La Prière juive au féminin

04. Valeur des bénédictions de la Torah

Après que le pays fut dévasté et le peuple juif exilé de sa terre, se posa la grande question : « Pourquoi le pays a-t-il été détruit ? » (Jr 9, 11). Tout le monde savait, bien sûr, que c’était en raison de nos fautes que nous avions été exilés de notre terre. La question était d’identifier la faute fondamentale en raison de laquelle avait commencé l’écroulement spirituel qui avait mené à la destruction. Le Talmud raconte que cette question fut posée aux sages, aux prophètes et aux anges de service, mais que ceux-ci ne surent que répondre ; jusqu’à ce que le Saint béni soit-Il en personne vînt expliquer : « L’Eternel dit : “Parce qu’ils ont abandonné ma Torah, que je leur avais enseignéeˮ » (Jr 9, 12). Comme l’expliquent les sages du Talmud, l’intention prêtée au verset est que les Juifs ne prononçaient pas de bénédiction sur la Torah avant de s’adonner à son étude (Nédarim 81a) : certes, ils étudiaient véritablement la Torah ; mais parce qu’ils ne se référaient pas à celle-ci comme à un enseignement divin révélé, cela leur était compté comme un abandon de la Torah divine. Car celui qui étudie la Torah comme quelqu’une des sciences humaines n’est en rien considéré comme s’adonnant à l’étude de la Torah. En revanche, dire les bénédictions de la Torah comme il convient signifie que notre approche de l’étude toranique émane de la foi (émouna) et du lien à Celui qui donne cette Torah.

Nos sages demandent encore dans la Guémara (Nédarim 81a) : pourquoi tous les fils d’érudits ne poursuivent-ils pas la voie de leurs pères et ne deviennent-ils pas érudits à leur tour ? Les parents se sont pourtant évertués à éduquer leurs enfants à marcher dans leur voie, à s’adonner toute leur vie à l’étude de la Torah ! Pourquoi donc n’ont-ils pas réussi à éduquer tous leurs enfants à cela ? De plus, à cette époque, c’était chose très habituelle qu’un fils poursuivît le métier de son père, les fils de menuisiers devenaient menuisiers, les fils de cultivateurs étaient à leur tour cultivateurs, et ainsi de tous. La question de la Guémara se pose donc avec d’autant plus d’acuité : pourquoi une proportion relativement élevée d’enfants d’érudits ne sont-ils pas érudits eux-mêmes ? Plusieurs explications sont données à cela dans le Talmud, la dernière d’entre elles étant celle de Ravina : « Parce qu’ils ne disent pas la bénédiction de la Torah préalablement à son étude ». Cela signifie que, bien souvent, les enfants d’érudits n’étudient la Torah que parce qu’ils ont vu leur père l’étudier ; comme tous les enfants qui aiment imiter leurs parents, eux aussi s’efforcent d’étudier la Torah. Or il est impossible d’acquérir la Torah autrement que par une étude faite pour la gloire du Ciel (léchem Chamayim), en établissant une relation personnelle avec Celui qui donne la Torah ; aussi, ces enfants qui n’étudient que par routine et par imitation de leurs pères ne voient-ils pas de bénédiction naître de leur étude.

05. Si ces bénédictions sont une obligation de la Torah ; règle de la bénédiction Ahavat ‘olam

Rabbi Yehouda a dit au nom de Rav : « D’où savons-nous que la bénédiction préalable à l’étude de la Torah trouve sa source dans la Torah ? En ce qu’il est dit (Dt 32, 3) : “Quand j’invoque le nom de l’Eternel, glorifiez notre Dieuˮ » (Berakhot 21a).

Ce passage talmudique s’explique de la façon suivante : toute la Torah consiste en noms du Saint béni soit-Il (Zohar II 87, 1 ; Tiqouné Zohar, Tiqoun 10) ; en effet, Lui-même reste totalement soustrait à notre connaissance, et c’est par le biais de la Torah que le Saint béni soit-Il se révèle au monde. La Torah est donc constituée de noms du Saint béni soit-Il, car c’est par elle qu’Il se révèle au monde[c]. C’est à ce propos qu’il est dit : « Lorsque j’invoque le nom de l’Eternel » – avant d’étudier la Torah – « glorifiez notre Dieu » – prononcez une bénédiction en l’honneur de Celui qui donne la Torah[d].

En pratique, les Richonim sont partagés sur le sens de ce midrach. Selon la majorité des Richonim, parmi lesquels Na’hmanide et le Rachba, ce passage doit être compris littéralement : la mitsva de dire les bénédictions de la Torah trouve sa source dans la Torah écrite[e]. Aussi, dans un cas d’incertitude – quand on ne sait plus si l’on a dit ou non les bénédictions de la Torah –, on doit être rigoureux et les réciter, conformément au principe sfeqa de-oraïtha lé’houmra (« en cas de doute sur une règle de rang toranique, on doit être rigoureux »). Tel est l’usage ashkénaze (Michna Beroura 47, 1 ; cf. La Prière d’Israël 10 § 3). Mais selon Maïmonide et le Choul’han ‘Aroukh (Ora’h ‘Haïm 209, 3), il s’agit d’une obligation rabbinique, et l’interprétation midrachique du verset cité n’est qu’un appui textuel apporté à la règle[f]. D’après cela, en cas de doute, il faut être indulgent et ne pas dire la bénédiction. Tel est l’usage séfarade (Kaf Ha’haïm 47, 2).

Toutefois, quand c’est une femme qui ne sait plus si elle a récité ou non les bénédictions de la Torah, tous les avis s’accordent à dire qu’elle ne devra pas les répéter. Si elle veut néanmoins sortir du doute, elle récitera la bénédiction Ahavat ‘olam (appelée Ahava rabba dans le rituel ashkénaze, c’est la bénédiction qui précède le Chéma Israël). Elle aura alors soin de réciter, à la suite de cette bénédiction, le Chéma lui-même, afin « d’étudier » quelque passage à la suite de ce qui lui tiendra lieu de bénédiction de la Torah[4].

