Pniné Halakha

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06 – Mouqtsé le Yom tov : cas de plus grande rigueur

En certaines matières relatives aux lois de mouqtsé, les sages ont été plus sévères à l’égard du Yom tov qu’à l’égard du Chabbat, parce qu’ils ont craint que, en raison de la permission de faire des mélakhot pour les besoins alimentaires du Yom tov, les gens n’en viennent à s’autoriser des indulgences à l’égard de mélakhot qui sont, elles, interdites pendant Yom tov. Quand les gens verront donc que l’on est plus rigoureux en matière de mouqtsé, ils prendront soin de vérifier, en tout domaine de la loi, ce qui est permis le Yom tov et ce qui est interdit.

Il est admis, en halakha, que lorsque le mouqtsé est une chose « née » (nolad) pendant Chabbat, son statut est plus rigoureux. En d’autres termes, quand une chose est une pure création sabbatique, comme de la cendre de bûches qui ont brûlé pendant Chabbat, cette chose est mouqtsé, à l’égard du Chabbat comme du Yom tov (Choul’han ‘Aroukh 498, 15, Michna Beroura 77). Mais quand la chose « née » ne peut être considérée comme entièrement nouvelle, cette chose n’est pas mouqtsé le Chabbat ; ainsi, par exemple, d’os qui restent après que l’on a consommé de la viande, puisqu’ils conviennent encore à l’alimentation d’animaux. Le Yom tov, par contre, ces os seront mouqtsé, puisque, d’un certain point de vue, ils sont une création du jour. En effet, auparavant, la viande était préparée pour l’alimentation humaine, les os étant inclus en elle et lui étant accessoires ; tandis que, après que la viande a été mangée, une chose nouvelle est apparue : des os convenant à l’alimentation d’animaux (Michna Beroura 495, 17). Par conséquent, il est permis, le Chabbat, de déplacer les os restants après la consommation de la viande, et tel est l’usage de nombreuses personnes que de déplacer ces os afin de les donner aux chiens ou aux chats. Mais le Yom tov, ces os sont mouqtsé ; il est dès lors interdit de les déplacer et de les donner aux animaux. Toutefois, il est permis de les ôter de la table, de même qu’il est permis d’ôter des épluchures, ou toute chose qui dérange l’homme[8].

Mais les Richonim sont partagés quant au fait de savoir à quel point on est plus rigoureux le Yom tov. Certains disent que ce n’est qu’à l’égard d’un mouqtsé « né » pendant Yom tov que l’on est rigoureux (Roch, Rama). D’autres estiment que la rigueur de Yom tov inclut toutes les choses que, d’un côté, l’homme n’a pas exclues entièrement de sa pensée, et que, de l’autre, il n’avait pas prévu d’utiliser. Le Chabbat, elles ne sont pas mouqtsé, puisqu’on ne les a pas mises à l’écart de sa pensée ; mais le Yom tov, où l’on est plus sévère, elles sont mouqtsé, puisqu’on n’y avait pas pensé spécialement (Rif, Maïmonide, Choul’han ‘Aroukh 495, 4).

Par exemple si l’on a une vache destinée à la traite, ou une poule qu’on élève pour ses œufs, et que, le Yom tov, on change d’avis et l’on souhaite les abattre : selon l’avis indulgent, elles ne sont pas mouqtsé, puisqu’on ne les a pas exclues spécialement de sa pensée ; selon les auteurs rigoureux, elles sont mouqtsé, puisqu’on n’a pas pensé, avant Yom tov, qu’on les destinait à l’abattage (Chabbat 19b, Michna Beroura 495, 15). Mais si la vache est devenue gravement malade, de sorte que, si on ne l’abattait pas, elle mourrait, et l’on en perdrait la viande, ceux-là même qui ont coutume d’être rigoureux sont autorisés, en raison de la pressante nécessité, à s’appuyer sur l’opinion des décisionnaires indulgents et à l’abattre pendant Yom tov (‘Hazon ‘Ovadia p. 19).

De même, un grossiste qui a dans son entrepôt des produits alimentaires, dont il n’a pas l’intention de faire usage les jours de Chabbat et de Yom tov : si, un Chabbat, se fait sentir la nécessité de prendre des aliments de l’entrepôt, ces aliments ne sont pas mouqtsé, puisque le grossiste ne les a pas explicitement mis à l’écart de son esprit. Selon les décisionnaires indulgents, la règle sera la même le Yom tov ; mais selon les décisionnaires rigoureux, dans la mesure où le grossiste n’a pas pensé s’en servir, les aliments sont mouqtsé pendant Yom tov. En revanche, s’agissant d’un patron d’épicerie qui a l’usage de prendre des produits de son magasin, de temps en temps, le Chabbat, tout le monde s’accorde à dire que, même le Yom tov, les aliments qui sont dans son magasin ne seront pas mouqtsé (Michna Beroura 495, 15, Béour Halakha ad loc., passage commençant par Sagué, Choul’han ‘Aroukh 517, 1)[9].


