Pniné Halakha

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03. Cuire est interdit, réchauffer un aliment cuit est permis

Le principe fondamental, dans les lois de Chabbat, est qu’il est interdit de créer une chose nouvelle. Durant les six jours de l’action, l’homme, créé à l’image de Dieu, se livre à la création et au développement. Il tire du monde des matériaux bruts, les développe et les perfectionne, poursuivant ainsi l’œuvre de la Création. De même que le Créateur s’abstint, le jour de Chabbat, de toute œuvre créative, de même avons-nous ordre de nous attacher aux voies de l’Eternel, et de faire du Chabbat un jour de repos et de sainteté ; un jour durant lequel nous nous abstenons de toute création nouvelle, grâce à quoi nous pouvons méditer sur le monde tel que Dieu l’a créé, et grandir dans notre foi.

Tel est également le fondement des lois régissant la cuisson : cuire est interdit, car la cuisson transforme l’aliment, le faisant accéder à un statut nouveau, d’aliment cru à aliment cuit. Mais si l’aliment est déjà cuit, il n’y a pas d’interdit à le réchauffer, car le réchauffage ne dote pas l’aliment d’une nature nouvelle. Même quand le fait de le réchauffer a pour effet d’en améliorer le goût, cela n’est pas interdit, car nous tenons le principe suivant : « il n’y a pas de cuisson après cuisson » (ein bichoul a’har bichoul). Aussi, la question centrale qui se pose en matière de lois du bichoul est de savoir quand donc l’aliment est considéré comme cuit. En effet, s’il est considéré comme cuit, il est permis de le réchauffer pendant Chabbat ; sinon, il est interdit de faire un acte qui puisse aider à son réchauffage.

Les plus grands maîtres, parmi les Richonim, ont débattu ce point. Certains estiment que, dès lors que l’aliment est propre à la consommation en cas de nécessité pressante (cha’at had’haq), l’interdit de bichoul ne s’applique plus à lui. Cependant, il est admis en halakha qu’un aliment n’est considéré comme cuit qu’à partir du moment où tout le processus de cuisson est achevé, et où l’on peut le présenter à des invités sans avoir à s’excuser ; avant cela, bien qu’il soit possible de le consommer en cas de nécessité pressante, il n’est pas encore défini halakhiquement comme cuit (mévouchal) (Choul’han ‘Aroukh 318, 4). Aussi, en pratique, il est de la plus haute importance de savoir si l’aliment est entièrement cuit (mévouchal kol tsorko). Car tant que la cuisson n’est pas achevée, la Torah interdit de faire tout acte qui aurait pour effet d’augmenter sa chaleur et de hâter sa cuisson.

Par exemple, il existe, sur les plaques chauffantes électriques, des endroits plus chauds que d’autres. Il est donc interdit de faire passer à un endroit plus chaud un plat dont la cuisson n’est pas encore achevée. De même, il est interdit de mettre une serviette sur son couvercle. Et si l’on a soulevé le couvercle de la marmite afin de vérifier l’état du plat, et qu’il apparaisse que sa cuisson n’est pas achevée, il est interdit de le recouvrir, car cela aurait pour effet de hâter la cuisson.

Mais si le plat est déjà entièrement cuit, il sera permis de le faire passer à un endroit plus chaud, et, dans le cas où on l’on aurait soulevé son couvercle, il sera permis de le remettre. De même, il est permis en ce cas de recouvrir le plat d’une serviette afin d’en améliorer le chauffage. Et même si, grâce à cet acte, le goût du plat se trouve amélioré, comme c’est le cas, par exemple, du cholent ou de la tafina[a], cela n’est pas interdit. Dans le même sens, il est permis de sortir du congélateur de la viande qui a été entièrement cuite avant Chabbat, afin de la réchauffer (d’une manière qui n’ait pas l’apparence d’une cuisson, comme nous l’expliquerons au paragraphe 18). Le grand principe est en effet que, dès lors qu’un aliment est défini comme cuit, il n’est plus interdit de le réchauffer. (Tout ce que nous venons de dire concerne les aliments solides. Pour les liquides, d’autres paramètres entrent en jeu, dont nous parlerons aux paragraphes 5 et 6).