Si, a posteriori, le fait d’avoir récité la bénédiction Ahavat ‘olam est de nature à rendre quitte des bénédictions de la Torah, c’est parce qu’Ahavat ‘olam inclut tout le contenu thématique des bénédictions de la Torah (Choul’han ‘Aroukh 47, 7). Certes, dans la formule finale d’Ahavat ‘olam on ne mentionne point la Torah, mais seulement l’élection d’Israël : « Béni sois-Tu… qui choisis Ton peuple Israël par amour » ; toutefois, la mention d’Israël est considérée comme équivalente à la mention de la Torah, car le thème de la Torah et celui d’Israël sont enchâssés l’un dans l’autre[g]. Dans le même ordre d’idées, nous avons vu que, parmi les bénédictions de la Torah, la plus importante était la dernière, « qui nous as choisis d’entre tous les peuples et nous as donné Ta Torah », ce qui illustre bien l’idée qu’Israël et la Torah sont indissociables.


[c]. C’est par son nom que l’on se manifeste. La notion de nom signifie ici le mode de manifestation, dans le monde, de ce qui est caché. De ce point de vue, les noms divins constituent un voile de Dieu, puisque Son essence est inconnaissable ; mais dans le même temps, ils sont une médiation entre Lui et l’homme, et manifestent Sa présence dans le monde.

[d]. Le verbe eqra (j’invoquerai, j’appellerai) a pour racine les lettres קרא, et peut également se comprendre : je lirai. Dans cette perspective midrachique, le verset se lit : « Quand je m’apprête à lire la Torah constituée de noms divins, je dois d’abord bénir notre Dieu pour le don de cette Torah. »

[e]. Sur les différentes catégories de normes, voir chap. 1, note c.

[f]. Asmakhta: appui, référence. Illustration scripturaire apportée à une règle rabbinique. L’asmakhta peut avoir un aspect mnémotechnique, mais plus profondément, elle a pour but de révéler le fondement toranique de la norme produite par les sages – tout autonome qu’elle est – fondement dernier, enfoui dans les mots du verset.

[4]. Selon le Birké Yossef 47, 8, de l’avis même de ceux qui estiment que les bénédictions de la Torah sont un commandement toranique, les femmes n’y sont obligées que d’un point de vue rabbinique. Aussi, de l’avis de tous, il n’y a pas lieu de les réciter en cas de doute. Toutefois, selon le Béour Halakha 47, 14 fondé sur une explication du Maguen Avraham, une femme peut acquitter un homme de son obligation, alors que, à l’égard de l’homme, cette obligation est de rang toranique, ce qui laisse bien entendre que l’obligation de la femme est, elle-même, de rang toranique. Cf. Halikhot Beitah 3, 3. Quoi qu’il en soit, par la récitation d’Ahavat ‘olam, la femme sortira du doute, de l’avis de tous. Plus haut, au chapitre 6, note 4, nous avons vu que la lecture du Chéma est, de façon certaine, considérée à l’égard des femmes comme une étude, bien que, à l’égard des hommes, cela ne soit pas certain.

[g]. Quant au contenu même de cette bénédiction, il fait largement référence à la Torah, comme dans ce passage : « Donne à notre cœur l’intelligence de comprendre, d’intégrer, d’entendre, d’apprendre et d’enseigner, de garder, d’accomplir et d’observer toutes les paroles de l’enseignement de Ta Torah, avec amour. Eclaire nos yeux par ta Torah, attache notre cœur à tes commandements, unifie nos cœurs dans l’amour et la crainte de Ton nom. »

06. Avant quel type d’étude on doit réciter les bénédictions de la Torah

Avant d’étudier quelque discipline toranique que ce soit, il faut prononcer les bénédictions de la Torah (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 47, 2). Ce qui veut dire que, même si l’on n’avait l’intention d’étudier, ce jour-là, que du midrach, ou seulement de la halakha, on devrait réciter les bénédictions de la Torah au début de ce jour. La raison en est que toute la Torah, qu’il s’agisse de Torah écrite ou orale, de parties juridiques ou philosophiques, tout a été transmis à Moïse sur le mont Sinaï (Talmud de Jérusalem, Péa, chapitre 2, halakha 4), et c’est à l’égard de l’ensemble de ces disciplines qu’il faut dire : « Bénis sois-tu… qui nous as choisis entre tous les peuples et nous as donné Ta Torah. »

Les décisionnaires sont partagés sur la nécessité de dire ces bénédictions avant de penser à des sujets de Torah. Par exemple, celle qui se réveille le matin et voudrait réfléchir quelque peu à des sujets toraniques, ne serait pas tenue, selon la majorité des décisionnaires, de dire avant cela les bénédictions de la Torah ; certains sont toutefois d’un avis opposé. Pour sortir du doute, si l’on se lève et que l’on veuille réfléchir à des sujets de Torah, on dira tout d’abord les bénédictions de la Torah et l’on prononcera quelques versets, après quoi l’on mènera sa réflexion toranique. Mais si l’on se réveille en pleine nuit avec l’intention de se rendormir, et que l’on veuille entre-temps penser à des sujets toraniques jusqu’à l’endormissement, il n’est pas besoin de dire au préalable les bénédictions de la Torah. Quant à celles qui écoutent de la musique ‘hassidique (où sont chantés des versets etc.) quand elles se réveillent le matin, ou durant la nuit, elles n’ont pas besoin de dire auparavant les bénédictions de la Torah (cf. La Prière d’Israël chap. 10 § 4, note 4).

On peut réciter les bénédictions de la Torah et les bénédictions du matin (Birkot hacha’har) aussi bien debout qu’assis, couché ou en marchant. Certains exigent que l’on dise les bénédictions de la Torah en se tenant debout ou en marchant, mais non assis ou couché (cf. op. cit. chap. 10, note 5).

