Pniné Halakha

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07. Apparence trompeuse (marit ‘ayin) ; induire un Juif en erreur

Quand nous disons qu’il est permis de louer un magasin ou une usine à un non-Juif, et qu’il est permis de donner un bien en métayage à un non-Juif, ce n’est que dans le cas où il n’est pas à craindre que les apparences soient trompeuses[a]. Mais si Juif est connu des observateurs, et que ceux-ci, voyant les ouvriers au travail pendant Chabbat, risquent de le suspecter de les employer pour travailler à son intention le Chabbat, il devient interdit à ce Juif de confier de telles exploitations au non-Juif, que ce soit sous forme de location ou de métayage.

C’est ce que veulent signifier les sages, lorsqu’ils disent qu’il est interdit à un Juif de donner à bail son établissement de bains à un non-Juif, que ce soit sous forme de location ou de bail à partage de bénéfices. Cela, parce que l’on avait l’habitude, à l’époque talmudique, de faire fonctionner les bains publics par le biais d’ouvriers journaliers ; or ceux qui voyaient les bains fonctionner le Chabbat pouvaient suspecter le propriétaire juif de profaner le Chabbat en faisant travailler des ouvriers ; il était donc à craindre que l’institution sabbatique n’en fût atteinte[b], et que d’autres personnes n’employassent des ouvriers non-juifs le Chabbat. Toutefois, s’il est notoire auprès du public que le Juif donne à bail l’établissement de bain au non-Juif, cette location devient permise. De même, si l’usage majoritaire, dans telle ville, est de donner l’établissement de bains à bail assorti de partage des bénéfices, le bail à partage de l’établissement devient permis à l’égard d’un non-Juif (Choul’han ‘Aroukh 243, 1-2)[8].

La règle est la même s’agissant d’un magasin : s’il est notoire que le magasin est tenu par un Juif, il est interdit de le louer à un non-Juif pour qu’il le fasse fonctionner le Chabbat, car on craint que l’apparence ne soit trompeuse. Mais si l’on fait connaître au public que le non-Juif est locataire du magasin durant le Chabbat, cela n’est pas interdit.

Même lorsqu’il est à craindre que des Juifs qui profanent le Chabbat n’entrent dans le magasin loué par le non-Juif, et n’y achètent des articles, la location au non-Juif n’est pas interdite ; en effet, les Juifs qui profanent le Chabbat pourraient aussi bien acheter dans un autre magasin, de sorte que l’on ne considère pas que le patron juif les aide à commettre une transgression. Mais s’il est à prévoir que la majorité des acheteurs qui fréquentent le magasin pendant Chabbat sont juifs, et que l’institution sabbatique n’en soit atteinte, il sera interdit de donner le magasin à bail à un non-Juif ayant l’intention de l’ouvrir pendant Chabbat (cf. Tsits Eliézer XIII 39)[9].


[a]. Littéralement : « Si “l’apparence visuelle” (marit ‘ayin) n’est pas à craindre ».

[b]. Littéralement : « il était donc à craindre qu’il n’y eût une brèche dans la muraille du Chabbat ».

 

[8]. Les sages distinguent cependant le cas où la mélakha se fait en dehors de la zone d’habitation sabbatique (te’houm ; cf. chap. 30) : en ce cas, l’apparence trompeuse (marit ‘ayin) n’est pas à craindre (Choul’han ‘Aroukh 244, 1). Il faut aussi savoir que, dans les grandes entreprises, où la perte serait très importante si elles ne fonctionnaient pas le Chabbat, il est permis de prévoir un bail à partage avec un non-Juif, même quand le nom du patron est notoirement associé à l’entreprise. Il est même permis a priori d’acheter une telle affaire sur cette base (244, 6). Même s’il ne s’agit que d’éviter un grand manque à gagner, on peut être indulgent (Igrot Moché, Ora’h ‘Haïm IV 53). On peut également louer ces entreprises à un non-Juif pour tous les Chabbats de l’année (Rama ad loc.) ; en ce cas, il est bon de faire débuter la location le vendredi, quelques heures avant Chabbat, afin que la location du Chabbat soit absorbée au sein des heures de la semaine (cf. Béour Halakha ad loc. ד »ה דבמקום et Michna Beroura 243, 16). On peut ajouter que, dans les grandes entreprises, l’apparence trompeuse est moins à craindre, car leur manière d’administrer leurs affaires est connue.

 

De prime abord, il semble que, dans notre cas, l’interdit de marit ‘ayin constitue une norme rabbinique destinée à protéger une autre norme rabbinique. En effet, l’interdit de demander un travail à un non-Juif est lui-même de rang rabbinique. Pourquoi faut-il donc, quand il n’y a pas, en pratique, de demande faite à un non-Juif, décréter un interdit destiné à éviter une apparence trompeuse ? Le Peri Mégadim (Michbetsot Zahav 244, 1) explique que l’interdit de demander une mélakha à un non-Juif s’appuie sur un verset de la Torah ; aussi a-t-on été rigoureux quant à son application.

[9]. Dans le même ordre d’idées, les responsa Binyan Tsion 15 et Méchiv Davar 2, 31 autorisent à confier un travail à un non-Juif qui, lui-même, a des ouvriers juifs, lesquels sont peut-être susceptibles de travailler pendant Chabbat pour les besoins du commanditaire juif. En effet, même sans celui-ci, ils auraient profané le Chabbat, de sorte que le principe « ne place pas d’obstacle devant un aveugle » (lifné ‘iver) n’a pas lieu de s’appliquer ici. [Lifné ‘iver est l’interdit d’induire à la faute son prochain ; cf. chapitre suivant.] Si c’est pendant Chabbat que l’on avait donné ce travail à faire, c’eût été constitutif de l’interdit d’aider son prochain à fauter ; mais si le travail a été confié avant Chabbat, cet interdit n’est pas constitué. C’est aussi ce que rapporte l’auteur du Amira Lenokhri 77, 16. De même, le Maharcham 2, 184 permet de donner à bail un appartement à des Juifs qui profanent le Chabbat.

 

Mais quand la majorité des acheteurs sont des Juifs, qui commettraient là des interdits sabbatiques, le Tsits Eliézer XIII 39 interdit la location. Il semble nécessaire d’être rigoureux en cela, quand l’institution sabbatique risque d’être atteinte.

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