permis de manger une salade de légumes crus, assaisonnée d’huile et d’épices. Certains auteurs suggèrent cependant de ne pas en manger, afin de ne pas tirer de grande jouissance du repas d’interruption (‘Hida, Kaf Ha’haïm 552, 11).

On a coutume de ne pas manger de poisson, à la sé’ouda mafséqet, car le poisson est considéré comme un mets important, comparable à la viande. Certains auteurs sont indulgents, et permettent de manger des poissons en salaison et des sardines non cuites (cf. Choul’han ‘Aroukh 552, 2, Kaf Ha’haïm 18).

Les boissons cuites ne sont pas des mets ; si l’on s’en tient à la stricte règle, il est donc permis de boire de la bière, des boissons alcoolisées, du café ou du thé au repas de séparation. Toutefois, de nombreux décisionnaires donnent pour instruction d’être rigoureux en cela, a priori, et de n’en point consommer, afin de ne pas tirer de grande jouissance de ce repas. Mais si l’on a l’habitude de prendre une boisson alcoolisée à chaque repas, et qu’il soit difficile de digérer sans cela, on sera autorisé à en boire. Le café et le thé sont moins importants que les boissons alcoolisées ; aussi, celui qui ressent le besoin d’en boire y est autorisé; mais celui qui peut facilement y renoncer fera bien de s’en abstenir. S’agissant des autres boissons sucrées, telles que le cola, il est permis d’en boire en cas de besoin, mais non pour le simple plaisir[2].


[2]. Cf. Rama 552, 1, Michna Beroura 4, Torat Hamo’adim 6, 5 et 6, 10, Hilkhot ‘Hag Be’hag 6, 6 et 6, 10.

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