07. Les bénédictions de la Torah sont dites en vue de l’ensemble de la journée

Les bénédictions de la Torah que l’on récite le matin couvrent l’ensemble de la journée. Bien que l’on aille, après cela, manger et travailler, on ne devra pas redire ces bénédictions quand on voudra, par la suite, étudier la Torah.

Les décisionnaires sont partagés, au sujet des hommes, sur la question de savoir si, après un sommeil dit « régulier » (cheinat qéva’, d’au moins une demi-heure), il leur faut répéter les bénédictions de la Torah (cf. La Prière d’Israël, chap. 10 § 6) ; quant aux femmes, cependant, il est convenu de dire qu’en pratique elles ne répètent pas ces bénédictions, même après un sommeil « régulier », et ne les prononcent qu’une fois par jour. Aussi, une femme qui se réveille après le milieu de la nuit (‘hatsot), et qui a l’intention de rester éveillée quelques heures avant de retourner dormir quelques heures supplémentaires, devra réciter les bénédictions de la Torah et les bénédictions matinales après son réveil principal (comme nous l’avons vu au chapitre 6 § 6)[5].

Les décisionnaires sont partagés sur la question de savoir si un homme qui a veillé durant une pleine journée, nuit comprise, doit réciter les bénédictions de la Torah une fois le matin levé (cf. La Prière d’Israël 10 § 7). Si c’est une femme qui est ainsi restée éveillée toute une journée, nuit comprise, elle ne dira pas, le matin venu, les bénédictions de la Torah ; elle récitera plutôt la bénédiction Ahavat ‘olam suivie du premier paragraphe du Chéma Israël, et par cela, s’acquittera des bénédictions de la Torah (cf. ci-dessus, chap. 6, note 4). En revanche, si elle a dormi d’un sommeil « régulier » avant que ne tombe la nuit où elle a veillé, elle récitera les bénédictions de la Torah une fois le matin venu (Michna Beroura 47, 28 ; cf. La Prière d’Israël chap. 10, note 9).


[5]. Le Tsla’h, dans son commentaire sur Berakhot 11b, donne un enseignement original : une femme, dit-il, qui, après avoir étudié quelque passage, se serait interrompue par des paroles sans rapport avec son étude, devrait répéter les bénédictions de la Torah avant de reprendre son étude. La raison en est que, si les hommes n’ont pas besoin de répéter ces bénédictions, c’est parce que l’obligation de l’étude, à leur égard, se prolonge tout au long du jour et de la nuit ; tandis qu’une femme, sur laquelle ne pèse pas une telle obligation, doit redire ces bénédictions chaque fois qu’elle reprend son étude. Cependant, les propos du Tsla’h n’ont pas été retenus en pratique. Ainsi, le Rav Kook écrit-il que, puisque l’obligation féminine, en matière de bénédictions de la Torah, est accessoire par rapport à celle des hommes, il n’est pas vraisemblable qu’une obligation accessoire soit plus exigeante que l’obligation principale (Tov Roï sur Berakhot 75). De plus, en tout cas de doute, écrit le Birké Yossef cité par le Kaf Ha’haïm 47, 34, les femmes ne doivent pas réciter ces bénédictions. Certes, en note 4, nous rapportons que certains décisionnaires ne s’accordent pas avec le Birké Yossef – lequel pense que, de l’avis de tous, l’obligation des femmes en matière de bénédiction de la Torah est de rang rabbinique. Toutefois, en pratique, il semble que ces décisionnaires s’accordent avec le Birké Yossef sur un point : en cas de doute, elles ne répètent pas la bénédiction (c’est en ce sens que se prononcent le Halikhot Beitah 3, 3-5 et le Halikhot Chelomo 6, 4).

On peut encore dire, à la lumière de ce que nous avons précédemment vu aux paragraphes 1 à 3, que la raison principale pour laquelle les femmes récitent les bénédictions de la Torah est leur relation avec les principes directeurs de la Torah et son accomplissement pratique. Or, afin d’entretenir cette relation, elles aussi ont besoin d’étudier les lois de la Torah, ainsi que les fondements de la foi et de la morale. Si bien que les bénédictions de la Torah ne se rapportent pas à une étude particulière, mais constituent des bénédictions générales sur l’essence même de la Torah ; et comme toutes les bénédictions matinales, il n’est besoin de les réciter qu’une fois par jour.

01. Horaire de l’office de Cha’harit

Comme nous l’avons vu (chap. 2 § 2-5), selon la majorité des décisionnaires, les femmes ont l’obligation de réciter, chaque jour, la ‘Amida de Cha’harit et celle de Min’ha ; et c’est ce qu’il convient de faire a priori. Aussi nous faut-il savoir quels sont les horaires de la prière de Cha’harit et ceux de la prière de Min’ha. Même pour celles qui, nombreuses, ont l’usage de ne dire chaque jour qu’une seule ‘Amida – ou à Cha’harit, ou à Min’ha –, il faut en connaître les horaires, afin de faire coïncider sa prière, soit avec l’horaire de Cha’harit, soit avec celui de Min’ha.

Les horaires des offices ont été fixés par les membres de la Grande Assemblée, en référence aux horaires des sacrifices journaliers : le temps de Cha’harit correspond à celui de l’oblation du sacrifice journalier du matin, celui de Min’ha correspond à l’oblation du sacrifice journalier offert à l’approche du soir. L’horaire de Min’ha sera expliqué par la suite (chap. 18 § 1) ; pour le moment, nous étudierons la question de l’horaire de Cha’harit.

