Pniné Halakha

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Chapitre 08 – Coutumes des trois semaines

11. Se raser la barbe

Comme nous l’avons vu, la coutume ashkénaze et d’une partie des communautés séfarades est de ne pas se faire couper les cheveux, pendant toute la durée des trois semaines. Cependant, s’agissant du rasage de la barbe, une question se pose.

Selon de nombreux décisionnaires, il n’y a pas de différence entre la coupe de cheveux et le rasage : les deux sont interdits durant l’ensemble des trois semaines (Kaf Ha’haïm 551, 66 et 493, 19). Et tel est l’usage des étudiants de yéchiva dans leur majorité, et de ceux qui sont pointilleux dans la pratique des mitsvot.

Toutefois, d’autres estiment que, a priori, il convient de se raser à chaque veille de Chabbat, pour ceux des Chabbats qui précèdent Roch ‘hodech av (Maguen Avraham, Peri Mégadim). D’autres autorisent même à se raser chaque jour, jusqu’à Roch ‘hodech av, puisqu’il n’y a pas là d’expression de joie, et que la coutume consistant à s’abstenir de se faire couper les cheveux ne vise que la coiffure : en effet, il y a un certain côté festif à avoir une nouvelle coiffure, ce qui n’est pas le cas du rasage. Ce dernier n’a rien de festif, et vise seulement à ôter ce qui est disgracieux. Si l’on veut être indulgent à cet égard, on a sur qui s’appuyer, et il n’y a pas lieu de protester contre cet usage, en particulier de nos jours, où vivent en Israël des gens originaires de toutes sortes de communautés, et où nombre de Séfarades sont indulgents en ce domaine. Par ailleurs, quand un doute se présente quant à la coutume ashkénaze, on peut prendre en considération la coutume séfarade. En pratique, il est juste que chacun poursuive l’usage de son père, que celui-ci incline à l’indulgence où à la rigueur, faute de quoi on porterait atteinte à son honneur.

Toutefois, à partir de Roch ‘hodech, et même à l’approche du Chabbat ‘Hazon (qui précède le 9 av), il est certain que, suivant la coutume ashkénaze et d’une partie des communautés séfarades, il ne faut plus se raser.

Pendant la semaine où tombe le 9 av, il est interdit, suivant toutes les opinions et toutes les coutumes, de se couper les cheveux, et il n’y a aucune autorisation de se raser[7].


[7]. S’agissant du rasage durant les trois semaines : pour l’usage ashkénaze, cf. Maguen Avraham 551, 14, qui écrit au nom du Hagahot Achri qu’il n’est pas autorisé de se faire couper les cheveux, même avant Chabbat, puisque l’on n’a pas l’habitude de se faire couper les cheveux chaque semaine ; ce qui laisse entendre que ceux qui ont l’habitude de se raser peuvent le faire en l’honneur du Chabbat. Le Peri Mégadim, Echel Avraham 14, écrit ainsi que, avant Roch ‘hodech av, il est permis de se faire couper les cheveux en l’honneur de Chabbat. Certes, le Maté Yehouda 4 est rigoureux à cet égard ; mais en matière de rasage, puisque l’on aurait l’air négligé pendant Chabbat si l’on ne se rasait pas la veille, l’avis du Peri Mégadim semble plus convaincant. Cf. encore Béour Halakha 551, 3, où l’on voit qu’il ressort des propos du Talmud de Jérusalem que cela est permis, en l’honneur du Chabbat, même durant les neuf jours ; et tel est l’avis de Rabbi Aqiba Eiger.

Autre argument en faveur de la permission : à ceux qui ont l’habitude de se raser, ne pas se raser pendant plusieurs jours est un grand désagrément. Or la chose est peut-être comparable au fait de tailler sa moustache quand elle gêne l’alimentation, ou à la permission de s’oindre, le 9 av, si l’on a des boutons sur la tête (Choul’han ‘Aroukh 554, 15), ou encore à la permission, qui nous a été rapportée, de couper ceux des cheveux qui causeraient des plaies ou des maux de tête. Dans son Néfech Harav p. 191, le Rav Schachter écrit au nom du Rav Soloveitchik que la coutume des trois semaines est semblable à celle de l’année de deuil [une fois passé le premier mois], où il est d’usage de se raser ; la coutume des neuf jours, quant à elle, est comparable à celle du mois de deuil, où il est interdit de se raser ; le 9 av, enfin, la coutume se compare à celle des sept jours de deuil. D’après cela, l’auteur permet de se raser chaque jour, jusqu’à Roch ‘hodech av, parce qu’il serait disgracieux de sortir non rasé. Cf. Tsohar, t. 3 p. 39, où des objections à cette opinion sont exprimées, objections que l’on peut repousser. Cf. responsa Ner Ezra II p. 155-158, qui conclut en permettant de se raser à l’approche de Chabbat, et écrit qu’il s’agit de la position du Rav Min-Hahar et du Rav Lichtenstein.

De nombreux auteurs, il est vrai, n’autorisent pas du tout à se raser. C’est la position du Kaf Ha’haïm 551, 66 ; mais en 493, 19, il écrit, se fondant sur des A’haronim, que l’on peut se raser pour éviter une perte dans sa subsistance. Tel est l’usage de la majorité de ceux qui sont pointilleux dans la pratique des mitsvot. Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 102, lui aussi, permet de se raser pour éviter une perte financière seulement.

À notre humble avis, si l’on s’en tient à la stricte obligation, il est juste – même si l’on suit l’usage ashkénaze – de se raser à chaque veille de Chabbat, jusqu’à Roch ‘hodech av. En revanche, les jours de semaine, quand il n’y a pas à cela de difficulté, il est bon d’être rigoureux ; mais si l’on veut être indulgent, on a sur qui s’appuyer. De même, pour les besoins de sa subsistance, on peut être indulgent. Mais à partir de Roch ‘hodech av, il convient d’être rigoureux, aussi bien en semaine que le vendredi. De prime abord, on peut certes alléguer qu’il faut se raser en l’honneur de Chabbat, et que c’est bien ce que laissent entendre le Talmud de Jérusalem et Rabbi Aqiba Eiger, cités par le Béour Halakha 551, 3. Mais nous trouvons dans les écrits des Richonim (Colbo cité par Beit Yossef 551, 4) qu’il était de coutume de ne point se raser avant le Chabbat ‘Hazon, afin d’arriver au 9 av avec l’apparence du deuil. Nous voyons aussi que la coutume la plus répandue dans les pays germaniques était de ne pas porter de vêtements sabbatiques pendant le Chabbat ‘Hazon, comme le rapporte le Rama 551, 2. Et bien que cela ne soit plus en usage de nos jours, on peut déduire de cela que la coutume ashkénaze est de ne pas être tellement pointilleux quant à l’honneur du Chabbat ‘Hazon. Aussi est-il plus juste, durant les neuf jours, de ne pas se raser à l’approche de Chabbat.