[8]. La permission de les ôter de la table dérive du statut du pot de chambre [qu’il est permis d’éloigner en raison du dégoût qu’il inspire]. Et puisque aussi bien on les ôte de la table, il est permis de les donner aux animaux (Les Lois de Chabbat II 23, 12). Toutefois, si des déchets d’autres sortes sont mêlés aux os, il est interdit de saisir ceux-ci pour les séparer : il faut tout jeter à la poubelle, ou tout mettre dans la cour.

Plusieurs A’haronim écrivent qu’il faut avoir soin de ne pas mettre les os dans une assiette, car cela annulerait la destination de celle-ci, à moins que l’on n’y mette une chose plus importante : par ce biais, on pourra la déplacer également après cela (Hilkhot Mo’adim 6, 21, ‘Hazon ‘Ovadia p. 27). Mais leurs paroles sont difficiles à comprendre, car nous avons vu qu’il est permis [le Yom tov] de déplacer du mouqtsé pour les besoins de l’alimentation [cf. § 5, second cas d’indulgence] : si donc on est amené à avoir besoin de cette assiette, on sera autorisé à en enlever les os ; par conséquent, on n’aura point fait obstacle à la disponibilité de l’ustensile. Comme l’écrit le Téhila lé-David 266, 7 en matière de Chabbat, il est permis de mettre un ustensile mouqtsé par destination (keli ché-mélakhto lé-issour) sur un ustensile autorisé, car le premier ne fait pas obstacle, par cela, à la disponibilité du second.

[9]. Rabbi Yehouda et Rabbi Chimon controversent en matière de mouqtsé. Selon Rabbi Yehouda, c’est seulement les choses dont on pensait vouloir se servir pendant Chabbat qu’il sera permis de déplacer, tandis que les choses auxquelles on ne pensait pas sont mouqtsé, bien qu’on ne les ait pas spécialement exclues en pensée. Selon Rabbi Chimon, en revanche, seules les choses que l’on a exclues en sa pensée, en formant l’intention de ne pas s’en servir, sont mouqtsé, tandis que les choses non spécifiées, dont on ne pensait simplement pas vouloir se servir pendant Chabbat, ne sont pas mouqtsé.

Le Chabbat, il est admis de trancher suivant l’opinion de Rabbi Chimon. Aussi, les produits alimentaires destinés au commerce ne sont point mouqtsé puisqu’on ne les a pas spécialement exclus de sa pensée (Choul’han ‘Aroukh 310, 2). Mais s’agissant de Yom tov, les sages de la maison d’Hillel disent, dans la Michna (Beitsa 2a) : « Un œuf pondu pendant Yom tov ne sera pas mangé » ; et la Guémara cite plusieurs explications à cela. L’opinion de Rav Na’hman est que la chose est interdite au titre de mouqtsé ; certes, le Chabbat, on est indulgent, conformément à l’opinion de Rabbi Chimon, mais c’est parce que le Chabbat a un statut plus rigoureux, de sorte qu’il n’est pas à craindre qu’on le prenne à la légère ; tandis qu’il est à craindre que le Yom tov, dont le statut est plus léger, soit pris à la légère, puisqu’il est permis d’y faire des mélakhot pour les besoins de l’alimentation. C’est pourquoi les sages ont été plus rigoureux en matière de mouqtsé, conformément à l’avis de Rabbi Yehouda (Beitsa 2b). La Guémara apporte d’autres explications à l’opinion de la maison d’Hillel.

En pratique, selon le Rif, Maïmonide, Na’hmanide, le Rachba, Rabbi Aaron Halévi et le Choul’han ‘Aroukh 495, 4, la halakha, le Yom tov, est conforme à l’avis de Rabbi Yehouda, qui est rigoureux en matière de mouqtsé. Selon le Halakhot Guedolot, Rabbénou Yits’haq, Rabbénou Tam, le Roch et le Rama, la halakha suit, le Yom tov également, Rabbi Chimon qui est indulgent. Cependant, le Rama estime que, en tout état de cause, on est rigoureux en matière de choses « nées » (nolad) pendant Yom tov, plus qu’on ne l’est le Chabbat, comme l’écrivent Rabbénou ‘Hananel et le Roch (Beitsa 5, 14). C’est ce qui est admis parmi ceux des A’haronim qui suivent l’opinion du Rama.

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