Le sacrifice journalier du matin devait être offert à partir de l’aube (‘amoud hacha’har). D’après cela, l’horaire de la prière[a] de Cha’harit devrait être fixé, a priori, dès l’aube. Cependant, nos sages ont décrété qu’il convenait de ne réciter la ‘Amida qu’à partir du premier rayon de soleil (hanets ha’hama), comme il est dit (Psaume 72, 5) : « Ils te craindront avec le soleil »[b] (Berakhot 9b). Cependant, si l’on a prié dès l’aube, on est quitte a posteriori, car la prière aura été dite à un moment qui convenait au sacrifice journalier du matin (Choul’han ‘Aroukh 89, 1 ; cf. La Prière d’Israël chap. 11, note 4). ‘Amoud hacha’har, l’aube, est le moment où se perçoit la première lueur ténue, à l’orient, tandis que hanets ha’hama est le moment où apparaît le soleil. Le temps le plus approprié pour la ‘Amida du matin est ce que l’on appelle l’horaire de Vatiqin, littéralement « les anciens », qui récitaient la ‘Amida au premier rayon du soleil, afin d’accomplir le verset « Ils Te craindront avec le soleil[1]. »

Le temps prescrit pour réciter la ‘Amida se prolonge jusqu’à la fin de la quatrième heure ; en effet, c’est jusqu’à ce moment que se prolongeait le temps du sacrifice journalier du matin (ce qui représente le tiers de la journée). A posteriori, une femme qui n’a pas eu le temps de prier avant la fin de la quatrième heure peut réciter la ‘Amida de Cha’harit jusqu’au midi solaire (‘hatsot hayom) ; et bien que cela ne lui soit pas compté comme une prière dite en son temps, cela lui est compté comme une prière valablement dite (Choul’han ‘Aroukh 89, 1). Mais si l’on veut réciter les bénédictions du Chéma, on ne le fera qu’avant la fin de la quatrième heure, et non après, même a posteriori.

Si une femme a l’usage de ne réciter, chaque jour, qu’une seule ‘Amida, à Cha’harit ou à Min’ha, et que la fin de la quatrième heure soit passée sans que l’on ait récité Cha’harit, il sera préférable, ce jour-là, de prier à Min’ha. Mais si l’on craint d’oublier de prier à Min’ha, on priera à Cha’harit, avant le midi solaire[2].


[a]. Dans ce contexte, le mot prière (תפילה) désigne la prière par excellence, la ‘Amida.

[b]. D’après le sens premier du verset, le psalmiste s’adresse à Dieu en disant : « Le peuple Te craindra aussi longtemps qu’existera le soleil. » Dans la lecture midrachique : « Le peuple T’exprimera sa révérence par la prière au moment où brillera le soleil ».

[1]. On trouve des divergences d’opinion quant à la définition du temps de l’aube, ‘amoud hacha’har. Ces divergences sont exposées dans La Prière d’Israël, chap. 11 § 2, note 1. Pour résumer le propos, on peut dire que l’horaire de ‘amoud hacha’har n’est jamais fixé moins de soixante-douze minutes avant celui de hanets ha’hama. En d’autres termes, dès que l’on se trouve soixante-douze minutes avant le lever du soleil, il est déjà certain que l’aube s’est levée.

À ce propos, il est bon de savoir que l’horaire de toutes les mitsvot prescrites le jour, telles que la sonnerie du chofar ou la circoncision, débute au lever du soleil ; en effet, la journée se définit en fonction du soleil. Cependant, a posteriori, si ces mitsvot ont été accomplies dès l’aube, on est quitte de son obligation car, dans une certaine mesure, le jour commence dès que la lumière matinale apparaît (Méguila 20a).

[2]. Les Tanaïm divergent quant à la fixation de l’heure-limite du sacrifice journalier du matin, et, par conséquent, ils divergent quant à l’heure-limite de la prière du matin. Pour Rabbi Yehouda, le sacrifice pouvait être offert jusqu’à la fin de la quatrième heure, et pour la collectivité des sages (les ‘Hakhamim), jusqu’au midi solaire. La halakha suit l’opinion de Rabbi Yehouda car, au traité ‘Edouyot, traité dont tous les paragraphes (les michnayot) font autorité en matière de halakha, c’est l’opinion de Rabbi Yehouda qui est citée. Aussi bien, l’heure limite de la ‘Amida de Cha’harit est-elle la fin de la quatrième heure (Berakhot 27a). Malgré cela, selon la majorité des décisionnaires, les propos des ‘Hakhamim n’ont pas été repoussés entièrement, et l’on peut, a posteriori, réciter la ‘Amida de Cha’harit jusqu’au milieu du jour. Certes, en ce cas, on ne reçoit pas la récompense que fait mériter la prière dite en son temps ; mais la récompense du fait même de prier, elle, est assurée (Choul’han ‘Aroukh, Ora’h ‘Haïm 89, 1).

Toutefois, rapporte le Halikhot Chelomo 8, 42, puisque, selon certains avis, Rabbi Yehouda pense que l’on ne saurait prier après la quatrième heure, même a posteriori (cf. La Prière d’Israël chap. 11, note 16), et puisque, de toutes manières, les femmes sont autorisées à s’acquitter de l’obligation de prier par les seules bénédictions matinales [et bénédictions de la Torah], il est préférable qu’elles n’entrent pas dans un cas sujet à controverse, et qu’elles ne récitent donc pas la ‘Amida après l’expiration de la quatrième heure. Le Halikhot Chelomo reconnaît cependant lui-même que la coutume veut qu’elles prient jusqu’à midi, et telle est bien l’opinion du Choul’han ‘Aroukh. Il semble même qu’elles soient autorisées à réciter les Pessouqé dezimra, y compris leurs bénédictions, Baroukh chéamar et Yichtaba’h, avant la ‘Amida [alors que la quatrième heure est déjà passée]. Le Ma’hazé Elyahou 19, 14 préfère, quant à lui, ne pas presser les femmes de prier avant l’expiration de la quatrième heure, en raison de leurs intenses obligations familiales et domestiques. Il faut, pense-t-il, considérer les femmes comme sujettes à une contrainte permanente, telle qu’elles ne peuvent prier selon les horaires. Le Halikhot Beitah 6, 20 rapporte son opinion, ainsi que le Halikhot Bat Israël 2, 11. En pratique, nous indiquons ci-dessus la voie qui nous semble devoir être suivie [prier avant quatre heures a priori, jusqu’à midi a posteriori].