À notre humble avis, il faut également suggérer aux Séfarades de ne pas se raser durant les neuf jours. Premièrement, telle est la règle pour ceux qui sont rigoureux quant au fait de se couper les cheveux pendant toutes les trois semaines (coutume du Maroc, de Djerba, et de ceux qui se conforment aux usages de Rabbi Isaac Louria ; quant à la Tunisie et à l’Algérie, la coutume y était de ne pas se faire couper les cheveux à partir de Roch ‘hodech). De plus, on voit que telle était la coutume séfarade, ainsi que le rapporte le Colbo (de Rabbi Aharon de Lunel, en Provence), que de parvenir au 9 av avec une apparence peu apprêtée. Or, de nous jours, le signe de deuil le plus courant est de n’être pas rasé. À l’inverse, le fait d’être rasé exprime de façon tangible qu’il n’y a pas de deuil. Aussi est-il juste de montrer ce signe de deuil, durant les neuf jours et le 9 av.

En outre, il convient, quand c’est possible, d’amoindrir la controverse. À cet égard, plusieurs auteurs de notre génération écrivent qu’il est bon que les Séfarades étudiant dans des yéchivot ashkénazes soient rigoureux comme les Ashkénazes (Ye’havé Da’at IV 36). Il est vrai que les yéchivot de notre milieu [dati-léoumi] ne se définissent pas, de nos jours, comme ashkénazes, mais comme celles d’étudiants de toutes origines. Mais quand cela est possible, il est préférable de ne pas multiplier les différences de coutumes. Aussi, s’agissant de se raser à l’approche du Chabbat qui précède Roch ‘hodech, il est préférable de suivre la coutume de la majorité des Séfarades, qui se rasent pendant les trois semaines, tandis que, s’agissant du rasage pendant les neuf jours, il vaut mieux suivre la coutume ashkénaze et d’une partie des communautés séfarades, de ne point se raser. Toutefois, il n’y a pas lieu de protester face à ceux qui s’appuient sur le raisonnement du Béour Halakha et sur la coutume d’une partie des Séfarades, qui permettent de se raser à l’approche du Chabbat ‘Hazon. Mais dans la semaine même où tombe le 9 av, selon toutes les coutumes il est interdit de se raser.

En pratique, une bonne directive nous a été transmise par le Rav Rabinowitz, directeur spirituel de la yéchiva de Maalé Adoumim : « Que chaque homme se conduise à la façon de son père, afin que l’on ne se trouve pas dans le cas où le père serait rasé et le fils ne le serait pas, ou l’inverse ; en effet, une telle situation serait susceptible d’atteindre à l’honneur du père. » Il convient d’ajouter que, lorsque le père a l’usage d’être rigoureux, il est à craindre que, en se rasant, le fils ne semble être indulgent pour des raisons de confort, et non pour l’honneur du Chabbat, ce qui porterait atteinte à l’honneur du Ciel. De plus, on ne peut se dissimuler le fait que celui qui ne se rase pas pendant trois semaines montre que l’observance des coutumes importe beaucoup à ses yeux ; et il y a là un élément de qidouch Hachem, sanctification du nom divin. Cf. ci-dessus chap. 3 § 7, note 9.

12. « Quand commence le mois d’av, on réduit les manifestations de joie »

Nos sages enseignent dans la Michna : « Quand commence le mois d’av, on réduit les manifestations de joie[f] » (Ta’anit 26b). Car ces jours sont des jours de deuil pour la destruction du Temple. Par conséquent, il ne faut pas y organiser d’événements réjouissants, tels que des excursions, un séjour de vacances à l’hôtel, ni même de petites fêtes, comme une soirée entre amis ou une soirée donnée à l’occasion de l’entrée sous les drapeaux. Il est seulement permis d’organiser des événements dont le but essentiel est éducatif ou social. De même, si l’on a besoin de repos pour raison de santé, on pourra partir en vacances à l’hôtel ou en maison de repos, durant ces jours (cf. ci-dessus § 6).

On a coutume de ne pas ourdir les fils de chaîne d’un vêtement, pendant les neuf jours. En effet, à pareille époque, il fut porté atteinte au statut de la pierre d’assise du Temple, qui était le soubassement du monde ; aussi s’abstient-on de disposer les fils de chaîne, qui forment la base du vêtement. De même, il est interdit de coudre des vêtements neufs, durant les neuf jours. Il ne faut pas non plus tricoter des vêtements ou des kipas, pendant ces jours (Choul’han ‘Aroukh 551, 7-8). En revanche, il est permis de repriser des vêtements anciens. Celui qui tire ses revenus de la couture ou de la préparation d’étoffes, et pour qui ce travail, pendant les neuf jours, est nécessaire, consultera son rabbin.

Il est préférable d’annuler les cours de couture, pendant les neuf jours. En cas de nécessité, on pourra les maintenir, à condition de ne pas se livrer à la couture de vêtements neufs, mais de repriser des vêtements anciens, ou de faire des exercices de couture sur des étoffes qui ne présentent pas d’utilité.

Nos sages ont prescrit de limiter, durant ces jours, les achats de choses réjouissantes, et il convient de limiter tous les types de transaction commerciale. De même, on s’abstient, pendant cette période, d’effectuer des plantations ou de construire des édifices (maisons, etc…) qui apportent de la joie ; ces règles seront exposées plus loin (§ 18). Puisque l’on restreint, durant ces jours, les expressions de joie, on a coutume de ne pas manger alors de viande, ni de boire du vin, car cela réjouit (comme nous le verrons ci-après, § 13-15).

Puisqu’il s’agit de jours d’adversité, nos sages recommandent à ceux qui ont un différend judiciaire avec un non-Juif de tenter de s’y dérober au mois d’av, car alors Israël n’est pas chanceux, et l’on risque de perdre son procès (Choul’han ‘Aroukh 551, 1)[8].


[f]. Plus littéralement : « On diminue la joie. »

[8]. De prime abord, il faut comprendre que cette recommandation porte sur les neuf premiers jours d’av, où l’on essaie d’esquiver le règlement d’un différend avec un non-Juif ; ensuite, on pourra s’opposer à lui, comme dans le reste de l’année. C’est ce qu’écrit le Qorban Netanel au nom du Zohar. Toutefois le Maguen Avraham écrit, au nom de Rabbénou Yerou’ham, qu’il est souhaitable d’esquiver le règlement dudit différend pendant tout le mois d’av. Cf. Michna Beroura 551, 2, Cha’ar Hatsioun 2.

13. Viande et vin

Les Richonim avaient coutume de s’abstenir de manger de la viande et de boire du vin pendant les jours de deuil portant sur la destruction du Temple. Certains étaient rigoureux à cet égard, en étendant l’abstention à tous les jours profanes des trois semaines. D’autres s’abstenaient seulement durant la semaine même du 9 av. Mais selon la majorité des Richonim, la juste coutume est de s’abstenir de viande et de vin pendant les neuf jours.

