Pniné Halakha

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08. Conservation des deux jours de fête à notre époque

La halakha veut que, lorsqu’il n’y a pas de beit-din qui puisse consacrer les mois d’après la déposition de témoins, Roch hachana soit fixé selon le compte interne au calendrier hébraïque. Près de trois cents ans après la destruction du deuxième Temple (en l’an 4119 de notre calendrier, 359 de l’ère civile), Hillel II, président du beit-din, vit que l’on ne pourrait plus maintenir la juridiction qui consacrait les mois. Il rassembla donc son beit-din et mit au point un calendrier perpétuel ; il consacra alors, en se basant sur ce calendrier, tous les mois qu’il y aurait à l’avenir, jusqu’à ce que le beit-din soit rétabli en son lieu (Maïmonide, Qidouch Ha’hodech 5, 2 ; Pniné Halakh – Zemanim, Fêtes et solennités juives I chap. 3, note 3).

De prime abord, dès cette époque, il n’eût plus été nécessaire d’observer deux jours de Roch hachana, puisque chacun pouvait savoir, en se fondant sur le calendrier, quand aurait lieu la néoménie de tichri, c’est-à-dire Roch hachana. Mais de même que les sages avaient prescrit aux communautés de diaspora de perpétuer leur coutume, et d’observer deux jours pour chacune des fêtes, de même prescrivirent-ils aux habitants de la terre d’Israël de perpétuer leur propre coutume, et d’observer deux jours de Roch hachana. On peut dire que le fait même que l’on dût observer deux jours de fête à l’époque où l’usage était conforme à la Torah, et où l’on consacrait le mois d’après la déposition de témoins, laisse entendre que telle est bien la conduite qu’il convient d’observer[5].

Comme pour toute la Torah, le point de vue halakhique répond au point de vue spirituel. Le Zohar (III 231a) explique ainsi que, en raison de la gravité du jugement, les sages ont vu la nécessité d’ajouter un jour, afin que le jugement provienne aussi de la miséricorde, et qu’il s’adoucisse par cela. En effet, s’il n’y avait qu’un jour, le monde pourrait être détruit en raison de la gravité du jugement.

Il faut encore expliquer que si l’on doit, en diaspora, observer deux jours pour toutes les fêtes, c’est parce que l’on y est éloigné du dévoilement de la sainteté ; en terre d’Israël, en revanche, où la sainteté se révèle davantage, on peut recueillir toute la sainteté de la fête en un seul jour. Cela peut se comparer à une torche : quand elle éclaire un lieu proche, sa lumière est forte et concentrée en une superficie réduite ; quand elle éclaire un endroit éloigné, sa lumière et faible et se disperse sur un périmètre étendu. Roch hachana, jour mystérieux et ineffable, requiert, même en terre d’Israël, deux jours pour qu’on en puisse recueillir la lumière.

On peut dire que les prières du premier jour sont essentiellement orientées vers des questions d’intérêt collectif : que, durant la nouvelle année, nous méritions de voir se révéler la royauté divine sur son peuple Israël, à Sion, résidence de sa gloire, au point que tout ce qui porte une âme en son sein proclame : « L’Éternel, Dieu d’Israël, est roi, et sa royauté s’étend à tout. » Grâce à cela, le monde entier jouira de la bénédiction et de la paix. Quant au second jour, institué pour nous par les sages, nous y prions pour que toutes les grandes idées se révèlent également dans notre vie individuelle, afin que nous aussi, dans nos vies pratiques, nous soyons associés à la révélation de la gloire divine dans le monde, et pour que nous jouissions de la bénédiction divine à cette fin[6].


[5]. Certes, quelques-uns des plus grands Richonim (Rabbénou Ephraïm, Rabbi Zera’hia Halévi) pensaient que, en terre d’Israël, il fallait observer un seul jour de fête, puisque, au lieu même du beit-din, on savait quand les juges avaient consacré le mois et quand tomberait la fête ; et puisque l’ensemble de la terre d’Israël pouvait valablement servir de siège au beit-din, il fallait observer, en terre d’Israël, un jour seulement.

Mais en pratique, de l’avis d’une nette majorité de Richonim, il faut, en terre d’Israël également, observer deux jours de Roch hachana ; car en fait, à l’époque même où les juges consacraient le mois d’après la déposition de témoins, on observait deux jours dans tout le pays.

Même à Jérusalem, où siégeait le beit-din, quand les témoins ne se présentaient pas le premier jour, on observait deux jours de Roch hachana. Certes, les témoins arrivaient presque toujours le trentième jour ; mais puisque l’on devait parfois faire deux jours de plein droit – quand les témoins arrivaient après Min’ha du premier jour (Roch Hachana 30b, Beitsa 4b, comme on le verra au prochain paragraphe) –, on devait, même à Jérusalem, observer deux jours (Maïmonide, Qidouch ha’hodech 5, 8 ; Roch sur Beitsa 1, 4). De plus, les sages faisaient mesure égale, et ne voulaient pas séparer Jérusalem du reste du pays ; aussi ont-ils prescrit à tous d’observer deux jours ; de même qu’ils décrétèrent que tous les Juifs de diaspora observeraient deux jours pour toutes les fêtes, bien que, dans certaines contrées, les émissaires arrivassent avant Chemini ‘Atséret et le septième jour de Pessa’h (Roch Hachana 21a ; cf. Na’hmanide, Mil’hemot 3, 1 dans la pagination du Rif ; Rachba sur Beitsa 5b, passage commençant par Amar).

[6]. Le Zohar sur la paracha Pin’has (231b) explique que le premier jour est un « jugement sévère », le second un « jugement clément ». L’idée est claire : le premier jour est d’institution toranique, le second a été institué par les sages. (Pas si clair que ça pour moi.) Selon le Cha’ar Hakavanot (Drouché Roch Hachana 2), le premier jour est celui du tiqoun pnimiout ze’er anpin (« amendement de l’intériorité du petit visage » [agencement de six des séfirot, véhicules divins théorisés par la Kabbale]), le second celui de ‘hitsoniout ze’er anpin (« extériorité du petit visage »). Pour le Qitsour Hakavanot (Roch hachana p. 110) de Rabbi Moché ‘Haïm Luzzato, le premier jour est l’amendement de Léa et la couronne de Rachel, le second l’amendement de la sagesse de Rachel. Selon le Chem Michemouel (Roch hachana 5673, passage commençant par Ita békitvé), le premier jour est celui du jugement sévère dans le domaine touchant au divin, le second celui du jugement clément quant aux activités de ce monde (cf. Har’havot).

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