En ce qui concerne les bénédictions du Chéma, les décisionnaires sont partagés : peut-on les réciter, a posteriori, jusqu’au milieu du jour (‘hatsot) ? Certes, s’agissant des hommes, le Michna Beroura pense que si, en raison de quelque contrainte, on ne les a pas récitées [avant la fin de la quatrième heure], on peut les dire jusqu’à ‘hatsot (cf. La Prière d’Israël, chap. 11, note 17). Mais pour ce qui concerne les femmes, lesquelles n’ont pas l’obligation de les réciter, et devant l’impossibilité de les dire en tant que prière volontaire (nédava), il semble évident qu’il est préférable de ne pas entrer dans un cas douteux ; aussi, on ne les récitera pas après l’expiration de la quatrième heure.

02. Les heures relatives et le calcul des horaires matinaux

Les heures dont parlent les maîtres du Talmud sont des heures relatives (cha’ot zmaniot). C’est-à-dire que l’on divise la journée en douze parties égales, chaque partie constituant une heure relative. Pendant l’été, où les journées sont longues, les heures le sont aussi, tandis qu’en hiver, quand les journées sont courtes, les heures sont courtes aussi.

La question est de savoir à partir de quand on considère que la journée commence. Selon la méthode du Maguen Avraham, les heures du jour sont celles où la lumière est perceptible : le calcul se fait depuis l’aube jusqu’à l’obscurité totale. Selon le Gaon de Vilna, en revanche, le calcul se fait selon les heures où le soleil est visible, c’est-à-dire du lever du soleil à son coucher (cheqiat ha’hama). C’est là le sens du double horaire que l’on trouve dans les calendriers : le premier horaire correspond à l’opinion du Maguen Avraham, qui fait commencer la journée à l’aube, tandis que le second horaire, plus tardif, est conforme à l’opinion du Gaon de Vilna, qui fait débuter la journée au lever du soleil (cf. La Prière d’Israël 11, notes 13-14).

En pratique, les décisionnaires suivent, dans leur majorité, l’opinion du Gaon de Vilna ; de plus, dans la mesure où la question des horaires de prière est de rang rabbinique, la halakha est conforme à l’opinion indulgente ; aussi calcule-t-on l’heure-limite de la ‘Amida de Cha’harit selon la méthode du Gaon de Vilna[3].


[3]. De même, on suit l’opinion du Gaon de Vilna en matière d’heure-limite de consommation du ‘hamets (pâte levée) à la veille de Pessa’h. En effet, ce sont les rabbins qui ont décidé d’interdire la consommation du ‘hamets après la quatrième heure ; or quand il s’agit de trancher en matière rabbinique, la halakha est conforme à l’opinion indulgente. En revanche, en matière de mitsvot assorties d’un horaire par la Torah elle-même – telle que la mitsva de lire le Chéma, à laquelle les hommes sont tenus, cas dans lequel l’heure limite de lecture est la fin de la troisième heure du jour –, la juste attitude est d’être rigoureux. Les hommes réciteront donc le Chéma avant la fin de la troisième heure du jour telle que définie par le Maguen Avraham, suivant en cela le principe : en cas de doute portant sur une règle toranique, on est rigoureux (safeq de-Oraïtha lé’houmra).

03. Ordre de priorité lors de la prière du matin

Une femme occupée à élever ses enfants peut s’acquitter de son obligation de prier par le biais des bénédictions matinales (Birkot hacha’har) et des bénédictions de la Torah (Birkot ha-Torah) ; à la limite, on peut soutenir qu’une femme qui n’a pas de telles occupations peut, elle aussi, s’acquitter de cette façon (cf. chap. 2 § 4-6). Toutefois, si l’on veut accomplir la mitsva de la prière conformément à la position essentielle de la halakha, on récitera les bénédictions matinales et celles de la Torah, les deux premières phrases du Chéma, puis la ‘Amida (cf. chap. 2 § 5).

Si elle souhaite être plus stricte, la femme mentionnera la sortie d’Egypte, afin d’être quitte y compris d’après ceux des décisionnaires qui pensent que les femmes sont tenues de mentionner la sortie d’Egypte chaque jour. Si l’on veut mentionner la sortie d’Egypte de la façon la plus parfaite, on récitera la bénédiction qui suit le Chéma, Emet véyatsiv, et l’on juxtaposera la formule finale de cette bénédiction (Gaal Israël = « Béni sois-Tu… qui délivras Israël ») au début de la ‘Amida (cf. chap. 16 § 3).

Si l’on a davantage de temps et que l’on veuille ajouter un supplément de perfection à sa prière, on dira la partie essentielle des Pessouqé dezimra : Baroukh chéamar, puis Achré/Ps 145 suivi des psaumes 146 à 150 (derniers Alléluias), soit six psaumes, ponctués par Yichtaba’h, bénédiction finale des Pessouqé dezimra (cf. chap. 15 § 4). Si l’on veut ajouter à cela, on dira l’ensemble du Chéma et de ses bénédictions ; si l’on veut faire encore davantage, on récitera, avant les Pessouqé dezimra, le paragraphe du sacrifice quotidien et les versets de l’encens (cf. chap. 15 § 1-2) ; et si l’on veut encore y ajouter, on complètera la série des Pessouqé dezimra.

Toutefois, insistons sur le fait que, selon la halakha, la mitsva de prier, à l’égard des femmes, s’accomplit parfaitement dès lors que l’on récite les bénédictions matinales, celles de la Torah, les deux premières phrases du Chéma et la ‘Amida. Au-delà de cela, il n’y a nulle obligation. Il faut aussi prendre garde que, en voulant être minutieuse et en ajoutant d’autres paragraphes et bénédictions, on n’en vienne à ce que la concentration de l’esprit (kavana) durant la partie principale de la prière soit amoindrie. Aussi, dès lors que l’on craint un fléchissement de la kavana dans le cas où l’on étendrait sa prière, il est préférable de s’en tenir à la prière obligatoire, sans rien y ajouter.