Certes, si l’on s’en tient aux termes de la Michna, ce n’est qu’au repas précédant le jeûne du 9 av (sé’ouda mafséqet) qu’il est interdit de manger de la viande et de boire du vin (Ta’anit 26b). Mais les Richonim ont pris l’usage d’être rigoureux pour leur propre compte, en s’abstenant de consommer viande et vin durant ces jours, car la viande et le vin sont connus pour être des aliments concourant à la joie, or les sages du Talmud ont bien dit : « Quand commence le mois d’av, on réduit les manifestations de joie. » De plus, après la destruction du Temple, on ne peut plus présenter la chair des sacrifices sur l’autel, et l’on n’y fait plus de libations de vin. Il eût donc convenu, à la suite de la destruction du Temple, que nous aussi nous abstenions totalement de manger de la viande et de boire du vin, jusqu’à la reconstruction du Temple. Mais nous n’aurions pu tenir devant un tel décret (Baba Batra 60b). Toutefois, durant les jours fixés pour le deuil du Temple, il y a lieu d’être rigoureux en cela.

En pratique, la coutume ashkénaze est de ne consommer ni viande ni vin durant l’ensemble des neuf jours, y compris à Roch ‘hodech av ; et telle est aussi la coutume de Rabbi Isaac Louria. Suivant la coutume séfarade majoritaire, il est permis de manger de la viande et de boire du vin à Roch ‘hodech, puis, dès la fin de la journée de Roch ‘hodech, l’interdit prend effet (Michna Beroura 551, 58, Kaf Ha’haïm 125). Même le 10 av, jour où fut incendié le Temple, on est rigoureux, et l’on s’abstient de viande et de vin. Les Ashkénazes étendent cette rigueur jusqu’au midi solaire (‘hatsot hayom) du 10, et la majorité des Séfarades jusqu’à la fin du 10 (Choul’han ‘Aroukh et Rama 558, 1, Kaf Ha’haïm 10).

Suivant la coutume des Juifs yéménites, on n’est point rigoureux en la matière : on mange de la viande, on boit du vin, et ce n’est que lors du repas de clôture avant le jeûne du 9 av que l’on s’abstient de consommer viande et vin, selon les termes mêmes de la Michna.

14. Règles d’interdiction de la viande et du vin

Au titre de l’interdit de la viande durant les neuf jours, sont incluses toutes les sortes de viande, de bétail comme de volaille, viande fraîche comme viande congelée et salée. En revanche, le poisson est permis.

On a coutume d’être également rigoureux quant à un plat cuisiné dans lequel de la viande aurait cuit. Par exemple, si l’on a cuit des pommes de terre avec de la viande, il ne faut pas, pendant les neuf jours, manger les pommes de terre, même prises séparément, parce que le goût de la viande y sera perceptible. Mais il est permis de cuire les aliments dans des marmites servant à la nourriture carnée, à condition que le goût de la viande ne soit pas perceptible dans les aliments (Michna Beroura 551, 63, Kaf Ha’haïm 142).

Au titre de l’interdit du vin est également inclus le jus de raisin. En revanche, les boissons alcoolisées telles que le whiskey ou la bière sont permises. Il est de même permis de relever les plats avec du vinaigre de vin.

Durant les neuf jours, il est permis de manger des pâtisseries dont la pâte contient du vin, car le goût du vin n’y est pas perceptible ; mais a priori, il ne faut pas mêler de vin la pâte durant les neuf jours[9].

Un malade, même s’il ne l’est que légèrement, à qui la consommation de viande ou de vin est profitable, a le droit d’en consommer (Michna Beroura 551, 61). De même, il est permis à une accouchée, dans les trente jours suivant son accouchement, de manger de la viande pour se renforcer. Il est également permis à une femme qui allaite, si elle en a besoin, de manger de la viande pour accroître son lait.

À l’issue du Chabbat ‘Hazon, il est permis à celui qui a récité la Havdala[g] de boire le vin ayant servi à la bénédiction. Telle est la coutume séfarade et d’une partie des communautés ashkénazes. On peut, dès lors, boire tout le vin qui se trouve en la coupe. Il est préférable de faire la Havdala sur du jus de raisin, car cette boisson ne réjouit pas. Dans d’autres communautés ashkénazes, s’il se trouve un enfant mineur qui soit arrivé à l’âge où l’on s’éduque aux bénédictions de jouissance, mais non encore à l’âge où l’on comprend la notion du deuil pour Jérusalem (c’est-à-dire, généralement, un enfant entre six et neuf ans), il est de coutume que celui qui récite la Havdala forme l’intention, quand il dit la bénédiction sur le vin (Hagafen ou Haguéfen), de la dire pour l’enfant. Celui-ci boira ensuite le vin. Mais quand il n’y a pas d’enfant de cet âge, celui qui récite la Havdala boira le vin[10].


[9]. Cf. Cha’aré Techouva 551, 9. S’agissant d’un plat auquel est mêlé du vin ou de la viande, cf. Pisqé Techouvot 551, 39-40 et Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 49. Concernant une liqueur faite de vin et d’autres ingrédients, certains auteurs sont indulgents, d’autres l’interdisent ; cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 48 ; le Pisqé Techouvot 551, 42 ne rapporte que les avis indulgents, car à son sens les ingrédients autres que le vin ont fait perdre à celui-ci son statut (panim ‘hadachot baou le-kan). Selon de nombreux décisionnaires, il est permis de manger, pendant les neuf jours, de la viande qui reste du Chabbat ‘Hazon ou d’avant Roch ‘hodech, car, si on ne la mangeait pas, elle s’abîmerait. C’est l’avis du Torat Hamo’adim 5, 46. D’autres A’haronim sont rigoureux à ce sujet, comme le rapporte le Pisqé Techouvot 551, 34. Il semble que, de nos jours, où l’on peut congeler la viande restante, et où le gâchis n’est plus à craindre, on ne puisse plus permettre de manger la viande restante du repas de Chabbat ou d’avant Roch ‘hodech.

S’agissant du repas de Melavé malka (repas pris à l’issue du Chabbat) : le Kaf Ha’haïm 551, 144 rapporte l’opinion d’A’haronim qui autorisent d’y manger des restes de Chabbat, à condition de ne pas acheter, pour le Chabbat, plus que d’habitude. Selon le Pisqé Techouvot ad loc., certains auteurs permettent, dans le cas où l’on a l’habitude de manger de la viande à chaque issue de Chabbat au titre de la Melavé malka, d’en manger aussi à l’issue de Chabbat ‘Hazon ; mais d’autres auteurs l’interdisent.