Un cholent dont la cuisson est achevée, même si ce plat contient des os encore durs, est considéré halakhiquement comme entièrement cuit, et il est permis de le recouvrir et de parfaire sa chaleur. Mais si l’on a l’habitude de manger ces os, le plat ne sera pas considéré comme entièrement cuit tant que la cuisson des os ne sera pas achevée, et il sera donc interdit de le recouvrir et d’en améliorer la chaleur[1].


[a]. Cf. chap. 7, notes b et c. Le mot israélien ‘hamin (« plat chaud »), général, désigne aussi bien le cholent que la tafina.

 

[1]. Selon Maïmonide, la Térouma, le Séfer Mitsvot Qatan, Hagahot Maïmoniot, Or Zaroua’, Riva et le Tour, tant que le plat n’est pas entièrement cuit, la Torah interdit de le mettre à cuire. Pour Na’hmanide, Rabbénou Yona, Rachba, le Roch et le Méïri, si le plat est parvenu au degré de cuisson dit maakhal Ben-Drossaï [« aliment de Ben-Drossaï », du nom d’un bandit qui avait l’habitude de ne pas cuire entièrement ses aliments], c’est-à-dire à un degré tel que l’aliment soit consommable en cas de nécessité pressante (comme nous le verrons en note 14), s’applique à lui le principe selon lequel « il n’y a pas de cuisson après cuisson ». En pratique, le Choul’han ‘Aroukh (318, 4) décide que ce n’est qu’après l’achèvement complet de la cuisson que l’interdit de cuire n’a plus lieu de s’appliquer. Selon le Béour Halakha 318, 4 ד »ה אפילו, ceux qui interdisent de cuire un aliment parvenu au degré de maakhal Ben-Drossaï estiment que cet interdit est toranique. Le Eglé Tal (Haofé 7, 16) pense que, pour la majorité de ceux qui l’interdisent, l’interdit est rabbinique.

 

A posteriori, si l’on a provoqué, durant Chabbat, l’achèvement de la cuisson d’un plat qui était parvenu au degré de maakhal Ben-Drossaï, il est permis de le manger pendant Chabbat ; en effet, a posteriori, en matière de travaux effectués en violation du Chabbat (ce que l’on appelle ma’assé Chabbat), on peut s’appuyer sur l’opinion selon laquelle il n’est pas interdit d’en tirer profit (cf. chap. 26 § 5).

 

Plat chaud pourvu d’os de poulet : selon le Rav Chelomo Zalman Auerbach, tant que la cuisson des os n’est pas achevée, le mets n’est pas considéré comme entièrement cuit, car la majorité des gens ont l’habitude de manger les os de poulet qui s’attendrissent par l’effet d’une cuisson prolongée. Par conséquent, même ceux qui n’ont pas l’habitude de manger de tels os doivent être rigoureux en la matière, et s’abstenir de tout acte susceptible d’aider à la reprise ou à l’intensification du chauffage de plats dans lesquels des os n’ont pas terminé de cuire (Min’hat Chelomo 6, Chemirat Chabbat Kehilkhata 1, 20).

 

Le Rav Moché Feinstein estime quant à lui que, dans leur majorité, les gens n’ont pas l’habitude de manger des os ; par conséquent, on ne tient pas compte de ceux qui le font et, dès lors que le cholent est, dans son ensemble, parfaitement cuit, l’interdit de la cuisson ne s’applique plus à lui. Si l’on a l’habitude de manger des os, en revanche, le statut du plat dans son entièreté sera, tant que la cuisson des os n’est pas achevée, celui d’un plat dont la cuisson n’est pas complète (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 76, 77 ; c’est aussi l’avis du Yalqout Yossef 318, 78). Tel est l’usage, de nos jours, car aujourd’hui les gens, dans leur majorité, n’ont pas l’usage de manger des os.

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