Il est vrai que, dans le cadre des institutions éducatives, il y a lieu d’apprendre aux jeunes filles à réciter l’ensemble de l’office : bénédictions matinales et de la Torah, paragraphe du sacrifice journalier, Pessouqé dezimra, Chéma et ses bénédictions, puis ‘Amida. En effet, puisque les jeunes filles sont alors disponibles et intégrées à un cadre scolaire, il est bon que leur prière elle-même soit encadrée de la manière la plus parfaite ; de cette façon, les filles apprennent à connaître toute la prière. Toutefois, après que les filles ont appris et se sont habituées à l’ordonnancement de la prière, il faut prêter attention au fait que l’essentiel réside dans la kavana et dans la demande de miséricorde. Et s’il apparaît aux éducatrices que la longueur de l’office amoindrit la concentration, il convient de permettre aux filles qui le veulent de raccourcir leur prière, et de ne dire que ce à quoi elles sont obligées, sans y rien ajouter[4].


[4]. Maximes des Pères2, 13 : « Ne fais pas de ta prière une chose routinière, mais une quête de miséricorde, une supplication. » La michna Berakhot 4, 4 va dans le même sens. En particulier, il faut avoir ce soin dans la prière féminine, comme nous l’avons vu au chap. 3 § 8-9. Pour les hommes, on peut déplorer que le cadre de la prière institutionnalisée ait pris plus d’importance que la kavana, et que la routine ait pris le pas sur la supplication ; mais cet usage s’est établi afin d’asseoir et d’ancrer la sainteté au sein de la communauté. En revanche, il n’y a pas lieu de recommander cette conduite en matière de prière féminine. Par conséquent, si l’ajout apporté à la partie obligatoire de la prière devait avoir pour effet de diminuer la kavana, cela relèverait du proverbe « ajouter, c’est retrancher ». Ce que nous disons ici de l’ordre de priorité à observer en matière d’ajouts à la prière obligatoire ne concerne donc que les femmes dont la kavana ne serait pas atteinte par l’extension de la prière.

L’ordre de priorité a été fixé d’après deux principes. Le premier est le degré d’obligation des femmes, le second l’importance du texte considéré : un texte dont la récitation a pour fondement une norme toranique a priorité sur un texte dont la récitation a pour fondement une norme rabbinique. Par conséquent le plus important est de réciter les bénédictions matinales et la ‘Amida, lesquelles constituent une obligation pour les femmes, auxquelles s’agrègent les bénédictions de la Torah. Certes, il n’est pas sûr que les bénédictions de la Torah constituent une pleine obligation pour les femmes, mais celles-ci ont clairement l’usage de les dire chaque jour, comme l’explique le Choul’han ‘Aroukh 47, 14. De plus, de l’avis de la majorité des décisionnaires, le fondement de ces bénédictions est toranique. Par ailleurs elles sont courtes, leur récitation n’est donc pas une charge ; pour ces raisons, il faut leur donner priorité, aux côtés des bénédictions matinales.

En ce qui concerne les deux premières phrases du Chéma, si elles ne sont pas obligatoires, le Choul’han ‘Aroukh 70, 1 décide qu’il convient de les réciter (cf. ci-après chap. 16 § 1). Là encore, leur fondement est toranique, leur importance est bien connue, et il n’est pas long de les dire ; aussi faut-il leur donner priorité.

Vient ensuite, dans l’ordre d’importance, la mention de la sortie d’Egypte. En effet, selon le Maguen Avraham, cette mention est obligatoire pour les femmes ; et bien que la majorité des décisionnaires ne s’accordent pas avec le Maguen Avraham sur ce point, c’est une grande mitsva que de mentionner la sortie d’Egypte, mitsva toranique. Par un seul verset, le dernier du troisième paragraphe du Chéma, on s’en acquitte. Si l’on veut apporter à cette mitsva un supplément de perfection, on rappellera la sortie d’Egypte par la bénédiction Emet véyatsiv [bénédiction qui suit le Chéma et précède la ‘Amida]. Ce faisant, on aura aussi le mérite de juxtaposer la mention de la Délivrance [présente dans la formule finale de cette bénédiction, Gaal Israël] à la ‘Amida, comme nous le verrons au chap. 16 § 13.

Suivent en ordre d’importance les Pessouqé dezimra, car certains pensent que les femmes y sont tenues. Certes, selon la majorité des décisionnaires, les femmes en sont clairement dispensées ; de plus, l’usage de les réciter est de rang rabbinique, cas dans lequel la halakha est conforme à l’opinion indulgente (cf. chap. 15 § 4). Toutefois, tout le monde s’accorde à dire que leur récitation constitue une préparation à la prière, si bien que cette place leur revient dans l’ordre des préséances. C’est leur partie principale que l’on récite : les bénédictions (Baroukh chéamar et Yichtaba’h) encadrant les six Alléluias (Ps 145 à 150).

Vient ensuite le reste du Chéma Israël et de ses bénédictions. Il est vrai que, selon certains avis, les femmes doivent réciter le paragraphe du sacrifice journalier ; toutefois, en pratique, il est certain qu’elles n’y sont pas obligées, comme nous le verrons au chap. 15 § 2 ; dans un tel cas – celui d’un doute portant sur une obligation rabbinique –, on est indulgent. Aussi, dans le cas où l’on dispose de plus de temps, on fera mieux de réciter le Chéma et ses bénédictions : bien que les femmes en soient clairement dispensées, leur récitation est une grande chose, tant du point de vue du Chéma lui-même que du fait que les passages qui l’encadrent constituent des bénédictions, ce qui justifie de leur donner cette place dans l’ordre de priorités. Puis vient le paragraphe du sacrifice journalier puisque, nous venons de le voir, selon certains décisionnaires il convient que les femmes le récitent. Suivent en ordre d’importance les versets de l’encens, qui s’adjoignent au paragraphe du sacrifice journalier, comme nous le verrons au chap. 15 § 1-2, note 1.