[g]. Ensemble de quatre bénédictions récitées sur une coupe de vin, par lesquelles on marque la séparation entre le Chabbat qui s’achève et la semaine qui commence.

[10]. Le Choul’han ‘Aroukh 551, 10 autorise une personne majeure à boire le vin de la Havdala ; le Rama et le Michna Beroura 70 écrivent que l’on donne le vin à un enfant. Le Darké Moché 9, au nom du Maharil, rapporte qu’un majeur peut a priori boire le vin de la Havdala, et à plus forte raison d’un repas donné à l’occasion d’une mitsva. D’autres Richonim et A’haronim des pays de langue germanique avaient aussi cet usage ; cf. Pisqé Techouvot 551, 35 et Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, note 74. Il est préférable de faire la Havdala sur du jus de raisin car, bien que celui-ci soit interdit au même titre que le vin pendant les neuf jours, il ne contribue pas à la réjouissance. C’est ce que le Rav Harari rapporte au nom du Rav Mordekhaï Elyahou en Miqraé Qodech 1, 14. Selon le Hilkhot ‘Hag Be’hag, il se peut que, si la bénédiction est dite sur du jus de raisin, la personne majeure puisse le boire a priori. Dans ses responsa Zekhor Le-Avraham 50, le Rav Avraham ben Avigdor écrit que l’on peut boire tout le vin (cité par Yalqout Yossef p. 574).

L’âge de l’éducation aux bénédictions est d’environ six ans. Quant à l’âge de l’éducation au deuil pour le Temple : le Echel Avraham de Rabbi A. Botchatch explique qu’il correspond au moment où l’enfant comprend la signification de la destruction du Temple, et comprend que l’on s’abstient de manger de la viande parce que l’on n’a plus la possibilité d’offrir de sacrifices. En pratique, de l’avis de nombreux décisionnaires, cela correspond à l’âge de neuf ou dix ans ; d’autres disent treize ans (cf. Pisqé Techouvot 551, 35, note 180).

Selon le Maguen Avraham et le ‘Hayé Adam, il est a priori permis de donner de la viande et du vin à des enfants qui ne sont pas encore parvenus à l’âge de l’éducation. Pour le Michna Beroura 551, 70, qui se fonde sur le Elya Rabba, le Dagoul Mirevava et le Dérekh Ha’haïm, la viande et le vin ne leur sont permis qu’au moment de la Havdala, ou s’ils se sentent faibles.

15. Viande et vin pendant le Chabbat ‘Hazon, ou lors d’une sé’oudat mitsva

Le Chabbat qui précède le 9 av (appelé Chabbat ‘Hazon), on mange de la viande et l’on boit du vin, comme tous les Chabbats de l’année. En effet, même lorsque c’est le 9 av qui tombe un Chabbat, et que le jeûne est repoussé pour cette raison au dimanche, on mange de la viande et l’on boit du vin ce Chabbat, et l’on dresse même la table de façon festive, « comme aux repas du roi Salomon à son heure », car il n’y a point de deuil le Chabbat (Choul’han ‘Aroukh 552, 10).

De même, il est permis de goûter les plats carnés que l’on prépare en l’honneur du Chabbat ‘Hazon, afin de vérifier s’il y faut ajouter quelque saveur. En effet, on ne goûte pas alors pour en jouir, mais pour les besoins de la mitsva de se délecter du Chabbat (‘oneg Chabbat).

Il est de même permis de manger de la viande et de boire du vin lors d’un repas donné en l’honneur d’une mitsva (sé’oudat mitsva), par exemple un repas donné à l’occasion d’une circoncision, du rachat d’un premier-né, ou de la clôture de l’étude d’un traité talmudique. De même, il est permis de consommer de la viande et du vin à un repas de bar-mitsva, à condition que ce repas soit donné le jour même où l’adolescent parvient à l’âge des mitsvot (cf. ci-dessus, § 3).

Cependant les coutumes divergent quant à la question suivante : combien de personnes peut-on inviter à de tels repas ? Selon certains, durant toute la durée des neuf jours, il faut se limiter, et n’inviter que les personnes directement parties prenantes à cette occasion joyeuse, auxquelles on ajoutera le quorum de dix personnes. Selon d’autres, toutes les personnes que l’on aurait invitées au repas, si celui-ci avait eu lieu en un autre moment, pourront être invitées au repas donné à l’occasion de la mitsva durant les neuf jours. Selon le Rama, durant la partie des neuf jours qui va jusqu’au Chabbat ‘Hazon, on invitera tous ceux que l’on aurait invité en d’autres temps, mais durant la semaine où tombe le 9 av, on n’invitera, en plus de ceux qui sont partie prenante à la mitsva, qu’un minyan restreint. La directive à donner en pratique dépend de chaque situation et du degré de nécessité.

Les A’haronim écrivent encore qu’il ne faut pas programmer spécifiquement la clôture de traités talmudiques durant les neuf jours, dans le but de rendre par-là permise la consommation de viande et de vin. En effet, procéder ainsi revient à annuler intentionnellement le deuil pour la destruction du Temple. Ce n’est que si, dans le cours de son étude, il apparaît que l’on achèvera l’étude d’un traité talmudique durant les neuf jours, et que l’on ait l’habitude constante d’offrir un repas en une telle occasion, que l’on pourra organiser un semblable repas de clôture y compris durant les neuf jours (Michna Beroura 551, 73)[11].

Même ceux qui ont l’habitude, tout au long de l’année, de réciter le Birkat hamazon sur une coupe de vin, le réciteront sans coupe de vin pendant les neuf jours (Rama 551, 10, Kaf Ha’haïm 152).

Certains ont coutume de donner un repas le soir qui précède une circoncision. Mais ce n’est pas là ce qu’on appelle une sé’oudat mitsva ; il sera donc interdit d’y consommer de la viande et du vin.


[11]. En ce qui concerne le nombre d’invités, cf. Torat Hamo’adim 5, 49, qui résume les trois méthodes, et a tendance à l’indulgence. Le Michna Beroura 77 et le Kaf Ha’haïm 165 distinguent deux méthodes, s’agissant d’invitation et de restriction : selon le Levouch, on invite un minyan en plus de ceux qui sont parties prenantes à cette occasion joyeuse (les ba’alé ha-sim’ha) et de ceux dont le degré de proximité familiale invaliderait le témoignage en cas de procès. Tel est l’usage à suivre, selon le Levouch, durant toute la période des neuf jours. Face à cet avis, le Rama n’est rigoureux qu’à l’égard de la semaine durant laquelle tombe le 9 av : durant ladite semaine, le Rama est même plus rigoureux, puisque, en plus des ba’alé ha-sim’ha eux-mêmes, il ne permet qu’un minyan restreint, qui comprend également les proches.