Viennent ensuite les autres paragraphes et versets des Pessouqé dezimra, qui n’en constituent pas la partie principale (cf. chap. 15 § 5 et La Prière d’Israël 14 § 2, note 3). Certaines femmes veulent apporter encore un supplément de perfection à leur prière, et disent l’intégralité de la prière matinale, dans l’ordre, depuis le chapitre de la ligature d’Isaac, imprimé au début de la section des sacrifices, jusqu’à ‘Alénou léchabéa’h, texte de clôture de l’office du matin, comme le rapporte le Kaf Ha’haïm 70, 1.

On peut suggérer aux femmes de réciter, après les bénédictions de la Torah, le verset mentionnant la sortie d’Egypte, et peut-être également le paragraphe du sacrifice journalier, plutôt que de réciter les versets de la bénédiction sacerdotale (Birkat Cohanim) et la baraïtha qui la suit dans certains livres [c’est-à-dire la michna Péa 1, 1 suivie de la baraïtha citée en Chabbat 127a : Elou devarim]. En effet, il n’est pas obligatoire de réciter précisément ces derniers textes ; en revanche, en récitant le verset de la sortie d’Egypte et le paragraphe du sacrifice journalier, on s’acquitte de ce qui est, selon certains avis, une obligation. Il serait bon d’imprimer lesdits textes à la suite immédiate des bénédictions de la Torah, dans les livres de prières destinés aux femmes.

Le Bérour Halakha du Rav Zilber (Ora’h ‘Haïm I 70) et le Iché Israël 7, 18 indiquent un autre ordre que le nôtre, cela sur trois points. Premier point : après la bénédiction Emet véyatsiv (qui suit le Chéma), ils recommandent de réciter Baroukh chéamar, Achré (Ps 145) et Yichtaba’h, et ensuite seulement les bénédictions matinales et celles de la Torah. Cette opinion est très difficile à soutenir car, selon la presque-totalité des décisionnaires, les bénédictions matinales sont une obligation (cf. ci-dessus chap. 6, note 1). De même, les femmes ont pris l’usage de réciter les bénédictions de la Torah, au point que cela est devenu une quasi-obligation pour elles, comme le rapporte le Choul’han ‘Aroukh 47, 14. Cf. ci-dessus chap. 7 § 3, note 3. À l’inverse, les femmes sont dispensées de la récitation des Pessouqé dezimra, de l’avis de la très grande majorité des décisionnaires, comme nous le verrons au chap. 15 § 4, note 2. De plus, il convient toujours de réciter les bénédictions matinales car, en cas de nécessité impérieuse, on peut s’acquitter par elles de son obligation de prier, comme nous l’avons vu au chap. 2 § 5. Or si l’on ne donnait pas priorité à ces bénédictions, il se trouverait qu’en cas de nécessité impérieuse les femmes ne réciteraient rien.

Le deuxième point sur lequel les auteurs précités énoncent un ordre de préférence autre que le nôtre est relatif aux Pessouqé dezimra et sera évoqué ci-après, au chap. 15 § 7, note 5 ; le troisième se rapporte au premier verset du Chéma, que ces auteurs placent après les Pessouqé dezimra ; on pourra comprendre, d’après ce que nous avons déjà dit plus haut, la raison pour laquelle nous n’avons pas adopté leur avis à ce sujet.

04. Activités interdites à l’approche de la prière du matin

Dès que se lève l’aube et que sonne l’heure de la prière de Cha’harit, on doit se présenter devant Dieu pour prier. On ne donnera pas à son propre honneur priorité sur l’honneur dû au Ciel. Aussi, nos sages établissent qu’il est interdit de se livrer à son travail, de se mettre en chemin ou de manger avant de prier. On ne donnera pas non plus priorité à l’honneur de son prochain sur celui dû au Ciel, ce qui interdit, avant de prier, de rendre visite à son prochain pour lui demander de ses nouvelles.

En principe, la règle est la même pour les femmes ; simplement, elle se décline en différents cas : quand une femme a l’usage d’être indulgente, et de ne s’acquitter de sa prière que par les bénédictions matinales et par celles de la Torah, elle devra être rigoureuse par ailleurs en s’abstenant des susdites actions avant d’avoir récité ces bénédictions. Si elle a l’usage d’agir conformément à l’avis de la majorité des décisionnaires, et de réciter la ‘Amida chaque matin, elle devra prendre soin de s’abstenir desdites actions jusqu’à ce qu’elle ait récité la ‘Amida de Cha’harit. Toutefois, en cas de nécessité, même si l’on a l’usage de réciter chaque matin la ‘Amida de Cha’harit, on pourra s’appuyer sur l’opinion indulgente : après avoir récité les bénédictions matinales et de la Torah, on sera autorisé à faire l’ensemble desdites activités. Si l’on a l’usage de réciter la ‘Amida parfois à Cha’harit et parfois à Min’ha, on s’efforcera, les jours où l’on dit la ‘Amida à Cha’harit, de ne pas s’adonner à ces activités avant que de prier. En cas de nécessité, il sera permis d’être indulgent et de s’adonner auxdites activités après avoir récité les bénédictions matinales et celles de la Torah[5].


[5]. A première vue, tous les interdits pesant sur les hommes pèsent également sur les femmes puisque, selon la majorité des décisionnaires, les femmes sont tenues de réciter la ‘Amida de Cha’harit et celle de Min’ha, comme nous l’avons vu au chap. 2 § 2. Toutefois, dans la mesure où, selon certains, les femmes s’acquittent de leur obligation par les bénédictions matinales et celles de la Torah, elles sont autorisées, une fois lesdites bénédictions récitées et selon cette opinion, à se livrer à toutes leurs activités. De même, selon ceux qui pensent qu’elles sont tenues de réciter une ‘Amida par jour, les femmes sont autorisées à prier à Min’ha plutôt qu’à Cha’harit, si bien que les activités interdites avant Cha’harit ne pèsent pas sur elles. Par conséquent, il semble que, si l’on a coutume de réciter chaque jour la ‘Amida de Cha’harit, il faille observer toutes les abstentions pesant sur les hommes ; si l’on n’a pas une telle régularité à l’égard de la ‘Amida de Cha’harit, il sera juste de prendre soin de dire les bénédictions matinales et celles de la Torah, avant de se livrer à ses occupations. Certes, si l’on a coutume d’accomplir la mitsva de la prière à l’heure de Min’ha, il sera permis de se livrer à toutes ces activités, car ces abstentions n’ont été instituées qu’à l’approche de Cha’harit. Simplement, il sera juste, en tout état de cause, d’avoir soin de réciter les bénédictions matinales et celles de la Torah au matin, peu après son réveil ; c’est pourquoi nous n’avons pas davantage spécifié les différents cas. De plus, si l’on se livre à ses activités avant de réciter les bénédictions matinales et celles de la Torah, il y a lieu de craindre que l’on n’oublie de les réciter. Il est donc souhaitable de donner pour consigne, en tout état de cause, de réciter en premier lieu les bénédictions matinales et celles de la Torah.