Le Kaf Ha’haïm ibid. écrit encore, au nom du Ben Ich ‘Haï, que certains ont l’usage de ne pas manger de viande ni de boire du vin, même lors d’un repas donné à l’occasion d’une mitsva (sé’oudat mitsva) : on mange du poisson, on boit d’autres boissons, afin de ne pas entrer dans un cas douteux quant aux personnes qu’il est permis d’inviter. Mais à l’issue du Birkat hamazon récité à l’occasion d’une sé’oudat mitsva, on dit évidemment la bénédiction sur le vin. Certains ont coutume d’achever l’étude de traités talmudiques précisément pendant les neuf jours (c’est le cas des ‘Hassidim de Loubavitch) ; on invite alors au repas de clôture autant de monde que possible, et l’on estime qu’il y a un tiqoun (une réparation spirituelle) dans le fait d’accroître la joie et l’amour entre amis. Toutefois, cet avis n’a pas été adopté par les décisionnaires. Cf. Pisqé Techouvot 551, 38, Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 53 et Torat Hamo’adim 5, 52.

En pratique, la fin de la session d’été, dans les yéchivot, est le 9 av. L’étude du traité de ladite session s’achève donc, en principe, durant les neuf jours, ce qui ne suffit pas à annuler le deuil. Aussi sera-t-il permis d’organiser un repas honorable, comme il convient à la clôture d’un traité que l’on a étudié durant toute une session.

16. Construction et plantation durant les neuf jours

Puisque l’on restreint l’expression de la joie durant les neuf jours, il est interdit de faire, durant cette période, une construction concourant à la joie, par exemple d’agrandir sa maison ou sa terrasse, sans qu’il y ait à cela une nécessité vitale. De même, il est interdit, durant ces jours, de blanchir à la chaux ou de repeindre les murs de sa maison, car on considère cela comme des superfluités réjouissantes. On peut en effet vivre chez soi sans cela (Choul’han ‘Aroukh 551, 2). De même, il est interdit de faire, pendant cette période de neuf jours, des réparations destinées à l’agrément visuel ou à quelque superfluité : changer ses volets, armoires, rideaux, etc., ou d’installer des objets précieux et réjouissants, qui ne sont pas d’une indispensable nécessité[12].

Mais si l’on habite, sa famille et soi-même, dans un appartement à l’étroit, il sera permis de construire une pièce supplémentaire pendant les neuf jours. De même, il est permis de faire tout travail de construction destiné à empêcher un dommage. Par exemple, si l’on a un mur qui menace de tomber, quoique l’on n’ait pas besoin de la pièce où il se trouve, et que cela ne présente pas de danger, il sera permis de le démolir selon la méthode habituelle et de le reconstruire, car de cette façon on s’évite une danger.

De même, il est permis de construire, de blanchir à la chaux ou de repeindre pour les nécessités d’une mitsva : par exemple de construire une synagogue ou une école (Michna Beroura 551, 12, Kaf Ha’haïm 25). Selon le ‘Aroukh Hachoul’han (551, 7), toute chose qui est  faite pour les besoins du public est considérée comme répondant aux nécessités d’une mitsva, et est permise.

Il est également interdit, durant ces jours, de faire une plantation contribuant à la joie, c’est-à-dire de planter des végétaux destinés à l’agrément visuel, tels que des arbres ornementaux, des myrtes, des roses et autres fleurs (Choul’han ‘Aroukh 551, 2). Mais il est permis d’entretenir les jardins d’agrément, de les arroser, de tondre le gazon et de poursuivre l’entretien courant.

En revanche, toute plantation réellement utilitaire est permise ; par conséquent, il est permis de planter des arbres fruitiers durant les neuf jours. De même, il est permis à celui qui tire sa subsistance de la culture d’arbustes décoratifs et de fleurs de les planter dans sa serre afin de les vendre.


[12]. Des volets ou des armoires non indispensables sont considérés comme une installation contribuant à la joie, comme l’écrit le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 82 au sujet d’une armoire. Il semble juste d’interdire aussi le collage de papier peint destiné à l’agrément visuel, comme l’écrit le Betsel Ha’hakhamim 4, 54 (et contrairement à Igrot Moché ibid.). Il y a également lieu d’interdire l’installation de rideaux destinés à l’agrément visuel, comme l’écrit le Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 4. Mais quand le but essentiel des rideaux est d’assurer la discrétion de la vie domestique, il semble juste d’autoriser la pose de volets ou de rideaux. L’exemple classique de construction contribuant à la joie est donné par le traité Ta’anit 14b : la construction d’une maison qu’un père destine à son fils à l’occasion de son mariage. Mais de nos jours, cela n’a plus guère cours ; aussi ne l’avons-nous pas mentionné dans le corps de texte.

17. Règles de la construction durant les neuf jours

Il est permis à un entrepreneur et à des ouvriers juifs de continuer de construire des lieux d’habitation, durant les neuf jours, aux fins de les vendre, car ces constructions sont destinées à être habitées et non à des superfluités. De plus, c’est leur source de revenus ; et en terre d’Israël, c’est une mitsva que de construire des maisons. En revanche, il faut reporter le blanchiment à la chaux et la peinture à une date ultérieure aux neuf jours ; mais si le fait de retarder le blanchiment ou la peinture doit entraîner une grande perte financière, il devient permis de faire l’opération durant les neuf jours.

A priori, si l’on prévoit de construire ou d’installer chez soi des choses qui ne sont pas indispensables, il faut convenir avec l’entrepreneur de ne pas accomplir le travail durant les neuf jours. Mais si, par erreur, on n’a pas stipulé ainsi, on demandera à l’entrepreneur de cesser son travail pendant les neuf jours ; toutefois, si l’entrepreneur proteste de son droit de continuer l’ouvrage, il n’est pas nécessaire d’annuler le contrat qui vous lie à lui (Michna Beroura 551, 12, Kaf Ha’haïm 24).

Un ouvrier juif qui fait des travaux de peinture ou de blanchiment à la chaux doit interrompre son labeur pendant les neuf jours. Mais il lui est permis de travailler, même pendant les neuf jours, dans la maison d’un non-Juif. S’il s’est engagé à terminer tel ouvrage de peinture dans la maison d’un Juif, qu’il ait pensé avoir le temps de l’achever avant les neuf jours, et qu’il n’en ait pas eu le temps : il demandera au commanditaire de le dispenser de travailler pendant les neuf jours, et lui proposera même un petit dédommagement à cet effet. Mais si ce commanditaire juif ne transige pas, et que l’ouvrier craigne une grande perte financière dans le cas où il cesserait sa besogne – par exemple dans le cas où il devrait payer un dédommagement –, il pourra continuer son travail pendant les neuf jours[13].

On a coutume de recommander de ne point emménager dans un nouveau domicile, qu’il soit acheté ou loué, durant les neuf jours. Mais si le retard de l’emménagement doit entraîner une grande perte financière, il sera permis d’emménager.


[13]. C’est ce qu’écrivent le Kaf Ha’haïm 551, 28 et le Torat Hamo’adim 5, 19 ; cf. aussi 5, 20. Quant au fait de savoir s’il est permis de blanchir à la chaux ou de peindre des maisons à vendre, ou encore de construire des villas de standing destinées à la vente, la question mérite d’être approfondie. Il semble que l’on puisse être indulgent pour éviter une perte. En effet, seule la construction de choses dispensables (motarot) pour les besoins d’un Juif déterminé est interdite, car une telle construction engendre de la joie. Préparer des maisons afin de les vendre, en revanche, n’est qu’un travail destiné à procurer des revenus. C’est en ce sens que nous nous sommes prononcé dans le corps de texte.

18. Règles applicables à l’achat et à la vente pendant les neuf jours

Durant les neuf jours, on restreint les échanges commerciaux contribuant à la joie. En d’autres termes, on n’achète pas de choses dispensables, telles que des bijoux, des vêtements, de beaux ustensiles, des meubles neufs, une voiture familiale. Certes, c’est durant toute la période des trois semaines qu’il est interdit d’acheter une chose sur laquelle on aurait à prononcer la bénédiction Chéhé’héyanou ; toutefois, pendant les trois semaines, il reste permis d’acheter, jusqu’à Roch ‘hodech du mois d’av, des choses sur lesquelles on n’a pas à réciter cette bénédiction, telles qu’un vêtement qui nécessite encore une retouche, ou un meuble acquis par deux personnes ou plus (comme nous l’avons vu en § 7). En revanche, pendant les neuf jours, c’est interdit, car il faut alors s’abstenir d’actes d’achat et de vente portant sur des choses engendrant de la joie. Aussi est-il interdit de commander un vêtement neuf à un tailleur. La règle est la même s’agissant des autres choses réjouissantes : si elles donnent lieu à la bénédiction Chéhé’héyanou, on s’abstient de les acheter pendant toute la période des trois semaines ; et si elles ne donnent pas lieu à cette bénédiction, ce n’est que durant les neuf jours que l’on s’abstient d’en faire l’objet de nos transactions.

Certes, si l’occasion se présente d’acheter une chose réjouissante, à un prix spécial, et qu’il soit à craindre que, si l’on attendait que passe le 9 av, l’occasion ne soit perdue, on sera autorisé à l’acheter durant les neuf jours. Il sera bon, en ce cas, de ne l’introduire chez soi, ou de n’en commencer l’usage qu’après le 9 av.

Il est bon de se restreindre également quant aux actes d’achat et de vente ordinaires, portant sur des choses qui n’engendrent pas de joie particulière. Par exemple, si l’on a l’habitude, une fois par quelques semaines, de faire de grandes courses de produits alimentaires et d’autres produits nécessaires à la maison, il sera bon, a priori, de faire ces courses avant ou après les neuf jours (d’après Choul’han ‘Aroukh 551, 2 ; Michna Beroura 11, 13).

En revanche, pour les nécessités d’une mitsva, il est permis d’acheter même des choses concourant à la joie. Par conséquent, il est permis d’acheter, durant ces jours, des téphilines, puisqu’elles sont nécessaires à la pratique d’une mitsva. De même, il est permis d’acheter des livres de Torah, puisqu’ils servent à la pratique d’une mitsva et que nombreux sont ceux qui n’ont pas l’usage de réciter, à l’occasion de leur achat, la bénédiction Chéhé’héyanou. Mais si l’on tire une grande joie de leur achat, il faut réciter Chéhé’héyanou (cf. Pniné Halakha, Les bénédictions, chap. 17 § 9), de sorte qu’il est interdit, en ce cas, de les acheter. Si l’on n’a pas de chaussures de toile ou à semelle de caoutchouc pour le 9 av, on sera autorisé, a posteriori, à en acheter durant les neuf jours (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 80).

Il est permis à des commerçants qui vendent des articles superflus et réjouissants, tels que des bijoux ou des vêtements, de continuer à les vendre pendant les neuf jours, afin qu’ils ne pâtissent pas d’un grand manque à gagner en perdant leur clientèle. Ils s’efforceront de s’occuper principalement des préparatifs commerciaux qu’appellent les jours qui suivront les neuf jours. Si l’on peut fermer son magasin sans que cela n’entraîne de perte significative, on devra le fermer pendant les neuf jours[14].


[14]. Le Beit Yossef explique qu’il y a deux sortes d’interdit : d’une part, comme le rapporte Tossephot sur Méguila 5b, on ne commercialise pas de choses superflues et réjouissantes ; d’autre part, Tossephot sur Yevamot 43a rapporte l’opinion selon laquelle il faut restreindre tous types de transactions commerciales. Des termes du Choul’han ‘Aroukh, il ressort qu’il faut prendre en compte les deux opinions, lesquelles ne se contredisent pas l’une l’autre. Au chapitre 551, 2, l’auteur parle principalement des achats et ventes entraînant de la joie, tandis qu’à partir du chapitre 554, 22, il ressort de ses propos qu’il faut restreindre toutes sortes de transactions commerciales. Toutefois, le Michna Beroura 551, 11 écrit que l’on a coutume d’être indulgent en matière de transactions ordinaires, en raison des difficultés liées à la subsistance. Aussi avons-nous mentionné, comme objet essentiel de l’interdit, les choses réjouissantes, et avons-nous ajouté que, a priori, il faut restreindre les transactions commerciales de toute sorte. Cf. Torat Hamo’adim 5, 16, qui est entièrement indulgent quant aux transactions autres que réjouissantes, et qui considère même l’achat d’une armoire ou d’ustensiles comme une chose non spécialement réjouissante. Cependant, le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 82 écrit qu’une bibliothèque est une chose réjouissante, et qu’il faut s’abstenir de l’acheter durant les neuf jours.

De même, il semble qu’il faille s’abstenir de toute transaction portant sur une chose réjouissante, à moins qu’une perte soit à craindre : dans une telle éventualité, les sages le permettent, comme dans le cas où l’on construit un mur ayant pour effet de réjouir, en un lieu où un risque de dommage est présent (Michna Beroura 551, 13). Aussi écrivons-nous ci-dessus que les commerçants, même quand leur commerce porte sur des choses réjouissantes, sont autorisés à poursuivre leur travail, car, s’ils ne travaillaient pas, ils risqueraient de perdre de l’argent. C’est en ce sens que se prononcent plusieurs A’haronim ; cf. Cha’ar Hatsioun 13.