Même si l’on a coutume de réciter chaque matin la ‘Amida de Cha’harit, il est permis, en cas de grande nécessité, d’être indulgente et de s’adonner à toutes les activités citées ci-dessus avant de prier, à condition de dire au préalable les bénédictions du matin et celles de la Torah. En effet, on peut s’appuyer alors sur l’opinion selon laquelle, après les bénédictions matinales, on est déjà autorisé à se livrer à ses occupations et à se mettre en chemin, comme le rapporte le Rama 89, 3. De plus, selon certains avis, les femmes s’acquittent déjà de la prière par le biais des bénédictions matinales et des bénédictions de la Torah, si bien que, nécessairement, elles n’ont plus, après cela, à observer lesdites abstentions. C’est d’après ces principes que nous rédigerons les règles suivantes. Cf. également Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 101, 2 ; Min’hat Yits’haq IV 28, 3 ; Halikhot Chelomo, Téphila 2, 3-4 ; Halikhot Bat Israël 2, 3-4 ; Halikhot Beitah 6, 7 ; Iché Israël 13, 30.

05. Saluer son prochain avant la prière de Cha’harit

Si l’on s’apprête à réciter la prière de Cha’harit, on aura soin de ne pas aller, avant cela, rendre visite à ses parents ou à quelque amie pour les saluer. Procéder ainsi reviendrait à fauter en donnant à ces personnes davantage de considération qu’au Ciel, puisque, avant même de louer et de prier l’Eternel béni soit-Il, on irait adresser ses salutations à son prochain (Berakhot 14a).

Si ses parents ont besoin d’aide, et que l’on n’ait pas le temps de prier avant de leur venir en aide, on ira les aider avant de prier ; en effet, en cela, on observera la mitsva d’honorer ses parents. On dira préalablement les bénédictions matinales et celles de la Torah. De même, quand il est nécessaire de venir en aide à des malades, et que l’on n’ait pas le temps de prier avant cela, il est permis de leur prêter assistance avant la prière.

L’interdit réside dans le fait d’aller chez son amie pour la saluer ; en revanche, si c’est l’amie qui vient chez vous, il est permis de la saluer ; en ce cas, il est bon d’avoir soin de dire boqer tov (« bonne matinée ») et non chalom[c] ; de cette façon, on se rappellera n’avoir pas encore prié. De même, les filles qui prient à l’école et qui, en chemin, rencontrent leurs camarades, ont le droit de les saluer et de converser avec elles ; il est simplement bon d’avoir soin de leur dire boqer tov et non chalom.

Quand on doit téléphoner afin de s’informer ou d’informer de quelque chose, il est permis de le faire avant la prière. Mais on ne téléphonera pas pour se livrer à une conversation amicale avant de prier (cf. La Prière d’Israël 12 § 1, note 2).

Si l’on n’a pas l’intention de réciter la ‘Amida à Cha’harit, il est juste d’avoir soin, néanmoins, de ne pas saluer ses camarades avant d’avoir prononcé les bénédictions matinales et celles de la Torah.


[c]. Chalom – qui est également un nom divin – est une salutation plus formelle que boqer tov.

06. Ne pas travailler ni se mettre en chemin avant la prière

Comme nous l’avons vu, une femme qui s’apprête à réciter la prière de Cha’harit doit suivre, a priori, les mêmes règles que les hommes. Dès le lever de l’aube, il ne faut plus se livrer à ses activités ni se mettre en chemin avant d’avoir prié. Nos sages ont dit : « Quiconque prie puis se met en chemin, le Saint béni soit-Il réalise ses désirs » (Berakhot 14a).

En revanche, il est permis, avant la prière, d’accomplir un petit travail, ou de parcourir un court chemin. Un décisionnaire écrit que, si le temps nécessaire pour parcourir le chemin envisagé est inférieur à soixante-douze minutes, il est permis de le faire avant la prière. Si c’est pour les besoins mêmes de la prière que l’on veut sortir – par exemple pour se rendre au Mur occidental (le Kotel), il devient même permis de voyager plus de soixante-douze minutes (responsa Or lé-Tsion II 7, 6 ; cf. La Prière d’Israël 12 § 5).

Si l’aube ne s’est pas encore levée, il est permis de commencer un grand travail ou d’entreprendre un long voyage. En effet, l’heure de la prière n’a pas encore débuté, si bien que l’on ne saurait être considéré comme ayant donné priorité à ses affaires sur sa prière. On aura soin, cependant, de réciter préalablement les bénédictions matinales, car c’est peu après s’être levé qu’il convient de les réciter. De plus, puisque l’on aura commencé son travail ou que l’on se sera mis en chemin avant l’heure de la prière, il sera permis de poursuivre son travail ou son chemin, même après le lever de l’aube, à condition que l’on s’interrompe avant l’expiration de l’heure-limite de la prière (Choul’han ‘Aroukh 89, 7 ; cf. La Prière d’Israël chap. 12 § 2).

Même celles qui n’ont pas coutume de réciter la ‘Amida de Cha’harit feront bien de ne pas se livrer à leurs occupations ni de se mettre en chemin avant d’avoir récité les bénédictions matinales et celles de la Torah.

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