(En se livrant à leur activité, les commerçants ne contribuent pas à ce que d’autres commettent un interdit. Il se peut en effet que leurs clients achètent pour les besoins d’une mitsva et ne puissent pas repousser leur achat. S’agissant même de ceux qui achètent de façon interdite, et dans la mesure où ils pourraient acheter chez d’autres vendeurs, certains décisionnaires estiment que l’interdit de provoquer la faute d’autrui – « Tu ne placeras pas d’obstacle devant l’aveugle », Lv 19, 14 – n’est pas constitué, car cet interdit n’existe pas en matière de défenses rabbiniques.)

Lorsque l’achat de meubles et de vêtements en vue d’un mariage est indispensable, au point qu’y renoncer empêcherait le mariage de se tenir, un tel achat répond aux nécessités dudit mariage, si bien qu’il devient permis d’acheter ces choses durant les neuf jours, à condition que le fiancé n’ait encore jamais accompli la mitsva d’enfanter (Rama 551, 2, Michna Beroura 14). De nos jours, retarder les achats n’a pas pour effet de retarder le mariage, puisque l’on réserve une salle et que l’on envoie les invitations environ deux mois à l’avance ; on peut donc tout acheter avant ou après les neuf jours, si bien que la question des achats n’est en aucun cas susceptible de causer l’annulation du mariage. Ce n’est que dans des cas rares, lorsque la famille est en proie à une grande tension à la perspective de l’achat des vêtements, que l’on peut le lui permettre, tout comme on permet un achat dans le cas d’une grande nécessité. Concernant l’achat de livres d’étude toranique dont on se réjouit beaucoup, et dont nous avons écrit, en pratique, qu’il justifiait de dire la bénédiction Chéhé’héyanou (Pniné Halakha, Bénédictions, chap. 17 § 9), on peut les acheter pendant les trois semaines. On s’abstiendra simplement de les ranger dans sa bibliothèque ; puis, le Chabbat, on commencera d’y étudier, et l’on prononcera alors la bénédiction Chéhé’héyanou (cf. ci-dessus § 8) ; on les rangera dans sa bibliothèque à l’issue de Chabbat.

19. L’interdit du lessivage

Nos sages interdisent de lessiver le linge pendant la semaine où tombe le 9 av (Ta’anit 26b). C’est l’une des expressions du deuil que de cesser de se choyer et de se dorloter, en raison de la peine que l’on éprouve, et parce que l’on se sent concerné par la perte d’un défunt, ou par la destruction du Temple. Au titre de cet interdit figurent aussi le repassage des vêtements et leur nettoyage à sec.

Même s’il s’agit de laver des vêtements afin de les porter après le 9 av, cela reste interdit, car celui qui se livre à une activité de lessivage paraît détourner son esprit du deuil pour la destruction du Temple. Il est de même interdit de confier des vêtements à un blanchisseur non juif afin de les porter après le 9 av (Choul’han ‘Aroukh et Rama 551, 3, Michna Beroura 34).

De même qu’il est interdit de laver, il est interdit de porter, durant ces jours, un vêtement lessivé. De même, il est interdit de changer les draps d’un lit pour y mettre des draps lessivés, ou d’étendre une nappe lessivée sur une table. Dans le même sens, il est interdit de commencer l’usage de serviettes de toilette ou de serviettes de table lessivées.

Les Séfarades on coutume de respecter tous les interdits de lessivage exposés par la Michna, c’est-à-dire durant la semaine où tombe le 9 av uniquement. Les Ashkénazes, en revanche, sont plus rigoureux en la matière, et observent tous ces interdits depuis Roch ‘hodech du mois d’av. Toutefois, en l’honneur du Chabbat ‘Hazon, les Ashkénazes, eux aussi, ont l’usage de porter des vêtements de Chabbat lessivés (Gaon de Vilna, cf. Michna Beroura 551, 6).

Puisque l’interdit de porter des vêtements lessivés se poursuit quelques jours, on a coutume de préparer, pour la période de l’interdit, quelques vêtements déjà portés. On procède ainsi : on met, avant la période d’interdit, tour à tour plusieurs vêtements, chacun pendant une heure au moins ; de cette manière, ces vêtements ne seront plus considérés comme lessivés mais comme portés, et il sera donc permis de les mettre pendant la période d’interdit. Si l’on ne s’est pas préparé de vêtements avant la période d’interdit, on pourra prendre un vêtement lessivé, le jeter à terre, et même marcher dessus : il ne sera plus, dès lors, considéré comme lessivé, et l’on pourra donc le porter.

Il est permis de porter, durant ces jours, des sous-vêtements ou des chaussettes lessivés, et de remplacer les essuie-mains salis. En effet, puisque, de nos jours, on a l’habitude de les remplacer souvent, leur remplacement ne participe d’aucune volupté mais vise seulement à ôter ce qui est repoussant. Puisque l’on ne sait pas exactement quand ce linge usagé devient repoussant au point qu’il soit permis de le changer, il est bon, en cas de doute, de poser le linge lessivé sur le sol avant de l’enfiler. En cas de nécessité, lorsqu’il ne reste plus de sous-vêtements propres, il est permis d’en lessiver, même pour les besoins d’adultes ; en ce cas, quand c’est possible, il est bon de les ajouter à une machine où sont lavés des vêtements d’enfants[15].

Si sa chemise s’est salie, que la tache soit telle qu’il ne conviendrait pas de paraître ainsi devant les gens, et que l’on n’ait pas d’autre vêtement que l’on pourrait porter à la place, on pourra, pour l’honneur dû aux créatures, rincer la tache à l’eau. Si la tache n’est pas partie par l’effet de l’eau, on pourra s’aider de savon[16].

On ne porte pas de vêtements de Chabbat durant ces jours, même si ces vêtements ne sont pas lessivés. L’interdit s’applique, pour les Séfarades, à la semaine où tombe le 9 av, et, pour les Ashkénazes, à la période débutant le 2 av. De même, à l’issue de Chabbat ‘Hazon, il faut retirer ses vêtements de Chabbat.

Mais à l’approche d’une cérémonie de circoncision, le père, la mère, le mohel (circonciseur) et le sandaq (celui qui tient l’enfant sur ses genoux) se lavent et mettent des vêtements de Chabbat ; en cas de nécessité, on peut aussi se raser et se faire couper les cheveux pour une telle occasion. Ceux qui ont une proximité de premier degré à l’égard des parents du bébé (tels que leurs parents, frères et sœurs) sont autorisés à porter des vêtements sabbatiques, mais ne doivent pas se faire couper les cheveux. Les autres invités portent des vêtements honorables, mais non des vêtements spécifiquement sabbatiques (cf. Rama 551, 1, Cha’aré Techouva 3, Michna Beroura 3, Halikhot Chelomo 14, 9).


[15]. La coutume ashkénaze est de porter, pendant Chabbat ‘Hazon, des vêtements lessivés, conformément aux propos du Gaon de Vilna cités par le Michna Beroura 551, 6. En revanche, il n’y a pas lieu de changer les accessoires de literie [draps, taies d’oreiller, couettes…], car ce n’est pas une nécessité, comme l’écrit le Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 26. La parade consistant à jeter à terre des vêtements lessivés est citée par le Min’hat Yits’haq X 44 au nom du Kerem Chelomo. S’agissant des sous-vêtements et des chaussettes : dans les générations précédentes, l’usage était d’interdire d’en porter de lessivés, comme le laissent entendre le Michna Beroura 551, 6 et le Kaf Ha’haïm 91 au nom du Ben Ich ‘Haï. Mais de nos jours, nous sommes plus sensibles, et nous souffrons beaucoup de l’odeur que peuvent receler les sous-vêtements ou chaussettes ; aussi la position essentielle, parmi les décisionnaires, est-elle d’autoriser l’utilisation de sous-vêtements et de chaussettes lessivés. C’est l’opinion rapportée par le Pisqé Techouvot 551, 17. Cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 27, qui écrit qu’on les laisse à terre pendant un moment. Le Ben Ich ‘Haï, Devarim 6, autorise à lessiver des foulards, parce que l’on serait dégoûté de les porter autrement. La règle est la même s’agissant des sous-vêtements d’adultes : en cas de nécessité, il est permis de les lessiver pendant les neuf jours, de la même façon que les vêtements d’enfants, dont il sera question au paragraphe suivant.

Cirer des chaussures : pour la majorité des décisionnaires, ce n’est pas assimilé au lessivage, et il est donc permis de le faire durant la semaine où tombe le 9 av. C’est la position du Yabia’ Omer, Ora’h ‘Haïm III 31 et du Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 23. Le Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm III 80 ne le permet que si l’on s’abstient de les polir. Selon le Igrot Moché (III 79), le nettoyage à sec est interdit, au même titre que les autres lessivages. Signalons que, selon le Berit Kehouna, qui rapporte les coutumes de Djerba, et dans certaines communautés marocaines, on a coutume d’interdire le lessivage depuis Roch ‘hodech.

[16]. Il semble qu’un nettoyage circonscrit à une partie du vêtement, et fait à l’eau, ne s’inscrive pas dans le champ de l’interdit du lessivage ; c’est ce qu’estime le Guécher Ha’haïm 21, 10-11 au sujet des sept jours de deuil : selon lui, il est permis de laver, durant cette période, une tache avec de l’eau. C’est aussi l’opinion du Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 14. Si l’on ne peut sortir avec le vêtement sans qu’il soit nettoyé avec un peu de savon, on utilisera le savon, car on peut soutenir que le fait de gratter une tache tandis que l’on porte encore le vêtement sur soi ne peut être considéré comme un lessivage interdit ; de plus, l’honneur dû aux créatures est une grande chose, qui est même susceptible de repousser un interdit toranique.

20. Vêtements d’enfants ; hôpitaux

Les vêtements de bébés, que ceux-ci ont l’habitude de souiller, ne font pas partie de l’interdit. De même, il est permis de lessiver des draps et des couvertures d’enfants quand ceux-ci ont mouillé leur lit la nuit. Nombreux sont ceux qui ont coutume d’être indulgents, en cas de nécessité, en permettant de laver des vêtements de grands enfants, car eux aussi salissent leurs vêtements, et le fait de lessiver ne comporte, à leur égard, aucun élément de joie (Rama 551, 14). Jusqu’au Chabbat ‘Hazon, les Ashkénazes sont fondés à être indulgents, en cela, a priori (Michna Beroura 551, 82 d’après le ‘Hayé Adam). Après Chabbat ‘Hazon, en cas de grande nécessité, c’est-à-dire dans le cas où tous les vêtements se sont salis, au point qu’il serait laid d’en vêtir les enfants, on pourra être indulgent et permettre de les lessiver[17].

Quand on lave des vêtements d’enfants à la machine, il n’est pas permis d’y ajouter de vêtements de grandes personnes. S’agissant même des vêtements d’enfants, il est bon, quand c’est possible, de les faire sécher discrètement, à l’intérieur de la maison, afin de ne pas sembler s’abstenir de prendre le deuil.

Dans les hôpitaux, il est permis de changer les draps et de lessiver les vêtements des malades, comme on en a l’usage tout au long de l’année, car le propos est ici de conserver l’hygiène et d’empêcher des contaminations, et non d’augmenter le plaisir et le bien-être. Dans les auberges, les hôtels, il est permis de changer les draps en vue de l’arrivée des prochains pensionnaires, car les gens sont dégoûtés à l’idée de dormir dans les draps d’autrui (Tsits Eliézer XIII 61). A priori, il est bon, avant d’utiliser les draps et accessoires de literie nouveaux, que le pensionnaire les piétine quelque peu, afin qu’ils ne soient pas considérés comme lessivés ; de plus, il demandera au personnel de ne pas lui changer davantage ses draps et accessoires de literie, ce jusqu’à l’expiration du 9 av[18].


[17]. Selon le Rama 551, 14, il n’est pas d’usage de s’abstenir de lessiver les vêtements des petits, et la coutume veut que l’on soit indulgent jusqu’à l’âge de l’éducation, six ans. Et en cas de nécessité on étend le champ de l’indulgence. Le Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 16 écrit au nom du Rav Elyachiv que « l’on a coutume de considérer les enfants de huit ans comme des petits ». Il semble que, lorsqu’il s’agit d’enfants qui se salissent beaucoup, et quoiqu’ils soient plus grands, on les considère comme petits.[18]. Il est interdit à un Juif, durant la semaine où tombe le 9 av, de faire de la lessive pour des non-Juifs. Les Ashkénazes eux-mêmes ne sont rigoureux, en cela, que durant la semaine où tombe le 9 av (Michna Beroura 551, 43). L’interdit a pour cause la crainte de paraître faire de la lessive pour un Juif [marit ‘ayin : prise en considération de l’apparence]. Toutefois, s’il est manifeste que les vêtements sont ceux de non-Juifs, il sera permis de les lessiver. Un blanchisseur juif, qui n’aurait pas de quoi manger s’il n’exerçait pas son métier, pourra nettoyer les vêtements des non-Juifs durant ces jours (Michna Beroura 551, 42). Si l’on tire sa subsistance d’une blanchisserie, on est autorisé, même si l’on est ashkénaze, à être indulgent, et à faire fonctionner ladite blanchisserie jusqu’à Chabbat ‘Hazon. En effet, pour les Séfarades, il est encore permis de lessiver jusqu’alors, et, pour les Ashkénazes eux-mêmes, on a coutume d’être indulgent à l’égard de ceux qui n’ont qu’une tenue, ou en l’honneur du Chabbat. (Cf. Hilkhot ‘Hag Be’hag 4, 20, qui permet de travailler dans une blanchisserie, même dans la semaine du 9 av, si l’on risque d’être congédié. Tout cela mérite approfondissement ; cf. aussi op. cit. 4, 28.)

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